Catégories
Le Monde

Schizophrénie et argent

Sans le vouloir, “Le Monde” daté du 28 janvier se livre à un curieux exercice d’équilibre au travers de deux publicités consacrées à des éditions de livres.

Tout d’abord, en page intérieure, un pavé pour le dernier opus d’Hervé Kempf “L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie“. Je ne l’ai pas lu (pas encore), mais le titre fleure bon le populisme à la Mélenchon. Tout ceci pour dire qu’il est bien probable que l’auteur prenne à partie dans cet ouvrage tous les patrons, financiers, et autres grands de ce monde dont les revenus sont exorbitants. Même si cela ne sera certainement pas suffisant pour re-vivifier la démocratie.

 »(A propos de cette pub, il semble qu’on ait connu “Le Monde” plus chatouilleux sur la place réservée à ses collaborateurs en ce qui concerne leurs publications: la phrase titre ‘Hervé Kempf appelle ses lecteurs …” est assez ambigüe et frise le “conflit d’intérêt”.)
 »
Et, en première page, une pub pour “Toni 11,6″, onze millions six cent mille euros dérobés sans arme ni violence« .

Tant que notre société admirera des Spaggiari ou autre Toni et les considérera comme des héros, tant que l’on trouvera normal que certains puissent changer de nationalité pour ne pas payer d’impôts, mais continuer à exercer majoritairement leur activité artistique, médiatique ou sportive en France, tant que les “petits malins” de toutes catégories seront fiers de ce qu’ils auront fait en truandant le fisc ou les administrations, il y aura quelque chose de pourri au cœur de notre réflexion sur les revenus.

Catégories
Développement solidaire

Main-basse sur le riz: des questions

Il s’agit d’un film de Jean Crépu et d’un livre réalisé par Jean-Pierre Boris qui vont bénéficier dans les jours à venir d’une large exposition médiatique. Le sujet en est intéressant, quand bien même on regrettera la présentation qui satisfait un peu trop au spectaculaire, surtout sur le DVD.

(C) Fayard-ARTE

« Spéculations-pénuries-corruptions ». Avec un tel sous-titre, ne laisse t-on pas entendre que les spéculateurs ont encore frappé ? Tout d’abord les spéculateurs en question sont loin d’être ceux des places de marché, les traders de Chicago ou d’ailleurs. Ensuite, si les spéculateurs, les corrompus et les corrupteurs peuvent agir à leur guise, c’est avant tout parce que les conditions du marché le permettent. Avant de gesticuler contre les spéculateurs, ne vaudrait-il pas mieux agir sur le marché ?

« La nourriture d’un humain sur deux est en danger ». Autre sous-titre erroné. La production mondiale de riz est de 700 millions de tonnes par an. Pour 96%, cette production est destinée au marché intérieur des pays producteurs. Le commerce trans-frontière (import-export) du riz ne représente qu’environ 30 millions de tonnes. La part des importations africaines est de 10 millions de tonnes. La crise de 2008 dont il est question ayant duré environ six mois, ce sont 10 à 15 millions de tonnes, soit de 1,5 à 2 % de la production mondiale de riz, qui sont en cause. Comment peut-on en déduire que la nourriture d’un humain sur deux est en danger ?

« S’il y a crise en Afrique, c’est parce que les organisations internationales (FMI, Banque Mondiale) ont poussé à la réduction des cultures vivrières ». C’est possible, mais insuffisant. Le niveau de vie africain s’élevant, même faiblement, les phénomènes d’acculturation (avec deux C) et l’évolution des goûts culinaires font que l’usage des céréales traditionnelles exigeantes en main-d’œuvre et difficiles à préparer devient minoritaire devant une céréale comme le riz. Au Mali, le fonio devient produit de luxe. Cela a été pareil en Europe lorsque blé noir et seigle ont été abandonnés.

Ce qui est dramatique dans cette histoire, c’est justement comment une insignifiante partie (en valeur absolue) d’un produit mondialement consommé peut entraîner une situation aussi brutalement catastrophique

Enfin, l’histoire que racontent livre et film n’est pas une découverte. Elle a même été racontée en temps réel par celui qui est l’un des principaux contributeurs à ce travail: Patricio Mendèz del Villar. Il est l’un des spécialistes mondiaux (LE spécialiste mondial ?) du marché du riz et il publie tous les mois un rapport mensuel du marché du riz. Lisons-le. Les parties soulignées le sont par moi.

