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Premier chapitre: Françoise Sagan et l’origine de ses parents

PETITE HISTOIRE DE L’ENFANCE ET DE L’ADOLESCENCE DE FRANÇOISE SAGAN A SAINT-MARCELLIN

Commençons par la mère de Françoise Sagan : Marie, née LAUBARD.

Les Laubard sont issus du département du Lot, dans un périmètre assez restreint constitué par la petite ville de Cajarc (1100 habitants) et les villages ou hameaux de Larnagol, Seuzac, Calvignac …, au sud-est du département, sur les bords de la rivière Lot et à mi-chemin entre Figeac et Cahors.

L’arrière-grand-père de Marie Laubard se dénommait Pierre ( ?–17 avril 1852 à Calvignac) et était cultivateur dans le hameau de Labruyère. (1)

Son fils, Pierre, le grand-père de Marie, (02 février 1836 à Calvignac-?) était considéré comme cultivateur au hameau de Labruyère en 1863, puis comme propriétaire sur la commune de Larnagol en 1895.(2)

Son fils, Pierre Edouard, (08 juin 1863 à Calvignac-22 mars 1937 à Cajarc) (3) a épousé le 30 novembre 1895, à Cajarc, Joséphine, Urbainie, Magdeleine DUFFOUR (4). Dans l’acte de mariage, acte très élaboré par suite d’un conseil de famille motivé par le fait que la mariée était à la fois mineure et orpheline de père et de mère, Pierre Edouard est noté comme « propriétaire sans profession » (5). Une mention identique de « propriétaire » est notée sur les recensements de 1911 (6) et 1921 (7). Sur le recensement de 1926, la mention « cult. » est biffée d’une croix. (8) C’est à dire que le rapport de ses propriétés lui permettait de vivre sans avoir jamais travaillé. Notons également que le père de la mariée (décédé) était notaire de profession. Ce recensement de 1926 nous précise que les parents, Edouard et Madeleine, la fille, Marie, épouse Quoirez, et la petite fille, Suzanne, sont présents à Cajarc. Pierre Quoirez n’est pas recensé.

Edouard et Madeleine, comme ils sont couramment dénommés, auront quatre enfants :

  • Maurice Elie Léopold François, né en 1896 et Mort pour la France en 1917, (9)
  • Paul Pierre François Léopold, né en 1899 et décédé en 1987, ingénieur, dont nous aurons l’occasion de reparler,(10)
  • Marie Françoise Eugénie, née le 5 septembre 1903, décédée le 23 octobre 1989, la mère de Françoise Sagan,(11)
  • et Pierre Edouard Urbain Edmond, né le 4 août 1906 et décédé le 11 avril 1978, ingénieur.(12)

Pour l’anecdote, Marie Françoise Eugénie a été déclarée de « sexe masculin » ainsi qu’il ressort sur son acte de naissance, et cette erreur n’a jamais été corrigée en marge.

La maison familiale, maison du XIX° siècle, issue de la famille Duffour, sur le boulevard du « Tour de Ville » restera en indivision après le décès de Madeleine. Suzanne, la sœur aînée de Françoise Sagan, rachètera les parts de tout le monde dans les années 1980. Cécile Defforey, sa fille, en a hérité. Dans son « circuit patrimonial », la ville de Cajarc la nomme curieusement « Maison Quoirez, maison natale de Françoise Sagan», alors qu’il eut été plus logique de la surnommer « Maison Laubard ».

Maison natale de Françoise Sagan, à Cajarc – Droits réservés – Google Street View
Maison natale de Françoise Sagan, à Cajarc – Droits réservés – Patrick Morel

Au tour, maintenant des QUOIREZ. Le père de Françoise Sagan est Pierre Quoirez.

