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Le droit au développement vu du Nord et vu du Sud

 »… Le Sommet du développement durable (…) ne débouchera peut-être pas sur grand chose. Et lors des réunions préparatoires on aura vu se rouvrir de vieilles cicatrices dont on s’était trop brièvement préoccupé (…). Entre les groupes « environnementalistes » des pays du Nord et les groupes « de développement » des pays du Sud, de nombreuses différences subsistent, aussi manifestes que jamais. »

 »Bon nombre de groupes du Nord pensent qu’il est de leur devoir de sauver le Sud du « développement », quoi que cela puisse coûter aux gens du Sud. Dans leur propre pays, ils ont bien du mal à faire évoluer les attitudes en matière de développement, mais ils ont vite fait de montrer du doigt leurs collègues du Sud en disant : « Non, non ! le développement c’est pas bon pour vous ! » Et ils vous désignent le rayon du magasin où s’étalent les mirages du développement durable : « Regardez, ça c’est bon pour vous ! » La plupart du temps ces gens oublient évidemment de mentionner le prix de l’article. Ils ont du mal à avouer que pour faire du développement durable, il faut plus d’argent. Cela les obligerait à pousser leurs gouvernants à respecter au moins leurs engagements financiers. Mais cela ils ne sont pas capables de le faire : on le voit bien depuis le temps que ça dure. Pour eux, il est bien plus facile de traiter avec les gouvernements du Sud. Car les pays du Sud, on peut leur forcer la main, leur imposer des conditions via les grandes institutions internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international…) dominées par les intérêts du Nord. »

 »C’est pour cela que « le droit au développement », qui a été reconnu comme un droit inaliénable de l’Homme lors de l’Assemblée générale des Nations unies en 1986, reste un sujet controversé dans le projet de document du Sommet du développement durable (…). A l’image de leurs gouvernants, bon nombre de groupes du Nord sont contre l’idée que toutes les nations ont un droit égal à se développer. Ils estiment qu’en accordant aux pays du Sud le droit de se développer pleinement on leur donnera aussi « le droit de polluer ». Pour ces pays, il faut donc se limiter au « droit au développement durable ». Autrement dit, les pays en développement peuvent bien essayer de pourvoir aux besoins de leur population, à condition de rester dans un cadre contraignant. Avec ces restrictions, on remplace en fait un droit par une obligation. »

 »Premier point : ce « droit au développement durable » ne tient pas compte du fait que, contrairement aux pays industrialisés, les pays du Sud n’ont pas encore consommé leur part de l’environnement mondial. En toute équité, ceux-ci devraient pouvoir bénéficier pleinement du « droit au développement » tandis que s’imposeraient aux pays industrialisés les restrictions qu’exige le développement durable. Les pays en développement ont le droit de se développer selon des modèles conventionnels tant qu’ils n’auront pas consommé leur part de l’environnement mondial, ou jusqu’à ce que la communauté mondiale leur accorde les moyens financiers et techniques qui leur permette d’opter pour le développement durable. Dans ce dernier cas, les pays du Sud ne devraient pas faire d’objections pour entamer les changements souhaitables. »

 »Deuxième point : comment définir le développement durable. Avec cette expression caméléon, on peut parier que le « droit au développement durable » applicable aux pays du Sud sera défini selon les desiderata des pays du Nord, parce qu’ils sont financièrement les plus forts. Au cours de toutes ces années passées, nous avons compris que les critères du développement durable, tel qu’il est conçu par les pays du Nord, peuvent desservir gravement les intérêts des pauvres et favoriser les riches. Prenons l’exemple de la « foresterie durable » : la plupart des critères retenus pour une exploitation durable des forêts favorisent avant tout les pratiques en usage dans les pays développés. Qu’importe si cela enrichit encore plus le riche au lieu de profiter aussi au pauvre. Peu importe si, avec ces contraintes, les petits producteurs du Sud auront du mal à résister à la concurrence des gros producteurs du Nord. »

 »Pour deux autres raisons, auxquelles on a fait allusion plus haut, le droit au développement durable peut constituer un sérieux problème dans les pays pauvres. Le développement durable exigera évidemment des dépenses supplémentaires, et pour cela il n’y a pas encore de financements disponibles dans les pays du Sud. D’autre part, il est probable que, par « des cadeaux » ou par la force, on obligera ces pays à remplir leurs engagements vis à vis des objectifs du développement durable tandis que les pays du Nord continueront à faire comme bon leur semble. Et les pays du Sud ne disposent d’aucun moyen de pression pour les contraindre à faire les choses autrement. Dans leurs pays respectifs, les ONG du Nord resteront aussi impuissantes qu’elles le sont actuellement, et elles jugeront plus confortable de fermer plus ou moins les yeux sur les carences de leurs gouvernants. C’est bien ce qu’elles ont fait sur la question du réchauffement climatique. Au lieu d’essayer de changer les choses chez eux, de réduire la dépendance vis à vis du carburant fossile, ces groupes préfèrent, parce que c’est plus facile, imposer le changement aux pays du Sud grâce à l’influence qu’ils peuvent avoir sur les institutions financières internationales. »

