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Livres et lectures

Boussole

C’est un gros bouquin que ce Goncourt-là ! « Boussole », de Mathias Enard, mérite la lecture et l’attention, quand bien même il s’agirait d’un livre foisonnant, voire un peu brouillon, certainement une véritable encyclopédie.
Au premier abord, nous nous sentons rapidement assez loin d’un roman alors que sont posées les relations que Franz (François-Joseph) et Sarah vont partager pendant près de 380 pages. Elle est française, universitaire, et ses recherches la conduisent actuellement à travailler sur l’interface entre l’Occident et l’Orient, une interface qu’elle situe en partie à Vienne, en Autriche, mais qui lui donne l’occasion de parfaire ses connaissances en voyageant au Proche-Orient. L’Autriche qui est la patrie de Franz, musicologue, lequel n’écrit certes pas beaucoup de musique mais la commente avec talent.

Le récit est conduit par Franz. Celui-ci est malade, sans que l’on sache quelle affection le ruine et lui laisse penser qu’il va bientôt mourir. Au cours d’une longue nuit d’insomnie, dont les heures rythment les chapitres du roman ( 23 h 10, 23 h 58, 0 h 55, 2 h 20, 2 h 50, 3 h 45, 4 h 30, 5 h 33, 6 h 00), Franz va se remémorer les étapes essentielles de sa rencontre avec Sarah et de l’amour fou et total qu’il lui porte, un amour qui ne se réalisera qu’une seule fois, lors d’une magnifique nuit à Téhéran, nuit qui s’achèvera à l’aube par l’appel à la prière du muezzin et dont il ne lui restera que des « éclairs ».
L’insomnie qui constitue la charpente du roman donne prétexte à parler et commenter d’innombrables écrits, peintures, films, musiques, visites de musées ou de cimetières, voire de mosquées, voyages en Syrie, Turquie ou Iran, qui constituent à la fois des points de rencontre entre Franz et Sarah et des éléments d’analyse de l’orientalisme des occidentaux. Car « les orientaux n’ont aucun sens de l’Orient. C’est nous les occidentaux qui l’avons » (Lucie Delarue-Mardrus-1920). L’orientalisme n’est qu’une rêverie, une exploration toujours déçue. Les occidentaux exploitent ce territoire des rêves et leurs voyages physiques ou artistiques (musique, écriture, peinture,…) sont une confrontation avec ce songe.

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C’est là que nous trouvons l’aspect un peu encyclopédique de ce roman, par le biais d’une infinité de références savantes, de citations, d’anecdotes, de relations entre artistes ayant peu ou prou contribué à l’orientalité européenne. Découvertes, redécouvertes rythment l’écriture, certaines traversant régulièrement l’ouvrage et donc la nuit d’insomnie, tel Omar Khayyam, écrivain, poète et savant persan des XI° et XII° siècles. Parmi les références musicales, citons «  »Le Chemin de fer » », opus 27 de Charles Valentin Alkan (1844), les « Kindertotenlieder », « Chants pour les enfants morts », de Gustav Mahler sur des poèmes de Friedrich Rückert (1901-1904), « Le désert » de Félicien David, dont la Première a eu lieu le 8 décembre 1844, ou encore la sonate opus 111 de Beethoven. Quant aux écrits, nous découvrons Annemarie Schwarzenbach, journaliste et archéologue suisse, Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) déjà citée, Isabelle Eberhardt, Germain Nouveau, poète et compagnon de route de Rimbaud ou Heinrich Heine. Quel est le point commun entre toutes et tous et Franz, le narrateur ? En fait, il y a deux points communs : la recherche de l’amour fou, cette abdication de la raison dans la passion et la recherche de celui-ci au travers de l’aventure orientale. En témoigne ce conte, d’après « Der Asra », un poème d’Heinrich Heine. « La fille du sultan, à la tombée du jour, écoute tinter les eaux claires de sa fontaine. Tous les soirs, un jeune esclave arabe observe en silence, fixement, la magnifique princesse. Le visage de l’esclave blêmit chaque fois davantage ; il finit par devenir pâle comme la mort. Elle lui demande son prénom, d’où il vient, et quelle est sa tribu, il lui répond simplement qu’il s’appelle Mohamed, qu’il est originaire du Yémen, de la tribu des Asra : ce sont ces Asra qui meurent quand ils aiment » (p.362).