Septembre 2007 :  »En septembre, les cours mondiaux ont été orientés à la hausse en raison d’une forte demande d’importation, en particulier pour les riz de basse qualité à destination de l’Asie du Sud Est et d’Afrique Subsaharienne. Outre-Atlantique aussi, les cours ont connu une forte reprise grâce à une réactivation des ventes vers l’Amérique centrale ». La valeur de référence passant de 141.6 à 144.2.

Octobre 2007 :  »En octobre, les cours mondiaux sont restés fermes une nouvelle fois en raison des faibles disponibilités exportables et de la demande d’importation toujours soutenue, notamment de l’Asie du Sud Est et l’Afrique Subsaharienne. Aux Etats-Unis, les cours poursuivent aussi leur remontée stimulés par la reprise de la demande de ses principaux partenaires commerciaux. La tendance haussière mondiale devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année 2007 ». La valeur de référence passe à 148.2.

Novembre 2007 :  »En novembre, les cours mondiaux ont connu une forte hausse en raison d’une demande d’importation très soutenue et des défaillances de certains pays exportateurs où les disponibilités exportables restent très réduites, notamment au Vietnam et en Inde. Seuls la Thaïlande et les Etats-Unis disposent de disponibilités et les acheteurs se tournent en priorité vers ces exportateurs pour s’approvisionner. La tendance haussière mondiale devrait se poursuivre au moins jusqu’à la fin de l’année 2007 ». La valeur de référence passe à 154.5.

Décembre 2007 :  »En décembre, es cours mondiaux ont connu une très forte hausse. Les disponibilités exportables demeurent extrêmement réduites tandis que la demande d’importation des pays africains, du Sud-est asiatique et du Moyen Orient reste soutenue en particulier pour les riz de basse qualité. La pression sur l’offre et les prix mondiaux pourrait cependant se relâcher avec l’arrivée progressive de la nouvelle récolte asiatique ». La valeur de référence passe à 163.7.

Janvier 2008 :  »En janvier, la hausse des cours mondiaux ne s’est pas relâchée. Elle s’est même amplifiée fin janvier en raison de la demande d’importation soutenue des pays asiatiques, notamment des Philippines et de l’Indonésie. En 2008, l’offre d’exportation devrait rester tendue, ce qui ne manquera pas de peser, une fois encore, sur les prix mondiaux ». La valeur de référence passe à 172.8.

Février 2008 :  »En février, les cours mondiaux ont connu des hausses record traduisant la fébrilité des marchés internationaux. Tous les opérateurs craignent une pénurie de riz en 2008. Du coup, les importateurs tentent d’anticiper leurs commandes tandis que du coté des fournisseurs, personne ne cherche à vendre, ce qui a pour effet d’amplifier anormalement le mouvement haussier. Face à cette situation, des gouvernements de pays importateurs envisagent d’abaisser les taxes à l’importation afin d’atténuer l’impact sur les prix à la consommation ». La valeur de référence s’élève à 206.1.

Mars 2008 :  »C’est du jamais vu ! En mars, les cours mondiaux ont fait un bond de presque 60% par rapport au mois précédent. La rareté du produit et la spéculation ambiante expliquent en grande partie cette hausse historique. Le marché réagit fortement aux annonces de nouveaux achats tels que des Philippines (700 000 t de riz vietnamien) et du Bangladesh (400 000 t indien). Les dépenses alimentaires croissantes dans les pays déficitaires risquent d’augmenter les tensions sociales. Aussi, voit-on réapparaitre des mesures d’ajustement telles que la réduction des taxes aux importations et la subvention aux prix à la consommation ». La valeur de référence saute à 262.7 !!

Avril 2008 :  »En avril, les cours mondiaux ont poursuivi leur ascension dépassant pour les catégories de riz haut de gamme le seuil historique des 1000 US$/t FOB. L’offre des exportateurs reste encore faible, mais elle devrait s’améliorer avec l’arrivée progressive de la deuxième récolte asiatique entre mai et juin. Début mai, on observait déjà une relative stabilité, voire une baisse des prix à l’exportation, notamment en Thaïlande. Cette dernière tente de rassurer les importateurs qu’ils pourront acheter du riz à des prix raisonnables, tandis que d’autres pays exportateurs maintiennent les restrictions aux exportations jusqu’en juillet 2008 » . La valeur de référence passe à 370.6 !!