 »Avant de parler de « droit au développement durable » plutôt que de « droit au développement », ces groupes devraient admettre qu’il est grand temps que les pays riches s’engagent fermement sur la voie du développement durable, que le « droit au développement durable » impose des contraintes supplémentaires aux pays du Sud auxquels on refuse un droit égal au développement. Tous les êtres humains devraient avoir un droit d’accès égal à toutes les ressources pour satisfaire leurs besoins. Tous devraient avoir une part égale des fruits du développement. Mais pour les populations les plus démunies du Sud, il s’agit tout simplement de survie. »

Carte centrée sur le Pacifique-Projection de Peters

L’auteur de ce texte se nomme Anju Sharma. Ce texte a été écrit en … 2002 et publié le 15 août 2002, en anglais, dans le revue “Down To Earth”, du Center for Science and Environment (http://www.cseindia.org/) . Cette traduction française (http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6678.html) due à Gildas Le Bihan a été publiée dans le N° 10 (2005) de la revue “Notre Terre” éditée par le CRISLA (http://www.crisla.org/) .

Le Sommet concerné par ce texte était le Sommet pour le Développement durable de Johannesburg. Demain s’ouvre le Sommet de Copenhague, censé sauver la planète des méfaits du réchauffement climatique. Or, quand les droits à émission de carbone sont considérablement plus élevés pour les pays riches que pour les pays en développement, c’est tout simplement que le “droit au développement” n’est pas reconnu à ces derniers. La définition de “droit au développement” a t’elle réellement évoluée entre 2002 et 2010 ?

Quand à la carte qui illustre le post, elle a pour but de susciter la réflexion. Elle est centrée sur le Pacifique et la représentation des pays y est conforme à leur superficie (projection de Peters), ce qui n’est pas le cas de nos cartes habituelles. Dérangeant, n’est-ce pas ?

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L’aide fatale

Voici déjà quelques mois (Faut-il-mettre-un-terme-à-l-aide-à-l-Afrique) , j’avais parlé d’un livre écrit par Dambisa Moyo, alors même qu’il n’était pas encore traduit en français. C’est en parcourant les sites progressistes et critiques de l’Afrique Noire que j’avais découvert cet ouvrage. Le voici traduit en français, sous le titre de “L’AIDE FATALE” et publié chez Lattes.

La thèse est assez simple. Les faits montrent à l’envie que l’aide apportée à l’Afrique ne contribue pas à son décollage économique, loin s’en faut, puisqu’au contraire les inégalités s’accroissent et la pauvreté augmente. La solution réside dans une suppression prochaine de l’aide et le remplacement de celle-ci par quelques principes économiques d’inspiration assez libérale:

  • utiliser les marchés d’obligations,
  • encourager une politique d’investissements dans les infrastructures en échange de matières premières, comme le fait la Chine,
  • mettre un terme au protectionnisme européen et américain en matière de produits agricoles et de matières premières,
  • développer le rôle des intermédiaires financiers, notamment en microfinance.
(C)Dambisa Moyo-JC Lattès

La Tribune.fr (http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20090917trib000423177/dambisa-moyo-l-aide-publique-donnee-a-l-afrique-constitue-une-rente.html) a récemment accompagné la présentation de ce livre par une courte interview. Parmi les questions, celle-ci: Si l’aide est un échec, pourquoi les pays riches continuent de déverser autant d’argent en Afrique ?

La réponse laisse un peu perplexe. La cause en serait le poids des valeurs religieuses qui imprègnent le politique en créant une sorte d’obligation morale à l’aide des pays pauvres de la part des pays riches. Je veux bien, mais je ne suis pas certain qu’il n’y ait pas d’autres facteurs et notamment le fait que les pays riches SAVENT que l’aide entraîne une dépendance, que cette dépendance a souvent pour nom la DETTE, et qu’en raison de cette dépendance les pays riches s’octroient des droits sur les matières premières: pétrole, métaux rares, uranium, …

Quoi qu’il en soit, cet ouvrage ne laisse personne indifférent et sa place est bienvenue dans les débats qui entourent la définition d’une nouvelle mondialisation, ou d’une mondialisation plus respectueuse des ressources naturelles et dont les productions sont plus conformes aux besoins réels des populations.

