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Culture numérique

Les câbles de l’Afrique

Le 22 avril, dans un article provocateur (Faut-il mettre un terme à l’aide à l’Afrique ?), je publiais une carte représentant la capacité des câbles sous-marins installés sur la planète à usage des télécoms (phonie, internet).

Cette carte montrait un dérisoire petit fil longeant les côtes de l’Afrique de l’Ouest alors qu’une nappe intense relie l’Europe à l’Amérique et l’Asie à l’Amérique.

J’ai voulu en savoir davantage sur ce sujet très particulier et dont on n’entend pas parler ou si peu.

Le petit fil est en fait le câble SAT-3 en service depuis 2002 qui relie, seul de son état, le Portugal et l’Espagne à l’Afrique du Sud via des “escales” aux Canaries, Dakar, Abidjan, Accra, Cotonou, Lagos, Douala, Libreville et Cacuaco (Angola). Au-delà de l’Afrique du Sud, ce câble, appelé SAFE, rejoint l’Ile Maurice et l’Inde.

Depuis quelques mois, les choses changent et s’accélèrent véritablement. On est en droit de penser que l’Afrique s’ouvre enfin aux télécommunications rapides. C’est à l’Est du continent qu’a été inauguré en juillet de cet été un câble optique connectant l’Afrique du Sud au Mozambique, à la Tanzanie, mais aussi à Marseille, Londres et Bombay: SEACOM. Seul perdant de ce câble, la Somalie qui n’est pas connectée.

Le mouvement ne s’arrête pas là.

En Afrique de l’Ouest, deux câbles vont être mis en service: GLO-1 en fin d’année et MalN-OnE dans un an.

A l’est du continent, ce sont TEAMs et EASSYs.

Mais ce n’est pas tout.

France Telecom installe un troisième câble: ACE qui, prévu initialement pour relier la France au Gabon, sera prolongé jusqu’en Afrique du Sud (2011). Le consortium est composé actuellement de 17 opérateurs dont toutes les filiales africaines d’Orange.

Un quatrième câble; WACS, est prévu pour 2011 également et reliera l’Afrique du Sud à l’Angola, le Congo, le Cameroun, le Nigeria, le Togo, le Cap Vert, les Canaries, le Portugal et le Royaume Uni.

Que dire de cette formidable explosion ?

Il est évident, et la Banque Mondiale le souligne, que l’ouverture du Continent à l’internet ne peut qu’être une source de développement économique et culturel: Education, Médecine, Information, Tourisme, Commerce, Démocratie, … ne peuvent qu’y gagner.

Voici quelques mois, les commentateurs étaient nombreux à supputer une appropriation occidentale du secteur des télécoms africaines. France Telecom et Orange faisant office d’épouvantails, accusés qu’ils sont d’être souvent en position dominante, aussi bien dans les câbles que dans les réseaux d’opérateurs. Mais les choses ne se passent pas ainsi et sont loin d’être aussi simples que cela. Si ACE est une réalisation majoritairement ( et de loin !) France Telecom, ce n’est pas le cas des autres tuyaux.

SEACOM appartient aux 3/4 à des investisseurs africains dont certains sont le bras armé de la Fondation pour l’Economie du Prince Karim Aga Khan IV du Pakistan.

EASSYs est à 90% africain.

TEAMs appartient au Kenya (85%) et le reste aux Emirats Arabes Unis.

Tata (Inde) et MTN (Afrique du Sud) sont présents dans WACS.

Du coté des opérateurs, la fébrilité est identique. Le marché des télécoms est extrêmement prometteur, sa croissance promet d’être rapide. Aussi, les candidats sont nombreux. Si Vivendi et Orange se partagent encore une bonne part de l’Afrique de l’Ouest, ils vont rapidement rencontrer des challengers venus d’Asie, du Proche-Orient ou d’Afrique du Sud. Et des challengers qui ont la dent dure.

Vivendi n’a pas réalisé la fusion souhaitée avec Zain (Koweit). Il s’en est fallu d’un ou deux milliards d’Euros.