Le pays de la famille Quoirez est le pays minier, à cheval sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais, un pays de terrils qui va de Valenciennes à Béthune en passant par Bruay, Henin-Beaumont, Noeux-les-Mines, Raismes, …

L’arrière-arrière-grand-père de Pierre Quoirez se nomme Augustin Joseph QUAREZ. Il est né en 1775 à Anzin, dans le Nord. Mineur de son métier, il est décédé le 23 juillet 1814, à Valenciennes, à l’âge de 39 ans (13). Veuf d’un premier mariage, il s’est remarié et a eu un fils Célestin Joseph. Sur l’acte de naissance de ce fils, l’officier d’état-civil a noté que « le père ne sait pas signer ». Lors du décès d’Augustin Joseph, il est noté qu’il est domicilié à Valenciennes, à l’Ecorchoir, hors la Porte de Lille.

Célestin Joseph est donc l’arrière-grand-père. Il est né le 21 mai 1814, à Valenciennes (14), deux mois avant le décès de son père. Il porte encore le nom de Quarez, lequel deviendra Quoirés, mineur, lors de son mariage, le 27 novembre 1838, avec Catherine Joseph CARREZ (15). Il deviendra Quoirez lors de la naissance de son fils Théophile. En 1845, il n’est toujours que mineur, ouvrier à la mine. Mais lors de son décès, le 8 juin 1877, à Noeux-les-Mines (Pas-de-Calais), il sera qualifié de maître-soudeur. Son nom redeviendra celui de Quarez et c’est sous ce nom que ses deux fils signeront l’acte de décès.(16)

Son fils, Théophile Quoirez, est né le 6 août 1845 à Raismes (Nord) (17) et est décédé le 12 décembre 1898 à Bully-les-Mines (Pas-de-Calais) (18). Il est le grand-père de Pierre Quoirez. Il épouse Dolomie MIA le 24 février 1868, dont il a un fils, Nestor. Employé des Mines, il devient sous-directeur des mines de Bully, avec le titre d’ingénieur, et reçoit le 16 juillet 1886, la médaille d’honneur pour 30 années de services à la Compagnie des Mines de Béthune, à Mazingarde. Outre Nestor, le couple aura deux autres garçons ; Théophile vers 1868 et Jules, le 14 avril 1872, lequel décédera le 14 février 1915, à Meschede, en Allemagne, Mort pour la France.

Nestor, le père de Pierre Quoirez est né le 25 avril 1870 à Bully-les-Mines (19). Il se mariera le 18 juin 1898 avec Henriette Joséphine DEGRAND, issue d’une famille d’horlogers parisiens, dont il aura quatre enfants, Hélène Hermance Henriette en 1899 (20), Pierre Henri Théophile en 1900 (le père de Françoise Sagan), né à Béthune (21), Madeleine en 1905 (22) et Hélène Blanche en 1916 (23)(24)(24bis). Avec la promotion 1891, il sortira ingénieur de l’Institut Industriel du Nord (IDN) à Lille. Il décédera le 31 juillet 1931 à Bougival (Yvelines). Les déménagements sont nombreux au cours de sa vie puisqu’on le retrouve, au gré des recensements, à Bruay (Nord) en 1894, à Mazingarde (Pas-de-Calais) en 1895, à Béthune (Nord) en 1900, à Douai (Nord) en 1903, à Raismes (Nord) en 1906, à Nogent-sur-Marne en 1916 , 7 rue de la Gare, à Saint-Germain-en-Laye en 1921, rue de Poissy.

Ce sont donc Marie Françoise Eugénie Laubard, née en 1903, et Pierre Henri Théophile Quoirez, né en 1900, qui se marieront le 3 avril 1923 (25) et auront quatre enfants, tous nés dans la maison maternelle de Cajarc, ainsi que le « demandait » leur grand-mère Madeleine :

  • Suzanne Henriette Madeleine, l’aînée, le 6 janvier 1924, (26)
  • Maurice, le 20 mars 1926, qui décédera cinq mois plus tard, le 31 août 1926, (27)
  • Jacques Maurice Pierre, le 20 août 1927, (28)
  • et Françoise Marie Anne, le 21 juin 1935, la future Françoise Sagan. (29)

