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Culture numérique

Réseaux sociaux

Depuis juin 2009, soit depuis 3 ans et demi, Vincenzo Cosenza, auteur du blog Vincos (http://vincos.it/), publie tous les six mois la carte du monde de l’expansion des réseaux sociaux, plus exactement du réseau dominant dans chaque pays. Une publication chronologique de toutes les cartes s’avère passionnante.

En juin 2009, Facebook (http://www.facebook.com/) achève sa domination sur la quasi totalité de l’Europe occidentale. La Chine ne jure que par QQ (http://www.qq.com/). La Russie se consacre à V Kontakte (http://vk.com/). Le Brésil et l’Inde garde confiance en Orkut (http://www.orkut.com/). Et les pays arabes comme la Libye, l’Arabie, le Yemen sacrifient à Maktoob (http://en-maktoob.yahoo.com/?p=xa). Quant à l’Afrique, ce n’est presque qu’un grand désert !

Juin 2009-Carte mondiale (DR)


Six mois plus tard, en décembre 2009, nouvelle carte. Sur 127 pays analysés, Facebook est en tête pour 100 d’entre eux, avec un total de 350 millions d’usagers enregistrés. V Kontakte et QQ préservent leurs territoires respectifs. Orkut perd l’Inde. Maktoob n’a plus d’audience préférentielle dans les pays arabes. Et l’Afrique n’est qu’un grand désert.

Carte mondiale-Décembre 2009 (DR)


En 2010, l’hégémonie de Facebook ne fait que se confirmer. 111 sur 131 pays examinés placent Facebook en tête, la Chine et l’ex-Union Soviétique conservent leurs réseaux. Le Brésil fait encore bande-à-part avec Orkut. L’Iran fait confiance à Cloob (http://www.cloob.com/profile/login/authenticate). Et en Europe, seules la Hongrie, la Pologne et la Hollande résistent. Quant à l’Afrique, notamment sub-saharienne et centrale …

Carte mondiale-Juin 2010 (DR)


Fin 2010, nouvelle carte du monde. Facebook revendique 600 millions de membres. Il est en tête dans 115 pays sur 132 analysés. Suivent dans l’ordre ou dans le désordre Twitter (https://twitter.com/) et LinkedIn (http://fr.linkedin.com/). Il y a en fait peu de mouvements, si ce n’est que la Pologne et la Hongrie rejoignent le leader. En Afrique, il n’est pas utile d’en parler …

Carte mondiale-Décembre 2010 (DR)


Juin 2011, Facebook a 700 millions d’inscrits et confirme sa suprématie, y compris sur des pays comme l’Iran ou la Syrie … quand il n’est pas censuré ! Mixi (http://mixi.jp/), au Japon, Orkut au Brésil conservent leurs positions. QQ, devenu QZone, étend son influence sur la Corée du Sud, tandis que V Kontakte se fait contrer sévèrement par Odnoklassniki (http://www.odnoklassniki.ru/). Parmi les poursuivants, Twitter domine LinkedIn.

Carte mondiale-Juin 2011 (DR)


Encore six mois et nous voici en décembre 2011. Facebook compte 800 millions d' »Amis ». Il a mis « à la raison » les Hollandais, les Brésiliens … pour le Japon, on ne sait pas très bien en raison de la présence de nombreux réseaux: Mixi, mais également Gree, Mobage … bref 127 pays sur 136 analysés accordent leur préférence à Facebook. De nouveaux pays africains sont analysés, mais il reste encore bien des « blancs ».

Carte mondiale-Décembre 2011 (DR)


Juin 2012, il y a six mois, nouvelle carte. Voici trois ans, lors de la première analyse, les réseaux sociaux classés en tête étaient au nombre de 17, ils ne sont plus maintenant que 7. Et parmi eux, le Cloob, réseau d’Etat de l’Iran, Zing (http://news.zing.vn/) au Vietnam et Draugiem (http://www.draugiem.lv/) en Lettonie. C’est dire que la carte devient de plus en plus unicolore.

