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Une guerre d’un an

Avec un peu de retard (mais il permet d’approfondir la réflexion), parlons du premier anniversaire de la guerre au Mali (Guerre-au-Nord-Mali:-une-décision-grave). En effet, le 11 janvier 2013, la France déclarait la guerre aux « terroristes » djihadistes implantés dans le nord du Mali.
Il est singulier de noter que peu d’organes de presse se sont livrés à une analyse détaillée de la situation à l’occasion de cet anniversaire. C’est peut-être parce qu’une autre intervention, en Centrafrique celle-ci, a pris la place dans les colonnes des journaux. Mais c’est peut-être aussi parce que fêter ou célébrer cet anniversaire aurait soulevé davantage de questions que cela n’en aurait solutionné.
Nous l’avons dit ici déjà; il n’y a pas eu de victoire au Nord-Mali. Tout au plus, les djihadistes ont été éparpillés aux alentours du territoire malien, mais ils sont toujours présents et toujours prompts à utiliser la moindre faiblesse. Les évènements de ces tous derniers jours qui ont vu la mort de deux dizaines de combattants d’Al Qaïda en sont la preuve.
Le propre d’un anniversaire, c’est cependant de susciter quelques réflexions qu’en l’occurrence il faut aller chercher !
Tout d’abord, voici une réflexion d’ordre militaire. Elle provient du blog « Défense » de Laurent Touchard (http://www.jeuneafrique.com/Article_ARTJAWEB20140109170210_terrorisme-aqmi-armee-francaise-mujaomali-serval-la-france-a-t-elle-piege-les-jihadistes-en-janvier-2013.html), dans Jeune Afrique. Celui-ci se pose la question de savoir si l’armée française n’aurait pas piégé les djihadistes en janvier 2013 en les poussant vers Bamako. Rappelons-nous: le Ministre de la Défense, François Hollande, la presse derrière eux (d’une seule voix) a défendu le bien-fondé de l’intervention française en prétendant que Bamako était en danger. Bref rappel historique.
En octobre 2012, François Hollande affirme que la France n’interviendra pas: « Il n’y aura pas d’hommes au sol, pas de troupes françaises engagées ». Le 21 décembre, il réaffirme: « le temps de l’intervention n’approche pas. S’il y a toujours une occupation du Nord-Mali, ce sont les Africains qui mèneront cette opération avec le gouvernement malien ».
Pendant ce temps, les combattants d’Ansar Eddine se regroupent au vu et au su de tous les observateurs et amorcent leur descente vers le sud. Le piège est là. Ils font montre d’une attitude agressive et « provoquent » l’intervention à laquelle ils ne croyaient pas: celle des troupes françaises qui sont prêtes depuis bien longtemps !
Cette analyse est probablement exacte. Tout le reste n’est que mise en scène. Tout comme nous le disions moins d’une semaine avant le déclenchement des opérations, les combattants islamistes n’ont jamais été en mesure de s’approcher de Bamako situé à près de 700 km du lieu où l’armée les attendaient: Kona. Globalement, ils n’ont même pas occupé cette ville, se contentant de faire des ronds dans le désert avec leurs 4 X 4. Ils n’étaient pas 5000 comme la presse et la TV le répétaient à satiété, mais 1200. Et la France préparait son intervention depuis longtemps déjà !

