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Les migrations du Mali vers la France

Ce début d’année 2009 a été marqué par un évènement significatif, sinon important, qui n’a pas rencontré, ni dans la presse écrite, ni dans l’audiovisuel, un grand retentissement. Pour la quatrième fois, Amadou Toumani Touré (ATT), Président du Mali, a refusé de signer l’accord dit de “Gestion concertée des flux migratoires”. Certes, il y a eu quelques articles, mais une fois la chose acquise, plus personne n’en a parlé.

Nombre de ces articles sont inspirés par un faisceau d’associations qui ont en commun une analyse partielle et militante. Le simple rappel des chiffres illustre cet aspect des choses.

Remettons de l’ordre dans les données.

Combien de maliens vivent en France ? Les chiffres vont de 80 000 à … 300 000 selon les sources. 80 000 pour “L’Humanité”, 120 000 pour “Le Monde”, 150 000 à 200 000 pour Panapress, 170 000 pour la Compagnie des Phares et Balises pour présenter un spectacle, 200 000 pour « Libération », mais il est vrai dans un article de Catherine Coroller qui cite 200 000 et 80 000 dans le même papier (02/01/2009) !!

Ces chiffres sont probablement exagérés et ont avant tout pour but de « dramatiser » la situation. On peut raisonnablement s’arrêter sur 80 000 à 100 000 maliens résidant en France, dont 30 00 à 45 000 en « situation irrégulière« .

Quel est le montant des fonds que ces maliens transfèrent dans leur pays ? Cette question n’a pas pour but de préparer une main-mise sur ces sommes, comme l’a imaginé une association. Mais, au contraire, une bonne connaissance permet d’apprécier l’effort des maliens vers leur pays.Le chiffre couramment admis est de 180 millions d’euros par an. Il est extrait d’un rapport (http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000739/0000.pdf) de Charles Milhaud, Président du Directoire des Caisses d’Epargne, daté de septembre 2006 et intitulé “L’intégration économique des migrants et la valorisation de leur épargne”, étude réalisée sur un ordre de mission signé de Nicolas Sarkozy.

Mais d’aucuns parlent de 200 millions (RFI), 295 millions (Tiebilé Dramé, ancien ministre des Aff. Etr.) … Dans quel but ?

1°) Celui d’établir une comparaison entre ce chiffre et le PIB du Mali. C’est ainsi que “Libération” annonce que ces 180 millions représentent 4,4% du PIB, tandis que Tiebilé Dramé déclare que les 295 millions représentent 11% du PIB. Calculez vous-même, chacun a son PIB ! Et c’est bien vrai ! Le PIB du Mali est de 5 400 millions $ en 2004 soit 4 355 millions € (Tx=1,24), 6 840 millions $ en 2007 soit 4 995 millions € (Tx=1,37). 4,4% représenteraient des transferts à hauteur de 220 millions, et 11% représenteraient … 549 millions !!

Plus honnêtement, les 180 millions d’euros transférés par les migrants maliens font entre 3 et 4% du PIB du pays natal.

2°) Celui d’établir une comparaison avec le montant de l’Aide Française au Développement consacrée au Mali. AfriqueJet déclare que ces 180 millions représentent 3 fois l’aide ! RFI nous dit que l’AFD est de 156 millions d’euros ! Or, source gouvernementale, (http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Note_68.pdf), l’Aide Publique au Mali en 2005 a été de 72,37 M€ (annulation de dette comprise) ou de 51.30 M€ (hors annulation de dette).

Mais en fait, quelle importance peut bien avoir ce chiffre ? En quoi la France serait-elle tenue de verser à un pays donné une somme en rapport avec ce que lui adressent ses propres ressortissants ? A ce petit jeu stupide, combien la France devrait-elle donner au Pakistan, au Sri Lanka ou à Djibouti ?

A l’examen de tous ces chiffres, nous apprenons que la France a procédé à une annulation-conversion de la dette du Mali à l’égard de la France, à l’automne 2007, pour un montant de 109 millions € pour la période 2008-2019.

Pourquoi cette mobilisation des associations ?

Toutes les associations (Droits de l’homme, CIMADE, Droits Devant, RESF, … ) se sont exprimées au sujet du Mali, mais très peu lors des signatures accordées par le Sénégal, le Gabon, la République du Congo, le Benin, la Tunisie, l’Ile Maurice, Cap Vert et le Burkina Faso. Tout simplement parce que, dans le cas du Mali, le résultat des discussions était pratiquement connu d’avance et qu’il était bon d’accompagner ce résultat afin de crier victoire !