Et la « boussole », direz-vous ? Si elle traverse le livre sous divers sens, elle se matérialise surtout à deux reprises. La première fois à l’hôtel oriental dont le mobilier des chambres comprend une boussole incorporée au chevet du lit afin de connaître la direction de la prière, une boussole que le narrateur se souvient avoir également vue décrite dans un tapis de prière. La seconde fois, il s’agit d’une boussole dite de Beethoven qui indique désespérément l’est et non le nord, tout simplement parce qu’elle est trafiquée comme le sont les tours des magiciens et autres prestidigitateurs.
Toute cette rêverie d’une nuit est centrée sur le XIX° siècle et la première moitié du XX°. Ce qui n’interdit pas de lumineuses références à l’actualité brûlante (le livre est, entre autres, dédicacé aux Syriens). Ainsi cette observation relative à la violence des identités imposées, la violence de l’Occident qui appelle « musulman » tous ceux qui ont un nom à consonance arabe ou turque. Ou encore cet extrait en référence à l’Etat Islamique, extrait quelque peu prémonitoire en regard des débats concernant la déchéance de nationalité : « J’entendais un spécialiste du Moyen-Orient préconiser qu’on laisse partir tous les aspirants djihadistes en Syrie, qu’ils aillent se faire pendre ailleurs ; ils mourraient sous les bombes ou dans des escarmouches et on n’en entendrait plus parler. Il suffirait juste d’empêcher les survivants de revenir. Cette séduisante suggestion pose tout de même un problème moral, peut-on raisonnablement envoyer nos régiments de barbus se venger de l’Europe sur des populations civiles innocentes de Syrie et d’Irak, c’est un peu comme balancer ses ordures dans le jardin du voisin, pas joli joli. Pratique, certes, mais pas très éthique » (p. 324).

La fin du roman signe le début de la fin de l’amour fou, le début de la déception. Sarah s’est éloignée vers l’est, à l’orient de l’orient, vers le bouddhisme. L’un de ses derniers courriers à l’adresse de Franz lui permet de faire référence à une chanson de Barbara ; « Que c’est beau Vienne, que c’est loin Vienne », à laquelle il répond par quatre vers d’une chanson d’hiver mise en musique par Schubert, non sans avoir affirmé qu’il détestait les chansons françaises et que Barbara était une « chanteuse triste à déraciner un chêne » :
«  »Quand reverdiront les feuilles à la fenêtre ? »
 »Quand tiendrai-je mon amour entre mes bras ? » »


Avant « Boussole », nous avions lu, de Robert Solé, « Hôtel Mahrajane ». Né à Héliopolis, l’auteur parle, à l’évidence, d’Alexandrie, même s’il la rapetisse quelque peu et lui donne le nom de Nari. Il n’y a rien à y voir, si ce n’est un fortin arabe (la citadelle de Kait Bey ?) et un petit temple grec . Mais il y règne surtout une atmosphère très particulière, celle du cosmopolitisme, de la vie commune d’Egyptiens, de Grecs, d’Italiens, de Juifs, de Français. Certes, cette vie commune a ses limites ; on peut s’aimer, mais les relations restent cachées et ne vont pas jusqu’à l’union. A chaque communauté, ses membres. Et à chacun, sa communauté.
L’Hotel Mahrajane est le carrefour de cette société décrite avec un peu de nostalgie, la nostalgie d’un monde qui n’est plus, parce qu’il a été mis à mal et progressivement détruit à partir de 1956, date de la nationalisation du Canal de Suez et de l’expulsion des Juifs. Une société musulmane, de plus en plus islamique par certains côtés, a progressivement pris la place. C’est ce grand remplacement que décrit ce roman avec délicatesse, avec l’amour que Robert Solé porte depuis toujours à son pays. Quant à l’hôtel, après être tombé dans les mains d’un assistant (porte-couteau) du gouverneur, il périclitera et sera incendié lors des émeutes révolutionnaires de 2011.