Carte mondiale-Juin 2012 (DR)


Enfin, décembre 2012, qui voit Facebook dépasser le milliard de membres ! Et il n’y a que cinq réseaux à se placer en tête dans au moins un pays. Bien entendu, Facebook se taille la part du lion. En Russie, V Kontakte a supplanté Odnoklassniki. Quant à l’Afrique, nul n’en sait davantage …

Carte mondiale-Décembre 2012 (DR)


Mais à quoi servent les réseaux sociaux ? Comment sont-ils utilisés ? Quelle est la part de la population qui les utilise ? Pour avoir quelques réponses, il faut se diriger vers Pew Research (http://www.pewglobal.org/), un site américain.
En Grande-Bretagne, en Russie, aux USA, en République Tchèque et en Espagne, un habitant sur deux utilise les réseaux sociaux. La proportion est de 39 % en France, pays dans lequel 25% de la population n’accède pas à Internet, volontairement ou non. Pew Research a examiné 21 pays répartis de par le monde (bien entendu, aucun pays africain sub-saharien !). En Tunisie, 34% de la population utilise les réseaux sociaux. En Egypte, 30%.
Globalement, parmi les utilisateurs des 21 pays concernés par l’étude, 67% échangent à propos de musiques ou de films, 46% à propos des enjeux de leur communauté, 43% le sport, 34% la politique, et 14% la religion. (réponses multiples)
Dans un groupe constitué de la Jordanie, du Liban, de l’Egypte et de la Tunisie, il est frappant de constater que 60-68% des échanges sont voués à la politique (34% pour le total), 74-82% aux enjeux de la communauté (46% pour le total des 21 pays) et 62-63% pour la religion (14% pour le total) avec une remarquable exception, celle du Liban dont les échanges consacrés à la religion ne concernent que 8% du total !
Nul ne sera étonné d’apprendre qu’en fonction de l’âge, l’usage des réseaux sociaux est variable. De façon générale, les jeunes de 18-29 ans les utilisent davantage que les adultes de 30-49 ans qui les utilisent davantage que ceux de plus de 50 ans. Par contre, l’utilisation qui en est faite par les plus anciens se révèle parfois bien faible, voire marginale. Ainsi 8% seulement des Polonais de plus de 50 ans, 4% des Grecs, 4% des Libanais, 7% des Turcs ,des Tunisiens et des Mexicains, 8% des Chinois de plus de 50 ans utilisent les réseaux sociaux.
Dernière constatation d’importance; le niveau éducatif joue un rôle primordial dans l’usage qui est fait des réseaux sociaux. Dans 15 des 18 pays explorés, la différence de « fréquentation » des réseaux se traduit par un nombre à deux chiffres entre ceux qui ont un niveau universitaire et ceux qui ont moins d’éducation. Le record est battu par l’Egypte où 82% des diplômés de l’université utilisent les réseaux sociaux, alors que ceux qui ont moins d’éducation ne l’utilisent que dans une proportion de 18%.


Mise à jour du 12/01/2013
Pourquoi la zone africaine de la carte, notamment l’Afrique sahélienne et l’Afrique centrale, est-elle une zone vierge ? Interrogé par nous, Vincenzo Costenza a répondu que c’est parce qu’il n’y a pas de données disponibles pour ces pays. On peut penser que si c’est données n’existent pas, c’est parce que la part de la population qui utilise l’internet est encore trop faible, et que la part des utilisateurs d’internet qui se servent des réseaux sociaux est encore plus faible.
Cette constatation rejoint un vieux post de ce blog (Faut-il-mettre-un-terme-à-l-aide-à-l-Afrique) dans lequel nous soulignions la faiblesse des « câbles » permettant les transferts de communications. Les choses sont-elles vraiment différentes ?

