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L’Olympe des dieux-satrapes (2)

(Suite)

Il y a aussi Flashinfo qui est le dieu de l’information. Curieux physique que celui de ce dieu. Homme-tronc (parfois femme-tronc), l’on ne connaît de lui que la partie supérieure du corps dont l’élégance sobre n’est pas contestable. Le pli du cheveu est parfait, la cravate, la chemise et la veste sont impeccablement assortis, mais on dit parfois que la partie inférieure, cachée par une monumentale table design, est moins précieuse et se satisfait de jeans et de baskets. Flashinfo a de l’entregent, il dispose visiblement d’un carnet d’adresses bien rempli et d’un excellent réseau, il a ses entrées dans certains hôtels, certaines ambassades, quelques ministères. Avec autorité, il attribue un ordre de préséance aux infos du jour et il n’hésite pas à donner le résultat d’un match de foot ou de rugby avant les derniers développements d’un dur conflit, à l’autre bout du monde. Du coup de boule de Zidane à l’attaque du World Trade Center, de la mort de Whitney Houston au déclenchement des troubles en Nord-Mali, des phrases assassines du week-end aux réactions en chaîne qu’elles provoquent, des frasques sexuelles d’un directeur international aux vagues de froid et chutes de neige, des tsunamis et tremblements de terre à la fonte des glaciers, il est capable, lui, son confrère ou sa consœur, de tout aborder, de traiter de tout, car tout, absolument tout, fait information. Et tout a droit de diffusion au même titre, tant que l’auditeur ou le téléspectateur ne perd pas haleine. Les chaînes d’information, les quotidiens sur le net, vont jusqu’à traiter les évènements en live et en interactivité avec le lecteur devenu commentateur, ce qui permet à tout un chacun de se voir vivre au cœur de l’action, au cœur de l’événement, de la guerre en vidéo, images à l’appui des textes. Lorsque la ferveur des disciples retombe, alors c’en est fini de l’info qui se voit reléguée au second, voire au troisième plan, d’où elle ne ressortira, peut-être, que si son réveil en permet un nouveau traitement émotionnel. En temps ordinaires nous ne saurons donc jamais les conséquences de telle décision, la fin d’un mouvement ou d’une grève qui s’éternise ou la vie après les catastrophes. Nous ne saurons pas davantage si les battements d’aile de ce papillon ont provoqué une calamité ou une nouvelle guerre : les évènements se juxtaposent, se remplacent et se chassent les uns les autres, jamais ils ne font système, jamais il ne font explication du monde.

Le dieu Screen est un comparse de Flashinfo, il ne le quitte jamais. Screen n’est pas un dieu à visage humain. Il s’incarne sur terre sous la forme de quatre écrans unis et inséparables ; celui de la télé, celui de l’ordinateur, celui du téléphone et celui de la tablette afin que, quelque soit le lieu, quel que soit le temps, quelle que soit l’occupation, vous soyez toujours joignable. Les quatre écrans sont connectés les uns aux autres afin que l’info vous suive et surtout que vous ne la perdiez pas. Mieux encore, vous pouvez transférer autant qu’il vous plait tous ces scoops auprès de vos centaines d’amis en y ajoutant photos et vidéos, blagues et rumeurs, mensonges et théories du complot. Il vous suffit pour ça de copier-coller, ou de « partager », ou de dire « j’aime » … Les quatre écrans sont tactiles afin qu’ils ne soient que les appendices de vos terminaisons nerveuses et sensorielles. De les toucher simplement, fait jaillir les coordonnées de vos amis, les photographies stockées et les messages en attente. Et les quatre écrans sont intelligents : ils savent où vous habitez, ils savent où vous vous trouvez et peuvent le dire à d’autres, ils savent ce que vous aimez et vous suggèrent les meilleures offres relatives à vos dernières requêtes. Essayez donc, une fois, de rechercher les vols aériens pour rejoindre Budapest et votre navigateur vous proposera dans ses marges et pendant huit jours les meilleurs prix au départ de Lyon, Genève ou Munich ! Ils savent même, les quatre écrans, votre statut familial et sexuel et n’hésite pas à vous proposer les rencontres qu’il vous faut, presqu’au moment où vous en avez envie. C’est pour cela qu’avec ses quatre écrans, Screen est votre « ami » ; il vous le dit, il vous le répète, il répond même à votre place, il assure la veille quand vous n’êtes pas disponible, il est devenu indispensable, incontournable.

