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Mais où est passée la gauche anti-guerre ?

« Please don’t sink the country in a spiral of violence JUST BEFORE the Legislative Elections…Please let the people express their will even if it is distorted…Democracy is not an instant remedy, it needs time to mature…ENOUGH with the hysteria… Stop the violence because, in an armed conflict, the Jihadi Islamists (the likes of Zomor and his killer squads) will prevail…And then what? The Army AGAIN ???!!! »

Tel est le texte qu’une amie égyptienne nous fait parvenir. Un texte qui, non satisfait d’exprimer une grande lassitude, fait part d’une grande peur: celle de l’anarchie.

En ce qui concerne la situation en Egypte, mais aussi en Tunisie, au Mali maintenant, demain en Syrie à n’en pas douter, tous les médias et toutes les organisations politiques, depuis la gauche (hors PC et FG) jusqu’à la droite instruisent le procès de l’islamisme.

En Egypte, les Frères Musulmans, régulièrement élus, se voient contester en permanence leur légitimité. Ils sont accusés d’avoir volé la révolution, d’incapacité à gérer l’économie du pays, de soumission à la fraction activiste des islamistes, de manipulation de la justice, d’élaboration bâclée et imposée de force d’une Constitution conservatrice, d’organisation du viol en tant qu’arme politique, etc, etc … on en passe et des meilleurs.
Arrêtons nous un instant sur cette question du viol au sujet duquel Le Monde (par exemple, mais il n’est pas le seul, avec Claire Talon et maintenant Hélène Sallon) nous ressort régulièrement une explication en faveur d’une manipulation du pouvoir. Cette idée, elle est celle des « révolutionnaires » qui cherchent toutes les idées aptes à mobiliser leurs troupes, tout comme celle qui a fait long feu appelant à boycotter les activités civiles des Forces Armées. Or, c’est méconnaître totalement ce fléau qui, depuis des décennies, se développe dans la société égyptienne dès que l’impunité est assurée par la foule et la promiscuité: métro, tramway (dans les wagons mixtes), places publiques, manifestations, fêtes populaires comme Sham el Nessim (ce sera le 6 mai) et Place Tahrir ! D’ailleurs, « Le Monde » lui-même en administre la preuve dans un article de son « Académie » signé par Yitong Shen !

En Tunisie, la légitimité d’Ennahda, pourtant régulièrement appelé au pouvoir, est contestée parce que le Gouvernement est incapable d’assurer un décollage économique, parce qu’il est soumis aux fractions activistes des islamistes et parce qu’il traîne à rédiger et mettre en œuvre une nouvelle Constitution !
Dans ce pays, l’assassinat récent de l’opposant Chokri Belaïd soulève l’indignation à juste titre. Cela donne-t-il le droit à Manuel Valls de dénoncer ainsi, en distribuant les analyses et les sanctions qui vont avec, »un fascisme islamique qui monte un peu partout » et en affirmant qu' »il garde espoir dans le rendez-vous électoral pour que les forces démocrates et laïques, celles qui portent les valeurs de la révolution, demain, l’emportent ».

En fait, tout est dit (re-dit) là-dedans.

  • Globalement, toute expression de l’Islam relève du fascisme.
  • La preuve en est que les islamistes (régulièrement élus et portés au pouvoir) ne sont pas légitimes et qu’ils ne portent pas les valeurs de la révolution.
  • Et que doivent être préparés au plus vite le retrait de ces imposteurs et la réalisation d’un nouveau RV électoral.
  • Sur lequel il faudra bien veiller afin qu’il assure la victoire des forces démocrates et laïques qui doivent l’emporter. (Laïque, en Islam, ça veut pas dire grand-chose, sécularisé oui …).

    Au Mali, dont on a déjà beaucoup parlé, les choses sont encore plus simples. Il y a des « terroristes islamistes » qu’il convient impérativement de « détruire » ! Et s’appuyant sur l' »appel » d’un Président non légitime (cette fois-ci pour de bon !), la France, ses forces politiques, ses médias, son peuple à 75% ont choisi d’aller faire la guerre. Sans anticiper beaucoup de choses, au point que les Maliens poursuivent leurs divisions en refusant que les Casques Bleus prennent le relais des forces françaises, en agitant le spectre d’un affrontement entre Africains noirs et MNLA, en désignant le capitaine putschiste à la tête d’un comité de réforme de l’armée ! Et par qui, on vous le demande ? Par le Président intérimaire qui ne doit sa place qu’à la « bienveillance » du capitaine putschiste, le même Président intérimaire auquel la France a vaillamment répondu « Présent ! ».