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Cette histoire nous donne l’occasion de revenir sur deux aspects de l’Egypte d’aujourd’hui qui, tous deux, concernent les femmes.
Le premier a trait aux violences sexistes, aux agressions collectives qu’elles subissent dans les rues et places égyptiennes et que certains font naître voici une dizaine d’année, en invoquant une date très précise, celle de la fin du Ramadan de 2006. Nous savons que cela est faux, et bien plus ancien, parce que des évènements identiques se sont déjà produits en 2002, dans des jardins publics du Caire, à l’occasion de Sham el Nessim, cette vieille fête d’origine pharaonique caractérisée de nos jours par des pique-niques géants. Un second argument est à rechercher dans l’existence, en 2000 et peut-être auparavant, de wagons réservés aux femmes dans le métro du Caire et le tramway d’Alexandrie. Si les femmes n’étaient pas importunées par les hommes dans les transports en commun, quel intérêt y aurait-il à leur réserver un wagon ?
Le deuxième sujet est celui de l’excision. Le ministère de la santé égyptien vient de publier une déclaration selon laquelle cette cruelle et sauvage tradition aurait disparu en … 2030. Pour être clair, les statistiques 2015 (Egypt Health Issues Survey) indiquent que 90% des femmes de 15 à 49 ans sont victimes de mutilations génitales. Dans le détail, il s’agit de 70% des 15-19 ans, 80% des 20-24 ans, et entre 89 à 97% pour les 25-49 ans. Il n’est pas interdit de croire à ces chiffres surtout lorsque l’on sait que le Population Council chiffrait en 1999 la part des femmes de 13 à 19 ans qui étaient excisées à 86%. Ce sont celles qui ont aujourd’hui de 30 à 36 ans.

Pardon pour ces digressions égyptiennes, mais, elles aussi, elles font partie des à-cotés de cet orientalisme auquel s’attachent encore beaucoup d’occidentaux qui se masquent ainsi vérité et réalité.

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Droits de l'homme

Syrie, Egypte, Tunisie, Mali … ou les méfaits de l’ethnocentrisme politique

Monsieur Sikorski est le chef de la diplomatie polonaise. Il vient de s’exprimer (Le Monde du 19/12/2012) au sujet du rôle de l’Union Européenne face à la crise syrienne. Et, en substance, il a dit que ce rôle avait des limites et que si la Fondation Européenne pour la Démocratie qu’il a aidé à créer, avait des millions à donner pour aider la société civile dans les pays arabes, ce devait être pour « soutenir ouvertement ceux qui sont proches des valeurs européennes, car nous voulons que nos voisins se rapprochent de nous ».
Voilà un exemple parfait d’ethnocentrisme politique qui veut que le modèle occidental, européen en l’occurrence, soit la référence absolue de toute évolution et de tout progrès. Lévi-Strauss nous le dirait: il est difficile, voire impossible, de juger l’attitude ou le comportement de son voisin sans faire comparaison avec ce qui est sa propre culture. Mais dans le cas présent, il ne s’agit même plus de comparaison, mais de demande d’assimilation du modèle européen. Nous doutons fort que ce langage puisse être entendu, quelle que soit la tendance de l’interlocuteur arabe: islamiste, gauchiste ou libéral. Une telle attitude de la part d’un diplomate européen est donc totalement vide de sens … et d’intérêt.

Ce diplomate n’est pourtant pas seul à resservir inlassablement le même discours. En Egypte (et nous en avons déjà parlé) (Journaliste-ou-militant-deux-exemples-récents-les-riches-et-l-islamisme), l’envoyé spécial du Monde, « spécialiste du Proche-Orient », poursuit ses analyses personnalisées par un point de vue subjectif souvent insupportable. C’est ainsi qu’on le lit dans une « analyse » du vote des femmes au Caire contre la nouvelle constitution, vote d' »une partie des citadines éduquées » qui votent « non parce que les droits des femmes ne sont pas mentionnés en tant que tels dans la nouvelle constitution, non parce le droit à l’éducation des filles a été effacé, non parce que j’ai peur que l’article qui fait des femmes les « garantes de la famille » serve à me mettre au chômage ou à m’obliger à travailler moins d’heures ».
Aujourd’hui, nouvelle diatribe contre la constitution au motif qu’un copte militant des nouveaux droits civiques risquera une peine plus sévère si la nouvelle constitution est adoptée, puisqu’il est accusé d' »insulte au prophète ». Amalgame facile puisque sa première condamnation porte sur le « dénigrement des religions ».