Transparent screen (C)AMagill/Flickr

J’allais oublier Colon, le dieu de la suprématie et de la supériorité de l’Occident, un vieux cynique qui s’affaire depuis longtemps déjà. Il a des allures de chef de bureau, de dévoué et zélé fonctionnaire de préfecture ou de caissier de banque. Aucune émotion, aucun sentiment n’apparaît à la surface du visage. Il est efficace et ne se perd pas en digressions fumeuses. Il a une mission. C’est lui qui a conduit les croisés sur le chemin de Mansourah et de Jérusalem, sous le prétexte de chasser les infidèles qui occupaient les lieux saints. C’est lui qui a permis de tracer les routes de la soie ou de l’encens depuis le lointain Orient jusqu’à nos terres européennes. Et pour que les gains sur ces transactions soient encore plus profitables, c’est lui qui a imaginé de raccourcir le chemin en passant par l’ouest. Le calcul était faux ; ils n’ont trouvé qu’une terre appelée Amérique, mais ils n’ont pas eu à s’en plaindre. Leur suprématie a fait des éclats. C’est encore ce dieu-là qui a aidé à coloniser l’Inde, l’Afrique du Sud, le Sénégal, Madagascar, la Nouvelle-Calédonie, la Cochinchine et le Cambodge et tant d’autres terres, et à faire négoce de toutes les richesses s’y trouvant, y compris le « bois d’ébène », (pas tout seul, certes) et c’est encore lui qui pousse aujourd’hui à classer les races, les cultures, les civilisations et à rejeter et traiter comme des parias celles qui sont suspectées d’infériorité à cause de leur nomadisme ou de fustiger celles dont l’histoire n’a pas épousé le même tracé. Partout où Colon a été suivi par des hommes blancs, il a invoqué avec bonne conscience sa prétendue mission civilisatrice qu’il dit inspirée de 1789, et partout il a mis au travail, sous la contrainte, avec la complicité du sabre et du goupillon, des hommes, des femmes et des enfants, pour qu’ils extraient et exploitent à son profit des monceaux de matières premières, caoutchouc et pétrole, coton, café, cadmium ou uranium. Qu’il transforme … et leur revend.

Enfin, et ça suffira pour aujourd’hui, citons encore un dixième et dernier dieu, Yakafokon, celui des solutions faciles et de la révolution à venir. Grande gueule, toujours le verbe haut et l’invective facile, il peut arborer une cravate rouge ou porter en étendard un drapeau tricolore. Curieux dieu que celui-là qui se cache derrière des discours de liberté, de respect des traditions et de la culture de chaque peuple et en ceci il n’est pas loin du dieu de la suprématie occidentale. Mais il en fait argument pour convaincre ses ouailles qu’ils sont tous trompés par les élites, que le système ne tient pas compte de leurs besoins et de leurs voix, que les élus se valent tous car ils sont tous pourris, que l’Europe et la mondialisation sont la cause de tous nos problèmes, qu’il suffit de supprimer les riches pour que les pauvres ne le soient plus, que la démocratie élective et représentative devient une vieille baderne et que le peuple peut et doit balayer tout ça, trancher quelques têtes et mener la révolte : les réseaux sociaux et Twitter l’y aideront ! Comme le football, la boxe ou le trafic de drogue, mais de façon apparemment plus collective, leur révolution vise à changer l’ordre social des choses, au sens strictement hiérarchique du terme, de façon à ce que les premiers cèdent leur place de gré ou de force à certains de ceux qui piaffent dans les rangs subalternes et qui viendront cueillir les fruits de l’indignation des foules. Leurs leaders les rassemblent déjà dans des meetings où, d’un extrême-bord à l’autre extrême-bord, on leur crie maintenant : « Résistance, résistance, résistance .. ». C’est oublier que ne peuvent s’indigner que ceux qui en ont encore le loisir. Partout dans le monde, les plus pauvres, les plus démunis, les plus affamés, ne s’indignent plus ; ils n’en ont plus la force.