    La France est devenue un pays va-t-en-guerre, singulièrement sur sa gauche. La gauche française est qualifiée par certains de gauche anti – anti-guerre. Mais où sont passés les anti-guerre d’antan ? Où sont passés les opposants à l’ingérence dans les « affaires » des autres pays ?
    Le seul droit d’ingérence que s’était attribué l’Occident et, avec lui, la gauche française, concernait l’humanitaire. Ce temps-là est bien loin, désormais la gauche française s’autorise le droit d’ingérence politique et militaire. Elle s’autorise la croisade anti-islamique avec l’appui de ses médias et de 75% de son peuple.
    Des preuves ? Il fut un temps où le « Mouvement de la Paix » savait réagir avec promptitude et énergie aux atteintes aux droits des peuples, en faveur de la paix et de la négociation. Le « Mouvement de la Paix » a publié le 13 janvier 2013, soit 48 heures après le début de l’intervention au Mali, un communiqué condamnant « l’état de guerre ». Depuis, plus rien, pas une pétition, pas un mot, pas de nouveau communiqué …
    Il y a également une pétition pour la paix (http://www.petitions24.net/stop_guerre_au_mali_-_des_choix_pour_la_paix), très peu remarquée, à coté d’autres pétitions soutenues par des partisans de la remise en ordre du Nord-Mali. Peut-on dire que son succès est très mitigé ?

    Gageons que dans les semaines, les mois à venir, le retour de bâton sera douloureux et que l’incompréhension et l’hostilité ne feront que grandir entre les deux rives de la Méditerranée et entre l’Europe et le Sud-Sahel.
    Car enfin, la situation qui prévaut dans tous ces pays n’est pas celle d’un affrontement simpliste entre le bien et le mal, entre le tout noir et le tout blanc, entre le révolutionnaire et le conservateur, entre l’islamiste et le laïque.
    D’un coté, il n’y a pas les « islamistes », mais DES islamistes travaillés par des tensions énormes entretenues par certaines puissances, allant d’islamistes modérés favorables à la sécularisation et au développement libéral de la société jusqu’à des partisans acharnés de l’ordre et de la charia.
    En face d’eux, il n’y a pas les « révolutionnaires », mais des forces travaillées, elles aussi, par de puissants courants allant jusqu’à l’anarchisme.
    Et d’abord, quelle révolution ? Y a t-il eu, parmi les militants du « Printemps », des théoriciens d’un nouveau gouvernement arabe ? Non, et le mot « révolution » est repris aussi bien par le Mouvement du 6 avril que par les Frères Musulmans.
Affiche révolutionnaire d’Egypte (DR)

Car le « Printemps arabe » est avant tout une « révolution consumériste ». Le mot n’est pas péjoratif. Il signifie que la révolution n’est pas « sociale » avant tout (revendication de la place des travailleurs dans la production, de la garantie de revenus, de l’accession à de nouveaux droits ou de la reconnaissance de droits maltraités, …), mais « libérale ».
Il s’agit de revendiquer un emploi pour les milliers de chômeurs formés par le système éducatif, un niveau de revenus pour accéder à la liberté de consommation telle qu’étalée par l’Occident, la liberté de circulation dans et hors le pays et la liberté d’expression. Evidemment que ces revendications peuvent déboucher sur des revendications plus sociales ! Evidemment qu’il s’agit là de droits fondamentaux ! Mais, malheureusement, personne n’a été capable de passer au-dessus des divisions, des combinaisons, des actions ponctuelles et partielles. Alors, la situation devient ingérable, en raison surtout de la montée en puissance des anarchistes, ces « Black Blocks » pour lesquels le pouvoir actuel doit disparaître et « peu importe par qui il sera remplacé ». Le prochain pouvoir sait déjà qu’il est condamné avant même d’être désigné.
L’anarchisme a pris une telle importance dans le débat que des leaders comme Mohamed el Baradei ont cessé d’appeler à la cohésion nationale et au dialogue: personne ne les entend, car personne ne les écoute.