Alors, puisqu’il le faut, parlons de cette constitution. Non sans avoir souligné qu’en Egypte, comme en France, le texte d’une Constitution est toujours à relativiser quelque peu. Notre Constitution est-elle appliquée à la lettre ? Et parlons de ce que personne ne dit. Tous les commentateurs relèvent à l’envie les formulations ambiguës au sujet des « traditions égyptiennes » et en concluent que pourraient en faire partie l’excision et les mutilations génitales féminines (Alexandrie-Excision) ! Tous les commentateurs relèvent l’absence de droits spécifiques pour les femmes et en concluent que leur serait interdit le droit d’ester en justice.
Mais combien de commentateurs soulignent les avancées de ce texte ?

  • la limitation de durée du mandat présidentiel,
  • la création d’un régime semi-présidentiel. Si le président y reste fort, son pouvoir est rééquilibré par l’Assemblée du Peuple qui contrôle la nomination du gouvernement et peut le renverser. Le président ne peut dissoudre cette Assemblée du Peuple que par référendum.
  • l’égalité des hommes et des femmes y a été supprimée au bénéfice d’un article stipulant que tous les égyptiens sont égaux,
  • la liberté d’expression et de presse est garantie (art 45),
  • la détention arbitraire est interdite (art 35),
  • la torture et les traitements inhumains sont interdits (art 36),
  • l’espionnage des communications privées est interdit (art 38),
  • la liberté religieuse est garantie (art 43),
    De façon parfois regrettable, le texte s’entoure de considérations susceptibles de limiter l’effet de ces réelles avancées. C’est ainsi qu’un art 44 interdit l’injure au prophète et un art 31 l’injure aux individus. Voilà bien des procès en perspective !
    La liberté religieuse ne s’applique qu’à trois religions: celles du Livre, les autres sont oubliées.
    Enfin, la charia y est déclarée « source principale de la législation » et non « source unique du droit ». Cette formulation est en elle-même porteuse de modération et le fait d’avoir confié à l’université Al Azhar le soin de préciser ces principes de la législation est tout à la fois inquiétant parce qu’intervient une structure religieuse non élue, et positif en ce sens que l’université Al Azhar se caractérise souvent par des positions progressistes.

    Et là est la vraie question à laquelle l’ethnocentrisme occidental n’aide pas à apporter une réponse. En Egypte, les « révolutionnaires » et les libéraux se plaisent à accuser Morsi de faire double jeu et de tenir double langage. Il ferait mine de développer des positions à minima réformistes et, par derrière, il laisserait agir les salafistes en vue de la création d’un état intégriste.
    Cette analyse ne tient pas debout. Mohamed Morsi a besoin de développer son pays, sous peine d’être renversé par la colère du peuple qui a faim et qui veut du travail. Mohamed Morsi a besoin de l’appui occidental, de l’argent de la Banque Mondiale, de celui des USA. Mohamed Morsi a besoin de jouer un rôle actif dans toute la région proche-orientale, afin que son pays conserve, si possible, les positions et la stature acquises au cours des dernières décennies.
    Au contraire d’un double jeu, on assiste à une lutte fratricide et implacable entre les fractions islamiques, la « plus ou moins progressiste » et la « radicale » ! Et l’Occident serait bien inspiré de le comprendre rapidement afin d’aider Morsi, ne serait-ce que temporairement et dans le respect des formes démocratiques, à neutraliser les plus radicaux afin que le pays se redresse.
Pro et anti-Morsi face à face (C)Maya Alleruzzo/AP-SIPA

Un ethnocentrisme comparable préside aux jugements relatifs à l’évolution de la Tunisie où Ennahda est, de façon comparable, soupçonné de « double jeu ».