Sans doute, y en a t-il d’autres encore. L’Olympe en est rempli de ces dieux malfaisants et de ces génies hypocrites qui sont toujours sur notre dos, à nous faire des risettes pareilles à des grimaces, à nous tenter à tout propos et hors propos : « mais regarde, essaie, goûte, achète, joue, écoute, clique, … cela ne t’engage à rien ». Je pense au dieu des addictions. Et puis au dieu de l’égoïsme, de l’indifférence, du chacun pour soi, chez soi … Ou encore au dieu des supporters …

Au risque de la fatigue et de l’épuisement, au risque de la solitude et de l’isolement, au risque du pessimisme et du nihilisme, j’ai voulu les combattre, tous. Les rejeter, refuser de les prendre pour leader, ne pas croire en eux, toujours douter, ne retenir de leurs catéchismes que l’essentiel et indubitable, faire jouer mon libre arbitre et mon droit d’inventaire. En fait, de dieu auquel je suis prêt à consacrer un peu de foi, sans me soumettre, il n’en est qu’un seul. C’est un enfant, un peu dépenaillé, la peau colorée, un peu jaune, un peu noire, il ne mange pas tous les jours à sa faim. Il habite les faubourgs de Bamako ou ceux d’Alexandrie, ou ceux de la région parisienne, il n’a pas de patrie. Il ne va pas à l’école ou bien, s’il y va, celle-ci ne lui apporte pas grand-chose. Il mendie, rarement pour son compte, et parfois rapine. Pour étouffer sa misère, il se shoote, ici la colle, là le shit, dont il aide d’ailleurs ses grands frères à faire trafic. A vrai dire, je ne sais pas comment il s’appelle. Chez nous, on entend parler de « délinquant » … Je crois surtout qu’il est le fruit de la passion accordée aux autres dieux.

En 1960, Romain Gary a écrit « La promesse de l’aube ». Est-il possible d’élargir à l’échelle du monde ce roman d’amour filial écrit en hommage à l’amour maternel ? Le Chapitre Premier de ce livre s’achève par le texte placé en exergue de cette nouvelle, c’est à dire tout ce qui est écrit en italique.

Thermopyles-Février 2012

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L’Olympe des dieux-satrapes (1)

 »J’étais un enfant lorsque ma mère pour la première fois m’apprit leur existence ; avant Blanche-Neige, avant le Chat botté, avant les sept nains et la fée Carabosse, ils vinrent se ranger autour de moi et ne me quittèrent plus jamais ; ma mère me les désignait un à un et murmuraient leurs noms, en me serrant contre elle ; je ne comprenais pas encore, mais déjà je pressentais qu’un jour, pour elle, j’allais les défier ; à chaque année qui passait, je distinguais un peu mieux leurs visages ; à chaque coup qu’ils nous portaient, je sentais grandir en moi ma vocation d’insoumis. (…)’

 »Il y a d’abord Totoche, le dieu de la bêtise, avec son derrière rouge de singe, sa tête d’intellectuel primaire, son amour éperdu des abstractions ; en 1940, il était le chouchou et le doctrinaire des Allemands ; aujourd’hui, il se réfugie de plus en plus dans la science pure, et on peut le voir souvent penché sur l’épaule de nos savants ; à chaque explosion nucléaire, son ombre se dresse un peu plus haut sur le terre ; sa ruse préférée consiste à donner à la bêtise une forme géniale et à recruter parmi nous nos grands hommes pour assurer notre propre destruction. »

 »Il y a Merzavka, le dieu des vérités absolues, une espèce de cosaque debout sur des monceaux de cadavres, la cravache à la main, avec son bonnet de fourrure sur l’œil et son rictus hilare ; celui-là est notre plus vieux seigneur et maître ; il y a si longtemps qu’il préside à notre destin, qu’il est devenu riche et honoré ; chaque fois qu’il tue, torture et opprime au nom des vérités absolues, religieuses, politiques ou morales, la moitié de l’humanité lui lèche les bottes avec attendrissement ; cela l’amuse énormément, car il sait bien que les vérités absolues n’existent pas et qu’elles ne sont qu’un moyen de nous réduire à la servitude. (…) »