Mai 2008 :  »In May, the world prices remained globally high, but stabilization, and even a decrease by the end of the month, is confirmed. The arrival of the Asian harvest tends to soft sales restrictions imposed in some exporting countries. By the buyers’ side, flatter prices are also expected. However, some traders suggest that they will avoid massive sales in order to prevent from sharp drops in export prices. There is a risk of stronger speculation on both sides. Therefore, prices can be very volatile in the following months ». La valeur de référence passe à 433.7.

Juin 2008 :  »In June, world prices fell by 15% in average, due to the arrival of the new Asian harvest and the lack of new large export contracts. Large importers are already supplied or they are expecting lower prices to come back to the market. In 2008, the prices of high quality rice may get steady between US$ 650 and $ 800/ton FOB, while low quality rice may stabilize between $ 450 and $ 600/ton, which is the double of the level observed in 2007 » . La valeur de référence redescend à 366.5. La crise s’achève.

Alors maintenant quelques questions. Quatre seulement pour être bref.

1°) Pourquoi les pays de la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest n’étaient-ils pas équipés d’un stockage suffisant (et non soumis à corruption !) de riz ? Vont-ils le faire à présent ?

2°) Pourquoi des pays comme le Bangladesh ou les Philippines ont effectué des achats au paroxysme de la crise ?

3°) Il paraît que le Japon stocke à des fins purement financières deux millions de tonnes de riz qui ne sont jamais utilisés pour l’alimentation humaine. Quant à la Chine, elle disposerait de stocks faramineux de l’ordre de plus de … 40 millions de tonnes. On le comprend bien compte tenu de sa population et de son histoire, bien que l’Inde, pour sa part, ne stocke que 13 à 15 millions de tonnes. Mais est-il vraiment impossible que ce pays “en développement” ne puisse céder temporairement quelques millions de tonnes à l’Afrique pour dégonfler la spéculation ? Quand existera t-il une régulation mondiale de ce marché ?

4°) Enfin, question d’avenir. Le succès mondial du riz est lié à sa facilité de culture. Mais il est très exigeant en main d’œuvre. Quel est l’avenir de ce produit alors que les coûts de MO vont nécessairement augmenter au pro-rata du développement économique des principaux pays producteurs ?

Pour tout savoir sur le riz, c’est ici (http://www.infoarroz.org/portal/uploadfiles/20081113191015_9_situation_du_marche_mondial_du_riz_et_perspectives__seminaire_filiere_riz_au_tchad__patricio_mendez_del_villar.pdf) .

Ajout effectué le 25 mars, à 22 h 00.

Après publication de ce post, il m’est venu à l’esprit une cinquième question qui pourrait cependant se classer au premier rang. La voici:

Puisque des experts ont analysé cette crise du riz en “direct live” et ont publié leurs analyses, comment se fait-il que PERSONNE, ni à l’ONU, ni à la FAO, ni au PAM, ni à la BANQUE MONDIALE, ni au FMI, ni nulle part ailleurs, n’est intervenu pour faire débloquer les quelques millions de tonnes de riz qui auraient suffi à “détendre l’atmosphère” ?

Taper sur les spéculateurs, c’est bien mais comme l’homme restera … l’homme, il vaudrait mieux taper sur tous nos élus pour qu’ils mettent en place une gouvernance mondiale au travers de tous ces organismes.

Commentaire inséré le 18 novembre 2010

Lors de la publication de ce post, je l’avais signalé sur le blog de Jean-Pierre Boris. Patricio Mendèz del Villar (http://www.infoarroz.org/) avait pris la peine de répondre à mes cinq questions de façon très complète. Comme il n’a pas répondu sur ce blog et qu’il n’y a pas inséré de trackback, je veux aujourd’hui (et avec retard) citer le lien permettant de connaître ses réponses.

(http://jpboris.wordpress.com/2010/03/24/main-basse-sur-le-riz-on-en-parle/|http://jpboris.wordpress.com/2010/03/24/main-basse-sur-le-riz-on-en-parle/)

Catégories
Pétrole

Prix du pétrole: fondamentaux physiques ou financiers …?

L’AIE (Agence Internationale de l’Energie) vient de publier une mise à jour de ses prévisions 2010 (http://fr.rian.ru/energetics/20100211/186038483.html) en matière de consommation mondiale de pétrole. Cette correction en date du 11 février intervient, à la hausse, un mois après une prévision publiée en janvier.