A l’issue du tour d’horizon de ces deux familles, il nous est possible de mettre en évidence quelques points communs dans leurs trajectoires respectives. De la fin du XVIII° siècle au début du XX° siècle, la progression sociale a été spectaculaire pour les Laubard et pour les Quoirez. Les uns étaient des cultivateurs, les autres des mineurs, et cependant les derniers-nés se retrouvent cote-à-cote en tant qu’ingénieurs et chefs d’entreprises, de plain-pied avec une bourgeoisie industrielle. Outre « l’ascenseur social » propre à cette période de notre histoire industrielle, il faut y ajouter l’effet des unions conclues d’un coté avec une fille de notaire, et de l’autre coté avec une fille d’horlogers. Nous noterons également que les deux familles ont donné leur part à la défense de la France puisque chacune a eu, malheureusement, son Mort pour la France. Enfin, nous verrons que l’accord semble s’être fait entre les deux familles pour que l’éducation des enfants soit confiée à des établissements privés, voire confessionnels (catholiques).

Arbre généalogique ascendant de Françoise Sagan
  • 1- 1852 – Acte de décès Pierre Laubard – AD46 – 4 E 822 0337
  • 2- 1836 – Acte de naissance Pierre Laubard – AD46 – 4 E 821
  • 3- 1863 – Acte de naissance Pierre Edouard Laubard – AD46 – 4E 822
  • 4- 1876 – Acte de naissance Joséphine Urbainie Magdeleine Duffour – AD46 – 4 E 808
  • 5- 1895 – Acte de mariage Pierre Edouard Laubard-Joséphine Urbainie Duffour – AD46 – 4 E 810
  • 6- 1911 – Recensement Cajarc – AD46 – 6 M 224 0194
  • 7- 1921 – Recensement Cajarc – AD46 – 6 M 251 0026
  • 8- 1926 – Recensement Cajarc – AD46 – 6 M 278
  • 9- 1917 – Notice Mort pour la France Maurice Elie Léopold Laubard- Memoire des Hommes
  • 10- 1899 – Acte de naissance Paul Pierre François Léopold Laubard – AD46 – 4 E 810
  • 11- 1903 – Acte de naissance Marie Françoise Eugénie Laubard – AD46 – 4E 3519
  • 12- 1906 – Acte de naissance Pierre Edouard Urbain Laubard – AD46 – 4 E 3519
  • 13- 1814 – Acte de décès Augustin Joseph Quarez – AD59 – 5 Mi 055 R 045
  • 14- 1814 – Acte de naissance Célestin Joseph Quarez – AD59 – 5 Mi 055 R 045
  • 15- 1838 -Acte de mariage Célestin Joseph Quoirès-Catherine Joseph Carrez – AD59–5 MiR 582
  • 16- 1877 – Acte de décès Célestin Joseph Quarez – AD62 – 5 MiR 617-5
  • 17- 1845 – Acte de naissance Théophile Quoirez- AD59 – 5 Mi 053 R 045
  • 18- 1898 – Acte de décès Théophile Quoirez – AD62 – 3 E 186
  • 19- 1870 – Acte de naissance Nestor Quoirez – AD62 – 5 MiR 186
  • 20- 1899 – Acte de naissance Hélène Hermance Henriette Quoirez – AD62 – 3 E 119-128
  • 21- 1900 – Acte de naissance Pierre Henri Théophile Quoirez – AD62
  • 22- 1905 – Acte de naissance Madeleine Quoirez – AD59 – 1 Mi EC 491R 003
  • 23- 1916 – Acte de naissance Hélène Blanche Quoirez – AD75 12N 276
  • 24- 1944 – Acte de décès d’Hélène Blanche Quoirez – AD75 – 16D 172
  • 24bis- 1944 – Inhumation Hélène Blanche Quoirez – 12 décembre 1944
  • 25- 1923 – Acte de mariage Marie Françoise Laubard-Pierre Henri Théophile Quoirez – Etat-civil de la ville de Cajarc
  • 26- 1924 – Acte de naissance Suzanne Henriette Madeleine Quoirez – Etat-civil de la ville de Cajarc
  • 27- 1926 – Acte de naissance Maurice Quoirez, avec mention en marges du décès – Etat-civil de la ville de Cajarc
  • 28- 1927 – Acte de naissance Jacques Maurice Pierre – Etat-civil de la ville de Cajarc
  • 29- 1935 – Extrait d’acte de naissance Françoise Marie Anne Quoirez – Etat civil de la ville de Cajarc

