Dans son édition du 4 janvier, « le Monde » publie un éditorial (http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2014/01/04/l-action-de-la-france-en-afrique-est-un-enjeu-mondial_4343061_3208.html?xtmc=afrique_mondiale&xtcr=3) qui revient sur la position de la France en Afrique.
Cet éditorial prétend illustrer une nouvelle attitude de la France sur ce continent et, par voie de conséquence, revendique une meilleure compréhension de cette attitude de la part de l’Europe, des Etats-Unis et de l’ONU: « l’action de la France en Afrique devient un enjeu mondial » est-il affirmé sans hésitation.
Effectivement, François Hollande a, avant même son accession au pouvoir et depuis celle-ci, tenu un discours d’une tonalité différente que celle que tous ses prédécesseurs, de droite comme de gauche, François Mitterrand inclus, ont tenu. « La Françafrique, c’est à dire le contrôle post-colonial des intérêts français sur ce continent, c’est fini ». Mais au-delà des mots, qu’en est-il exactement ?
Rappelons tout de même que l’intervention au Mali, longuement préparée à l’avance, s’est déroulée dans l’irrespect des résolutions de l’ONU, sur appel d’un gouvernement provisoire issu d’un coup d’Etat. Les choses ont certes changé d’aspect depuis, mais seulement d’aspect. Il n’est guère possible de parler de victoire: la preuve en est que tout retrait des forces françaises se traduira immédiatement par une résurgence des activistes djihadistes, lesquels sont cachés à peu de distance et susceptibles de déséquilibrer d’autres pays (Niger, Burkina, ..).
Par ailleurs, la situation géo-politique n’est pas réglée, loin s’en faut. Kidal reste une épine dans le pied et de la France et du pouvoir malien d’IBK. Les Touaregs n’ont pas renoncé à leurs revendications d’une certaine autonomie.
En République Centrafricaine, il est certainement trop tôt pour prédire ce que peut être l’évolution de la situation. Tout au plus peut-on constater que la France est intervenue toute seule et qu’aujourd’hui elle est mise en cause, que son impartialité est contestée et que les forces locales qui s’opposent (et se déguisent derrière des considérations religieuses) ne sont pas enclines à laisser agir un quelconque intermédiaire.
François Hollande, Laurent Fabius, Jean-Yves Le Drian (Jean-Yves Le Drian surtout !) répètent à l’envie que la France joue son rôle en étant présente en Afrique, que sa place y est légitime en raison de son histoire et des liens étroits qui ont été tissés entre le continent noir et la France.
La gauche ne peut-elle pas se poser la question de savoir en quoi l’histoire passée et coloniale de la France en Afrique pourrait apporter une forme de légitimité à ses interventions actuelles ?
Jean-Yves Le Drian ne cesse d’aller en répétant que l’action de la France en Afrique est justifiée par la défense de sa sécurité mise en cause par le terrorisme international issu du djihadisme. Combattre le terrorisme en Afrique serait combattre le terrorisme en France et assurer la protection du pays, telle est la rhétorique habituelle.
La gauche ne peut-elle pas comprendre que ce n’est pas la France que semble viser l’islamisme radical, mais bien l’occident, les « blancs » ? Le dernier otage libéré, le père Georges Vandenbeusch , de façon très naïve, a exprimé ceci en disant « ce n’est pas un prêtre qu’ils voulaient enlever, ils ne savaient même pas ce que c’est, mais ils voulaient enlever un blanc, un occidental ». Alors, si l’islamisme vise l’Occident et non la France, en quoi la position interventionniste de la France est-elle justifiée ?
La réponse à ces deux questions fondamentales que ne se pose pas la gauche française, (que ne se pose pas, non plus, « Le Monde » !) est tellement négative que toutes les interventions françaises débouchent sur un incompris, un inachevé, quand ce n’est pas un gâchis.