La consommation mondiale de pétrole en 2010 serait de 86,5 millions de barils/jour, essentiellement portée par les pays émergents et l’Asie, soit en augmentation de 1,94% par rapport à 2008. Le prix moyen du baril serait de 75 $.

La consommation de pétrole en 2009 a été de 84,9 millions de barils/jour, à un prix moyen de 58 $, et en baisse de 1,5% par rapport à 2008.

En 2008, la consommation moyenne a été de 86,1 millions de barils par jour. Elle était de l’ordre de 85 millions de barils/jour en 2007.

Ainsi, les prévisionnistes nous annoncent le retour d’une consommation pétrolière voisine, voire supérieure, à celle que nous connaissions au moment de la grande crise qui a vu le coût du baril s’élever jusqu’à 145 $. Les mêmes faits produiront-ils les mêmes effets ? Cela est bien probable.

Jean-Marie Chevalier et un groupe d’experts viennent de remettre au gouvernement, et singulièrement au Ministère de l’Economie, un rapport relatif à la volatilité des prix du pétrole (http://www.economie.gouv.fr/services/rap10/100211rapchevalier.pdf) . Après un rappel des périodes 2000-2003 (stabilité des prix à 22-28 $ le baril), 2004-2008 (explosion de la demande et envolée vers les 100 $) et 2008-2009 (interactions entre éléments physiques et financiers caractérisée par la montée à 145 $ et la chute à 36 $ suivie d’une remontée en 2009), les auteurs soulignent que « dans l’abondante littérature consacrée au sujet il est difficile de trancher entre les tenants des fondamentaux physiques (demande des pays émergents, crainte d’un peak oil, crise économique, etc…) et les tenants des fondamentaux financiers (rôle des taux de change et taux d’intérêt, montée en puissance du pétrole “papier”, arrivée des nouveaux intervenants tels que les fonds indexés sur les matières premières, les comportements moutonniers-herding-des investisseurs, le jeu des arbitragistes spot-futures et ses limites) ».

« En conclusion, on peut avancer: »

 »- que le jeu de certains facteurs financiers a pu amplifier les mouvements à la hausse ou à la baisse des cours, augmentant la volatilité naturelle des prix du pétrole, »

 »- qu’on ne peut exclure que de tels mouvements ne se reproduisent dans les années à venir, à la volatilité naturelle s’ajoutant celle due aux comportements d’investisseurs financiers qui considèrent le pétrole (et plus généralement les matières premières) comme une classe d’actifs arbitrables par rapport à d’autres, »

 »- que les tensions fortes sur les cours se manifesteront en raison essentiellement de fondamentaux physiques (sous-investissement en nouvelles capacités) d’ici la fin de la décennie, »

 »- que le fonctionnement des marchés financiers du pétrole et la logique financière des acteurs qui les animent sont porteurs de risques difficilement contrôlables qui peuvent engendrer un risque systémique”. »

Dans le développement de ces idées, il est intéressant de noter que la spéculation joue sans doute un rôle dans les désordres du prix du pétrole, mais que celui-ci reste largement conditionné par le coût futur du produit. Ainsi l’exemple donné des arbitragistes qui achètent un produit  »spot » et le revendent au prix  »futur », profitant de capacités de stockage en mer évaluées à 130 millions-180 millions de barils, soit de 3 à 4 jours de consommation mondiale (1% de la consommation mondiale !). Quand bien même ces spéculateurs feraient cette opération trois ou quatre fois l’an, ce ne serait qu’une masse de 3 à 4% de la consommation mondiale qui seraient soumise à ce jeu d’augmentation artificielle des coûts. Sans compter que le jeu est risqué pour ce type de spéculation: lorsque le prix chute, le pétrole stocké est rapidement dévalué. Par ailleurs, la capacité de stockage atteint vite des limites qui sont “contre-productives” pour les spéculateurs, puisque le stock tend à contenir les prix.

Le coût futur du produit est le plus souvent conditionné par des éléments physiques (ouragan Katrina, production au Liberia, peak oil, …): « les fondamentaux physiques demeurent les principaux déterminants des prix du pétrole à moyen et long terme ». (Cette dernière phrase est un intertitre dans le document de Jean-Marie Chevalier).