Nous n’allons pas nous éterniser sur cette analyse qui rejoint nos vieilles convictions. Il y a plus important.
Nous parlions ci-dessus d’Ansar Eddine qui s’est lancé dans une aventure guerrière après avoir rompu avec le MNLA. Pour bien comprendre ce qui reste aujourd’hui une énorme épine dans le pied du gouvernement malien (et de la France également mais qui n’en dit rien), il faut savoir que Kidal constitue une position très incertaine, dans laquelle les touaregs sont en position de force et où l’armée malienne ne peut quasiment pas intervenir. Les escarmouches y sont quotidiennes. L’intégration de Kidal dans l’unité du Mali devient de plus en plus une question primordiale pour nombre de politiciens et pour les maliens eux-mêmes. Le 17 janvier, à l’occasion de ce fameux anniversaire, Hama Ag Mahmoud, l’un des ténors du MNLA, mais également ancien ministre de la fonction publique sous la présidence de Moussa Traoré, a donné son point de vue (http://maliactu.net/la-france-nous-avait-donne-son-feu-vert-pour-lindependance-de-lazawad/) sur l’intervention française dans Le Courrier du Sahara.
Dans cette interview, Hama Ag Mahmoud soutient que c’est la France qui a incité les touaregs du MNLA a occuper le Nord-Mali, et qui leur a promis l’indépendance de l’Azawad en échange de l’aide apportée pour faire s’évader tous les combattants touaregs qui étaient dans l’armée libyenne. Il soutient également qu’aucune solution militaire n’est à même de mettre fin au terrorisme. Seuls, le développement économique et l’autonomie politique de cette région pourraient y parvenir.

Kidal (DR)


Troisième volet de cette analyse du premier anniversaire. Aminata Traoré (http://www.20minutes.fr/monde/mali/1271957-20140109-mali-pourquoi-devrions-nous-dire-merci), dont nous avons souvent parlé ici, militante opposée à l’intervention française au Mali dès le premier jour, a publié début janvier (hasard ?) un livre d’entretiens avec Boubacar Boris Diop: « La gloire des imposteurs, lettres sur le Mali et l’Afrique ». Inlassablement, Aminata Traoré y reprend son analyse anti-colonialiste et persiste dans son affirmation que la France n’est au Mali que pour prendre place dans la future conquête des richesses minières du pays (c’est également le point de vue d’Hama Ag Mahmoud qui y ajoute la richesse de l’eau) et affirme qu’il n’y a pas lieu de dire merci à la France (http://www.politis.fr/Mali-Nous-avons-le-sentiment-d,25215.html) qui ne conduit au Mali (et en Centrafrique) ni plus ni moins qu’une guerre coloniale.

Faisant un peu la synthèse de tout ces points de vue, le Nouvel Observateur a publié en janvier un article intitulé « Serval: une opération pas si réussie ». Cet article s’achève par le terrible point de vue de l’ONG Survie: « l’action de la France (http://tempsreel.nouvelobs.com/guerre-au-mali/20140110.OBS2015/mali-serval-une-operation-pas-si-reussie.html) s’apparente à une mise sous tutelle du Mali, à l’opposé d’un processus de reconstruction institutionnelle dont aurait besoin le pays aujourd’hui ». Lorsque l’on connait le dernier avatar des relations franco-maliennes, il y a tout lieu de penser que ce jugement est bien exact.
« La France agira selon ses besoins s’il s’agit officiellement de mieux échanger le renseignement. Cela n’ira pas jusqu’à informer au préalable les autorités maliennes des actions entreprises ». C’est la France qui a fait cette déclaration à propos du projet imposé à IBK d’accord de défense entre les deux pays et dont la signature avait été fixée unilatéralement par la France au 20 janvier. Or, il se trouve que le 20 janvier correspond à la date anniversaire du départ de l’armée française en 1961, départ imposé par le Président Modibo Keita. 53 ans plus tard, l’humiliation a été ressenti: depuis cette date, il n’est plus à l’ordre du jour de parler d’accord de défense ! A propos, avez-vous entendu parler de ce projet devant le Parlement français ?

PS: Peux-t-on, naïvement, poser la question de savoir où en est l’enquête relative à l’assassinat des deux journalistes de RFI ?

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Guerre au Nord-Mali, une décision grave

Ainsi donc, depuis ce vendredi 11 janvier 2013, la France est engagée dans un nouveau conflit. Un conflit visant à chasser des islamistes terroristes d’un territoire longtemps considéré comme « chasse gardée » de la France. Il n’est pas possible de passer sous silence cette dimension du problème, puisque dans le même temps, la France se retire d’Afghanistan où elle se trouvait pour en chasser les islamistes terroristes ! Alors, pourquoi deux poids et deux mesures ?