A propos de l’Egypte, comme à propos de la Tunisie, comme à propos du Mali, la question qui se pose aujourd’hui est celle-ci: qu’est-ce qui peut réveiller la gauche française et la sortir de son engourdissement guerrier et de ses analyses impérialistes ?

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Les manuscrits de Tombouctou et les cabrioles stylistiques du Monde

C’est un bon papier qu’a écrit Jean-Michel Djian dans le supplément « Culture et Idées » du « Monde » daté 9 février. Il y traite des manuscrits de Tombouctou.
Outre une longue et fructueuse explication de l’histoire de tous ces textes et de leurs copies conservées dans des malles ou des caisses en métal, on y apprend que les destructions qu’auraient infligées les djihadistes sont très minimes parce que ces documents de valeur avaient déjà été mis en sureté plus au Sud.
A vrai dire, on s’en doutait quelque peu, à voir LA misérable mise en scène de quelques papiers brulés et d’un petit tas de cendres ! Mais c’était important de le dire et de dissiper une affirmation largement répandue, comme beaucoup d’autres, dans les médias, selon laquelle les dégâts infligés au patrimoine étaient incommensurables.

En lisant ce papier tout chargé de notions d’histoire, nous vient à l’esprit un certain discours de Dakar et l’on se dit: « tu vas voir, il va finir par en parler ! » (Le-discours-de-Dakar,-le-discours-de-Benghazi). Gagné ! Certes, il faut attendre la dernière phrase que l’on ne peut pas éviter de citer en intégralité.
« Pour autant, les évènements en cours pourraient précipiter une prise de conscience salutaire, car la reconnaissance de la mémoire écrite est peut-être le meilleur moyen d’en finir avec ceux qui répètent que « l’Afrique n’a pas d’histoire ».

C’est dommage de gâcher un bel article, mais c’est presque une tradition de conclure les articles du « Monde » par une cabriole stylistique dans laquelle l’auteur veut donner en guise de conclusion un point de vue bien souvent très personnel. De façon générale, ce n’est pas ce que l’on attend d’un journaliste, à plus forte raison quand cette conclusion se révèle à coté de la plaque ou carrément hors sujet.
Dans le cas présent Jean-Michel Djian prouve qu’il n’a jamais lu et analysé le discours de Guaino-Sarkozy, en donne une retranscription erronée (mensongère ?) et conforte une interprétation tendancieuse de ce discours. En effet, le texte exact, après avoir parlé des « valeurs de la civilisation africaine », note que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ».
Vous conviendrez que ce n’est pas la même chose et qu’il vaut mieux connaître un texte, ses forces (anti-racisme) et ses faiblesses ( paternalisme et néo-colonialisme) avant de le citer à tort et à travers. L’histoire dont il s’agit ici est une histoire beaucoup plus moderne, voire contemporaine: c’est davantage celle de la mondialisation que celle des XIII° au XVII° siècles.

Tombouctou – Livres brulés (C)AFP



En parlant de cabriole stylistique, il est un autre journaliste qui ne les déteste pas: c’est Stéphane Foucart. Dans le même numéro il nous livre un très long article sur l’effondrement de notre civilisation en raison de l’érosion de la biodiversité, de l’exploitation irraisonnée des océans, de la destruction accélérée des insectes pollinisateurs, de l’épuisement des sols et des eaux, du réchauffement climatique, de l’épuisement des ressources, de l’acidification des océans …
Comment cela va-t-il se finir ? Nul ne le sait, sauf Stéphane Foucart qui conclut son article par: « Mais le spectacle qu’offre un pays comme la Grèce n’incite guère à l’optimisme ».

Nous nous demandons encore quel est le lien entre l’effondrement qui guette notre planète et la situation de la Grèce ….