« Une variable joue un rôle absolument majeur: le niveau et le calendrier des investissements d’exploration-production. Il convient de distinguer la question du volume des réserves de pétrole prouvées et récupérables et, d’autre part, le problème de la transformation de ces réserves en capacité de production. La crise économique a eu un impact très négatif sur le montant des investissements (…) et elle a exacerbé les incertitudes sur l’évolution attendue de la demande pour le pétrole. Par ailleurs, l’accélération de la prise de conscience des problèmes liés au réchauffement climatique apporte des incertitudes additionnelles.

N’est-ce pas ce qu’en termes plus ramassés on appelle le Peak Oil, c.a.d le pic pétrolier, le moment où la baisse de production de pétrole sera confrontée à une hausse constante de la demande ? Les capacités d’investissement-production rencontreront bientôt une limite qui sera imposée par la trop grande profondeur des réserves prouvées (-12000 m), les difficultés techniques (croûte de sel de plusieurs milliers de m. d’épaisseur, densité trop élevée des sables bitumineux, …), ou les oppositions environnementales et/ou culturelles.

Puits de pétrole (C)Preciohm

Le rapport Chevalier poursuit alors par une série d’une vingtaine de propositions visant à améliorer le fonctionnement des marchés pétroliers (transparence) et définir une stratégie pour l’Europe: 1- propositions organisationnelles, 2- gouvernance financière, 3- transparence des transactions, 4- transparence de la formation des prix, 5- renforcement des règles anti-abus de position dominante, 6- séparation des activités analyste/trader et compte propre/compte client, 7- scénarisation de la demande future de l’Union Européenne en produits pétroliers en cohérence avec la stratégie environnementale, 8- mise en cohérence de la fiscalité pétrolière à l’échelle européenne, 9- meilleure connaissance des stocks.

Il est bien entendu qu’aucune de ces propositions ne soit à contester, mais il est singulier qu’une seule idée soit en adéquation avec la teneur du rapport. Toutes les propositions sont exclusivement d’ordre financier à l’exclusion de celle qui préconise une meilleure anticipation des besoins européens en produits pétroliers et ceci en accord avec les objectifs environnementaux.

Il n’est rien sur la réorientation de la politique énergétique.

Il n’est rien sur la conquête économique d’une liberté à l’égard du pétrole.

Il n’est rien sur l’économie de l’énergie.

Et pourtant, ne sont-ce pas là des facteurs déterminants pour le futur prix du pétrole ? Jean-Marie Chevalier a oublié ses exhortations du 15 février 2005 (il y a exactement 5 ans), à l’occasion du 11° cycle de conférences de politique énergétique de la Direction Générale Energie et matières Premières (DGEMP):

« la bataille du siècle consiste à mesurer et internaliser les externalités, faire de l’efficacité énergétique une priorité internationale, réduire les gaz à effet de serre, mettre l’énergie au service du développement économique, responsabiliser les acteurs et renforcer la régulation mondiale ».

Il n’est pas tout à fait indifférent de savoir si tel ou tel analyste est davantage en faveur des causes spéculatives ou des causes physiques en ce qui concerne le coût du pétrole. En effet, les premiers seront tenants de solutions anticapitalistes à la (les) crise(s) que nous vivons, tandis que les seconds seront en faveur d’un “autre développement”. Mais c’est là un autre débat. Voir post antérieurs (Pétrole:-le-retour) .

Catégories
Développement solidaire

Que les gros salaires lèvent le doigt…

Maintenant qu’Henri Proglio a été contraint de rabattre ses prétentions quant à son salaire, maintenant que toute la classe politique se congratule, que tous les médias sont satisfaits de leur action, que tous les commentateurs de gauche comme de droite, syndicalistes ou militants de l’écologie radicale, estiment avoir “gagné” une bataille, l’heure est venue de dire qu’il ne s’agit en fait que d’une montagne d’hypocrisie.

Tout d’abord, mais ce n’est pas le plus fondamental, parce qu’il semble bien que les “avantages acquis” des uns ne valent pas les “avantages acquis” des autres !

Ensuite, parce qu’en renonçant à une part de ses revenus Henri Proglio est peut-être passé de la 17° à la 23° place des patrons français les mieux payés, mais les 16 ou 22 premiers n’ont rien modifié de leurs revenus. Et donc que Bernard Arnault a toujours 17 300 000 € par an (1,44 millions € par mois) ou Arnaud Lagardère 13 172 000 € par an (1,1 millions € par mois).

