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Afrique

Après le Mali, la République Centrafricaine

Inutile de faire un long discours.
Deux hommes de foi viennent de s’en charger (« Le Monde » du 28/12/2013).
Il s’agit de Monseigneur Dieudonné Nzapalainga, l’archevêque de Bangui, et de l’imam Omar Kobine Layama, président de la communauté islamique de la République Centrafricaine.

Centrafrique-L'imam et l'archevêque (DR)

« Alors que nous sommes en pleines fêtes de fin d’année, notre pays, la République centrafricaine (RCA) reste au bord d’une guerre aux aspects religieux. Plus de deux millions de personnes, soit près de la moitié de la population du pays, ont désespérément besoin d’aide. A l’heure où nous écrivons, près de 40 000 personnes sont entassées dans l’enceinte de l’aéroport de Bangui, la capitale, sans abri ni toilettes. Des centaines de personnes ont été tuées, certains d’entre elles sont des patients qu’on a fait sortir de force des hôpitaux pour les exécuter. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est dit « gravement préoccupé par le danger imminent d’atrocités de masse« . Nous craignons que faute d’une réponse internationale plus importante, notre pays ne soit condamné aux ténèbres.
En tant que principaux dirigeants religieux des communautés chrétienne et musulmane de notre pays, nous avons conscience qu’il nous incombe de montrer un chemin loin des violences communautaires. Certains de nos confrères, qu’ils soient prêtres ou imams, ont payé le prix ultime pour assumer cette responsabilité, et nous craignons que le pire ne reste encore à venir.
C’est en mars 2013 que les violences ont éclaté, lorsque la Séléka, une coalition de groupes armés peu structurée et composée majoritairement de musulmans, s’est emparée du pouvoir après un coup d’Etat. La Séléka a pillé et tué, déclenchant des attaques de représailles par des groupes d’autodéfense civile, chrétiens pour la plupart. Lorsque les troupes françaises sont arrivées pour tenter de rétablir la sécurité et désarmer tous les groupes armés, l’ancienne milice Séléka s’est mise à fuir vers le Nord, ses membres se déguisant en civils. Il existe aujourd’hui un danger d’effroyables représailles contre des musulmans qui se retrouvent dans une situation précaire et sont susceptibles d’être visés par des actes de vengeance.
En réponse à cette crise, nous avons créé une plate-forme interconfessionnelle dont l’objectif est d’apaiser les tensions et empêcher l’aggravation des divisions et du chaos. Ce conflit n’est pas en soi un conflit entre musulmans et chrétiens, c’est une crise humanitaire grave provoquée par une instabilité politique et militaire chronique. Mais, si rien n’est fait, la crise pourrait enclencher sa propre dynamique irrépressible et dangereuse.
Nous nous sommes rendus aux quatre coins du pays pour transmettre aux Centrafricains un message de paix et de réconciliation qui leur offre une vision alternative au carnage. Lors de nos déplacements, qui n’ont été possibles que grâce à la protection de soldats africains, nous avons été témoins de la peur omniprésente que ressent tout un chacun. On retrouve chaque jour des corps sans vie le long des routes. Nous avons rencontré des personnes si pressées de fuir qu’elles ne pouvaient même pas enterrer leurs enfants.
L’ONU DOIT ENVOYER DES FORCES
Si les forces françaises et africaines ont donné à notre pays la possibilité d’amorcer un nouveau départ, les progrès réalisés sont fragiles, et les troupes ne sauraient porter ce fardeau à elles seules. En autorisant le déploiement de troupes supplémentaires en RCA, la résolution du Conseil de sécurité a redonné espoir. Cependant, seule une force onusienne de maintien de la paix disposera des ressources nécessaires pour protéger nos civils de manière satisfaisante. L’ONU devrait de toute urgence convenir d’envoyer sur place une telle force.
Lors de nos rencontres avec le président François Hollande, son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius et l’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power, nous avons expliqué que la sécurité que conférerait une force de maintien de la paix onusienne permettrait de sauvegarder l’avenir du pays. Grâce à l’aide des casques bleus de l’ONU pour sécuriser nos routes et nos habitations, l’acheminement d’une aide et de vaccins éliminerait le sentiment de peur en le remplaçant par un espoir, et s’avérerait un véritable dividende de la paix propre à unir notre peuple. Un engagement de l’ONU à l’égard de notre pays permettra de nous concentrer sur le rétablissement d’une coexistence entre nos communautés. La réconciliation et la paix sont possibles.
Nous sommes tous les deux nés dans un climat de tolérance. Nous avons toujours eu pour habitude de célébrer et de respecter les différentes religions. Noël et le Ramadan sont des jours fériés. Il nous faut reconstruire aussi bien notre pays que notre tissu social, et nous comptons sur l’ONU pour nous en donner la possibilité. La paix n’a pas de prix. Nous espérons que la communauté internationale nous aidera à l’obtenir.



