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L’heure à Saint-Antoine et la négociation

Saint-Antoine l’Abbaye, l’un des plus beaux villages de France, possède une magnifique abbaye gothique édifiée à partir du XII° siècle. L’ordre des Antonins, qui en a eu la charge pendant cinq siècles (1297-1777), s’est essentiellement caractérisé par une large ouverture au monde.
Tout d’abord, parce que cet ordre est un ordre hospitalier. Il a, à défaut de l’identifier, trouvé les remèdes à une cruelle maladie appelée le « Mal des ardents » causée par une intoxication à l’ergot de seigle: nourriture riche et saine (viande de porc), boisson désinfectante (vin aux épices), onguents et amputations.
L’ordre s’est montré européen bien avant l’heure puisqu’il a créé plusieurs centaines (1300 établissements, 10 000 membres) de commanderies dans toute l’Europe et s’est illustré par l’existence de hautes personnalités: ministres, conseillers, diplomates auprès des grandes cours.
Enfin, outre l’ouverture aux arts (manuscrits, ornements), l’ordre s’est illustré par une grande curiosité scientifique. Jean Borrel, (Johannes Buteo) Antonin et mathématicien de la renaissance, est l’auteur d’un calendrier gnomonique dessiné dans l’escalier de la tour de l’horloge de l’abbaye. Ce calendrier a été réalisé avant 1560.
Le maître-autel, installé au XVII°, siècle possède une colombe dont l’ombre portée se dessine dans un triangle martelé dans le chœur des moines, lors des journées des 6 août et 9 mai, deux dates qui se trouvent à égale distance des solstices et des équinoxes (ceci vers 17 h 30 solaire).
Quant à la 7ème chapelle latérale, elle possède depuis le XV° siècle un petit vitrail circulaire dont le centre est équipé d’un losange non coloré qui laisse passer les rayons du soleil, lesquels éclairent un clou de métal placé sur le sol. Cette conjonction se produit à 11 h 30 solaire les 11 novembre et 2 février. La base de la verrière située au-dessus de ce vitrail éclaire le même clou lors des équinoxes de printemps et d’automne.
Les Antonins disposaient ainsi de plusieurs instruments leur permettant d’affiner régulièrement leur calendrier cultuel et leur connaissance de l’heure à peu près exacte.

Nous étions, appareil photo à la main, ce 11 novembre devant le « clou » de la 7° chapelle, dans l’attente de son éclairage par le rayon lumineux passant par un vitrail bien mal restauré, puisqu’il y manque le losange central focalisant le soleil.
C’est alors qu’arrivèrent une demi-douzaine d’individus qui se placèrent, à tour de rôle, sur le clou, les pieds joints, le regard perdu vers la verrière (de laquelle ne provient pas la lumière !), les paumes ouvertes dans la position de l’orant. Il a été nécessaire de leur demander de se retirer afin de réaliser la photo programmée. Face à l’absurdité d’une telle adoration du soleil en présence de réalisations scientifiques des XV°, XVI° et XVII° siècle, dans une église gothique, il nous a semblé « utile » d’expliquer que la conjonction des rayons du soleil et du « clou » n’avait strictement aucune signification religieuse et qu’elle n’était là, en ce moment, que comme l’expression d’un phénomène physique et le rappel d’une date: celle du 11 novembre, fête de la Saint-Martin, dans le calendrier catholique et celui d’une heure, midi au soleil, ce qui n’est plus tout à fait exact depuis le XV° siècle (modification de la déclinaison magnétique, inclinaison de l’écliptique, …).

Silence général de la part de tous ces individus, sauf de l’une d’entre eux: « Çà, c’est votre interprétation personnelle ! »

Saint-Antoine Clou solaire le 11 novembre 1995
Saint-Antoine Clou solaire en 2013 -Tout le vitrail a été modifié
Saint-Antoine Intérieur de l’Abbaye

La colère nous gagnant, nous sommes partis. Le déséquilibre du nombre de personnes pouvant plaider et défendre l’une ou l’autre cause (un contre six ou sept), le caractère irrationnel de leur comportement, l’absence de toute explication de ces particularités scientifiques dans toute l’Abbaye et, très largement, dans toute la littérature, tout cela conduit à penser que, si de tels faits se reproduisent régulièrement (à chaque opportunité solaire !), nous serons bientôt en présence d’une manifestation avérée de quelque secte ou ordre secret, voire de quelque culte païen.