Amadou Toumani Touré a une attitude extrêmement réaliste avec l’émigration de ses citoyens. Il connait ces fameux 180 millions d’euros, dont près de 60 % vont dans la seule région de Kayes, et il ne peut l’en priver. « Entre le tout humanitaire revendiqué par certains et le tout sécuritaire par lequel l’Europe lui répond, il faut trouver un moyen terme salutaire ». Il est prêt à discuter de visas permettant d’aller travailler dans un pays européen et de revenir, il l’a fait avec l’Espagne. Il est prêt à entendre parler de régularisations. Mais il n’aime pas que l’on se moque de lui et que, là aussi, on trafique les chiffres, mais dans l’autre sens.

Les dernières négociations entre la France et la Mali ont été basées sur un nombre de maliens en “situation irrégulière” de l’ordre de … 22 000. Et sur ces 22 000, la France ne proposait que .. 1500 régularisations par an, là où le Mali en demandait au moins 4 à 5000. Et puis, il y avait cette grotesque liste limitative des métiers autorisés pour les migrants. La migration des maliens est une donnée officiellement incluse dans la politique de population du Mali. Il existe un Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur qui a pour ambitions d’aider les maliens de l’extérieur, d’informer les candidats à l’émigration, de favoriser la coopération décentralisée, mais aussi d’obtenir des migrants qu’ils consacrent leurs envois de fonds à des investissements.

Il existe au Mali des dizaines d’associations (ONG) qui se sont données pour but d’organiser et de valoriser les envois de fonds et d’apporter une aide au retour et à la réintégration des maliens de l’extérieur. Il existe également des dizaines d’associations qui cherchent à circonvenir l’émigration clandestine.

Il est bien certain que, tôt ou tard, les discussions reprendront. Il est à souhaiter que la France les engage sur des bases à la fois plus réalistes (les vrais chiffres, une meilleure connaissance de la politique du Mali, …) et plus généreuses (davantage de régularisations, des visas aller-retour, des visas sur la base d’un plan éducatif ou professionnel, des frais de transferts financiers allégés, des aides au retour et à la création d’entreprises personnelles, … tant de choses peuvent être imaginées).

Bamako Commune V, quartier de Daoudabougou, d’après Google Earth

Pour compléter votre réflexion:

  • le travail (http://www.delmli.ec.europa.eu/fr/guide/Etude_Migration_Merabet_Gendreau_Rapport_final_15_05_07.pdf) de Omar Merabet et Francis Gendreau sur “Les questions migratoires au Mali”. A vrai dire, ce document, je n’ai vu nulle part qu’il ait été cité !! Il date de janvier 2007.
  • un commentaire glané sur un forum, il est un peu “radical” mais mérite l’attention: « Un malien en France, ce sera toujours un immigré. Un français au Mali, ce sera toujours un coopérant ! »
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Excision: vaste campagne de mobilisation au Mali

« Le Bureau de l’UNICEF au Mali, en collaboration avec le Programme national de lutte contre l’excision (PNLE), organise du 27 janvier au 10 février 2009 une vaste campagne de sensibilisation dans les régions de Kayes (ouest), Sikasso (sud) et Koulikoro (centre) contre la pratique de l’excision, a appris la PANA auprès des initiateurs.

Cette campagne, qui se déclinera en une série de productions de théâtre-forum, s’inscrit dans le cadre du programme général de l’UNICEF visant à renforcer l’impact des actions de changement social par l’utilisation de moyens de communication à base communautaire et de proximité.

Quelque 90 sites vont accueillir 9 jeunes troupes de théâtre-forum avec pour thème: “Le Dernier Couteau”. La pièce se jouera sur les places et endroits publics selon la technique du théâtre-forum qui laisse une grande place au dialogue après la représentation.

« Au moins 180 fora de discussion seront organisés après les représentations et lors de ces espaces d’échanges, les spectateurs peuvent prendre la place des acteurs et rejouer la scène de leur point de vue », ont souligné les organisateurs.

Selon les résultats de l’Enquête démographique et de santé 2006 (EDSM-IV) du ministère malien de la Santé, 69% des femmes enquêtées, ayant au moins une fille, avaient déjà fait exciser leur fille ou au moins l’une de leurs filles et 14% avaient l’intention de la (ou les) faire exciser. En somme 82% des filles des femmes enquêtées sont ou seront excisées, c’est-à-dire un niveau légèrement inférieur à celui des mères (85%).

