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Egypte

Robert Solé

ALEXANDRIE

Qu’est devenu le kamikaze qui a fait exploser sa bombe devant une église d’Alexandrie ? Selon une source bien informée, il s’est aussitôt présenté à l’entrée du paradis. Sans doute s’attendait-il à y être accueilli par Allah en personne, mais, quand il a frappé à la porte, c’est le regard grave d’un ange qui est apparu par le judas.

« Je suis le martyr d’Alexandrie », a lancé triomphalement le candidat aux félicités.

« Imbécile ! », a murmuré une voix.

Etait-ce à lui qu’on s’adressait ? Il devait y avoir une erreur.

« C’est moi qui ai tué vingt et un mécréants- des hommes, des femmes, des enfants -et blessé affreusement une centaine d’autres ! »

« Le paradis est interdit aux imbéciles », a répondu la voix.

Le kamikaze s’est mis à trembler de colère, puis de peur:

« Mais alors ? C’est l’enfer ? »

« Non. L’enfer est réservé aux pervers qui t’ont fait croire à une guerre sainte avant de te conduire à l’abattoir. »

Et le judas s’est refermé, doucement. Selon des sources concordantes, l’ange pleurait.

Robert Solé in “Le Monde” daté du 4 janvier 2010

(DR)

Robert Solé a publié en Août dernier une petit livre plein de fraîcheur et de souvenirs sur une période de l’Egypte au cours de laquelle « Juifs, Musulmans, Coptes, Grecs-orthodoxes,Grecs-catholiques, … Egyptiens de souche, Egyptiannisés, … Syriens, Grecs, Italiens, Arméniens-catholiques, Arméniens-orthodoxes, … vivaient ensemble ». Cette période n’est plus, mais au cours d' »Une soirée au Caire« , le nationalisme, le système scolaire désastreux, les relations coptes-musulmans, le port du voile, l’excision, d’autres sujets encore sont abordés qui font qu’au travers des luttes, le présent égyptien est toujours capable de rejoindre le passé. Même si c’est bien difficile.

 »Choukran … »

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Culture numérique

Les mémos de WikiLeaks

Le monde (pas que le quotidien !) bruit de mille commentaires à propos des mémos diplomatiques US obtenus par WikiLeaks (http://213.251.145.96/) et publiés/commentés par quelques grands quotidiens.

(C)WikiLeaks

Sur la forme, on pourra dire que le secret des messages est inhérent à la diplomatie elle-même et que celle-ci est aussi vieille que le pouvoir. Gengis Khan, Alexandre, César, Charlemagne, Louis XIV, Napoléon, Roosevelt, Khrouchtchev, Staline, De Gaulle, Mitterrand ou Obama, tous, tous et en tous temps ont eu des diplomates ou envoyés spéciaux chargés de faire connaître les points de vue ou les oukases de leur mandant et de recueillir toutes les informations utiles aussi bien sur les adversaires que les partenaires ou vassaux. Par nature même, les messages rédigés en ces occasions sont secrets et, en général, appelés à le rester assez longtemps.

En elle-même, cette pratique de la diplomatie n’a aucunement nui au développement de la démocratie.

Inversement, la démocratie s’est accommodée et s’accommode très bien de cette part de secret dans les relations entre pays et dirigeants.

La publication brutale de plusieurs centaines de câbles, et à l’avenir de plusieurs dizaines de milliers sur le site de WikiLeaks, n’est pas, à priori, d’après ce que l’on a pu en lire jusqu’à ce jour, sujette à révélations spectaculaires susceptibles de bousculer l’ordre du monde. Tout au plus, certains grands de ce monde s’y trouveront égratignés ou vexés de voir leurs stratégies à faces multiples mises à nue ou leur personnalité décrite avec peu de sympathie.

La publication des mémos n’est absolument pas de nature à bouleverser la démocratie. Il ne s’agit pas non plus d’un acte fondateur d’on ne sait quelle nouvelle dimension de la démocratie.

Inversement, les tentatives d’interdiction de publication de ces mémos ne sont que des imbécillités conduites par des gens avant tout soucieux de conformité à l’ordre établi et de propreté devant leur porte. Mais si ces tentatives ne sont pas des atteintes à la démocratie, elles le sont sans doute à la liberté d’informer mais il est probablement trop tard.