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Egypte

L’Egypte, la femme

Ce sont deux évènements distincts, apparemment totalement antinomiques, et pourtant quelque chose de fondamental les relie l’un à l’autre.

Caroline Sinz, reporter à France 3, a été agressée et violée par un groupe de jeunes et d’hommes adultes alors qu’elle effectuait son travail de journaliste aux abords de la Place Tahrir. D’autres femmes journalistes ont déjà été agressées, sans doute parce qu’elles sont davantage exposées dans la rue. L’une d’entre elles, journaliste américano-égyptienne l’a été par la police elle-même. Quoi qu’en disent certains commentateurs, la police n’est pas en cause, ni directement, ni indirectement, dans le cas de Caroline Sinz (http://www.purepeople.com/article/caroline-sinz-violee-en-egypte-en-colere-contre-reporters-sans-frontieres_a91893/1). Malheureusement, et elle le dit elle-même, ce genre d’agressions relève d’une pratique courante en Egypte. Chaque évènement populaire, entraînant à la déambulation de foules importantes dans les rues, comme, par exemple, la fête de Sham el Nessim, donne lieu à de telles agressions. Nous avons pu voir sur la Corniche d’Alexandrie, des gamins à peine pubères agresser des jeunes filles en se précipitant à pleines mains sur leurs seins. Caroline Sinz le déclare elle-même: « il existe une énorme frustration chez les hommes égyptiens, et beaucoup d’autres femmes égyptiennes vivent la même chose que ce que j’ai vécu ».

Aliaa Magda Elmahdy (http://arebelsdiary.blogspot.com/?zx=dd20db8b5531d536), blogueuse, s’est mise en ligne, nue. Le compteur de visites de son blog commence à ralentir et à perdre de son affolement, mais ce sont plus de 4,5 millions de visites qu’elle a reçues à ce jour. Plus de 5000 commentaires lui ont été adressés. Aliaa prend un risque énorme, voire mortel, en s’exposant ainsi. Les avis sont partagés sur le bien-fondé de sa démarche qu’elle illustre en une seule phrase: « Notre corps est à nous, personne ne peut s’en saisir arbitrairement, respectez ma liberté d’expression ». Par son courage, elle témoigne ainsi du mépris et de la violence quotidienne qui sont faits aux femmes d’Egypte. Aliaa est l’amie de Kareem Amer, ce blogueur emprisonné pendant près de quatre ans entre 2007 et 2010, et dont nous avons parlé ici. Dans son blog, il dénonçait les discriminations dont étaient victimes les femmes égyptiennes et les crimes qu’elles subissaient quotidiennement.

Hommage à Aliaa (C)Tony Marc

C’est ainsi que Caroline Sinz et Aliaa Magda Elmahdy ont quelque chose de fondamental qui les relie: la lutte pour leur dignité, la lutte pour le respect qui leur est dû.

Driss Ksikes est critique littéraire, dramaturge et rédacteur en chef de la revue marocaine « Tel quel ». Dans Le Monde du 26/11/2011, il a écrit un billet intitulé: « Il faut que le « printemps arabe » retrouve d’urgence un second souffle« . « … Il est donc clair que le renversement des autocraties politiques n’est pas une fin en soi et qu’il exige un second souffle, plus long, plus patient, capable de s’attaquer aux autocraties culturelles et religieuses. Celles-ci sont capables de se régénérer et surtout susceptibles de relégitimer autrement les autocraties politiques. Normal, elles en sont le foyer initial, si vivant depuis la mise à mort de la liberté d’interprétation des canons sacrés (al-ijtihad) dans le monde « arabo-islamique ».

Bien avant le printemps égyptien, Kareem Amer s’attaquait déjà aux autocraties culturelles … Aliaa, aujourd’hui, le suit.

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Développement solidaire

La faim dans le monde, le gourou et le G20

Cette image, trouvée quelque part sur le net et publiée sur la page d’un ami d’ami, interroge quant à l’état de notre monde.