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Faut-il mettre un terme à l’aide à l’Afrique ?

Illustrant un récent supplément du Monde consacré à la “Consommation durable”, ce beau dessin de Cagnat cherche à illustrer une thèse récente développée par les décroissants: il nous faut consommer local.

(C) Cagnat

C’est ainsi que le premier maraîcher illustré est originaire de la Sarthe et nous propose des panais et des topinambours, alors que ses voisins offrent à la vente des ananas de Côte d’Ivoire, des pamplemousses des Bahamas, des mangues du Pérou, des bananes de Martinique, du raisin de Sicile, …

Même si cette théorie semble positive du point de vue de l’impact carbone que nos consommations peuvent engendrer, elle n’en demeure pas moins difficile à manier, voire dangereuse. Tout d’abord, rappelons que la Martinique est un département français et que ne plus consommer ses bananes, c’est probablement la priver de revenus non négligeables. Dire cela, c’est cependant accepter qu’il peut en aller différemment avec les productions agricoles des pays étrangers à la France. Cela n’est qu’une forme de protectionnisme.

Et d’ailleurs, pourquoi s’arrêter à nos consommations de fruits et légumes ? Le même raisonnement peut s’appliquer à d’autres ressources. Pourquoi importer du coton du Mali ou d’Egypte alors que l’on peut développer la culture du lin dans les plaines du nord ?

Dans des pays qui ont des économies difficiles, nous ne ferons qu’introduire un peu plus d’instabilité. D’autant plus qu’à l’inverse nous continuerons de leur vendre nos productions, voire même nos produits agricoles. Encore une fois, la décroissance ne saurait se résumer à une somme de comportements individuels totalement déconnectés d’une démarche politique et économique globale. Sur le point précis de la consommation alimentaire, il serait déjà bien de n’acheter que les produits régionaux quand des productions identiques parviennent du bout du monde. En clair, privilégier les fraises de France aux fraises d’Espagne, les poires de France aux poires d’Argentine, l’agneau de France à l’agneau de Nouvelle-Zélande. Mais, de grâce, continuons à manger des oranges, des pamplemousses, des mangues et des papayes, à boire thé et café, …

Revenons à l’Afrique qui fait l’objet de notre titre. La crise engendre une multitude de réflexions et d’analyses. Mais le G20 a t-il abordé les questions de la croissance des pays pauvres et de la lutte contre la pauvreté ?

Dans un livre passionnant “Le Monde d’après. Une crise sans précédent” (Ed. Plon), Mathieu Pigasse et Gilles Finchelstein s’essaient à dessiner ce que sera le nouveau monde. Les BRICO’s (Brésil, Russie, Inde, Chine et Other’s) y joueront un rôle premier. Les Other’s sont la Turquie, le Mexique, l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Indonésie, le Vietnam. Ils joueront un rôle premier parce que dès cette année, ce n’est que chez eux que se concentrera la croissance économique. Parce que d’ici 2025, ce n’est que chez eux que se concentrera la croissance de la population. Et parce que dès à présent, ils acquièrent la technologie. A l’exception du Nigeria (et de l’Afrique du Sud, cas plus particulier), nous n’y voyons pas l’Afrique Noire.

Plus récemment, le 16 avril, Le Monde (toujours) a organisé une confrontation entre Thérèse Delpech, Directrice des Affaires Economiques au CEA, et François Heisbourg, Directeur de l’International Institute for Strategic Studies of London, sur la thématique suivante: “Penser le monde de l’après-crise“. A la question “Quels sont les perdants évidents de la crise ?”, François Heisbourg cite une première catégorie de petits pays très exposés qui ont joué un grand rôle dans la mondialisation: Singapour, Taïwan, Dubaï, Irlande, les petits pays de la nouvelle Europe, … Puis un second groupe des grands monoproducteurs peuplés: Russie, Iran, Venezuela (on retrouve là ce que certains ont appelé les “pétro-oligarches”). Enfin, la troisième catégorie est celle des grands pays très peuplés et, déjà auparavant, très vulnérables: Egypte, Algérie, … Là encore, nous n’y voyons pas l’Afrique Noire.

Alors débattre d’un certain discours qui ne mérite ni éloges, ni opprobre, est vraiment à coté de la plaque ! Il y a longtemps que l’Afrique Noire est mal partie (René Dumont 1962) et il est certain aujourd’hui qu’elle n’est pas entrée dans l’histoire moderne, qu’elle est la laissée-pour-compte d’une économie mondialisée, d’un monde dont tous les liens s’interpénètrent. En voulez-vous la preuve ?