C’est nous qui avons souligné en caractères gras les nombreux appels de ces deux personnalités à une intervention internationale, sous l’égide de l’ONU. Car, là encore, et comme pour le Mali, nous disons que la France seule n’a « rien à foutre militairement en République Centrafricaine« .

Et, comme pour le Mali, François Hollande court désespérément après un soutien européen qu’il n’aura pas, qu’il ne peut pas avoir, pour l’unique et simple raison qu’il a décidé seul d’intervenir, sans consultation aucune de ses voisins européens. Il n’est absolument pas en position de réclamer un financement européen, ce que les allemands appellent une « kriegkasse » et Angela Merkel lui en a fait vertement le reproche: « Nous ne pouvons pas cofinancer une mission que nous n’avons pas co-décidée !« 

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Ecologie

Palmier à huile: le retour

L’huile de palme a été le sujet de l’un des posts de ce blog, voici près d’un an (Sacs-poubelle,-centres-d-appel-et-huile-de-palme). A contre-courant d’une campagne visant à boycotter ce produit, campagne largement orchestrée par des seniors de la grande distribution à la recherche d’un nouveau thème de  »greenwashing », nous avions défendu l’huile de palme en mettant en avant deux notions importantes.
La première consiste à affirmer que l’huile de palme ne peut pas être accusée d’être néfaste en termes alimentaires: elle contient moins d’acides gras saturés que le beurre ou d’autres graisses animales. Condamner l’huile de palme pour des motifs alimentaires devrait être précédé d’une condamnation de ces produits animaux largement consommés dans notre pays.
Quant à la second, elle vise à assimiler la dénonciation de la culture du palmier à huile à une action notoirement contre-productive en ce qui concerne le développement des pays producteurs. Le palmier à huile et, en effet, une vieille culture de vieille tradition dans les pays asiatiques et africains. Il est cependant indéniable que son développement parfois anarchique et au détriment de la forêt ou de cultures vivrières reste à maîtriser.

Un livre a été récemment édité, qui reprend un peu ces arguments, avec bien d’autres.

(DR)

Les auteurs en sont Alain RIVAL et Patrice LEVANG et leur ouvrage s’intitule « La palme des controverses », aux Editions Quae.
Alain RIVAL n’est pas un nouveau dans ce débat relatif à l’huile de palme. Agronome, chercheur spécialisé dans la culture de cette plante, il défend depuis des années (et bien avant la campagne de boycottage dite « Nutella ») l’huile de palme comme étant un produit dont le « développement durable » peut et doit être favorisé. Depuis 2010 des tentatives ont été mises en œuvre: elles doivent être repensées, restructurées, mais nullement abandonnées.
Patrice LEVANG, agronome et économiste (agroéconomiste) tient le même langage et assure qu’un développement maîtrisé de cette culture, dans des conditions sociales et environnementales précises et respectées, accompagné de transformation sur place, doit permettre l’éradication, au moins en partie, de la pauvreté en Afrique.

Nous ajouterons, comme nous l’avions fait voici près d’un an, que le type de critiques énoncées à l’égard de la culture du palmier à huile est non seulement erronée, mais aussi inefficace ! Songeons que la consommation d’huile de palme dans notre alimentation représente 130000 tonnes sur les … 50 millions de tonnes produites annuellement: 0,3 % ! Malheureusement, si toutes ces critiques restent improductives, elles ont le désavantage de donner de notre pays une image de donneur de leçons, une image « impérialiste », « néocolonialiste » dont nous pourrions bien nous passer.
Pour connaître le point de vue de Alain Rival: cet entretien (http://www.agrobiosciences.org/IMG/pdf/Entretien_Alain_Rival_Huile_de_palme.pdf) publié en novembre 2012.

Afrique – Huile de palme (DR)
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Divers

Des vœux pour 2014

Quoi dire qui n’ait pas déjà été exprimé ?
2014 va débuter sous les mêmes signes que 2013. Les espoirs, les combats, les vœux vont être les mêmes. En face les habitudes, l’aveuglement, l’égoïsme (volontaire ou pas) vont également être les mêmes.
Faut-il pour cela baisser les bras ? Non !