Raisonnement déjà identique au Mali. La France vient d’obtenir une résolution auprès des Nations Unies, laquelle résolution autorise une éventuelle intervention militaire dans le Nord-Mali, limitée dans sa durée à un an, et n’ayant pas lieu avant septembre 2013. D’ici là, l’ONU renouvelle la nécessité de tout faire pour régler le problème par la négociation. Cette résolution a été obtenue de justesse, tant les USA sont réticents à l’égard de ce projet militariste. L’ambassadrice US à l’ONU a été jusqu’à qualifier le projet français de « merde » (http://www.slateafrique.com/100157/mali-quand-washinton-critique-plan-de-la-france).
Ansar Eddine et le MNLA viennent de renouveler leur engagement à cesser le combat et à négocier, voire à prendre en charge la question de l’AQMI.
Qui les écoute ?
Pas la France, pas l’Europe qui préfèrent s’engager dans la voie militaire et passer sous silence l’ardente « obligation de négocier ».
Pas l’Afrique de la CEDEAO, pas le Mali où se préparent des milices qui veulent aller « chasser le touareg ».
Et puis, avec qui peuvent-ils négocier ?
Il n’y a plus de pouvoir au Mali ! Et le capitaine Sanogo tire toujours les ficelles ! (http://www.rfi.fr/afrique/20121212-mali-reperes-principaux-acteurs-crise).

Il y a urgence à intervenir, non pour la guerre, mais pour la négociation, pour la reconnaissance du fait touareg, pour la recherche d’une entente sur un territoire immense, pour l’aide à un développement commun dans lequel pays et populations ne seront pas « oubliés ».
Pour cela, sans doute faut-il que l’Europe et ses diplomates (dont la France) réfléchissent avec d’autres arguments que leur paresse ethnocentrique.

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Egypte

Robert Solé

ALEXANDRIE

Qu’est devenu le kamikaze qui a fait exploser sa bombe devant une église d’Alexandrie ? Selon une source bien informée, il s’est aussitôt présenté à l’entrée du paradis. Sans doute s’attendait-il à y être accueilli par Allah en personne, mais, quand il a frappé à la porte, c’est le regard grave d’un ange qui est apparu par le judas.

« Je suis le martyr d’Alexandrie », a lancé triomphalement le candidat aux félicités.

« Imbécile ! », a murmuré une voix.

Etait-ce à lui qu’on s’adressait ? Il devait y avoir une erreur.

« C’est moi qui ai tué vingt et un mécréants- des hommes, des femmes, des enfants -et blessé affreusement une centaine d’autres ! »

« Le paradis est interdit aux imbéciles », a répondu la voix.

Le kamikaze s’est mis à trembler de colère, puis de peur:

« Mais alors ? C’est l’enfer ? »

« Non. L’enfer est réservé aux pervers qui t’ont fait croire à une guerre sainte avant de te conduire à l’abattoir. »

Et le judas s’est refermé, doucement. Selon des sources concordantes, l’ange pleurait.

Robert Solé in “Le Monde” daté du 4 janvier 2010

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Robert Solé a publié en Août dernier une petit livre plein de fraîcheur et de souvenirs sur une période de l’Egypte au cours de laquelle « Juifs, Musulmans, Coptes, Grecs-orthodoxes,Grecs-catholiques, … Egyptiens de souche, Egyptiannisés, … Syriens, Grecs, Italiens, Arméniens-catholiques, Arméniens-orthodoxes, … vivaient ensemble ». Cette période n’est plus, mais au cours d' »Une soirée au Caire« , le nationalisme, le système scolaire désastreux, les relations coptes-musulmans, le port du voile, l’excision, d’autres sujets encore sont abordés qui font qu’au travers des luttes, le présent égyptien est toujours capable de rejoindre le passé. Même si c’est bien difficile.

 »Choukran … »

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Ecologie

Des suisses, du coton bio et du compost

Si ce n’était le coté xénophobe, démagogique, égoïste et islamophobe de la votation suisse contre les minarets, on serait tenté de rappeler que, de 1536 à 1810, les protestants ont interdit la construction de lieux de culte catholiques dans le canton de Vaud. Et que ce n’est qu’en 1832 que les catholiques de Lausanne ont eu le droit d’édifier un clocher. Il y a donc des précédents !!