L’école d’engineering suisse ZHAW a réalisé une animation représentant tous les vols aériens internationaux de notre planète au cours d’une journée de 24 heures. Même si l’on peut débattre de l’intérêt de chacun de ces vols, il n’en demeure pas moins qu’ils représentent des échanges de personnes, managers ou touristes, des échanges d’idées, des échanges de marchandises. Force est de constater que l’Afrique Noire en est exclue.

Une preuve encore ? Cette carte représente la capacité des câbles sous-marins installés sur la planète à usage des télécommunications.

Carte des câbles sous-marins

C’est incroyable comme ces deux cartes sont superposables !! Là encore, l’Afrique noire est exclue.

Alors quand une économiste publie un livre intitulé “Dead Aid: Why Aid Is Not Working and How There Is a Better Way for Africa » que l’on peut traduire par “Pourquoi l’aide n’est pas opérante et comment y a t-il une meilleure voie”, on dresse l’oreille. Quand cette économiste de Goldman Sachs, ancienne consultante de la Banque Mondiale, née en Tanzanie, diplômée d’Oxford et d’Harvard, soutient que l’aide alimente la corruption et empêche le tissu économique de se développer et qu’il faut couper radicalement l’aide d’ici à cinq ans, on en reste le souffle court. Dambisa Moyo développe une argumentation solide prenant pour exemple deux pays (les seuls) à ne pas ou ne plus dépendre exclusivement de l’aide: Afrique du Sud et Botswana. Mais pour cela, il faut mettre en place une administration démocratique, créer des institutions solides, encourager le commerce, l’investissement et la création d’emplois, …

Attendons une traduction française, mais il est curieux de constater que les premiers adversaires de ces thèses soient des “professionnels” de l’aide et notamment Bono (U2).

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Croissance des pays émergents: le cas de l’Afrique

Le temps passe vite. Alors que je prépare un déplacement au Mali, je ne trouve plus le temps de rédiger quelques notes propres à éclairer mon jugement personnel, et éventuellement le vôtre …

Il y a quelques temps déjà, j’affirmais que le coût du baril de pétrole resterait élevé. C’était sans compter avec le grand happening de la finance mondiale ! En quelques jours, celle-ci à réussi à faire prendre en compte par la puissance publique la totalité de ses errements ultra libéraux et, au passage, à reprendre la main sur les marchés mondiaux par une baisse radicale des cours !

Ceci dit, je ne suis toujours pas économiste, mais je reste convaincu que le cours du baril de pétrole remontera aux environs d’une valeur à trois chiffres (> 100 $) dès que la crise sera finie et que la consommation reprendra. D’autant plus facilement que le pétrole n’étant pas cher, il n’y aura pas de raisons de l’économiser !

Qu’est-ce que cette crise entraîne, en matière économique, pour les pays émergents ? Je lis que le Mali espère un taux de croissance de 7,8 % en 2009. Cette affirmation rejoint une analyse publiée voici déjà un mois par le FMI, affirmant que l’économie mondiale ralentissait fortement (5,1 % en 2006, 5 % en 2007, 3,9 % en 2008, 3 % en 2009). Aucune région au monde ne serait épargnée par cette quasi récession, à commencer par les pays émergents qui commençaient de tirer leur épingle du jeu.

Seule l’Afrique (Maghreb, Afrique Occidentale et Afrique Equatoriale) poursuivrait sa croissance. Il ne s’agit cependant pas d’une révolution économique, mais avant tout du maintien des exportations de matières premières et d’une relative protection à l’égard des turbulences financières. Il n’y a pas lieu d’en tirer gloire; cela signifie, à contrario, que l’économie de ces régions n’est pas encore incluse dans la mondialisation !

Mais ces prévisions sont-elles dignes d’attention ? La crise financière occidentale ne va t-elle pas réduire les investissements étrangers et réduire les importations ? Les coûts des matières premières ne vont-ils pas continuer à baisser tant que durera la crise ?

Les grandes manœuvres économiques actuelles (G8, G14, G20, ..) ne comprennent aucun pays d’Afrique à l’exception de l’Afrique du Sud (G20). Et pourtant, le cadre multilatéral se doit de prendre en compte d’une façon ou d’une autre, ce continent si l’on veut y réduire la misère et y favoriser un vrai développement, une vraie croissance basée sur une économie réelle créatrice d’emplois et de plus-values.