One person dies … (DR)

A priori, la cause est bonne. Mais est-ce vraiment le cas ?
On peut discuter indéfiniment sur les chiffres (http://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-chiffres-de-la-faim-dans-le-monde_1040867.html): 850 millions, 950 millions, 1 milliard, plus d’un milliard, … cela ne change pas grand chose au fait qu’un humain sur sept, ou presque, ne mange pas à sa faim aujourd’hui. A de rares exceptions près (situation de guerre, maladie épidémique ou catastrophe naturelle), ce n’est pas l’insuffisance de nourriture produite par les pays concernés qui est en cause, mais d’une part la destination autre que locale des productions et, d’autre part, l’inexistence de moyens de transport adéquats pour alimenter des zones éloignées.
La destination autre concerne des productions alimentaires destinées à l’exportation et non à la satisfaction des besoins locaux. En « échange » seront importées, souvent à prix élevé, des nourritures de base qui ne seront pas correctement distribués par suite de déficiences structurelles du pays.

Alors, sensibiliser au problème de la faim dans le monde en évoquant l’émotion soulevée par la mort d’un gourou, est-ce vraiment une bonne idée ? Cet homme n’a jamais rien inventé, jamais. Son « génie » (si génie il y a) a été de savoir attraper au vol les tendances de fond d’une société de loisir et de consommation et de satisfaire celles-ci au travers d’un habillage, d’un design, approprié. Tout au long de sa fulgurante carrière, il aura jalousement veillé, par son système propriétaire et ses tarifs élevés, à ne satisfaire que le haut du panier de sa cible jeune et pourtant friquée. Il est le symbole même de la société occidentale qui, telle un eldorado, fait rêver les jeunesses du reste du monde.
Comme il est probable que les adorateurs de ce gourou ne seront probablement pas les plus aptes à comprendre les questions de la faim dans le monde, sinon en cliquant sur quelque site dit « humanitaire » (dont il reste encore à vérifier l’honnêteté) afin de lâcher un euro pour se donner bonne conscience, il est plausible de considérer que cette image n’est d’aucune utilité. Pas davantage, d’ailleurs, qu’une autre image qui montre des tas d’invendus d’un supermarché jetés aux déchets et, en regard, des enfants affamés …
Mais, au passage, on aura dénoncé un monde fait de profiteurs et de riches, de riches profiteurs, qui ignore et méprise un autre monde fait de pauvres et de crève-la-faim. A t-on pour autant apporté une réponse au problème ? En fait, cette image participe d’une tendance forte qui prévaut actuellement dans l’ensemble du débat politique et dans les médias (presse, internet, réseaux sociaux); celle de l’émotionnel.

Dans le même ordre d’idées, on peut ajouter les débats démagogiques autour du salaire du président, ou les affirmations tout aussi simplistes selon lesquelles « les riches n’ont qu’à payer » ou « les politiques: tous pourris ». Une petite liste comparée des salaires des uns et des autres est en train de se tailler un beau succès en France et en Italie, peut-être ailleurs en Europe.

 »Gardien de la paix: 1600 euros pour risquer sa vie »
 »Pompier professionnel: 1800 euros pour sauver une vie »
 »Instituteur: 1600 euros pour préparer à la vie »
 »Médecin: 5000 euros pour nous maintenir en vie »
 »Sénateur: 19000 euros pour profiter de la vie »
 »Ministre: 30000 euros pour nous pourrir la vie »

Et, dans sa version italienne:%%%

 »Poliziotto: 1600 euros per rischiare la vita »
 »Pompiere: 1800 euros per salvare la vita »
 »Maestro: 1400 euros per prepararti per la vita »
 »Dottore: 2200 euros per mantenere la vita »
 »Deputato: 30000 euro per fottere la vita degli altri »