L’ONU est plus que réticente à intervenir dans des pays que la France considère comme son territoire préservé, son glacis. Alors, dans le meilleur des cas, elle vote une résolution à peu près favorable, comme en République Centrafricaine, satisfaisant en cela l’esprit de la demande française d’intervention et elle laisse faire.
Quand à l’Europe, comme nous l’avions déjà constaté lors de l’intervention malienne, il lui est insupportable de se voir demander de l’aide, des armes, des soldats, des fonds (une «caisse de guerre»), alors même que la France ne l’a jamais associée à la préparation de ses interventions, voire même qu’elle lui a menti, dans le cas du Mali, en soutenant que « jamais la France n’interviendrait seule ».
Contrairement à ce qu’affirme l’éditorial du « Monde », la France n’était pas la mieux placée pour intervenir en Centrafrique (où est la légitimité de cette intervention?) et elle pouvait ne pas le faire. Elle pouvait, par une intense action diplomatique, au sujet du Mali comme pour le Centrafrique, mobiliser l’Europe, mobiliser les Nations Unies et mettre sur pied une véritable force d’intervention à la fois européenne, internationale et africaine. Elle pouvait tenter de le faire, elle ne l’a pas fait, elle s’est refusée à le faire.
Non seulement, la France ne peut pas rester seule, mais elle ne devait pas partir seule !
Et si elle est partie seule, sachons le bien, ce n’est pas en raison d’histoire à la « Bisounours » selon lesquelles la situation était urgente et qu’il fallait agir vite (« Je n’ai pas eu le temps de vous en parler » a, en substance, dit François Hollande à Angela Merkel qui lui reprochait d’être intervenu seul en Centrafrique !!). Non, l’explication est à rechercher dans cette volonté française de ne pas renoncer aux liens particuliers noués entre la France et l’Afrique, de ne pas renoncer à son potentiel économique qui est si important (dixit « Le Monde »). Ce n’est plus la Françafrique, mais Dieu que ça lui ressemble !
Alors allons encore plus loin dans notre choix d’une force internationale, européenne et africaine pour ramener l’ordre en Afrique. Après l’ordre ; le développement ! Et pas le développement dont rêvent nos stratèges français, celui qui consiste pour nos entreprises à rapatrier largement leurs bénéfices. Les entreprise françaises qui œuvrent réellement pour le développement du continent, qui embauchent du personnel africain, qui réinvestissent leurs profits sur place, se comptent à peine sur les doigts des deux mains.
Le cas du Niger et d’AREVA est exemplaire de cette situation. La lutte de « bras de force » qui est engagée et dont l’issue reste incertaine est une illustration de ce que devrait pouvoir défendre un pouvoir de gauche: une meilleure répartition des ressources nées de l’exploitation du sous-sol ou du sol d’un pays, et, dans tous les cas, une répartition qui favorise le pays « producteur ». cf Libé (http://www.liberation.fr/monde/2014/01/06/les-mines-d-areva-au-niger-provisoirement-fermees_970942).
Alors oui, une force d’intervention, mais selon un tout nouveau schéma et pour un tout nouvel objectif, tant il est certain que les interventions militaires occidentales en Afrique, comme au Proche-Orient, comme en Afghanistan, n’ont jamais rien produit de positif. Mais pour cela, encore faut-il changer de discours et ne pas se contenter de rhabiller l’ancien discours avec des habits neufs, n’est-ce pas « Le Monde » !
Comment faut-il interpréter ces infos ?
L’Aide Française au Développement est recentrée (http://www.slateafrique.com/335018/cooperation-france-afrique-renctrage-aide-au-developpement) afin que 85% de celle-ci soient orientés vers les pays africains que sont le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, Djibouti, les Comores, le Ghana, la Guinée, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, le Tchad, le Togo et le Sénégal.
La France redéploie son dispositif militaire (http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/01/04/la-france-redeploie-son-dispositif-securitaire-au-sahel_4343008_3212.html?xtmc=implantations_armee_france_afrique&xtcr=1#) au Sahel et fait de Faya-Largeau, au Tchad, le centre de ce dispositif.