Cette question n’est pas la seule à devoir être posée. Notamment « Pourquoi cette précipitation ? » La montée en température a été soigneusement orchestrée comme en chaque occasion depuis le début de ce conflit, et chaque clan a consciencieusement joué sa partition. Les uns paradant en laissant photographier des rangées de pick-up, les autres en dénonçant une marche en avant de milliers de rebelles se dirigeant vers Bamako.

Lorsque la semaine dernière Ansar Eddine a déclaré publiquement qu’il renonçait à la trêve et qu’il reprenait ses actions, il était clair que les prétendues négociations n’auraient jamais lieu, tout simplement parce que personne ne les souhaite. Ou parce que personne n’est à même de représenter de façon qualifiée qui que ce soit. Il n’y a pas d’Etat au Mali ! Et justement parce qu’il n’y a pas d’Etat, l’intervention de la France est immorale ! Et dangereuse !

Ne parlons pas de la vie des otages qui, d’ores et déjà, est compromise. Mais parlons de la démocratie qui disparaît pour longtemps des tribunes maliennes ! Parlons du risque phénoménal de division entre le nord et le sud, même et surtout après une campagne militaire ! Parlons du risque de débordements raciaux entre noirs et arabes, entre noirs et touaregs ! Parlons des séquelles que ne manquera pas de laisser derrière lui cet interventionnisme ! Et enfin, dernier mais pas le moindre, parlons du risque de catastrophe sanitaire et humanitaire lié au déplacement forcé de centaines de milliers de personnes, en Mali du Sud, en Mauritanie, au Niger, au Burkina Faso …

Notre propos n’est pas de trouver la moindre excuse aux islamistes terroristes, puisque tel est désormais leur nom. Il est d’affirmer que la France est fautive de s’embarquer dans ce conflit alors qu’elle n’en a pas le mandat explicite de l’ONU, qu’elle a toujours affirmé haut et fort qu’elle n’interviendrait pas directement et qu’elle n’a fait strictement aucun geste, aucun effort en faveur de négociations.

Nous regrettons ici de nous retrouver sur cette position qu’avec les seuls PC et Parti de Gauche. Nous regrettons qu’une fois encore les partis « classiques » ne sachent pas régler les graves problèmes de notre monde autrement qu’avec la force et l’armée. Nous regrettons … nous sommes en colère !

Voici un extrait d’éditorial publié à Alger voici quelques jours, le 26 décembre exactement, par le quotidien L’expression (http://www.lexpressiondz.com/edito/166267-syrie-mali-face-a-la-meme-equation.html):

« comment peut-on concevoir une intervention militaire étrangère au Mali sans avoir restauré l’Etat?
Sans avoir réunifié les Maliens? Les partisans de la solution militaire jurent que la force africaine sera déployée pour aider l’armée malienne. L’Occident jure qu’il n’enverra pas de troupes à terre mais se contentera d’une aide logistique. Dans quel Etat se trouve l’armée malienne pour accueillir la force africaine et la logistique occidentale? Alors que le bons sens et la démocratie commandent à remettre en place les institutions maliennes, rallier tous les Maliens, y compris ceux qui sont au Nord, pour combattre les mercenaires étrangers regroupés sous divers sigles d’organisations terroristes et qui veulent imposer leur loi à la population.
On ne combat pas des terroristes avec les moyens classiques d’une armée. Notre naïveté nous fait croire que couper les terroristes de la population civile qui aidera l’armée par le renseignement est une condition sine qua non dans le règlement de la crise qui secoue le Mali. Le Mnla et Ansar Eddine représentent précisément cette population civile du Nord. Avec leur concours, le sort des terroristes est scellé. Dans le cas contraire, les forces de la Cédéao vont vers une défaite certaine contre un ennemi invisible et très mobile dans l’immensité du désert. Que se passera-t-il alors? Et c’est là que les va-t-en guerre veulent arriver. C’est sur une telle situation qu’ils appuieront la nécessité d’une intervention militaire directe des troupes occidentales. Pour parvenir à la «sahélisation» programmée. C’est-à-dire délocaliser le terrorisme international de l’Afghanistan au Sahel. »

Le reste du billet faisait référence à la Syrie et nous l’avons retiré de la citation.

