Catégories
Droits de l'homme

On a souvent besoin d’un fasciste sous la main

C’est un vocabulaire que l’on entend souvent ces derniers temps, à Sivens, à ND des Landes ou a Roybon. Les zadistes, occupants des lieux, attendent de pied ferme les « milices fascistes qui veulent les déloger ! »
Pour exemple, voici le discours tenu par une militante anti-Center Parcs. « Les opposants les plus déterminés au Center Parcs, opposants d’ici ou d’ailleurs, n’accepteront pas éternellement ce djihadisme brun. Ils peuvent eux aussi s’organiser. Est-ce ce que veulent les apprentis sorciers qui ont dressé les habitants les uns contre les autres ? Des batailles rangées ? »
 »Dans un petit livre « Matin Brun » – tiré à deux millions d’exemplaires ! – Frank Pavloff, qui vit actuellement en Isère, montre dans une fable, la montée du nazisme en Allemagne. Deux amis, nullement politisés, occupés de leur travail, de leur famille, heureux de se retrouver le soir autour d’une bière, discutent tranquillement. Ils ont accepté sans problèmes de se séparer de leur chien, puis de leur chat- à éliminer parce qu’ils ne sont pas bruns ! – D’acceptations en compromissions, ils se retrouvent dans un régime fasciste. Nous n’en sommes pas là. Mais quand une commune, et certains de ses habitants, s’autorisent à bloquer la circulation sans raison impérieuse et sans aucun contrôle, on a toutes les raisons de s’inquiéter. »

Ce n’est pas là discours isolé, c’est même le discours officiel des écologistes et des zadistes (ces derniers étant des écologistes). Hervé Kempf, animateur du quotidien web « Reporterre », l’exprime très clairement dans un de ses derniers éditoriaux, celui du 7 mars (http://www.reporterre.net/EDITO-MM-Hollande-et-Valls-ouvrent), lendemain de l’expulsion des occupants de Sivens.
Sous un dessin de Red « On était Charlie », illustrant un « milicien » de la FDSEA, il est écrit que « le Gouvernement a déployé une tactique de répression propre aux régimes fascistes ».
« La tactique de MM. Valls et Hollande est délibérée. Elle ouvre la porte à la répétition de ce type d’actes: des groupes sociaux savent maintenant que, pourvu qu’ils ciblent l’écologie et les jeunes alternatifs tout en glorifiant la police, ils ont le champ libre. Elle s’appuie sur les sentiments d’extrême-droite qui montent dans ce pays. Et suscitera en retour des réactions de même nature, impliquant une répression encore plus stricte. »
« Je ne sais la qualifier autrement que de pré-fasciste : utilisant les méthodes mêmes du fascisme (des milices supplétives d’un Etat autoritaire) et stimulant la xénophobie et la haine des alternatives. »
« Les choses sont claires : un projet coûteux, pourri de conflits d’intérêt, financé par le public pour des intérêts privés, détruisant l’environnement, c’est « le changement ». D’aucuns persistent encore à croire que le gouvernement de MM. Hollande et Valls est « de gauche ». Il ne l’est pas. C’est pire : il ouvre, à peine dissimulé, la voie au fascisme. »

Ce qui est intéressant dans la diatribe d’Hervé Kempf, c’est qu’elle est illustrée par une référence au mouvement « Je suis Charlie », sous la forme d’une inversion de cette déclaration de solidarité, laquelle se transforme en « On était Charlie ». Cela démontre, s’il en était besoin, que le slogan de janvier 2015 n’a pas beaucoup de contenu et que chacun peut le tirer à soi et l’adapter à sa cause. En effet, il n’est pas évident que ce slogan ait été porteur, à un moment ou à un autre, d’un contenu soit écologique, soit en faveur d’une société gratuite et solidaire comme la revendiquent les zadistes.

Ce rapprochement a cependant un sens, que vient brillamment d’illustrer Patrick Pelloux, chroniqueur et administrateur de Charlie Hebdo.
Abd Al Malik, artiste, musicien, écrivain, cinéaste, a récemment distribué son premier film « Qu’Allah bénisse la France » (décembre 2014) et surtout un petit livre intitulé « Place de la République, pour une spiritualité laïque ». Dans ce livre et dans les propos (http://www.telerama.fr/livre/abd-al-malik-l-islam-est-meconnu-par-les-musulmans-eux-memes-et-par-les-autres,123130.php) qu’il tient pour le présenter, Abd Al Malik aborde la question de « Charlie Hebdo ». Tout en affirmant fortement le droit à la caricature qui est « un acte démocratique par excellence », un « éclatant symbole de la liberté d’expression », il reproche à l’hebdomadaire « d’avoir contribué à la progression de l’islamophobie, du racisme et de la défiance envers tous les musulmans ». Il poursuit: « Pour moi, dans le contexte actuel de pression extrême sur les musulmans, dans ce climat de surenchère médiatique autour de l’islam, Charlie Hebdo a fait preuve d’irresponsabilité en multipliant ces caricatures. Même si le but était de montrer du doigt les intégristes, et même s’ils en avaient le droit au sens légal. »

Abd al Malik (DR)

Cela, Patrick Pelloux, non seulement ne l’accepte pas, déclare qu’il est « meurtri » par les propos de l’artiste qui sont qualifiés d' »odieux » , mais fait un rapprochement avec les terroristes qui « sont le nouveau nazisme et le nouveau fascisme ». Toute critique de « Charlie Hebdo » serait-elle assimilée à une complaisance à l’égard de ce « nouveau fascisme » ?

La simplification sémantique de ces propos devient inquiétante. L’ultra-gauche perdrait-elle la raison ?