MTN (Afrique du Sud) et Bharti Airtel (Inde) ont eu des discussions en vue d’une fusion qui en aurait fait le 3° opérateur mondial de mobiles.

Cette forte concurrence entre opérateurs venus des quatre horizons devrait faire baisser de façon très importante le coût des communications. Au Mali, une offre spéciale Ramadan a entraîné récemment une quasi saturation des réseaux tant la demande est forte. Mais pour que le tableau soit complet, il faudrait que l’Afrique mette en place très rapidement une gouvernance internationale spécifique en ce domaine. Marchés, tarifs, tout est à maîtriser. Et puis, si les pays côtiers sont reliés au monde, les pays de l’intérieur risquent de rester tributaires des liens existants et peu nombreux. Pour exemple, le Mali est relié actuellement à SAT-3 par deux fibres optiques, l’une via Dakar et l’autre via Abidjan.

Pour conclure sur ce thème des télécoms en Afrique et surtout sur les câbles sous-océaniques, je dirai qu’il est quasiment inexistant sur l’internet. Par grande chance, il existe le site de Steve Song: (http://manypossibilities.net/). Steve est un spécialiste sud-africain des télécoms et un passionné de l’étude de l’influence des communications et de l’internet sur nos vies et modes de vie. Son site contient une carte de tous les câbles desservant l’Afrique. La voici datée de Juillet 2009.

Câbles de l’Afrique (C)Steve Song

Elle est régulièrement mise à jour par Steve, et c’est pourquoi je vous donne aussi le lien pour l’ouvrir en SVG: (http://manypossibilities.net/wp-content/uploads/2009/07/cable_map18.svg) . Merci infiniment à Steve Song (Thank You Steve) et n’hésitez pas à lire sa page OpenConcept 1.0.

A lire également ce post (http://blog.mondediplo.net/2009-09-29-L-Afrique-nouvel-eldorado-des-telecommunications) du Monde diplomatique .

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Le Monde

Le Monde, ses lecteurs et sa médiatrice

L’article n’est pas d’aujourd’hui, mais du numéro daté 4-5 mai. Il est signé par la Médiatrice, Véronique Maurus, et vise à dresser un inventaire des commentaires des lecteurs quant à la crise du « Monde ». Pas les mêmes lecteurs que ceux dont j’ai analysé les points de vue ici (La-situation-du-Groupe-Le-Monde). Non, il s’agit des lecteurs qui ont pris la peine d’écrire une lettre papier ou, à la rigueur, une lettre électronique. Nous ne savons pas combien ils sont, mais nous savons qu’ils se sont  »exprimés sur un ton navré, mais courtois – loin, très loin des perfidies relevées sur la Toile ».

En une demi-phrase, en fait en 9 mots, est éliminé un aspect fondamental de la crise de la presse en général et de la crise du Monde en particulier. Il ne sera plus question de la Toile, de l’Internet, du Web tout au long des 971 mots que comporte cet article. Les lecteurs qui ont choisi ce média pour exprimer leur opinion ne sont pas dignes d’être pris en considération ( »fauteurs de perfidies ! »).

Et pourtant le rôle que joue le web dans la prise en compte de l’information, dans sa diffusion, dans la confrontation des points de vue différents, dans la circulation des idées, (y compris parfois des idées fausses, mensongères ou dangereuses …) est impérativement à prendre en considération si l’on veut définir un quotidien papier qui ait un SENS et une RAISON de vivre.

Véronique Maurus nous convie à une gentille analyse des lecteurs qui expriment leur sympathie au personnel, à la direction ou aux deux et qui proposent quelques pistes de réforme:

  • augmenter le prix de l’abonnement, le prix de vente au numéro, créer des abonnements de soutien, devenir un quotidien du matin …
  • supprimer les suppléments: NYT, Monde2, supplément montres, …
  • enfin, se recentrer sur ce qui fait la personnalité du journal, l’information, l’analyse, l’investigation …

En lisant ce que pensent les lecteurs qui s’expriment sur lemonde.fr, elle aurait trouvé la même chose, mais dite avec plus de « violence ». Peut-être se serait-elle interrogée sur son lectorat, celui de son journal ? Et se serait-elle demandée pourquoi tant de lecteurs dénoncent-ils avec tant d’acharnement Le Monde2 ? Il y a là-dedans comme de l’amour-haine !!