Toute reproduction, même partielle, de cet article est soumise à l’accord préalable de l’auteur

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Petite histoire de l’enfance et de l’adolescence de Françoise Sagan à Saint-Marcellin

PREAMBULE

RACONTER FRANCOISE SAGAN A SAINT-MARCELLIN: OBJECTIFS ET METHODES

Au cours de la période difficile de la seconde guerre mondiale, entre 1940 et 1945, Saint-Marcellin a hébergé la famille QUOIREZ. Le père, Pierre Quoirez, était directeur des deux usines de la FAE de Pont-en-Royans et de Saint-Marcellin. L’une de ses filles, Françoise, est devenue célèbre, dès 1954, sous le nom de Françoise SAGAN. Françoise Quoirez, que nous nommerons désormais Françoise Sagan pour la fluidité du récit, est née le 21 juin 1935 à Cajarc (Lot). Elle avait donc de 5 ans à 10 ans lors de sa présence à Saint-Marcellin.

Françoise Sagan n’a pas fait, à ce jour, l’objet de marques de reconnaissance exceptionnelles de la part de la ville de Saint-Marcellin et de sa population, probablement par manque d’informations sur la vie de celle-ci et de sa famille. A l’époque de son décès, le 24 septembre 2004, a cependant été publié un numéro de la revue périodique « Le pays de Saint-Marcellin », dans lequel Bernard Giroud, chroniqueur historique, a raconté sa vie sur quatre pages, en développant plus particulièrement la période saint-marcellinoise (1).

Toujours en 2004, le journaliste du Dauphiné Libéré, Frédéric Aili, soulignait : « Au lendemain de son décès, hier, on est allé frapper à la porte des mémoires, un peu partout dans la ville, pour essayer de remonter l’histoire. Un chemin assez chaotique en fait : les dates se confondent, se brouillent de la guerre aux années cinquante ». Les choses sont en train de changer puisque, par délibération du 22 septembre 2020, la municipalité a décidé de nommer une petite rue du nom de Françoise Sagan, rue qui se trouve dans l’immédiate proximité de la maison qu’elle habitait (2).

Outre la reconnaissance que l’on peut estimer devoir à l’égard de cette personnalité, il est certain qu’un examen approfondi de l’entourage familial, des relations sociales et professionnelles de sa famille et d’elle-même, ainsi que du contexte historique, ouvre de sérieuses perspectives patrimoniales concernant le territoire de Saint-Marcellin. De prime abord, les conditions de vie généralement heureuses de cette jeune fille, malgré la guerre, ont très certainement joué un rôle non négligeable dans son caractère indépendant et libre, bien avant que cette liberté féminine soit hautement revendiquée. «  Elle fut follement, démesurément, résolument, libre et indépendante pour son époque » (Denis Westhoff).

Par ailleurs, les relations professionnelles de son père, son rôle en matière de formation des apprentis, de développement de l’entreprise dont il avait la charge, de projet novateur de voiture électrique, tout comme les liens avec nombre de créateurs d’entreprises de dimension nationale, sont à relever.

Françoise Sagan vers 1940 – Collection privée – Tous droits réservés

C’est ce que nous nous attacherons à faire, en écrivant cette « Petite histoire de l’enfance et de l’adolescence de Françoise Sagan », une petite histoire qui soit la plus véridique et plausible qu’il soit possible d’écrire. L’examen des très nombreuses biographies consacrées à Françoise Sagan met en évidence que les anecdotes fantaisistes, voire invraisemblables, sont nombreuses et que les faits ne sont pas toujours strictement validés, surtout lorsqu’ils sont recopiés, voire plagiés, d’une biographie à l’autre.

Enfin, cette « Petite histoire … », réalisée avec le concours des membres du Groupe R.E.M.P.A.R.T., Groupe patrimonial de Saint-Marcellin, a pour vocation de prendre place parmi les éléments de connaissance historique, culturelle, patrimoniale et touristique de cette ville.