Il faut le dire tout net. Ces petits manifestes relèvent d’une forme d’indignation (très à la mode) qui porte en elle de dangereuses graines.
Chacun est indigné de voir et de savoir que quelqu’un, au-dessus de lui, (parfois tout juste au-dessus de lui lorsque l’on voit certains proposer le blocage des salaires à 4000 € !) gagne davantage, est mieux logé, passe des vacances sous un soleil plus chaud, transmet davantage de biens à ses enfants, a une meilleure retraite, etc, etc …
Mais combien sont indignés des injustices que rencontrent ceux qui sont en-dessous, qui ont des problèmes de papiers ou de certificats de séjour, qui sont mal logés, qui ont faim, qui ont froid, qui sont exclus du travail, qui n’ont pas de vie sociale, etc, etc …

Le monde n’est pas fait de vases communicants. Et il y a une grande différence à revendiquer une meilleure justice sociale, une meilleure répartition des revenus, une meilleure politique fiscale, plutôt que de désigner du doigt celui qui est au-dessus et d’en faire un bouc émissaire. C’est la porte ouverte à la délation, à la dénonciation, à la vengeance, au règlement de compte, à la xénophobie, au racisme, au poujadisme politique, à l’extrême-droite la plus réactionnaire qu’il soit possible d’imaginer.

Et l’on s’éloigne de notre sujet: la faim dans le monde ! Existe t-il des solutions ? Sans doute. Sans doute également difficiles à mettre en œuvre, ce qui n’est pas une raison pour ne rien faire. Le récent G20 avait été saisi de cette question (http://www.jean-jaures.org/Publications/Les-notes/Le-G20-et-la-faim-dans-le-monde) par de nombreuses ONG qui, entre autres, proposaient (demandaient) que les pays riches s’engagent auprès des pays en développement et participent à:

  • l’accroissement des productions existantes, notamment celles d’une agriculture d’autosubsistance,
  • l’amélioration du droit de propriété (réalisation de registres cadastraux), ne serait-ce que pour interdire aux états de céder des parcelles conséquentes de leurs territoires à d’autres pays pour des productions intensives non alimentaires,
  • la régulation des cours (Main-basse-sur-le-riz-des-questions) des matières premières agricoles, en sachant bien qu’en la matière, la spéculation n’est pas l’apanage exclusif de la finance mondiale !!
  • la création de stocks régionaux, ou de fonds de régulation des matières premières agricoles.
    Le G20 a pris position de façon timide. Les réponses existent. Sont-elles à la hauteur de l’enjeu (http://fr.wfp.org/nouvelles/nouvelles-release/le-pam-salue-les-actions-du-sommet-du-g20) ?

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Mondialisation

Indignation et résistance: des mots attrape-tout

La méthode est connue qui consiste à regrouper des revendications proches les unes des autres sous forme de « convergence » pour, en principe, leur donner plus d’ampleur et d’efficacité. Bien souvent, elle ne réussit qu’à aboutir à un plus petit commun multiple dans lequel, à la fois, chacun croit se reconnaître, mais où personne ne se retrouve. Depuis plusieurs mois, à la suite du fascicule de Stéphane Hessel (2011-ou-la-tentation-totalitaire), c’est l’indignation et les « indignés » qui bénéficient de ce traitement.
Des « indignés », il y en a eu dans les pays du Maghreb et du Proche-Orient, quand bien même les situations de la Tunisie, de l’Egypte, de la Libye et de la Syrie n’ont pas grand-chose en commun (Révolution-arabe-ou-révolte-arabe).
Des « indignés », il y en a en Grèce, pays proche de la faillite et soumis à une redoutable cure d’austérité.
Des « indignés », il y en a en Espagne, où la situation économique fragile entraîne un taux de chômage exceptionnellement élevé parmi les jeunes.
Des « indignés », il y en a en Israël, pays dont l’économie est totalement phagocytée par les besoins de la « défense » contre les Palestiniens. Curieux paradoxe, ces indignés-là sont des sionistes qui attendent de meilleures conditions de vie de la part de leur gouvernement mais qui ne posent pas la question des coûts comparés de la guerre et de la paix, préférant parler des coûts du fromage blanc ou du loyer.