 »Il y a aussi Filoche, le dieu de la petitesse, des préjugés, du mépris, de la haine – penché hors de sa loge de concierge, à l’entrée du monde habité, en train de crier « Sale Américain, sale Arabe, sale Juif, sale Russe, sale Chinois, sale Nègre » – c’est un merveilleux organisateur de mouvements de masse, de guerres, de lynchages, de persécutions, habile dialecticien, père de toutes les formations idéologiques, grand inquisiteur et amateur de guerres saintes, malgré son poil galeux, sa tête d’hyène et ses petites pattes tordues, c’est un des dieux les plus puissants et les plus écoutés, que l’on trouve toujours dans tous les camps, un des plus zélés gardiens de notre terre, et qui nous en dispute la possession avec le plus de ruse et le plus d’habileté. »

 »Il y a d’autres dieux, plus mystérieux et plus louches, plus insidieux et masqués, difficiles à identifier ; leurs cohortes sont nombreuses et nombreux leurs complices parmi nous ; ma mère les connaissait bien ; dans ma chambre d’enfant, elle venait m’en parler souvent, en pressant ma tête contre sa poitrine et en baissant la voix ; peu à peu, ces satrapes qui chevauchent le monde devinrent pour moi plus réels et plus visibles que les objets les plus familiers et leurs ombres gigantesque sont demeurées penchées sur moi jusqu’à ce jour. (…) »
 »Nous sommes aujourd’hui de vieux ennemis et c’est de ma lutte avec eux que je veux faire ici le récit ; (…) j’ai voulu disputer, aux dieux absurdes et ivres de leur puissance, la possession du monde, et rendre la terre à ceux qui l’habitent de leur courage et de leur amour.
 »


Avec ses airs d’enfant sage, ses blonds cheveux, sa toge couvrant à peine la nudité de son jeune corps, sa corne d’abondance et son regard aveugle perdu vers les cieux, Ploutos nous séduit. Il prétend redistribuer la richesse que Zeus lui a confiée. Ce dieu-là, comme d’autres, a bien cent noms que ses fidèles égrènent et vénèrent à longueur de journée : Pognon, Braise, Fric, Blé, Flouze, Pèze, Oseille, Artiche, Thune … ou encore Capital, Fortune, Valeurs, Stock Options, Golden Parachute ou Finances. Dans les multitudes de temples qui lui sont consacrés, ses fidèles, riches comme pauvres, en perdent la tête. Comme de vrais et sales pédophiles, ils sont prêts à le caresser, le flatter, l’embrasser, le tripoter afin d’obtenir ses faveurs. Les riches banquiers, traders ou grands financiers, qui placent en lui le symbole de leurs pouvoirs, jonglent avec les bonus, les commissions, les ventes à découvert. Fascinés, hypnotisés, envoûtés par les étoiles de leurs écrans, ils passent des milliers d’ordres aussi virtuels et désincarnés que les baisers d’une amante sur internet, mais à la différence des baisers, ces ordres leur rapportent de l’or à chaque pression de la touche « envoi ». Quant aux nouveaux grands patrons, ils montent des coups pour amasser au plus vite des sommes faramineuses. Insatiables et goinfres, ils n’en ont jamais assez, il leur en faut toujours plus. Point n’est besoin d’investir, aucune valeur ajoutée à créer, il suffit de faire du bruit, de soutenir une bonne agitation médiatique et de prétendre servir le consommateur. Tout en bas de l’échelle, là où sont les plus pauvres, la fortune ne prend que l’aspect du rêve ou celui de la chance. Alors les gamins jouent au football et leurs pères jouent au loto. Ploutos leur a susurré à l’oreille qu’ils doivent jouer et qu’ils gagneront parce qu’il y a quand même une justice. Façon de préciser que cette justice n’est jamais qu’un jeu de hasard dont les dés sont depuis longtemps pipés, puisque ceux qui gagnent le plus souvent et le plus gros sont ceux qui ont déjà les moyens de jouer.