Comment avons-nous procédé ? En lisant et analysant les écrits de tous les biographes de Françoise Sagan, en recherchant tous les documents susceptibles d’éclairer tel ou tel aspect du cadre de vie dans lequel évoluait la famille, concernant soit les données industrielles, soit les faits historiques, soit les relations professionnelles ou personnelles de la famille. En matière de biographies, les analyses ont été ciblées sur les textes (ou parties de textes) abordant l’enfance et l’adolescence de Françoise Sagan, à Saint-Marcellin, ainsi que les descriptions de sa scolarité.

Ces textes biographiques pris en considération sont : d’une part, une biographie « officielle » sous deux versions à minima, non signée, et non datée et trouvée fréquemment sur l’Internet dans des sites particuliers, ou d’éditeurs, et avant tout de bibliothèques et médiathèques. Sur Wikipedia, la mention de l’enfance saint-marcellinoise est très succincte. Et, d’autre part, les œuvres suivantes :

« Bonjour Françoise, mystérieuse Sagan », de Gérald Gohier et Jean Marvier (1957-Editions Grand Damier), « Françoise Sagan ou l’élégance de survivre »,de Pol Vandromme (1977-Editions Régine Desforges), « Bonjour Sagan », de Bertrand Poirot-Delpech et Charlotte Aillaud (1985-Herscher) (Note : Charlotte Aillaud est la sœur de Juliette Gréco), « Françoise Sagan, une légende », de Jean-Claude Lamy (1988, nlle édition en 2004-Mercure de France), « Aimez-vous Sagan..», de Sophie Delassein (2002-Fayard), « Sagan, un charmant petit monstre », de Alain Vircondelet (2002-Flammarion), « Sagan, la « petite Quoirez », son enfance à Saint-Marcellin », de Bernard Giroud (Le Pays de Saint-Marcellin N° 12 – Décembre 2004), « Madame Sagan, à tombeau ouvert », de Geneviève Moll, (2005-Ramsay), « Un Amour de Sagan », de Annick Geille (2007-Fayard collection Pauvert), « Sagan à toute allure », de Marie-Dominique Lelièvre, (2008-Denoël Editions), « Françoise Sagan racontée par Geneviève Moll » (2010-Editions de La Martinière), « Sagan et fils », de Denis Westhoff (2012-Stock), « Sagan, un chagrin immobile », de Pascal Louvrier (2012-Hugo Doc), « Sagan, Paris 1954 »,d’Anne Berest (2014-Editions Stock), « Françoise Sagan : le tourbillon d’une vie », de Bertrand Meyer-Stabley (2014-Pygmalion/Flammarion), « Je ne renie rien–Entretiens 1954-1992 », de Françoise Sagan (2014-Stock), « Le Paris de Sagan », de Alain Vircondelet (2015–Ed. Alexandrines), « Des bleus à l’âme », roman de Françoise Sagan (1972-Flammarion), « Chroniques 1954–2003 », Françoise Sagan (2016-Le Livre de Poche), « France Culture–La Compagnie des Auteurs » Matthieu Garrigou-Lagrange (4 épisodes à dater du 30/05/2016), « ARTE – Françoise Sagan, l’élégance de vivre« , du 30/01/2017.

S’ajoute à ces documents biographiques, une somme de références thématiques et de liens Internet que nous citerons au fur et à mesure de leur intérêt. Avant de débuter notre « Petite histoire .. », nous tenons à remercier chaleureusement Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan, et Cécile Defforey, nièce de Françoise Sagan, fille de Suzanne, sa sœur aînée, pour leur soutien dans la réalisation de ce travail et l’accord de publication des photographies de l’enfance de Françoise Sagan.

Françoise Sagan en 1940 – Collection privée – Tous droits réservés

Cette longue et passionnante analyse nous conduit à vous proposer les neuf thématiques ci-après, chacune d’entre elles faisant l’objet d’un chapitre distinct.

  • Françoise Sagan et l’origine de ses parents,
  • Françoise Sagan et la carrière de son père, Pierre Quoirez,
  • Françoise Sagan et sa scolarité,
  • Françoise Sagan et la Fusilière,
  • Françoise Sagan et les usines de la FAE,
  • Françoise Sagan et la voiture électrique,
  • Françoise Sagan et les amis de la famille,
  • Françoise Sagan et la guerre, la Résistance et la Libération,
  • Françoise Sagan et Barbara.

