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Les migrants du Mali

Sous le titre général de « Bamako World Wide », Carine Fouteau a publié récemment sur Médiapart une série d’articles consacrée aux migrations maliennes et surtout au dramatique devenir de ces migrants.

En quelques mots, le cadre est tracé: la faiblesse des revenus (36% des habitants vivent avec moins de 1 dollar par jour), ajoutée aux aléas du climat et à l’explosion démographique (13,7 M d’habitants aujourd’hui, 40 millions en 2050 ??) fait que les maliens, déjà traditionnellement enclins à la migration, partent encore plus nombreux.

C’est ainsi que les commerçants préfèrent le voyage sud-sud, notamment avec Dubaï ou l’Arabie Saoudite. Un bilan de la BCEAO indiquerait que la part des exportations vers l’Europe serait tombée de 83,5% en 2002 à 5,6% en 2006. Que valent ces chiffres stupéfiants qui n’ont de valeur que s’ils sont rapportés au volume d’affaires. Le dernier rapport connu des comptes extérieurs du Mali (09/04/2010) précise que les exportations ont atteint 935 milliards de Francs CFA en 2008, dont 70% pour l’or, 10% pour le coton et 5,5% pour les animaux vivants. Les zones destinataires de ces exportations étaient l’Afrique pour 86,7%, l’Asie pour 7% et l’Europe pour 5%. D’où il ressort que des chiffres incomplets ne peuvent rien signifier ! Quant au reste du commerce dont parle l’article, il relève avant tout des importations. D’une part sous la forme d’une activité qui échappe à tout contrôle et à toute réglementation, aussi bien à la sortie d’Arabie Saoudite qu’à l’entrée au Mali. D’autre part, dans le cadre d’un commerce unilatéral consistant en l’importation de matériels ou de pièces détachées d’origine chinoise via Dubaï ou Charjah. Cette “mondialisation par le bas” comme l’appelle l’auteure n’est en fait qu’un aspect de la mondialisation tout court.

L’article suivant aborde le choix des étudiants qui préfèrent poursuivre leurs études aux USA plutôt qu’en France. A n’en pas douter, il s’agit là de la conséquence de deux mouvements. Le premier est la volonté des élites africaines issues des classes supérieures de s’exprimer en anglais et de s’orienter vers des professions dites d’avenir: informatique, économie, … Le second est à chercher dans les très mauvaises conditions d’attribution des visas par la France, conditions qui ne peuvent que jouer un rôle d’épouvantail. « L’état des lieux des relations diplomatiques entre le Mali et la France est désastreux ». Et la dernière incursion de l’armée française au Nord Mali, sans en avoir prévenu ATT et sans son accord, ne va pas arranger les choses.

De tels faits sont bien plus graves qu’un discours encore une fois cité dans ces articles, celui de Dakar. Il a pu certes heurter quelques intellectuels, sans doute avec raison. Mais il est impensable d’accuser ce discours d’être raciste. Il n’est en fait qu’une imagerie datée, traditionnelle et paternaliste de l’Afrique. C’est un discours vieux de plusieurs dizaines d’années. C’est en fait une manière de dire que l’Afrique n’a pas pris le train de la mondialisation. Pourtant, d’autres tiennent, sans s’en rendre compte, le même discours. A commencer par les écolos radicaux, tenant de le décroissance, qui veulent vouer l’Afrique à un développement agricole auto-centré. A continuer par les milliers d’associations charitables qui consacrent leur quelques sous, en toute bonne foi, à l’apprentissage de la langue française, à la récupération et au recyclage de matières diverses, bref à l’acceptation d’une vie faite de misère et de soumission …

La série des articles s’oriente alors vers le descriptif apocalyptique des conditions d’expulsion des maliens, des ghanéens, des tchadiens ou nigériens depuis la Libye. Le postulat de départ est qu’ainsi la Libye répond favorablement aux attentes des pays européens avec lesquels elle a normalisé ses relations.Elle se comporte comme un “chien de garde” de l’Europe.Tout comme l’Algérie, le Maroc, la Tunisie ou la Mauritanie.