Tyche et Ploutos (DR)

Il y a Prosper, le dieu du progrès, le premier des dieux domestiques, car il ne faut pas se méprendre, ce qui l’intéresse, ce n’est pas le perfectionnement continu de la raison humaine. Non, la passion qu’il entend perfuser à ses adorateurs est celle qui consiste à toujours chercher, trouver et acquérir la voiture dernier cri, le dernier modèle à la mode de running shoes pour courir le dimanche matin, la dernière version de l’écran plat, de l’ordinateur, de la machine à expresso, du smartphone ou du stylo à bille … Cette longue et incessante course au bonheur, régulièrement scandée de transes lorsque l’objet est enfin possédé, est prétexte à un intense gaspillage d’énergie. L’énergie des hommes appelés à fabriquer les objets du « progrès », des objets toujours obsolètes à peine mis sur le marché, et l’énergie des ressources vivantes ou minérales de la terre. Mais Prosper, déguisé en savant Cosinus, n’en a cure. Le cheveu ébouriffé, le col de chemise sale, les joues pas rasées et la blouse blanche ouverte sur une veste défraîchie, Prosper remplit sa mission avec une inébranlable foi et une conviction de tous les instants. Il est sur terre pour faire le bonheur de l’humanité ! Alors il invente des lingettes pour ne plus avoir à mettre le produit sur un chiffon ou sur un coton : les deux sont déjà réunis ! Il invente des dosettes pour ne plus avoir à remplir sa cuillère de café : les deux sont déjà réunis ! Il lui arrive même d’avoir des trouvailles de génie, comme par exemple celle du cylindre de carton à l’intérieur du rouleau de papier hygiénique qui a la particularité exceptionnelle et brevetée de pouvoir se dissoudre dans la cuvette des toilettes. Ou encore celle des cellules souches de bœuf que l’on va cultiver pour en faire des biftecks dont raffoleront les pays de famine. L’inventivité et la créativité de Prosper sont inépuisables. Il a bien d’autres inventions de progrès dans son sac, comme l’atome ou les nano-particules, mais pour ces inventions-là il n’a pas trop confiance en ses fidèles et il en laisse l’exploitation à ses enfants de chœur : de chevronnés techniciens et ingénieurs qui travaillent pour notre bonheur sans trop nous demander notre avis.

Et comment s’appelle t-il le dieu des hommes qui n’aiment pas les femmes ? Phalos ? Misos ? C’est l’un des dieux les plus anciens sur terre et sa liturgie se retrouve un peu partout, dans presque toutes les cultures. Elle consiste à ne voir dans les femmes que des vierges ou que des mères, à les voiler pour les protéger de la concupiscence des autres hommes et à les confiner dans l’espace fermé de la cuisine et du lit, celui-ci étant surtout célébré comme couche destinée a mettre bas les héritiers du mâle. De tous temps, si les femmes se révoltent, si elles résistent à cette destination éternelle, alors elles sont exclues et sont nommées garces, ou bien féministes, ou bien salopes. Bien qu’elles soient présentes dans de multiples professions, parfois même en supériorité numérique, bien qu’elles aspirent de plus en plus nombreuses à prendre part à la chose publique ou à la gestion de leur entreprise, elles se cognent à un plafond de verre qui leur interdit toute présence dans le haut de la hiérarchie, sauf à imaginer qu’un quota, une sorte de ségrégation positive, un racisme à l’envers, impose leur présence à hauteur de 40 %. D’autres, plus prudents ou plus timorés sans doute, ont limité leur nombre à 10% dans certain nouveau parlement en voie de constitution. Dans sa grande générosité et pour s’absoudre de cette éternelle ségrégation, le dieu des hommes qui n’aiment pas les femmes a inventé quelques fêtes. Celle de la Saint-Valentin, vieille comme Athènes et Rome, initialement célébration de l’amour physique et désormais beaucoup plus symbolique et romantique, la Fête des Mères, celle des Grand-mères, celle des secrétaires … Il lui a fallu concéder la Journée des Droits de la Femme, bien plus récente puisque datant de 1910, et plus militante aussi. C’est peu, c’est bien peu, pour reconnaître à la moitié du ciel sa juste place.

A suivre