Mais cet extrait nous ramène à des interrogations déjà émises:  » »pour quelles raisons ? », « Pourquoi cet acharnement à vouloir intervenir et à tordre les évènements pour mieux le faire ? »

Pas de photo pour illustrer cet article: la guerre ne le mérite pas.

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Syrie, Egypte, Tunisie, Mali … ou les méfaits de l’ethnocentrisme politique

Monsieur Sikorski est le chef de la diplomatie polonaise. Il vient de s’exprimer (Le Monde du 19/12/2012) au sujet du rôle de l’Union Européenne face à la crise syrienne. Et, en substance, il a dit que ce rôle avait des limites et que si la Fondation Européenne pour la Démocratie qu’il a aidé à créer, avait des millions à donner pour aider la société civile dans les pays arabes, ce devait être pour « soutenir ouvertement ceux qui sont proches des valeurs européennes, car nous voulons que nos voisins se rapprochent de nous ».
Voilà un exemple parfait d’ethnocentrisme politique qui veut que le modèle occidental, européen en l’occurrence, soit la référence absolue de toute évolution et de tout progrès. Lévi-Strauss nous le dirait: il est difficile, voire impossible, de juger l’attitude ou le comportement de son voisin sans faire comparaison avec ce qui est sa propre culture. Mais dans le cas présent, il ne s’agit même plus de comparaison, mais de demande d’assimilation du modèle européen. Nous doutons fort que ce langage puisse être entendu, quelle que soit la tendance de l’interlocuteur arabe: islamiste, gauchiste ou libéral. Une telle attitude de la part d’un diplomate européen est donc totalement vide de sens … et d’intérêt.

Ce diplomate n’est pourtant pas seul à resservir inlassablement le même discours. En Egypte (et nous en avons déjà parlé) (Journaliste-ou-militant-deux-exemples-récents-les-riches-et-l-islamisme), l’envoyé spécial du Monde, « spécialiste du Proche-Orient », poursuit ses analyses personnalisées par un point de vue subjectif souvent insupportable. C’est ainsi qu’on le lit dans une « analyse » du vote des femmes au Caire contre la nouvelle constitution, vote d' »une partie des citadines éduquées » qui votent « non parce que les droits des femmes ne sont pas mentionnés en tant que tels dans la nouvelle constitution, non parce le droit à l’éducation des filles a été effacé, non parce que j’ai peur que l’article qui fait des femmes les « garantes de la famille » serve à me mettre au chômage ou à m’obliger à travailler moins d’heures ».
Aujourd’hui, nouvelle diatribe contre la constitution au motif qu’un copte militant des nouveaux droits civiques risquera une peine plus sévère si la nouvelle constitution est adoptée, puisqu’il est accusé d' »insulte au prophète ». Amalgame facile puisque sa première condamnation porte sur le « dénigrement des religions ».

Alors, puisqu’il le faut, parlons de cette constitution. Non sans avoir souligné qu’en Egypte, comme en France, le texte d’une Constitution est toujours à relativiser quelque peu. Notre Constitution est-elle appliquée à la lettre ? Et parlons de ce que personne ne dit. Tous les commentateurs relèvent à l’envie les formulations ambiguës au sujet des « traditions égyptiennes » et en concluent que pourraient en faire partie l’excision et les mutilations génitales féminines (Alexandrie-Excision) ! Tous les commentateurs relèvent l’absence de droits spécifiques pour les femmes et en concluent que leur serait interdit le droit d’ester en justice.
Mais combien de commentateurs soulignent les avancées de ce texte ?