Et pourquoi tant de lecteurs veulent revenir à un journal sérieux, qui ne fait que de l’information et de l’analyse de fond, qui a ses références auprès de Hubert Beuve-Méry ou Robert Escarpit, qui doit rejeter le sport vers l’Equipe, l’auto vers l’Auto-Journal, la mode vers Elle, les sciences vers Science et Vie…, etc … etc …mais qui doit nous éclairer sur les crises planétaires, …

Entre un quotidien qui évolue, qui cherche à s’adapter au 21° siècle, qui s’enrichit de suppléments parfois audacieux, qui se double d’une version électronique, et une partie du lectorat qui se raidit et se crispe parce que ces innovations ne relèvent pas de l’image qu’elle se fait de son journal, n’est-il pas en train de naître un véritable hiatus ? Déjà certains lecteurs parlent de désabonnement, de désaffection, de désenchantement.

Il est peut-être dur de lire les perfidies du Web, mais c’est sans doute là qu’on trouve les cris du cœur.

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Comment le web (peut) change(r) Le Monde

Dans mon précédent post (La-situation-du-Groupe-Le-Monde) consacré à la situation dans le Groupe Le Monde, je concluais en parlant de l’avenir qui ne passait que par l’ouverture, la découverte, la jeunesse et l’internet !

Pour être plus précis, je parlerai du web et vous renverrai au chapitre 8 du bouquin de Francis Pisani et Dominique Piotet « Comment le web change le monde ».

Il y est question du web, des multitudes et de leurs médias. Et il y est très clairement expliqué pourquoi les médias traditionnels et notamment les grands quotidiens se voient contestés par le web et ses usagers actifs au cœur même de leurs fonctions de production de l’info, d’organisation et de présentation de l’info, de distribution de l’info et enfin de relation entre le journaliste et le lecteur.

Les liens entre le Monde.papier et lemonde.fr doivent dépasser la simple complémentarité. Au premier, le recul par rapport aux faits, au travers de l’analyse, de la réflexion, de la comparaison. Au premier toujours, la découverte des idées nouvelles, des nouveaux courants,nouvelles pensées, arts nouveaux. Au second, l’immédiateté, la multiplicité des liens, la réactivité, la confrontation avec les réactions des « autres » sur le même thème. Au second toujours, la capacité d’archivage, d’historicité, avec la profusion des liens, …

Puissent les salariés du journal, les rédacteurs en premier, et la direction comprendre cette ardente obligation et la faire partager à leurs lecteurs !

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Droits de l'homme

Perwiz Kambakhsh

Un tribunal du nord de l’Afghanistan a condamné à mort mardi 22 janvier, un journaliste afghan détenu depuis octobre pour “blasphème”. Perwiz Kambakhsh, âgé de 23 ans, a été jugé, à huit clos, sans avocat, par le tribunal de la province de Balkh (nord). Il a été arrêté le 27 octobre 2007 pour avoir, selon le jugement, distribué à ses camarades d’université un article “insultant pour l’islam et interprétant de manière erronée des versets du Coran”. L’article incriminé porte sur l’interprétation de versets du Coran sur les droits de la femme. Etudiant à l’université de Balkh et reporter dans un journal local, Jahan-e Naw (Nouveau Monde), il a fait appel de sa condamnation”. (AFP.)

Ce cas rejoint, en raison du contenu même des idées qui sont défendues par leurs auteurs respectifs, celui de Kareem Amer, jeune blogueur égyptien condamné à rester encore trois ans en prison. Pour quelques informations supplémentaires, voir Reporters Sans Frontières qui, je le souhaite, ouvrira une pétition pour Perwiz, comme pour Kareem.

Perwiz Kambakhsh (DR)