Outre que cette affirmation très “politique” fait peu de cas de l’identité de chacun de ces pays, elle s’appuie sur une affirmation “erronée”. Tous les maliens expulsés de Libye déclarent s’y être rendus pour y travailler ! Ont-ils le choix de dire autre chose lorsqu’ils sont emprisonnés et battus ? La vérité est qu’ils sont en Libye (ou en Algérie, ou au Maroc, …) pour rejoindre l’Eldorado européen. Et qu’ils sont des centaines chaque jour à grossir le flux. Ils ne viennent pas pour travailler en Libye, car cela relève d’une insupportable soumission envers les arabes. La migration africaine des maliens se fait avant tout vers le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Burkina Faso, … elle ne se fait pas vers le Maghreb.

Migrants maliens de retour de Libye (C)France24

En lieu et place de développer une thèse fausse, il serait sans doute plus constructif de comprendre l’émigration des Africains, de comprendre la difficulté à les recevoir de la part de pays comme le Niger ou le Maghreb, de favoriser une meilleure circulation des gens, des richesses et des talents là-bas comme ici chez nous.

Très curieusement, et comme en écho avec la volonté des étudiants maliens d’aller poursuivre leurs études aux Etats-Unis, la série d’articles s’achève par l’expulsion d’une malienne depuis l’état de l’Ohio. Les titres de la presse d’aujourd’hui nous apprennent que les républicains veulent faire de la lutte contre l’émigration leur prochain cheval de bataille. Les hispaniques sont visés en priorité, certes, mais un jour viendra où les noirs non américains seront inquiétés à leur tour.

En conclusion, la série est intéressante, très intéressante, mais trop souvent construites sur des idées préconçues, alimentant la désormais traditionnelle opposition entre tenants d’un contrôle dur de l’immigration et partisans d’un humanisme qui ne solutionne rien.

Ce sont 200 nouveaux émigrants qui arrivent chaque jour à Agadès, au Niger. Certains restent, certains repartent, certains reviennent, certains disparaissent, … Les passeurs font leurs affaires et les bandits de tous ordres ont organisé le “marché”.

Le Niger, c’est aussi le pays où Michel Germaneau a été capturé et où il est probablement mort de maladie et de grand âge. L’équipée franco-mauritanienne, à visée de reconnaissance, a donné l’occasion aux ravisseurs d’annoncer une exécution pour venger cette expédition. Il est sans doute plus facile d’annoncer une “vengeance” que de reconnaître que l’otage est décédé de mauvais soins ou d’absence de soins dans les mains de ses ravisseurs. A l’appui de cette thèse, l’absence de revendication publique et officielle et l’ignorance complète dans laquelle se trouvaient les “intermédiaires négociateurs” maliens.

Alors, faire la guerre à AQMI ne résoudra rien. Et Nicolas Sarkozy serait mieux inspiré de faire la guerre à la pauvreté en Afrique, de faire la guerre pour le développement de l’Afrique. C’est facile (ou presque). Il lui suffit de réduire la dette de ces pays, de donner sa part du PIB promises dans le cadre du Millénaire pour le Développement, d’appeler l’Europe à ses cotés, de favoriser des initiatives locales d’associations ou d’entrepreneurs locaux et de confier le contrôle de ces actions à des organismes internationaux comme l’UNESCO, l’UNICEF, la FAO, le BIT, l’OMS, l’ONU, et d’autres encore, en fonction de la nature du projet.

Additif du 10 janvier 2011,
Compte tenu des commentaires exprimés sur ce post et relatifs à la disparition de Michel Germaneau, je ne peux manquer de signaler cette info de “Marianne » (http://www.marianne2.fr/blogsecretdefense/AQMI-l-otage-Michel-Germaneau-est-mort-de-maladie-faute-de-medicaments_a93.html) publiée ce jour.

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Immigration

Les frontières de la Mauritanie

Pour se défendre d’AQMI (Al Qaida au Maghreb Islamique), la Mauritanie met en place et multiplie les postes frontière au sud avec le Sénégal et le Mali, à l’est avec le Mali et bientôt au nord avec l’Algérie et le Sahara Occidental.