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Guerre au Mali: la parole de ceux qui sont contre

Hier soir, 23 janvier, après moins de deux semaines de conflit, France 2 fait l’impasse totale sur la guerre au Mali. Il n’y a déjà plus rien à en dire.
Aux dires des sondagiers, ce sont 75% des Français qui approuvent l’intervention. Pour ce qui concerne le gouvernement et ses services de la défense, des affaires étrangères, du budget ou de la communication, c’est « pain béni » et « pourvu que ça dure ». Pour ce qui concerne les médias, c’est exactement la même chose, l’audience et/ou le lectorat sont là, ce n’est pas le moment de les déranger. Donc suivisme et servilité ! C’est le cas de toute la presse, hebdomadaire ou quotidienne, du « Figaro » à « La Croix », en passant par « Le Monde » et « Libération », C’est le cas également de toutes les radios et télés.
L’opposition à ce conflit (celle de 25% de Français) est caricaturée et réduite à la prise de position du Front de Gauche et aux déclarations de Villepin ou de Giscard d’Estaing, cette dernière bien malvenue.
Par contre cette presse n’hésite pas à souligner l’opposition de Mohamed Morsi, Président égyptien, aux affrontements du Mali: il est tellement facile de faire d’une pierre deux coups, conforter le discours officiel et rejeter davantage encore Morsi parmi les islamistes !

Au motif d’expliquer un peu ce qui se passe, tous nous refilent des petites accommodations avec la vérité et de grands mensonges.
Les petites accommodations vont se nicher dans les cartes géopolitiques qui, insidieusement, vous placent Diabali bien plus proche de Ségou qu’il n’est réellement (il faut faire croire que le danger était réel), dans les chronologies qui vous annoncent que Mopti a été conquise par les islamistes avant l’intervention française (même raison), dans les reportages qui précisent que les adversaires étaient au nombre de 400 dans Diabali, alors qu’ils n’étaient que quelques dizaines (il faut donner du corps aux combats) ou encore dans les débats qui sont à sens unique, seuls les partisans de la guerre ayant la possibilité de s’exprimer au travers de quelques nuances.
Quant aux grands mensonges, ce sont les mêmes dans la bouche des officiels, dans celle des journalistes ou dans celle des commentateurs. Ils sont au nombre de quatre, ces grands mensonges. Un récent « point de vue » de Jean-François Bayart (Directeur de Recherche au CNRS) dans « Le Monde » du 23 janvier les résume très bien.

Le premier mensonge fait référence aux négociations prévues par la résolution 2071 de l’ONU, laquelle exhortait les autorités du Mali, les rebelles, les pays voisins et les partenaires bilatéraux à se retrouver pour engager un processus politique viable. On nous dit que ces négociations ont échoué. C’est faux, elles ont été sabotées par les « autorités maliennes » qui ne voulaient pas en entendre parler, par l’Europe et la France qui se sont abstenues d’y prendre part alors qu’elles y étaient invitées au travers des « partenaires bilatéraux ».
Le second mensonge porte sur l’appel à l’aide du Mali, dont Monsieur Bayart nous dit qu’il s’agit de l’appel à l’aide « explicite de son homologue malien ». Or, cet « homologue » n’est investi d’aucune représentativité, ni d’aucune légitimité. Il n’est que le jouet d’un capitaine putschiste qui peut le remplacer demain matin s’il le veut. Convaincu de ne pouvoir obtenir aucune légitimité, ils ont tout fait (le capitaine et le président) pour éloigner l’idée d’un nouveau scrutin présidentiel au motif que Nord et Sud n’étaient pas réunis. C’est faire vraiment peu d’honneur à notre Président Hollande que de classer la marionnette malienne au rang de ses « homologues ».
Le troisième mensonge concerne la résolution 2085 dont on a déjà parlé (Mali:-après-une-semaine-de-guerre) et qui n’autorise le déploiement d’une force que sous conduite africaine.
Le quatrième mensonge ressemble beaucoup à la fable des « Armes de dissuasion massive ». Dans le cas présent, il s’agit du danger immédiat couru par la capitale Bamako et les milliers d’expatriés français devant l’avancée inexorable des islamistes. De ce quatrième mensonge, on a également déjà parlé (Mali:-après-une-semaine-de-guerre).