Enfin surtout parce que les salaires des patrons français ne sont RIEN par rapport aux salaires ou revenus de certains membres de la jet-set. En voici quelques exemples:

Parmi les footballeurs, Zidane a perçu 14 600 000 € en 2005 (1,2 millions € par mois). Entre salaires et contrats publicitaires, David Beckam perçoit 2,7 millions € par mois, Lionel Messi 2,4 millions € par mois, Ronaldinho 1,6 millions € par mois, Cristiano Ronaldo 1,5 millions € par mois, Thierry Henry 1,45 millions € par mois, Kaka 1,26 millions € par mois. Ça suffira pour les footeux lorsqu’on rappellera que Cantona a été recruté par Tapie pour 400 000 francs par mois soit l’équivalent de 61 000 € par mois en …1988, il y a 22 ans !!

Parmi les animateurs TV ou les réalisateurs américains, on notera avec plaisir qu’Oprah Winfrey (talkshow woman) a touché 275 millions de dollars entre juin 2008 et juin 2009, soit 16 millions € par mois, George Lucas 9,9 millions € par mois et Steven Spielberg 8,75 millions € par mois.

Et les comédiens ? Julia Roberts exige un contrat de 20 millions $ par film, soit 14 millions €. Nicole Kidman exige 17 millions de $, soit 11,9 millions € par film. Harrison Ford a perçu 65 millions $, soit 3,8 millions € par mois.

Les revenus 2007-2008 de Will Smith sont de 80 millions $, soit 4,7 millions € par mois, ceux de Cameron Diaz de 50 millions $, soit 2,9 millions € par mois et ceux de Johnny Depp de 72 millions $ soit 4,2 millions € par mois. Chez nous Dany Boon a réussi l’année écoulée 26 millions € soit 2,16 millions € par mois.

Les chanteurs ? Restons en France en 2009. Johnny Hallyday 9,7 millions € soit 800 000 € par mois. Mylène Farmer 3,6 millions € soit 300 000 € par mois et David Guetta 2,6 millions €, soit 215 000 € par mois.

Les pilotes automobiles ? Michaël Schumacher a touché 65 000 000 €, soit 5,4 millions € par mois, tandis que Kimi Raikkonen touchait en 2008 un salaire seul (à rajouter les contrats publicitaires!) de 45 000 000 $, soit 2,6 millions € par mois.

Les mannequins, ça vous intéresse ? Je ne les connais même pas ces deux-là, mais Gisèle Bundchen a touché 25 millions $ en 2008, soit 1,5 millions € par mois, tandis que Heidi Klum percevait 16 millions $, soit 930 000 € par mois.

Il en reste encore beaucoup d’autres, je pense à des tennismen par exemple, mais arrêtons nous sur les animateurs et présentateurs TV français. Benjamin Castaldi arrive en tête avec 105 000 € net par mois. Jean-Luc Delarue a des revenus de l’ordre de 120 000 € par mois. Quant à PPDA, il percevait 71 500 € par mois, plus une prime de 260 000 € par an.

Tous ces revenus sont proprement exorbitants ! Et on nous dira qu’ils sont justifiés en raison des bénéfices que ces gens apportent à d’autres, les comédiens aux réalisateurs, les réalisateurs aux producteurs, les footeux à la TV, etc .. etc .. Bref, la société du spectacle dans toute sa grandeur.

Comme le salaire de 133 000 € par mois d’Henri Proglio (ou 166 000 en 2008 chez Veolia), n’est en définitive pas “extraordinaire” par rapport à ces chiffres, on parvient à deux conclusions.

La première est que l’entreprise, et donc le travail et la responsabilité sociale, ne font pas bon ménage avec la politique-spectacle.

La seconde est que la France témoigne toujours du même mépris à l’égard de ses entrepreneurs alors qu’elle adule des Zidane, Dany Boon ou PPDA (pour ne citer qu’eux !). Elle considère que le travail des uns constitue un vol, alors que le “spectacle” des autres justifie tous les excès. Cela est tellement vrai que les français se ruent quotidiennement sur les jeux de hasard et applaudissent ou jubilent chaque fois qu’un hold-up spectaculaire est réalisé.

Henri Proglio (C)Christophe Majani

L’affaire d’Henri Proglio n’est donc bien qu’une immense supercherie qui permet à beaucoup de faire croire qu’ils ont fait quelque chose, alors qu’ils n’ont strictement rien changé à l’ordre inégal et injuste du monde.