Face au développement de trafics en tous genres (armes et drogues: Cocaïne-à-Gao), face aux raids et enlèvements perpétrés par les membres d’AQMI, la réaction du gouvernement mauritanien est compréhensible. Mais les modalités en sont-elles les meilleures ? La Mauritanie, comme le nord du Mali voisin, comme le Niger, comme le nord du Tchad, tout cet ensemble forme un territoire de nomades, ou à tout le moins de populations pour lesquelles les frontières héritées de la colonisation, voici cinquante ans, n’ont pas grande signification. La libre circulation des hommes y est depuis toujours une réalité.

Mauritanie (C)RFI

Et rajouter des postes frontière avec des douaniers en armes et des soldats qui auront pour mission de contrôler et de ficher tous les étrangers de passage, voire de mettre un terme à l’émigration clandestine, ne sera pas chose facile à faire comprendre et à faire accepter. Et que vont devenir les “illégaux” déjà installés dans le pays ? Par exemple, il existe plusieurs millions de maliens qui vivent et travaillent en Afrique, ailleurs que dans leur pays et tous ne sont pas des ressortissants “légaux”, loin de là !

De façon plus inquiétante, le ministre mauritanien de la défense a déclaré: « nous sommes prêts à tout sacrifier pour la sécurité, c’est le défi numéro un, devant le développement, devant la démocratie ». Faut-il en déduire que même le développement, même la démocratie, seront sacrifiés sur l’autel de la sécurité ? Pour sûr, AQMI pourra se flatter d’avoir gagné !

La célébration des cinquantenaires (Cinquante-ans-d-indépendances] ne pourrait-elle être l’occasion de la création d’une vraie brigade internationale (entre tous les états voisins) avec pour mission de patrouiller et “habiter” un territoire immense et bien souvent “vide de toute présence administrative” et en repousser les trafiquants et autres preneurs d’otages ?

Et à condition que le contexte soit clairement défini et que la maîtrise reste aux mains des pays sud-sahariens, la France pourrait sans doute apporter une aide technique.

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Sahel

Une analyse de la situation sahélo-saharienne

En novembre dernier (Cocaïne-à-Gao), dans un post consacré au trafic de drogue dans le nord du Mali, j’avais inséré un texte consacré à l’histoire des tensions dans la région sahélo-saharienne, entre Mali, Mauritanie, Algérie et Niger. L’enlèvement de Pierre Camatte n’a pas permis de mettre en évidence une analyse sérieuse de la situation qui prévaut dans cette zone. Bien au contraire, puisque nombre de commentateurs se sont contentés d’accusations démagogiques à l’égard de la France qui “tuait le tourisme” en déconseillant cette région à ses ressortissants.

“Le Républicain”, organe de presse du Mali, a publié aujourd’hui une analyse assez complète (http://www.maliweb.net/category.php?NID=58753&intr=) et surtout assez fine de la situation politique et sécuritaire au Nord. Cela vaut le coup de le signaler et surtout de le lire.

Sahel (C)CESBIO
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Mali

Cocaïne à Gao

Voici plus d’un an (Lectures-africaines), j’avais cité le groupe de chercheurs de Futurs Africains. Celui-ci avait commis un livre passionnant sur l’avenir de l’Afrique. Parmi les scenarii envisagés, il en était un, dramatique et négatif, qui ne voyait guère de développement pour ce continent, mais au contraire une chute vers le terrorisme, le trafic de drogues, les économies parallèles.

Voici quelques jours, début novembre, selon une agence de l’ONU, un Boeing en provenance du Venezuela s’est posé à quelques kilomètres de Gao pour livrer probablement près d’une dizaine de tonnes de cocaïne. L’avion s’est écrasé au redécollage et a été incendié pour effacer des traces. Venait-il pour la première fois ?

Cette information est en soi inquiétante et peu favorable pour l’avenir du Mali. Certes, l’Afrique de l’Ouest était déjà un point de transit de la drogue à destination de l’Europe (ici un article de 2007) (http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2007-11-08/le-trafic-de-cocaine-s-etend-en-afrique-de-l-ouest-dit-interpol/924/0/208880), mais dans le cas présent les moyens employés deviennent … industriels !