Le Mali fait partie des pays où la pratique de l’excision est très répandue, avec son taux de prévalence de 85%. Il occupe la troisième place sur le continent après l’Egypte (97%) et le Soudan (90%).

Dans le monde, chaque année, au moins deux millions de jeunes filles sont menacées de mutilations génitales et leur nombre est estimé à 150 millions en 2006. Globalement, l’excision est répandue dans 28 pays d’Afrique, avec un taux de prévalence variant entre 5% et 97%, selon le pays.

Bamako – 26/01/2009 Pana »

1ère observation: si j’ai choisi de reprendre ce texte in extenso, c’est parce que j’avais déjà parlé de ce sujet (Alexandrie-Excision) à propos de l’Egypte.

2ème observation: ce texte provient d’une agence de presse africaine et il est particulièrement intéressant de noter la franchise et l’évidence avec laquelle la question est abordée.

3ème observation: contrairement à l’Egypte, le Mali a ratifié le Protocole de Maputo (http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Afr/instr_prot_fem_03.html), mais les associations maliennes concernées souhaitent qu’une loi vienne renforcer cette ratification et organiser la lutte contre les mutilations féminines.

4ème observation: le premier mot du titre de ce post va, comme de bien entendu, attirer toute une meute de chacals du Net. Qu’ils passent leur chemin !

Bamako: enfants dans la rue
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Mali

Espace d’Interpellation Démocratique

Depuis 13 ans, chaque 10 décembre (jour anniversaire de la signature de la Déclaration des Droits de l’Homme), le Mali organise une manifestation sans doute unique au monde: l’Espace d’Interpellation Démocratique. Il s’agit de rassembler symboliquement les associations luttant pour les droits de l’homme, ceux de la femme (excision, mutilations génitales), contre la torture ou les mauvais traitements et détentions arbitraires, pour l’abolition de la peine de mort, … et de leur proposer une tribune où elles peuvent renouveler leurs demandes et revendications et surtout obtenir une réponse de la part du Gouvernement et des ministres concernés, lesquels s’engagent sur un plan d’action.

Bois d’ébène

Pour la première fois cette année, la Coalition des Villes Propres du Mali est intervenue pour souligner l’absence de traitement des déchets solides et liquides et les conséquences sanitaires et environnementales désastreuses qui s’ensuivent.
Le Ministre de l’Environnement a effectivement répondu en s’engageant sur un plan d’action pluriannuel et sur la réalisation d’une usine d’incinération à Bamako.
Nous retiendrons de cette journée que la démarche de la Coalition des Villes Propres a débouché sur une quasi reconnaissance d’un “droit à la salubrité”, même si nous ne devons pas nous illusionner sur les perspectives d’amélioration.

Bois d’ébène

Le ministre de l’environnement est aussi optimiste que l’est son confrère des finances qui affirme que le Mali est à l’abri d’une crise financière. Oui, parce qu’effectivement, les banques maliennes (et africaines en général) n’ont pas trop de fonds pourris dans leurs actifs. Mais il se trompe quand même pour plusieurs raisons:

  • la crise ne fera que réduire la contribution occidentale au développement des pays émergents ou en voie de développement.
  • la crise ne fera que diminuer la volonté des banques de prêter.
  • la crise entraînera de nombreuses pertes d’emploi chez les travailleurs maliens de nos pays. Or, ceux-ci envoient actuellement vers leur pays davantage d’argent que le Gouvernement n’en donne officiellement !
    Le Mali n’est donc pas à l’abri de la crise, d’une crise qui prendra des aspects différents de ceux qu’elle a en occident, mais une crise qui augmentera la pauvreté et diminuera les capacités de développement.
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Droits de l'homme

Kareem Amer

Depuis la création de ce blog, un lien vous propose de soutenir Kareem Amer emprisonné en Egypte pour s’être exprimé dans son blog sur les droits de l’homme et plus particulièrement les droits de la femme.

Les choses ne vont pas très bien pour lui: privation de liberté, privation de lumière, …

Aidez-le: (http://freekareem.rsfblog.org/archive/2008/05/30/les-protestatations-d-internautes-lors-de-la-condamnation-de.html),

Ecrivez-lui: (http://freekareem.rsfblog.org/archive/2008/10/16/kareem-amer-a-besoin-de-vous.html),

Signez la pétition de Reporters Sans Frontières: (http://fr.rsf.org/). , …