Et maintenant, des « indignés », il y en a en Grande-Bretagne. Ils n’en portent pas le nom (pas encore …), sont plus jeunes, et surtout n’appartiennent pas aux classes sociales qui manifestent à Athènes ou à Tel-Aviv. Leurs luttes rejoignent celles de nos cités et de nos banlieues en 2005.
Si les premiers parlent volontiers de « démocratie directe », les seconds pensent avant tout à casser et à se servir. Mais dans un cas comme dans l’autre, le moteur de leur indignation est bel et bien une fureur à l’encontre de l’étalage d’une richesse capitaliste inaccessible à cause du chômage, à cause de la ségrégation sociale, à cause des peurs de notre société.
Curieusement, tous ces indignés en appellent à cette fameuse convergence, synergie des luttes, comme une forme de mondialisation, alors qu’ils honnissent ce terme et ce concept lorsqu’il s’applique à l’économie, et singulièrement à l’économie financière. Les indignés n’en sont pas à une contradiction près !

Les espoirs de liberté des uns (Tunisie, Egypte, …) n’ont rien de commun avec les espérances économiques des autres (Grèce, Espagne, …). Quelques soupçons d’analyse politique permettraient même à ces derniers (en Israël notamment !) de comprendre que leurs espérances économiques se construisent sur le dos des espoirs de liberté des premiers !
Indignés et indignation ne sont que des mots attrape-tout dans lesquels on peut fourrer aussi bien la démondialisation, la dénonciation de l’euro et de l’Europe, que les migrations, la classe politique corrompue, les patrons-voleurs, le sionisme ou l’oligarchie régnante …. bref une forme de poujadisme à la sauce Internet.
Il est un autre mot attrape-tout qui rejoint celui des indignés. Il s’agit de la résistance ! D’autant plus que l’on résiste aux mêmes choses que celles contre lesquelles on s’indigne. On en arrive même à s’indigner et à résister, ici en France, contre la « barbarie » ! Oh, pas celle qui peut régner dans certain pays en voie de développement, soumis à un dictateur implacable ! Non ! La barbarie d’Hadopi et de Loppsi, symboles d’un état « totalitaire » !!!

Indignation et résistance, voilà encore des mots récupérés par l’extrême-droite qui n’en rate pas une, surtout quand le contexte flou et généraliste le lui permet. Déjà des tentatives d’entrisme ont eu lieu (Paris, Place de la Bastille). Mais l’amalgame se pratique quotidiennement, à la radio, sur les TV, sur Internet.

Indignés – Paris, le 29 mai 2011 (C)Ibuzzyou

Alors, que faire ?

  • Favoriser un meilleur partage des richesses en taxant les transactions financières (Tobin), en limitant les hauts revenus, en imposant lourdement les commissions des banquiers et traders … et en redistribuant pour …
  • Investir dans la formation et dans la création d’emplois verts, d’emplois technologiques, d’emplois d’innovation et d’avenir, dans nos villes et leurs banlieues, sans autre idée préconçue que celle d’économiser l’énergie et notre planète.
  • Changer progressivement notre personnel politique. La fonction d’élu (quel qu’il soit) ne doit plus appartenir à ceux qui ont les moyens de faire campagne en permanence. Le cumul des mandats et la réélection sont à proscrire. Le nombre d’élus (et donc celui des structures administratives) doit diminuer considérablement. L’âge moyen des élus doit s’abaisser.
  • Sortir de la crise par le haut, avec plus d’Europe, plus de fédéralisme, avec plus de solidarité entre continents, avec plus de liberté à nos frontières (pour des Maliens, comme pour des Roms, citoyens européens) …
  • Faire autre chose que s’indigner et/ou résister et mettre un contenu politique derrière ces mots attrape-tout …