Dans quelques semaines, dans quelques mois, tout sera oublié. Les historiens et les analystes politiques y auront gagné quelques infos et quelques arguments avec un peu d’avance, mais guère de scoops. Quant à la famille diplomatique, gageons qu’elle aura trouvé, avec l’aide des informaticiens, des parades efficaces pour que cela ne se reproduise plus … jusqu’à la prochaine fois !

Ceux qui s’exclament le plus à propos de la publication de ces mémos et de certaines tentatives d’étouffement sont ceux pour qui la marche du monde est le fruit d’un complot permanent (ou de plusieurs complots). Ils veulent lire dans ces mémos les preuves de leurs assertions.

Sur le fond, ce que l’on a pu en lire jusqu’à ce jour laisse une impression assez curieuse. Pas de révélations majeures, on l’a dit, mais des discours parfois très humains, voire humanistes, à propos d’un monde certes d’aujourd’hui, mais qui a l’air de tourner à partir d’analyses datées. Un monde d’après la chute du mur de Berlin, de la fin de la bi-polarité, de la montée en puissance de la Méditerranée et des Pays Arabes, des éternels conflits israélo-palestinien et Iran-Irak, de la garantie pour les USA d’accéder aux ressources, … La lecture des mémos donne un sentiment de décalage par rapport au monde que nous vivons actuellement, celui de la crise environnementale, de la crie énergétique, de la crise financière, de la nouvelle répartition du pouvoir, …

Il n’est pas (ou presque pas) question dans ces mémos de Pays en Développement, d’Amérique Latine ou d’Afrique si ce n’est sous l’angle du terrorisme, d’Environnement, de Développement Solidaire, des grandes instances internationales (ONU, FMI, Banque Mondiale, Unesco, Unicef, …), d’Ecologie, de Réchauffement Climatique, de Copenhague (rien sur Climate, rien sur IPCC (GIEC en français)) ou des autres forums internationaux, de peak oil et d’épuisement des ressources, … mais un document intéressant (http://213.251.145.96/cable/2009/01/09BEIJING22.html), regard sur les 30 prochaines années des relations entre la Chine et les USA.

Bref, les diplomates américains traitent d’un monde fermé, d’un monde qui meurt, et c’est bien cela qui rend ces mémos finalement assez inoffensifs politiquement, mais cruellement significatifs d’un décalage politique total entre l’administration américaine et les ambitions de l’humanité.

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Livres et lectures

Kairo Jacobi, juste avant l’oubli

C’est un roman, “Kayro Jacobi, juste avant l’oubli“, écrit par Paula Jacques (http://fr.wikipedia.org/wiki/Paula_Jacques) (Mercure de France, 2010). D’inspiration largement autobiographique parce que l’auteure est née en Egypte et qu’elle en a été chassée, enfant, avec ses parents. Elle est alors allée vivre, seule, en Israël quelques années avant de venir en Europe.

Cet essai relate l’histoire d’un réalisateur juif qui fait des films à succès, des films emplis de jeunes gens amoureux, de familles qui se déchirent, de puissants qui se trompent les uns les autres, bref le cinéma conquérant d’Hollywood sur Nil, celui dont j’ai pu parler ici (Alexandrie-Un-cinéma-coquin). Ce créateur populaire se trouve confronté à la montée de l’islamisme, à la prise du pouvoir par les Frères Musulmans et Mohamed Naguib, enfin au renversement de celui-ci par Nasser et à la nationalisation du Canal de Suez. Les juifs doivent partir, les juifs sont accusés de conspirer contre le pays et de s’enrichir sur le dos du peuple. Un intellectuel minable, dogmatique et parvenu, transformé en fonctionnaire zélé, se fait de Kayro son ennemi numéro un. Et, qu’il le veuille ou non, l’ »assassine » en quelque sorte, tant il le traque, le prive de ses biens et de ses œuvres et le pousse à l’erreur (la banale erreur ou faute humaine) qui le précipitera dans le Nil avec sa voiture, où il mourra.

Ce beau roman, absolument pas nostalgique, mais triste devant le gâchis de l’histoire, nous interroge sur l’Egypte et son avenir, au travers d’un pan de son vécu.Une histoire qui se poursuit encore actuellement: les récentes élections législatives ont servi à repousser les Frères Musulmans, sans doute au prix de quelques années encore de stagnation pour le peuple.

(C)Paula Jacques-Mercure de France

Les juifs sont aujourd’hui totalement inexistant en Egypte, combien sont-ils ? Une dizaine ? Deux dizaines ? Des vieux accrochés à ce qu’ils considèrent comme leur terre puisque la première communauté juive en Egypte date de six siècles avant JC.