Qui réceptionne et qui assure le transit jusqu’en Europe ? Les autorités maliennes risquent d’accuser les troupes d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) et/ou les rebelles touarègues à tout le moins de complicité et cela n’est pas fait pour arranger une situation qui tendait à se calmer. Cela explique sans doute le silence malien jusqu’à présent sur cette affaire. Quant aux touaregs, leur agence de presse Temoust rejette ce soir cette information en parlant de “fantasme”… Il est pourtant certain qu’AQMI comme les Touaregs contrôlent bien ces territoires et donc connaissent les trafiquants.

Par ailleurs, Gao, bien qu’à plusieurs centaines de kilomètres de la frontière algérienne, confirme son rôle de base arrière de ces trafics. Une base arrière qui n’est qu’à un millier de kilomètres de Bamako et qui contrôle tout le nord-est du pays.

Saisie de cocaïne (C)Reuters-Tomas Bravo

Pour apporter quelques informations complémentaires sur les enjeux de cette région, voici un extrait d’un manuscrit passé entre mes mains et intitulé “Gao, je t’aime”. Il ne s’agit pas d’un roman, mais davantage d’une chronique rédigée au fur et à mesure de l’intégration d’une jeune fille dans le petit monde de Gao, à la faveur de l’amour et par le biais d’actions humanitaires. Ce manuscrit contient quelques analyses originales quant à la place des arabes dans la société malienne. A noter que l’on peut joindre l’auteur, Jacques Da Rocha, à ce mail: jdaro@free.fr