Faisons donc de 2014 une année plus fraternelle. Entre nous, déjà, entre voisins, entre relations, entre collègues d’un même projet …

Entre européens, puisque tel va être le grand enjeu du mois de mai, afin que les adversaires de cette idée en construction ne soient pas renforcés dans leurs volontés de détruire.
Entre citoyens du Nord et citoyens du Sud. Pour que les premiers limitent leurs appétits. Pour que les seconds accèdent à un vrai développement.

Faisons de 2014 une année plus fraternelle.

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Démocratie

L’heure à Saint-Antoine et la négociation

Saint-Antoine l’Abbaye, l’un des plus beaux villages de France, possède une magnifique abbaye gothique édifiée à partir du XII° siècle. L’ordre des Antonins, qui en a eu la charge pendant cinq siècles (1297-1777), s’est essentiellement caractérisé par une large ouverture au monde.
Tout d’abord, parce que cet ordre est un ordre hospitalier. Il a, à défaut de l’identifier, trouvé les remèdes à une cruelle maladie appelée le « Mal des ardents » causée par une intoxication à l’ergot de seigle: nourriture riche et saine (viande de porc), boisson désinfectante (vin aux épices), onguents et amputations.
L’ordre s’est montré européen bien avant l’heure puisqu’il a créé plusieurs centaines (1300 établissements, 10 000 membres) de commanderies dans toute l’Europe et s’est illustré par l’existence de hautes personnalités: ministres, conseillers, diplomates auprès des grandes cours.
Enfin, outre l’ouverture aux arts (manuscrits, ornements), l’ordre s’est illustré par une grande curiosité scientifique. Jean Borrel, (Johannes Buteo) Antonin et mathématicien de la renaissance, est l’auteur d’un calendrier gnomonique dessiné dans l’escalier de la tour de l’horloge de l’abbaye. Ce calendrier a été réalisé avant 1560.
Le maître-autel, installé au XVII°, siècle possède une colombe dont l’ombre portée se dessine dans un triangle martelé dans le chœur des moines, lors des journées des 6 août et 9 mai, deux dates qui se trouvent à égale distance des solstices et des équinoxes (ceci vers 17 h 30 solaire).
Quant à la 7ème chapelle latérale, elle possède depuis le XV° siècle un petit vitrail circulaire dont le centre est équipé d’un losange non coloré qui laisse passer les rayons du soleil, lesquels éclairent un clou de métal placé sur le sol. Cette conjonction se produit à 11 h 30 solaire les 11 novembre et 2 février. La base de la verrière située au-dessus de ce vitrail éclaire le même clou lors des équinoxes de printemps et d’automne.
Les Antonins disposaient ainsi de plusieurs instruments leur permettant d’affiner régulièrement leur calendrier cultuel et leur connaissance de l’heure à peu près exacte.

Nous étions, appareil photo à la main, ce 11 novembre devant le « clou » de la 7° chapelle, dans l’attente de son éclairage par le rayon lumineux passant par un vitrail bien mal restauré, puisqu’il y manque le losange central focalisant le soleil.
C’est alors qu’arrivèrent une demi-douzaine d’individus qui se placèrent, à tour de rôle, sur le clou, les pieds joints, le regard perdu vers la verrière (de laquelle ne provient pas la lumière !), les paumes ouvertes dans la position de l’orant. Il a été nécessaire de leur demander de se retirer afin de réaliser la photo programmée. Face à l’absurdité d’une telle adoration du soleil en présence de réalisations scientifiques des XV°, XVI° et XVII° siècle, dans une église gothique, il nous a semblé « utile » d’expliquer que la conjonction des rayons du soleil et du « clou » n’avait strictement aucune signification religieuse et qu’elle n’était là, en ce moment, que comme l’expression d’un phénomène physique et le rappel d’une date: celle du 11 novembre, fête de la Saint-Martin, dans le calendrier catholique et celui d’une heure, midi au soleil, ce qui n’est plus tout à fait exact depuis le XV° siècle (modification de la déclinaison magnétique, inclinaison de l’écliptique, …).