Donc, tout le monde ou presque est pour la guerre !
Et les commentateurs de se répandre sur l’après-conflit en nous affirmant que tout restera à faire, que la guerre ne solutionnera pas grand-chose et qu’une nouvelle politique d’aide au développement sera nécessaire. Nous reprenons là les termes exacts de Jean-François Bayart. Et nous disons que c’est vraiment se foutre de la gueule du monde, parce que c’est exactement ce qu’il aurait fallu faire AVANT, afin d’empêcher les djihadistes de prendre racine et de se développer.
Au passage, son article nous refile des tableaux pour lesquels personne ne prend la peine de convertir des dollars et des francs CFA en une même monnaie, l’euro par exemple, pour que le lecteur comprenne.
Le tableau représentant l’Aide Publique au Développement en faveur du Mali (http://www.memoireonline.com/10/09/2819/m_Etude-de-laide-publique-au-developpement-de-la-france-au-mali-cas-de-leducation5.html) couvre la totalité de l’Aide française, européenne, US et s’élève à 815, 4 millions d’euros en 2010. Quant au tableau représentant les transferts de fonds des travailleurs maliens en France, il indique un montant de 288,1 millions d’euros en 2010 (soit 4% du PIB), à comparer aux 96 millions d’euros de l’Aide Française au Développement (http://www.afd.fr/home/pays/afrique/geo-afr/mali/afd-mali). Au passage, rappelons à l’auteur de cette tribune que Nicolas Sarkozy n’a jamais contribué à l’affaiblissement de l’autorité du Président ATT en exigeant de lui la signature d’un accord de réadmission des migrants clandestins. Amadou Toumani Touré a toujours, avec fermeté, refusé de signer cet accord et la majorité de son peuple lui en a été reconnaissante.

Faut-il redire encore ce que l’on aurait pu faire AVANT ?
Prendre en considération les populations multiples de cette région du Nord-Mali, arabes comme touarègues ou noires africaines, leur proposer des axes de développement, les associer à la gestion politique de la zone, y développer une démocratie de dialogue, leur parler des futures ressources en pétrole, voire en uranium comme un peu les leurs, …
Qui pouvait le faire mieux que la France, avec l’Europe ?

Cela n’a pas été fait. Nul doute qu’on le fera APRES ….


Nous avons ici beaucoup parlé des risques que comporte cette aventure militaire. Après les revanches et exécutions sommaires, voici venir le temps des camps de réfugiés: le nord du Burkina Faso est déjà bien déséquilibré par les milliers de réfugiés qui fuient les zones de combat ou de futur combat.
A lire un très intéressant reportage de Sophie Arutunian et Cécile Bourgneuf (http://www.mediapart.fr/portfolios/au-burkina-faso-avec-les-refugies-maliens) sur un camp du Burkina, publié sur Médiapart. Merci pour l’emprunt de la photo la plus « neutre ». Allez voir les autres !

D’autres questions se posent et mériteront quelques explications un jour ou l’autre.

Réfugié maliens au camp de Mintao – Burkina (C)Croix-Rouge de Monaco
  • Quelle est la situation réelle des otages français ? Comment peut-on affirmer qu’ils sont vivants ? Où sont-ils détenus ? Pourquoi leurs ravisseurs n’en parlent-ils plus, alors qu’ils devaient servir de monnaie d’échange ou de chantage ?
  • Au sujet du « discours » de l’adversaire, comment se fait-il que les médias le considèrent comme inexistant ? Les djihadistes sont-ils muets ? Où et comment s’expriment leurs meneurs ? Que disent-ils ?

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Au Mali, chronique d’une guerre annoncée

Les dirigeants africains de la CEDEAO se sont mis d’accord, hier 11 novembre, pour l’envoi d’une troupe de 3300 hommes dans le Nord-Mali, afin d’en chasser les islamistes radicaux qui y appliquent la charia et surtout y implantent les bases arrières d’un « biosystème » à leur façon: trafics, drogue, enlèvements …
Il reste encore à obtenir le feu vert de l’ONU pour cette intervention qui ne pourrait guère avoir lieu avant plusieurs mois. De plus, la fenêtre de tir sera exceptionnellement courte puisque les fortes chaleurs rendront invivable aux combattants le désert.