(pour expliquer)” la rébellion, la facilité est de se concentrer sur les raisons évoquées des sécheresses trop longues des années 90 qui ont désorganisé la société nomade, entraîné la faillite de son économie et en conséquence ont amené les Arabes et les Touaregs à se réfugier à la périphérie des villes, vers le fleuve Niger, dans les pays limitrophes et jusqu’à la Libye, pays ouvrant ses frontières à de futurs guerriers. On peut alors écrire que la résultante est une sédentarisation volontaire au sens où elle n’est pas imprimée directement par l’état. Mais les origines d’un climat social dégradé sont plus profondes et remontent à l’indépendance. D’une part, à cette époque, le commerce transsaharien décline au profit du développement du commerce entre l’Europe et le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, via les ports de Dakar, Abidjan, Lomé, Cotonou. D’autre part, la jeune république du Mali se caractérise par une forte centralisation sur sa capitale Bamako et crée une monnaie nationale. Grave erreur. Cette nouvelle devise sans valeur est non convertible et entraîne la faillite des éleveurs qui ne peuvent plus exporter leurs animaux. Du mécontentement des nomades, naît la révolte dans le Nord d’une tribu Touareg. L’état décrète des zones d’insécurité -les mêmes qu’aujourd’hui- aux alentours de Kidal, accélérant la sédentarisation mais aussi la généralisation de l’état de révolte des tribus réfractaires à s’appauvrir davantage aux abords des villes et qui doivent faire face à l’aversion des habitants. Le retour au franc CFA ne redynamise pas assez l’économie. Le mal est fait. Puis les années 70 à 80 sont marquées par les sécheresses. Les troupeaux sont décimés, des camps de réfugiés insalubres aux abords de Gao et de Tombouctou voient le jour. Le peu du commerce qui subsiste est contrarié par des taxes prohibitives, voire purement interdit. La corruption sévit, les commerçants franchissent les frontières par des itinéraires clandestins et dangereux qu’ils se partagent avec les trafiquants de cigarettes. De nos jours, sur ces mêmes parcours, d’autres formes de commerce se sont développées: drogue, armes, commerce humain par l’acheminement des clandestins. Dans les villes du Nord, les Arabes ont ouvert des échoppes qui parfois sont lucratives. Ces commerçants assurent la vente des importations provenant d’Algérie et de Mauritanie à travers les réseaux de leurs «frères» transporteurs de marchandises souvent non déclarées.
Faite de guerres et de razzias, la relation entre Touareg et Arabes a vu naître des alliances éphémères avec la rébellion. Le fossé entre les nomades et les sédentaires noirs est profond malgré les rapports économiques qui les rendent complémentaires, voire partenaires. L’enrichissement relatif des sédentaires et l’appauvrissement des nomades attisent le racisme et la rancune. Phénomène amplifié lorsque le climat s’en mêle, lorsque la saison sèche commence prématurément les nomades se rapprochent du fleuve avec leur bétail alors que les récoltes ne sont pas terminées. Il s’ensuit des situations très tendues et qui dérapent facilement en conflits. Au sein même de la société arabe du Mali, divisée en plusieurs classes, répartie dans plusieurs tribus, les choses ne sont pas plus simples. L’Arabe du Mali hérite de la classe sociale de son père. Il peut être noble – de race pure, sans métissage – , descendant de familles guerrières ou maraboutiques. A l’origine les nobles ne travaillent pas: libres, de teint clair, ce sont principalement les commerçants et les forgerons. Les nobles de race noire sont exclusivement les griots. Enfin, il peut être captif, de race noire, affranchi ou esclave en dépit de l’abolition. Trois grandes tribus arabes sont présentes au Mali: les Bérabich, tribu guerrière de l’Azawad, les Kountas, tribu maraboutique de la région de Gao dont sont issus les imam, cadi, uléma et marabouts et les Arabes du Tilemsi à l’Est. Si la cohésion est forte entre les clans d’une tribu, il n’en va pas de même entre toutes les tribus. La guerre tribale qui sévissait entre Kountas et Arabes du Tilemsi depuis 1997 n’a «officiellement» pris fin que tout récemment, en fin d’année 2003. S’ajoute à ces trois tribus l’entité respectée des shérifs, peu nombreux, prétendus descendants directs du prophète Mahomet.
Avec l’émancipation de la majorité des captifs, les nobles et hommes libres ont perdu beaucoup de leur main d’œuvre et de leur influence. Les captifs émancipés – même si certains sont restés attachés à la famille à laquelle ils appartenaient – se sont en grande partie sédentarisés, ont annexé des terres et se sont parfois enrichis, amenant à la situation paradoxale lors des sécheresses, de nobles venant se réfugier chez leurs anciens esclaves! Les mêmes nobles perdent aussi de leur influence auprès de leurs enfants confrontés au monde extérieur via l’école. Il n’en demeure pas moins que les Arabes gardent une fierté de leur histoire, celle d’un peuple conquérant, insoumis, riche de connaissances et brave, mais absent de la scène politique. Ce vide laisse le champ libre à l’état qui peut parler du Nord comme du « Mali inutile ». L’occident ne prend conscience de la situation dans laquelle se trouvent les nomades qu’en 1985 à l’occasion d’une nouvelle année de sécheresse. Dès lors, les grandes ONG se mobilisent et s’épuisent après moult ponctions