Parlons donc d’un aspect plus intéressant des suisses, et de gens qui ne sont probablement pas ceux qui ont voté OUI ce dimanche. Il existe dans ce pays une ONG nommée Helvetas (http://www.helvetas.org/wFrancais/index.asp), dont la devise est « Agir pour un monde meilleur ». Elle a été créée en 1955 et compte plusieurs dizaines de milliers d’adhérents. Son objectif principal est “la réalisation de projets de développement à l’étranger”.

L’étranger, c’est l’Afrique, l’Asie, l’Amérique Latine. Les projets se regroupent en quatre catégories: les infrastructures en milieu rural, la gestion durable des ressources naturelles, la formation et la culture, la société civile et l’état.

Les pays dans lesquels intervient Helvetas sont le Guatemala, le Honduras, Haïti, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin, l’Ethiopie, la Tanzanie, le Mozambique, l’Afghanistan, le Bhoutan, le Kirghizistan, le Laos, le Népal, le Sri Lanka, le Vietnam.

Parlons un peu du Mali. Helvetas s’y engage dans le domaine de la distribution de l’eau, de la formation (enseignement primaire en particulier pour les filles), de la production agricole et de la sensibilisation à l’éradication des mutilations génitales féminines. Par ailleurs, Helvetas a créé à Bamako une école de formation en photographie.

Dans le domaine agricole, le coton biologique est une priorité. En 2007, les producteurs maliens organisés sous l’égide d’Helvetas, ont produit 1300 tonnes d’un coton graines acheté par les firmes Migros et Switcher afin d’en faire des vêtements ou de la ouate labellisés Max Havelaar. En 2008, ce sont 5500 producteurs qui se sont engagés dans cette culture avec une production de 2000 tonnes de coton graines. La région Bretagne a signé un accord d’achat de 3000 tonnes jusqu’en 2010. L’égrenage du coton se fera en Afrique, le filage à Fès au Maroc et le tissage à Laval, en France. Quatre entreprises bretonnes en font des vêtements.

Boules de coton

L’intérêt pour la fabrication de coton bio est évident, puisque le prix d’achat est supérieur de 50% à celui du coton traditionnel. Pour être bio, le coton doit être cultivé sans pesticides et engrais de synthèse, ces derniers étant remplacés par du fumier ou du compost. Le repos et la fertilité des sols sont assurés par une rotation des cultures, en particulier avec des légumineuses.

Malheureusement le coton bio, c’est bien beau, mais ça reste et ça restera probablement longtemps encore très marginal.

Production de coton bio de l’Afrique de l’Ouest (Mali, Burkina, …) en 2008: 2 900 tonnes, soit le double de la production de 2007.

Production mondiale de coton bio en 2008: 145 000 tonnes.

Production mondiale de coton en 2008: 26 500 000 tonnes.

La production de coton bio de l’Afrique de l’Ouest représente 0,01% de la production mondiale de coton !

C’est pourquoi Helvetas, sans abandonner la filière coton, s’oriente désormais vers l’agriculture biologique, le maraîchage biologique, en reprenant les mêmes concepts que ceux de la culture du coton, c’est à dire la production de matière organique (compost), le conseil agricole, le soutien à la production de tomates, oignons, aubergines, …, la mise en place d’une labellisation ou certification des produits. Il s’agit, ni plus ni moins, de poursuivre l’action pour améliorer les conditions de vie en milieu rural, en satisfaisant les besoins maraîchers des marchés nationaux, régionaux, voire internationaux.

Un détail intéressant dans cette démarche: celui de la fabrication du compost. Dans les zones rurales, les déchets végétaux (plants arrachés, feuilles, branches, …) sont nombreux et peuvent satisfaire en grande partie la fabrication d’un compost de qualité. Dans la zone périphérique de Bamako où nombreux sont les maraîchers, il devrait être possible de fabriquer un compost avec la partie fermentescible des ordures ménagères. Les critères de tri des déchets et de maturation du compost sont fondamentaux, mais la filière déjà pratiquée de façon artisanale (Nyama-nyama) mériterait d’être développée.