Qu’est devenu le kamikaze qui a fait exploser sa bombe devant une église d’Alexandrie ? Selon une source bien informée, il s’est aussitôt présenté à l’entrée du paradis. Sans doute s’attendait-il à y être accueilli par Allah en personne, mais, quand il a frappé à la porte, c’est le regard grave d’un ange qui est apparu par le judas.
« Je suis le martyr d’Alexandrie », a lancé triomphalement le candidat aux félicités.
« Imbécile ! », a murmuré une voix.
Etait-ce à lui qu’on s’adressait ? Il devait y avoir une erreur.
« C’est moi qui ai tué vingt et un mécréants- des hommes, des femmes, des enfants -et blessé affreusement une centaine d’autres ! »
« Le paradis est interdit aux imbéciles », a répondu la voix.
Le kamikaze s’est mis à trembler de colère, puis de peur:
« Mais alors ? C’est l’enfer ? »
« Non. L’enfer est réservé aux pervers qui t’ont fait croire à une guerre sainte avant de te conduire à l’abattoir. »
Et le judas s’est refermé, doucement. Selon des sources concordantes, l’ange pleurait.
Robert Solé in “Le Monde” daté du 4 janvier 2010
Robert Solé a publié en Août dernier une petit livre plein de fraîcheur et de souvenirs sur une période de l’Egypte au cours de laquelle « Juifs, Musulmans, Coptes, Grecs-orthodoxes,Grecs-catholiques, … Egyptiens de souche, Egyptiannisés, … Syriens, Grecs, Italiens, Arméniens-catholiques, Arméniens-orthodoxes, … vivaient ensemble ». Cette période n’est plus, mais au cours d' »Une soirée au Caire« , le nationalisme, le système scolaire désastreux, les relations coptes-musulmans, le port du voile, l’excision, d’autres sujets encore sont abordés qui font qu’au travers des luttes, le présent égyptien est toujours capable de rejoindre le passé. Même si c’est bien difficile.
La photo du chapiteau roman (Ma-photo-de-la-semaine-47:-tireur-d-épine) de l’église de Grandson m’a intrigué. Quelle pouvait bien être la signification de cet homme qui se retire une épine du pied ? D’autant plus qu’il me souvenait qu’une statuette sur le même thème, datée du 1er siècle avant JC, existe au musée du Capitole à Rome.
Allant fouiller Internet, j’y ai lu que les exégètes de l’art roman interprètent cette scène comme illustrant la nécessité de retirer le mal qui est en soi pour atteindre aux vertus chrétiennes. Mais alors, comment interprètent-ils cette version féminine et “délurée” que l’on trouve sur la chapelle romane de Foussais, en Vendée ?
C’est un curieuse idée qu’ont eu les Editions Belfond que de publier « Au-delà des pyramides », de Douglas Kennedy. Presque rien ne le dit sur la couverture du livre, si ce n’est le mot “récit”, mais ce n’est pas un roman qu’a commis ici l’auteur des « Charmes discrets de la vie conjugale », de « La femme du Vème » ou de « Quitter le monde »: c’est un livre de voyage, quasiment un reportage. Le titre original en était d’ailleurs « Beyond the pyramids. Travels in Egypt ». Mais la surprise est encore plus grande lorsque l’auteur nous précise dans un avant-propos que ce texte a été écrit en … 1985, quatre ans après l’assassinat de Sadate, et publié en 1988, soit voici 22 ans.
Alors on s’interroge sur la pertinence qu’il y a à publier en français un vieux texte et surtout un vieux texte de voyage. Pensez-donc: une génération ou presque s’est écoulée depuis l’écriture de cette lente pérégrination, les choses ne sont plus les mêmes …
Tout commence sur l’un des rares bateaux qui, à l’époque, desservaient encore une ligne “passagers” vers Alexandrie et ce trajet maritime au départ de l’Italie donne son rythme à tout l’ouvrage, un rythme fait de lenteur, de temps d’apprivoiser, d’observer, de discuter. Bien sûr, les rencontres, les échanges, ne sont pas toujours ceux que l’on attend le plus, ni ceux qui paraissent les plus représentatifs de la vie égyptienne. Même si certaines observations quant à la vie du peuple sont pertinentes, il n’est pas toujours facile d’en témoigner lorsque l’on commence son séjour au »Cécil Hôtel » d’Alexandrie (même pour une nuit) et qu’on le termine à l’ »Old Cataract » d’Assouan.
Cependant les descriptions successives d’Alexandrie, que “Doug” assimile davantage à un grand centre de villégiature alors que la ville s’équipe en hôtels internationaux, de Siwa perdue au cœur du désert, privée d’électricité, et dont les mœurs font déjà parler, du Caire avec son quartier de Mohandessin ou son marché aux chameaux, du Wadi Natroum et l’un de ses monastères (Saint Macaire), d’Assiout et ses “coutumes” visant à camoufler une forte tendance à l’intolérance religieuse et à la ségrégation, de Louxor, Assouan et du Grand Barrage, toutes ces descriptions sont étonnamment actuelles.
« Les univers multiples s’entrechoquent » encore davantage aujourd’hui qu’hier. Les égyptiens vivent toujours de façon aussi écartelée, comme schizophrène, l’opposition entre modernisme et tradition, entre richesse insolente et extrême dénuement, entre orientalisme et tentation occidentale, entre religion personnelle et religion publique. La pusillanimité formelle des administrations est toujours la même et les fonctionnaires désœuvrés toujours aussi présents. Les gens du peuple n’ont toujours qu’une revendication: avoir de quoi manger. Et celui qui leur donnera à manger, soit par le travail, soit par la distribution charitable, celui-là seul aura leur confiance. Quant à l’opposition entre musulmans et chrétiens coptes, elle n’a pas évolué depuis cette époque et les commentateurs des deux bords s’époumonent encore en affirmant, souvent contre l’évidence, que le respect des cultes est total. Enfin, sur un autre registre, la fracture entre touristes et égyptiens (comme parfois la césure entre expatriés et égyptiens) n’a fait qu’empirer, les uns sacrifiant au colonialisme culturel et les autres s’abaissant (plus ou moins volontairement) à “jouer au fellah”.
Trois belles séquences ressortent de ce livre à la fois nostalgique et prémonitoire, si l’on peut appeler prémonitoire le fait d’avoir cerné les tendances fortes d’une société. La première est une visite à la Cité des Morts au Caire, la seconde une prière dans la synagogue de la même ville, en compagnie de cinq juifs (actuellement, il ne reste en Egypte qu’une vingtaine d’israélites), et la troisième une curieuse remontée du Nil, sur une felouque, entre Louxor et Assouan, remontée qui sera interrompue à Esna par manque de vent.
Bien sûr, il faut en retirer les contrôles policiers incessants (qui n’ont pas tous disparus !), il faut aussi en retirer une certaine facilité à trouver des bars à bière un peu partout (beaucoup d’entre eux ont disparu !), mais ce qui était il y a 25 ans n’a fait que s’amplifier, voire se caricaturer.(Une petite erreur page 98. La Stella que produit la plus ancienne brasserie égyptienne n’est pas la Stella Artois !)
Voici un court article publié par « Le Point » du 21 août passé. Et nous mettrons sur le compte de la bêtise ordinaire cette forme de fanatisme intolérant qui consiste à créer des incompatibilités médicales basées sur la religion, en espérant que le Syndicat des Médecins, même conduit par les Frères Musulmans, saura se ressaisir … et laisser à Dieu ou à Allah le soin de « sonder les cœurs et les reins ».
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web. Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.OK