Abuja-Les dirigeants de la CEDEAO décident la guerre (C)Pius Utomi Ekpei/AFP


Ceci dit, les objections à la réalisation de cette campagne militaire se font de plus en plus nombreuses.
Passons en revue les dernières déclarations et objections.
L’Algérie, tout d’abord, que d’aucuns avaient hâtivement placée dans le camp des « favorables » à la guerre vient d’exprimer toutes ses réserves. En compagnie du Burkina Faso, ce pays vient de réussir une scission du front islamiste en place au Nord-Mali: Ansar Eddine déclare officiellement refuser les actions terroristes. L’Algérie est particulièrement attachée à l’intégrité et l’inviolabilité de son territoire et elle craint qu’un conflit au Nord-Mali entraîne inévitablement des débordements sur ses frontières.
Le Burkina Faso, que l’on vient de citer, est présidé par Blaise Compaoré, un Président contesté et contestable, qui désire avant tout jouer un rôle politique éminent dans la région (et sauver sa place). Sa volonté de mettre des hommes à lui à la tête du « gouvernement » malien et sa conduite des négociations avec les rebelles du Nord-Mali sont des illustrations de cette volonté. Il n’en reste pas moins que le Burkina, par sa parole, est, de loin, favorable à une solution négociée au lieu d’un affrontement.
La Mauritanie s’avère violemment opposée à une intervention militaire. « Une guerre contre les islamistes armés qui occupent le nord du Mali serait dévastatrice pour les pays voisins qui seront alors victimes d’un volcan aux cendres incandescentes », voici ce qu’a déclaré le Président de l’Assemblée Nationale mauritanienne, Messaoud Ould Boulkheir. Pour la Mauritanie également, un conflit armé au Nord-Mali présente le risque important de débordements susceptibles de mettre en cause l’intégrité territoriale du pays et son régime démocratique. Le danger est bien réel de voir s’inviter quelques déséquilibres dans ce pays dont le Président Aziz est absent par suite de blessures infligées accidentellement par un soldat de son armée: l’opposition démocratique demande une transition vers au nouveau gouvernement et des forces, peut-être moins démocratiques, manifestent et jettent de l’huile sur le feu.

Romano Prodi, dont nous avions souligné le rôle que lui a confié l’ONU, et dont certains dirigeants européens font très peu cas, s’est prononcé (notamment à Alger !) en faveur de la recherche de la paix par le dialogue. « Je suis venu chercher la paix et nous devons travailler ensemble et avec une bonne volonté pour instaurer la paix dans cette région. Nous avons encore la possibilité de travailler pour la paix et profiter des cadres internationaux et des engagements de l’ONU dans le cadre de la lutte contre le terrorisme pour préserver l’unité nationale du Mali. Toutes les guerres qui ont été menées de par le monde ont causé de grandes tragédies pour l’humanité. La guerre en dernier ressort, car nous avons encore la possibilité de travailler pour la paix ».
Il est clair que l’ONU n’adopte pas une position de jusqu’au-boutiste et que les attitudes respectives de la France et de l’Union Européenne sont de plus en plus isolées.
Pour terminer (pour l’instant), ce tour d’horizon international, citons la Chine, elle-aussi opposée à une intervention armée au Nord-Mali.

Alors, en France ?
Les oppositions à ce conflit sont actuellement extrêmement minoritaires. La droite et la gauche parlementaires adoptent exactement la même attitude, celle de l’approbation face à un risque constitué par le terrorisme et l’islamisme. Seule l’extrême-gauche, Mélanchon, Médiapart …dénoncent la préparation de ce conflit au motif qu’il s’agit avant tout d’une intervention franco-américaine de caractère néo-colonialiste et impérialiste. Le site Atlantico (http://www.atlantico.fr/decryptage/reconquete-nord-mali-echec-previsible-jean-bernard-pinatel-542012.html) (« considéré » de droite) publie aujourd’hui un article signé de Jean-Bernard Pinatel, général 2° section, intitulé « La conquête du Nord-Mali, un échec prévisible ». Et c’est tout pour aujourd’hui: le reste de la presse n’est constitué que de va-t-en-guerre, à commencer par « Le Monde » !

Est-ce donc une erreur que de persister à croire que la guerre au Nord-Mali sera une catastrophe ? Une catastrophe parce qu’elle entraînera encore plus de misères qu’il n’y en a actuellement dans cette sous-région du Sahel. Une catastrophe parce que les réfugiés (au Niger, au Tchad, en Mauritanie) ne seront plus 300 à 400000, mais le double, si ce n’est davantage. Une catastrophe, parce que les relations déjà difficiles entre africains et arabes, entre africains et touaregs, seront détruites pour de longues générations. Une catastrophe parce que le fait militaire ne viendra jamais à bout de la volonté de quelques illuminés fanatiques, il n’est qu’à voir en Afghanistan, et nous n’avons pas encore vu le pays après le départ des troupes occidentales ! Alors, remplacer l’Afghanistan par le Mali ? Sous le prétexte qu’il y a du pétrole, de l’or, peut-être du gaz ? Une catastrophe, parce que vont se superposer, se percuter deux antagonismes: les africains contre les djihadistes et les africains contre les touaregs !