Et nous est donc revenu à l’esprit la récente tribune de Dominique Bourg et Thierry Libaert (Le Monde daté du 23 octobre 2013) intitulé « Faut-il débattre avec les climato-sceptiques ? »
Certes, Dominique Bourg n’est pas vraiment un démocrate ! (Démocratie-écologique-ou-dictature-écologique) C’est lui qui veut chapeauter notre Parlement par un « Sénat » constitué aux 2/3 de personnalités scientifiques, au motif que « le public n’est pas en mesure de discriminer le vraisemblable du faux ». Place aux spécialistes !
Il remet ça dans sa dernière contribution.
« N’ayant pas d’enceinte scientifique pour promouvoir leurs thèses, les climato-sceptiques cherchent logiquement à tirer profit des médias et des réseaux sociaux pour faire valoir leur vision en utilisant cet argument du « nécessaire équilibre des opinions ». Accepter les contradictions médiatiques, ce serait reconnaître la légitimité des climato-sceptiques à propager les doutes, et donc la crédibilité de leurs arguments, ce que l’ensemble du travail scientifique en climatologie condamne désormais depuis plus de vingt ans ….. La démocratie, c’est aussi la capacité que nous devons avoir, chacun d’entre nous, de pouvoir refuser un débat quand il est faussé. »

Eh bien non ! Il s’agit là d’une mentalité d’assiégé, de scientifique orgueilleux qui se réfugie dans sa tour d’ivoire, certain de la justesse de ses dires. Or, tous les critiques, les mieux disposés comme les adversaires les plus mal intentionnés trouveront toujours quelque média, voire le créeront s’il est nécessaire, afin de propager leurs analyses. Cette mentalité est tellement forte qu’il se trouve des chercheurs du GIEC prompts à s’assimiler à Copernic ou Galilée !! Alors qu’ils travaillent au service de nos gouvernants et que leurs travaux sont approuvés par ces mêmes chefs d’Etat.
L’internet et les réseaux constituent une formidable caisse de résonance pour toutes les idées, bonnes ou mauvaises, et seule l’intelligence du discernement permet de faire le tri. Au lieu d’affirmer que le public n’en est pas capable, il convient de répéter et argumenter sans cesse les vérités auxquelles on croit et ne pas les laisser détériorer et détruire par un opposant. Contester le bien-fondé d’une expression, ce n’est pas lui donner légitimité ! Et déclarer comme Sylvestre Huet que « entre un mensonge simple et une vérité compliquée à démontrer, c’est le menteur qui l’emporte », n’apporte pas grand-chose à la démocratie et à son indispensable débat.

Légitimité, c’est également le mot qu’emploie Azmi Bishara (Nouveaux-propos-d-Azmi-Bishara) lorsqu’il estime qu’il ne peut pas y avoir de négociations sans conditions préalables, entre le pouvoir contesté en Syrie et les rebelles. Que négocier sans conditions préalables, c’est reconnaître la légitimité de son adversaire.
Mais enfin, que font les rebelles depuis bientôt deux ans et demi si ce n’est « reconnaître » en Bachar El Assad un adversaire, un ennemi, et lui donner ainsi une forme de légitimité ? Si l’on cherche à détruire, à supprimer son adversaire, c’est bien parce qu’il existe en tant qu’adversaire et qu’il est légitimé en tant qu’adversaire. La négociation n’est qu’une autre étape de la guerre. Si l’on ne veut accéder aux négociations qu’après avoir exigé des conditions préalables, d’une part on n’ira jamais en négociation et, d’autre part, il vaut mieux poursuivre la guerre. Et si l’on parvient à négocier en imposant des conditions préalables, c’est que l’on a gagné la guerre et qu’il ne s’agit plus de négociation, mais bien de reddition de son adversaire !

Quelques références à propos de l’heure à Saint-Antoine.

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