Catégories
Afrique

Après le Mali, la République Centrafricaine

Inutile de faire un long discours.
Deux hommes de foi viennent de s’en charger (« Le Monde » du 28/12/2013).
Il s’agit de Monseigneur Dieudonné Nzapalainga, l’archevêque de Bangui, et de l’imam Omar Kobine Layama, président de la communauté islamique de la République Centrafricaine.

Centrafrique-L'imam et l'archevêque (DR)

« Alors que nous sommes en pleines fêtes de fin d’année, notre pays, la République centrafricaine (RCA) reste au bord d’une guerre aux aspects religieux. Plus de deux millions de personnes, soit près de la moitié de la population du pays, ont désespérément besoin d’aide. A l’heure où nous écrivons, près de 40 000 personnes sont entassées dans l’enceinte de l’aéroport de Bangui, la capitale, sans abri ni toilettes. Des centaines de personnes ont été tuées, certains d’entre elles sont des patients qu’on a fait sortir de force des hôpitaux pour les exécuter. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est dit « gravement préoccupé par le danger imminent d’atrocités de masse« . Nous craignons que faute d’une réponse internationale plus importante, notre pays ne soit condamné aux ténèbres.
En tant que principaux dirigeants religieux des communautés chrétienne et musulmane de notre pays, nous avons conscience qu’il nous incombe de montrer un chemin loin des violences communautaires. Certains de nos confrères, qu’ils soient prêtres ou imams, ont payé le prix ultime pour assumer cette responsabilité, et nous craignons que le pire ne reste encore à venir.
C’est en mars 2013 que les violences ont éclaté, lorsque la Séléka, une coalition de groupes armés peu structurée et composée majoritairement de musulmans, s’est emparée du pouvoir après un coup d’Etat. La Séléka a pillé et tué, déclenchant des attaques de représailles par des groupes d’autodéfense civile, chrétiens pour la plupart. Lorsque les troupes françaises sont arrivées pour tenter de rétablir la sécurité et désarmer tous les groupes armés, l’ancienne milice Séléka s’est mise à fuir vers le Nord, ses membres se déguisant en civils. Il existe aujourd’hui un danger d’effroyables représailles contre des musulmans qui se retrouvent dans une situation précaire et sont susceptibles d’être visés par des actes de vengeance.
En réponse à cette crise, nous avons créé une plate-forme interconfessionnelle dont l’objectif est d’apaiser les tensions et empêcher l’aggravation des divisions et du chaos. Ce conflit n’est pas en soi un conflit entre musulmans et chrétiens, c’est une crise humanitaire grave provoquée par une instabilité politique et militaire chronique. Mais, si rien n’est fait, la crise pourrait enclencher sa propre dynamique irrépressible et dangereuse.
Nous nous sommes rendus aux quatre coins du pays pour transmettre aux Centrafricains un message de paix et de réconciliation qui leur offre une vision alternative au carnage. Lors de nos déplacements, qui n’ont été possibles que grâce à la protection de soldats africains, nous avons été témoins de la peur omniprésente que ressent tout un chacun. On retrouve chaque jour des corps sans vie le long des routes. Nous avons rencontré des personnes si pressées de fuir qu’elles ne pouvaient même pas enterrer leurs enfants.
L’ONU DOIT ENVOYER DES FORCES
Si les forces françaises et africaines ont donné à notre pays la possibilité d’amorcer un nouveau départ, les progrès réalisés sont fragiles, et les troupes ne sauraient porter ce fardeau à elles seules. En autorisant le déploiement de troupes supplémentaires en RCA, la résolution du Conseil de sécurité a redonné espoir. Cependant, seule une force onusienne de maintien de la paix disposera des ressources nécessaires pour protéger nos civils de manière satisfaisante. L’ONU devrait de toute urgence convenir d’envoyer sur place une telle force.
Lors de nos rencontres avec le président François Hollande, son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius et l’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power, nous avons expliqué que la sécurité que conférerait une force de maintien de la paix onusienne permettrait de sauvegarder l’avenir du pays. Grâce à l’aide des casques bleus de l’ONU pour sécuriser nos routes et nos habitations, l’acheminement d’une aide et de vaccins éliminerait le sentiment de peur en le remplaçant par un espoir, et s’avérerait un véritable dividende de la paix propre à unir notre peuple. Un engagement de l’ONU à l’égard de notre pays permettra de nous concentrer sur le rétablissement d’une coexistence entre nos communautés. La réconciliation et la paix sont possibles.
Nous sommes tous les deux nés dans un climat de tolérance. Nous avons toujours eu pour habitude de célébrer et de respecter les différentes religions. Noël et le Ramadan sont des jours fériés. Il nous faut reconstruire aussi bien notre pays que notre tissu social, et nous comptons sur l’ONU pour nous en donner la possibilité. La paix n’a pas de prix. Nous espérons que la communauté internationale nous aidera à l’obtenir.



C’est nous qui avons souligné en caractères gras les nombreux appels de ces deux personnalités à une intervention internationale, sous l’égide de l’ONU. Car, là encore, et comme pour le Mali, nous disons que la France seule n’a « rien à foutre militairement en République Centrafricaine« .

Et, comme pour le Mali, François Hollande court désespérément après un soutien européen qu’il n’aura pas, qu’il ne peut pas avoir, pour l’unique et simple raison qu’il a décidé seul d’intervenir, sans consultation aucune de ses voisins européens. Il n’est absolument pas en position de réclamer un financement européen, ce que les allemands appellent une « kriegkasse » et Angela Merkel lui en a fait vertement le reproche: « Nous ne pouvons pas cofinancer une mission que nous n’avons pas co-décidée !«