Deux hommes, en qui l’on croyait pouvoir accorder un peu de confiance, viennent de s’exprimer de la pire façon.
Tout d’abord, Mohamadou Issoufou, Président de la République du Niger depuis 18 mois. Alors que les discussions des derniers temps le laissaient apparaître comme réticent à une intervention armée, le voici qui intervient publiquement (http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/11/12/nord-mali-les-djihadistes-visent-l-europe-selon-le-president-nigerien_1788997_3212.html) pour donner corps aux pires fantasmes de notre classe politique. « Si on les laisse faire, les djihadistes ne s’arrêteront pas en Afrique de l’Ouest. Leur objectif, c’est l’Europe. Qui tient l’Afrique tient l’Europe. La non-intervention serait bien pire qu’une intervention. Maintenant, nous n’avons plus le choix, Il faut que l’opinion française comprenne que l’intervention au Mali est nécessaire pour protéger l’Europe et pour éviter que les troubles qui ont gagné le monde arabe ne se propagent en Afrique ».
Autre voyageur de commerce au service de l’Occident, Abdou Diouf, Secrétaire Général de la Francophonie. « La France, avec d’autres, et notamment les Nations Unies et l’Union européenne, a le devoir d’intervenir dans cette affaire pour aider le Mali et les pays de la sous-région tant la menace est sévère ». A la question de savoir si la France ne se trouvait pas désormais face à des concurrents mieux placés pour satisfaire leurs appétits en Afrique, la réponse est la suivante: « Franchement, je ne pense pas. Il est cependant vrai que, depuis plusieurs dizaines d’années, l’Afrique a multiplié les partenariats économiques avec des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Turquie. La France doit donc rivaliser avec sans doute plus de concurrents qu’auparavant. Mais c’est une bonne chose ! Aujourd’hui, l’Afrique est en position de négocier à son avantage, de demander le respect de ses valeurs – et de celles qu’elle défend au sein de la Francophonie ».
On ne saurait mieux dire que la présence de la France dans ce conflit est un gage pour garder sa place en Afrique !
Alors, que faire ?
Cesser le tam-tam militariste ! Parler de négociations ! Avec Ansar Eddine et avec le MNLA (http://moussa-blog.azawadunion.com/) ! Davantage que les djihadistes venus souvent d’Algérie et/ou de Libye, ce sont eux les gens du Nord-Mali ! Il n’est point de ralliement en masse de combattants venus de tout le continent, voire même d’Europe ou de France, à l’exception de deux fanatiques (il ne s’agit que d’intoxication médiatique !). Aider la population (communication) à résister, car elle en a envie et besoin ! Monter des opérations de police ! Créer les conditions d’un vrai développement économique, social et culturel de cette région, ce que le Sud-Mali n’a jamais fait malgré les promesses et les accords successifs ! Donner de l’audience politique aux habitants du pays ! Patrouiller sur toutes les frontières pour contrecarrer la libre circulation des terroristes et des trafiquants ! Aider le Mali à réintégrer des processus démocratiques, et le plus vite sera le mieux, car les hommes qui prendront la parole le feront au nom du peuple, ce qui n’est pas le cas actuellement !
Cela, la France et l’Europe peuvent aider à le faire !
Tieman Coulibaly, Ministre des Affaires Etrangères du Mali, partisan de la guerre, refuse l’organisation d’élections en son pays, au motif que l’intégrité de celui-ci n’est plus une réalité. Il a de belles phrases:
« Organiser des élections sans les territoires occupés, ce serait ajouter la honte à la honte ». C’est possible, et il ne lui est pas interdit de le penser, mais ne croît-il pas que déclarer la guerre alors que l’on n’est que membre d’un gouvernement largement auto-désigné ne lui donne que peu d’autorité morale ?


A lire, un bilan des forces djihadistes (http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20121112170338/actualite-afriquemali-de-quelles-forces-disposent-les-jihadistes.html), réalisé par « Jeune Afrique ».