  • la limitation de durée du mandat présidentiel,
  • la création d’un régime semi-présidentiel. Si le président y reste fort, son pouvoir est rééquilibré par l’Assemblée du Peuple qui contrôle la nomination du gouvernement et peut le renverser. Le président ne peut dissoudre cette Assemblée du Peuple que par référendum.
  • l’égalité des hommes et des femmes y a été supprimée au bénéfice d’un article stipulant que tous les égyptiens sont égaux,
  • la liberté d’expression et de presse est garantie (art 45),
  • la détention arbitraire est interdite (art 35),
  • la torture et les traitements inhumains sont interdits (art 36),
  • l’espionnage des communications privées est interdit (art 38),
  • la liberté religieuse est garantie (art 43),
    De façon parfois regrettable, le texte s’entoure de considérations susceptibles de limiter l’effet de ces réelles avancées. C’est ainsi qu’un art 44 interdit l’injure au prophète et un art 31 l’injure aux individus. Voilà bien des procès en perspective !
    La liberté religieuse ne s’applique qu’à trois religions: celles du Livre, les autres sont oubliées.
    Enfin, la charia y est déclarée « source principale de la législation » et non « source unique du droit ». Cette formulation est en elle-même porteuse de modération et le fait d’avoir confié à l’université Al Azhar le soin de préciser ces principes de la législation est tout à la fois inquiétant parce qu’intervient une structure religieuse non élue, et positif en ce sens que l’université Al Azhar se caractérise souvent par des positions progressistes.

    Et là est la vraie question à laquelle l’ethnocentrisme occidental n’aide pas à apporter une réponse. En Egypte, les « révolutionnaires » et les libéraux se plaisent à accuser Morsi de faire double jeu et de tenir double langage. Il ferait mine de développer des positions à minima réformistes et, par derrière, il laisserait agir les salafistes en vue de la création d’un état intégriste.
    Cette analyse ne tient pas debout. Mohamed Morsi a besoin de développer son pays, sous peine d’être renversé par la colère du peuple qui a faim et qui veut du travail. Mohamed Morsi a besoin de l’appui occidental, de l’argent de la Banque Mondiale, de celui des USA. Mohamed Morsi a besoin de jouer un rôle actif dans toute la région proche-orientale, afin que son pays conserve, si possible, les positions et la stature acquises au cours des dernières décennies.
    Au contraire d’un double jeu, on assiste à une lutte fratricide et implacable entre les fractions islamiques, la « plus ou moins progressiste » et la « radicale » ! Et l’Occident serait bien inspiré de le comprendre rapidement afin d’aider Morsi, ne serait-ce que temporairement et dans le respect des formes démocratiques, à neutraliser les plus radicaux afin que le pays se redresse.
Pro et anti-Morsi face à face (C)Maya Alleruzzo/AP-SIPA

Un ethnocentrisme comparable préside aux jugements relatifs à l’évolution de la Tunisie où Ennahda est, de façon comparable, soupçonné de « double jeu ».

Raisonnement déjà identique au Mali. La France vient d’obtenir une résolution auprès des Nations Unies, laquelle résolution autorise une éventuelle intervention militaire dans le Nord-Mali, limitée dans sa durée à un an, et n’ayant pas lieu avant septembre 2013. D’ici là, l’ONU renouvelle la nécessité de tout faire pour régler le problème par la négociation. Cette résolution a été obtenue de justesse, tant les USA sont réticents à l’égard de ce projet militariste. L’ambassadrice US à l’ONU a été jusqu’à qualifier le projet français de « merde » (http://www.slateafrique.com/100157/mali-quand-washinton-critique-plan-de-la-france).
Ansar Eddine et le MNLA viennent de renouveler leur engagement à cesser le combat et à négocier, voire à prendre en charge la question de l’AQMI.
Qui les écoute ?
Pas la France, pas l’Europe qui préfèrent s’engager dans la voie militaire et passer sous silence l’ardente « obligation de négocier ».
Pas l’Afrique de la CEDEAO, pas le Mali où se préparent des milices qui veulent aller « chasser le touareg ».
Et puis, avec qui peuvent-ils négocier ?
Il n’y a plus de pouvoir au Mali ! Et le capitaine Sanogo tire toujours les ficelles ! (http://www.rfi.fr/afrique/20121212-mali-reperes-principaux-acteurs-crise).