Silence général de la part de tous ces individus, sauf de l’une d’entre eux: « Çà, c’est votre interprétation personnelle ! »

Saint-Antoine Clou solaire le 11 novembre 1995
Saint-Antoine Clou solaire en 2013 -Tout le vitrail a été modifié
Saint-Antoine Intérieur de l’Abbaye

La colère nous gagnant, nous sommes partis. Le déséquilibre du nombre de personnes pouvant plaider et défendre l’une ou l’autre cause (un contre six ou sept), le caractère irrationnel de leur comportement, l’absence de toute explication de ces particularités scientifiques dans toute l’Abbaye et, très largement, dans toute la littérature, tout cela conduit à penser que, si de tels faits se reproduisent régulièrement (à chaque opportunité solaire !), nous serons bientôt en présence d’une manifestation avérée de quelque secte ou ordre secret, voire de quelque culte païen.

Et nous est donc revenu à l’esprit la récente tribune de Dominique Bourg et Thierry Libaert (Le Monde daté du 23 octobre 2013) intitulé « Faut-il débattre avec les climato-sceptiques ? »
Certes, Dominique Bourg n’est pas vraiment un démocrate ! (Démocratie-écologique-ou-dictature-écologique) C’est lui qui veut chapeauter notre Parlement par un « Sénat » constitué aux 2/3 de personnalités scientifiques, au motif que « le public n’est pas en mesure de discriminer le vraisemblable du faux ». Place aux spécialistes !
Il remet ça dans sa dernière contribution.
« N’ayant pas d’enceinte scientifique pour promouvoir leurs thèses, les climato-sceptiques cherchent logiquement à tirer profit des médias et des réseaux sociaux pour faire valoir leur vision en utilisant cet argument du « nécessaire équilibre des opinions ». Accepter les contradictions médiatiques, ce serait reconnaître la légitimité des climato-sceptiques à propager les doutes, et donc la crédibilité de leurs arguments, ce que l’ensemble du travail scientifique en climatologie condamne désormais depuis plus de vingt ans ….. La démocratie, c’est aussi la capacité que nous devons avoir, chacun d’entre nous, de pouvoir refuser un débat quand il est faussé. »

Eh bien non ! Il s’agit là d’une mentalité d’assiégé, de scientifique orgueilleux qui se réfugie dans sa tour d’ivoire, certain de la justesse de ses dires. Or, tous les critiques, les mieux disposés comme les adversaires les plus mal intentionnés trouveront toujours quelque média, voire le créeront s’il est nécessaire, afin de propager leurs analyses. Cette mentalité est tellement forte qu’il se trouve des chercheurs du GIEC prompts à s’assimiler à Copernic ou Galilée !! Alors qu’ils travaillent au service de nos gouvernants et que leurs travaux sont approuvés par ces mêmes chefs d’Etat.
L’internet et les réseaux constituent une formidable caisse de résonance pour toutes les idées, bonnes ou mauvaises, et seule l’intelligence du discernement permet de faire le tri. Au lieu d’affirmer que le public n’en est pas capable, il convient de répéter et argumenter sans cesse les vérités auxquelles on croit et ne pas les laisser détériorer et détruire par un opposant. Contester le bien-fondé d’une expression, ce n’est pas lui donner légitimité ! Et déclarer comme Sylvestre Huet que « entre un mensonge simple et une vérité compliquée à démontrer, c’est le menteur qui l’emporte », n’apporte pas grand-chose à la démocratie et à son indispensable débat.

Légitimité, c’est également le mot qu’emploie Azmi Bishara (Nouveaux-propos-d-Azmi-Bishara) lorsqu’il estime qu’il ne peut pas y avoir de négociations sans conditions préalables, entre le pouvoir contesté en Syrie et les rebelles. Que négocier sans conditions préalables, c’est reconnaître la légitimité de son adversaire.
Mais enfin, que font les rebelles depuis bientôt deux ans et demi si ce n’est « reconnaître » en Bachar El Assad un adversaire, un ennemi, et lui donner ainsi une forme de légitimité ? Si l’on cherche à détruire, à supprimer son adversaire, c’est bien parce qu’il existe en tant qu’adversaire et qu’il est légitimé en tant qu’adversaire. La négociation n’est qu’une autre étape de la guerre. Si l’on ne veut accéder aux négociations qu’après avoir exigé des conditions préalables, d’une part on n’ira jamais en négociation et, d’autre part, il vaut mieux poursuivre la guerre. Et si l’on parvient à négocier en imposant des conditions préalables, c’est que l’on a gagné la guerre et qu’il ne s’agit plus de négociation, mais bien de reddition de son adversaire !

Quelques références à propos de l’heure à Saint-Antoine.