à ce qu’une infime partie de leur aide atteigne la cible. On est alors proches du coup de grâce pour le nomadisme. En plus des contraintes économiques, la présence renforcée des militaires dans le Nord du pays -militaires noirs venus du Sud – fait peser la menace de la confrontation. Le racisme historique entre les deux populations est ravivé. S’amorce la vengeance des gens du Sud et la destruction des gens du Nord. Les « teint clair » descendent inexorablement au plus bas de l’échelle sociale. Ils ne peuvent l’accepter et beaucoup d’hommes jeunes choisissent de s’exiler dans les autres pays sahariens, l’Algérie, la Mauritanie, la Libye, le Niger étant en proie aux mêmes maux. Des tribus éclatées par la rigidification des frontières se reconstituent et tombent sous le joug de l’endoctrinement idéologique et politique utiles au Front Polisario du Sahara Occidental en lutte contre le Maroc et aux troupes libyennes en lutte contre le Tchad. Des jeunes arabes s’engagent dans les conflits, ils acquièrent l’expérience du combat, des armes, du financement. Le vieux rêve d’un état saharien indépendant refait surface, soutenu par la Libye. La rébellion est activée à partir du mois de juin 1990 par des attaques visant les postes de police et militaires. Son but premier est de forcer l’état à prendre des mesures de développement au Nord comparables à celles du Sud et de donner un statut spécifique à l’Azawad. Ces revendications vont dans le sens d’une reconnaissance d’être des citoyens maliens à part entière. Seulement, certains groupes rebelles vont plus loin et revendiquent une autonomie complète de l’Azawad. Ils parlent de la libération de l’Azawad, ce qui sous-entend que les nomades sont prisonniers de l’état. Par opposition, une milice « patriotique » Songhay verra le jour en 1994.
En janvier 1991 un premier accord de paix n’est pas respecté. Tout comme le second quelques mois plus tard, suite à des exactions commises par les militaires et les sédentaires: massacres, empoisonnements de puits, … Les civils arabes et touaregs sont constamment inquiétés. C’est l’exode vers l’Algérie pour les camps de réfugiés le long de la frontière malienne et également en Mauritanie. L’Algérie qui craint une extension de la rébellion sur son territoire pèse de tout son poids pour de nouveaux accords de paix, ratifiés en janvier 1992: paix officielle, mais l’insécurité règne et les règlements de comptes sont fréquents jusqu’en 1994. L’ONU met en place un plan de réinsertion des ex-rebelles par une aide financière à la restitution des armes et des aides aux projets. Contre toute attente, les populations noires du Nord perçoivent ces aides aux nomades comme une injustice, eux-mêmes ayant subi l’insécurité et la crise économique. Jusqu’en 1995, ils perpétuent des exactions barbares. Il reste un malaise général, la cohabitation entre nomades et sédentaires semble bien utopique. Si la rébellion n’a pas modifié les limites des territoires des arabes, l’Azawad est devenu le symbole de leur droit à la reconnaissance, leur aire d’influence économique s’est élargie. Tous les exilés ne sont pas rentrés au pays et les échanges commerciaux se sont accrus, toujours sous la forme de réseaux internes à la communauté. Les rebelles ont renoué par la force des choses avec le savoir des générations passées et avec leurs origines. Bien entendu, le retour au nomadisme n’est pas un retour vers le passé, les nomades commerçants utilisent les matériels et techniques modernes: 4X4, camions, téléphone satellite … et les transporteurs peuvent acheminer – hors saison des pluies – des marchandises encombrantes et lourdes et des denrées périssables. Les ex-rebelles qui ne sont pas retournés à la vie nomade se livrent aux trafics des clandestins, des cigarettes et au banditisme assimilable aux razzias d’antan. Ceux que l’on peut qualifier de néo-nomades diffèrent de leurs parents car le point d’attache n’est plus le campement familial, mais la maison en ville, voire plusieurs maisons dans plusieurs villes, dans plusieurs pays pour les plus aisés, perpétuant les migrations. Les esclaves des nomades, pour l’écrasante majorité sédentaire sont devenus des néo-sédentaires. Parmi les ex-rebelles, un maigre pourcentage est intégré dans la fonction publique et l’armée: la possibilité de gravir les échelons et de devenir de hauts fonctionnaires est bien réelle.
Reste que les régions du Nord, malgré les efforts de l’état, souffrent de divers maux: peu d’accès de communication goudronnés, absence d’eau courante dans les villages avec des risques permanents d’épidémies, nombreuses coupures d’eau et d’électricité et peu de collecte des ordures dans les villes, hôpitaux et dispensaires sous équipés et secteur de l’éducation sous développé. La renaissance identitaire des arabes du Mali par la rébellion ne se fond pas dans la société malienne et les arabes continuent autant que possible à vivre en réseau fermé et en conséquence cette ethnie retombe dans l’anonymat et reste méconnue des occidentaux.

18 novembre 2009: des civils d’ONG humanitaires quittent Gao devenue trop dangereuse … Et pendant ce temps-là, des voix officieuses laissent entendre que la plaque tournante de la drogue, c’est Dakar. Et que la cocaïne apportée par le Boeing devait rejoindre l’Europe en passant par Dakar !! On voit le détour … et l’on n’y croit pas une seconde.