Il y a urgence à intervenir, non pour la guerre, mais pour la négociation, pour la reconnaissance du fait touareg, pour la recherche d’une entente sur un territoire immense, pour l’aide à un développement commun dans lequel pays et populations ne seront pas « oubliés ».
Pour cela, sans doute faut-il que l’Europe et ses diplomates (dont la France) réfléchissent avec d’autres arguments que leur paresse ethnocentrique.

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Nord-Mali, les positions bougent

Sans qu’il soit possible d’en tirer déjà des conclusions formelles, force nous est de constater que les positions des uns et des autres (Au-Mali:-chroniques-d-une-guerre-annoncée) bougent … et bougent vite.

Tout d’abord, les Etats-Unis, que l’on savait déjà « dubitatifs » à l’égard d’une intervention militaire au Nord-Mali, viennent de publier une estimation des forces djihadistes (http://www.romandie.com/news/n/_Nord_du_Mali_le_noyau_dur_des_jihadistes_estime_entre_800_et_120097141120121818.asp?) sur le terrain. Et nous sommes bien obligés de constater que les chiffres de 6000 combattants, et davantage, ne relèvent que d’une habile communication destinée à faire passer l’action militaire comme incontournable. Le Commandant de l’Africom, Forces Armées américaines en Afrique, le Général Carter Ham, estime entre 800 et 1200 le noyau dur des combattants djihadistes. Le reste ne serait constitué que d’aventuriers qui s’égayeront rapidement dans le désert à la première escarmouche. On savait déjà que les centaines de combattants annoncés, venus de toute l’Afrique et du Proche-Orient, n’étaient que vue de l’esprit. On sait désormais que les forces islamistes radicales ne sont pas celles que l’on annonce et qu’une opération de police et de remise en ordre pourrait suffire à ramener un peu d’ordre sans qu’il soit besoin d’une intervention militaire.

Ensuite, les pourparlers vont bon train. MNLA et Ansar Eddine (http://www.lefaso.net/spip.php?article51320&rubrique361) se sont retrouvés ensemble au Burkina Faso. Ansar Eddine avait déjà lancé un appel à la cessation totale des hostilités. Tous se sont entendus sur la poursuite des négociations dont le cadre fixé par la partie burkinabée comprend « la libre circulation des personnes et des biens, la reprise des activités sociales et économiques, le retour des personnes déplacées ou réfugiées, le respect des libertés fondamentales, le rejet du terrorisme et de la criminalité transfrontalière ».
Dans le même temps, il apparaît que le MNLA, que d’aucuns accusaient de n’être représentatif de rien, ait cherché aujourd’hui même à se donner une meilleure assise sur le terrain en affrontant le Mujao (http://www.siwel.info/Azawad-combats-entre-les-touaregs-du-MNLA-et-les-islamistes-du-MUJAO_a4245.html) (affilié à AQMI) et en reprenant la région de Gao, dont il avait été chassé par le même Mujao le 27 juin dernier. Ce soir, les combats ont cessé, chacun proclamant la victoire !…

Membres d’Ansar Eddine à Ouagadougou (C)Yempabou Ahmed Ouoba


Enfin, dernier élément de réflexion: la France elle-même infléchit légèrement ses positions. Lors d’un récent entretien avec le Président par intérim du Mali, François Hollande (http://www.afrik.com/mali-francois-hollande-prone-le-dialogue-avec-les-islamistes) a demandé que soit « intensifié le dialogue avec les représentants des populations du nord-Mali qui rejettent le terrorisme ». Sans renoncer à s’engager sur un soutien à une intervention militaire, il y a là un ton nouveau qui n’est pas à négliger.
Mais peut-être faut-il trouver une explication à ces mouvements et à ces déclarations dans le fait qu’une opération militaire devient de plus en plus improbable. Le commandant américain de l’Africom parle de « mois, et non de semaines » pour mettre sur pied une armée équipée, efficace et organisée digne de ce nom. A ce moment-là, le désert ne sera plus qu’une fournaise et aucune armée ne s’y risquera plus.