Régulièrement des affrontements ont lieu au Caire, à Alexandrie, à Assouan ou à Minia avec une autre communauté; celle des Coptes qui, eux, peuvent prétendre être les vrais descendants des égyptiens du temps des pharaons. La crise économique aidant, les difficultés du pouvoir en place, la nécessité de “donner des gages” à des foules en colère, tout cela obligera-t’il, tôt ou tard, les Coptes à partir à leur tour ?

En ce siècle de difficultés économiques, écologiques, sociales, culturelles, le repli sur soi et la fermeture de sa porte sont devenus des valeurs sûres. Et rien ne sert de critiquer l’Egypte ou même la Suisse qui, comme prévu (Renvoi-des-étrangers), a voté pour le renvoi des étrangers accusés d’un crime ou d’une tromperie à l’égard des services sociaux, sorte de double peine contraire aux conventions européennes. Comme le reste de l’Europe, la Suisse devient xénophobe.

Les écologistes radicaux de chez nous, ceux qui se sont réunis à Cancon (http://blog.cancon2010.org/post/2010/11/Programme-provisoire) par exemple, ne sont pas plus ouverts, eux qui « récusent » (dans un même sac)  »les migrants (http://biosphere.ouvaton.org/index.php?option=com_content&view=article&id=344:migrations&catid=53:m&Itemid=73) à la recherche d’emploi ou les touristes à la recherche de sensations, car le droit de se déplacer selon son désir individuel empiète sur les capacités de la Biosphère ». A Cancon, ils se sont réunis pour protester contre les lignes ferroviaires à grande vitesse et pour faire des ateliers de gastronomie régionale.

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Droits de l'homme

L’huile du PAM

Une “vilaine” affaire secoue actuellement le Mali et le Niger. Pour des raisons encore inconnues, le PAM (Programme Alimentaire Mondial) se retrouve actuellement avec quelques milliers de tonnes d’huile de palme périmée (80000 tonnes ?). S’agit-il de mauvaise perception des besoins ? S’agit-il d’une tromperie des fournisseurs ? S’agit-il d’une mauvaise gestion locale ? Un stock de sucre très proche de la date de péremption aurait également été “mis en évidence”.

Toujours est-il que les stocks d’huile sont périmés depuis août 2010. Et qu’il semble que le PAM ait tenté de poursuivre jusqu’à très récemment la distribution, au Mali et (pour une faible part) au Niger de cette huile périmée.

(DR)PAM

Les agences de presse (http://www.maliweb.net/category.php?NID=65374) reprennent presqu’à l’identique un dossier rédigé par la seule agence Ouestaf (http://www.ouestaf.com/Scandale-de-l-huile-perimee-du-Pam-au-Mali-le-Niger-a-eu-sa-ration-les-Africains-meprises-Exclusif-3eme-partie_a3348.html), lequel accuse le PAM de vouloir cacher la vérité, d’être corrompu et de forcer la distribution de cette huile, et les associations de consommateurs de fermer les yeux après avoir crié bien haut. Quant aux commentateurs, ils laissent libre cours à tous les fantasmes possibles: huile frelatée, mise en danger des populations, trafic d’étiquettes, …

On peut dire deux choses.

La première est qu’une huile conservée dans de bonnes conditions ne devient pas inconsommable du jour au lendemain, au prétexte que la date de péremption est dépassée. Elle est encore consommable pendant plusieurs semaines, voire mois. Il ne s’agit pas d’un produit frais pour lequel existe une DLC: Date Limite de Consommation. L’accusation de mise en danger ou de distribution produits frelatés ne tient pas.

Par contre, l’organisation de l’économie et la réglementation imposent que les pratiques soient les mêmes, que l’on soit en Europe, aux USA ou en Afrique. Et il y a quelque chose de scandaleux et d’humiliant pour les maliens et leurs voisins à se voir refiler une huile qu’aucun distributeur n’accepterait de distribuer ailleurs dans le monde. Si l’accusation est fondée, le PAM ne s’honore nullement de cette attitude aux relents colonialistes.

La chose est grave, car le PAM joue un rôle non négligeable (Les-rations-du-PAM) dans l’alimentation de larges populations défavorisées. Ce comportement ne peut que lui nuire et porter atteinte à sa crédibilité et à son efficacité, et donc aux populations qu’il est censé protéger.