Avant d’ouvrir notre premier chapitre, une rapide biographie n’est pas inutile. Françoise Sagan est née le 21 juin 1935, à Cajarc (Lot). Elle a une sœur aînée, Suzanne, née le 6 janvier 1924. Un frère, Maurice, est né le 20 mars 1926, mais est décédé le 31 août 1926. Un autre frère, Jacques, est né le 20 août 1927. Entre 1940 et 1945, Françoise passe ses week-ends et ses vacances à Saint-Marcellin. Son premier roman, « Bonjour tristesse », est publié le 15 mars 1954. A un grave accident de voiture le 13 avril 1957. Se marie en 1958 avec Guy Schoeller, pour divorcer en 1960. Se marie en 1962 avec Robert Westhoff, dont elle a un fils, Denis, en 1962. Divorce prononcé en mars 1963. Elle décède le 24 septembre 2004 et est inhumée au cimetière de Seuzac, un hameau de Larnagol, à quelques kilomètres de Cajarc (Lot).

Cette « Petite histoire … » n’est pas un document hermétiquement clos. Toutes les contributions étayées sont les bienvenues. Une dernière info : les photographies de ce dossier consacré à l’enfance de Françoise Sagan bénéficient toutes d’un copyright, sauf mention exceptionnelle. En conséquence, aucune reproduction n’est autorisée sauf après accord explicite du titulaire des droits.

  • 1 – Le Pays de Saint-Marcellin – N° 12 – Décembre 2004
  • 2 – A la date du 15 août 2021, cette nomination n’est pas encore effective.

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Descente de police

Chronique ordinaire du confinement …

Une chaleur lourde et sèche, accompagnée d’un vent du sud, régnait sur l’ensemble du lotissement. L’air était empoussiéré et sentait le caoutchouc brûlé : cette nuit encore, deux voitures avaient spontanément pris feu sur le parking. J’étais seul, assis sur un banc cassé, et je contemplais les zébrures parallèles et en courbes qui décoraient le goudron, zébrures causées par les dérapages des voitures et deux-roues qui s’adonnaient régulièrement au rodéo le samedi soir. J’avais rien à faire. Cela faisait bien deux heures que l’on entendait des cris depuis les fenêtres ouvertes du troisième étage de cet immeuble. Sans doute une dispute qui s’éternisait entre les deux membres d’un couple enfermé par le confinement. Qui peut bien faire attention à de tels affrontements tant ils sont quotidiens, à cet étage ou à un autre, dans cet immeuble ou dans la barre voisine ? Soudain, ce ne furent plus des cris, mais des hurlements poussés par la voix aiguë d’une femme. Des hurlements qui se prolongeaient. Au bout d’une dizaine de minutes, arrivèrent dans des crissements de pneus et des stridences de sirènes, trois voitures de flics qui avaient fait appel à leur discrétion habituelle. Un voisin (ou plusieurs voisins) les avait sans doute informés de façon charitable et par téléphone, qu’il se passait quelque chose dans ce lotissement. Le commissariat de quartier n’était pas très loin.

Les véhicules s’arrêtèrent un peu n’importe comment, l’un d’eux carrément sur une pelouse crasseuse et desséchée, tout en respectant une distance certaine de la façade de l’immeuble, histoire d’anticiper d’éventuels caillassages venus du toit-terrasse. Les gendarmes, armés, en sortirent et se précipitèrent dans l’escalier, en file indienne et en courant tête baissée et casque en avant. Intrigué, je m’engageais derrière eux, par simple curiosité, afin de voir de qui il s’agissait dans la dispute et quels en étaient les motifs. Parvenu au troisième étage, il y avait déjà foule. Presque que des gonzesses qui parlaient à qui mieux mieux. Bien entendu, tout le monde était à touche-touche et personne ne portait de masque. A force de me creuser un passage, je suis parvenu à l’entrée de l’appartement dont la porte était grande ouverte. On pouvait y apercevoir trois gosses, deux garçons qui se disputaient, en se criant dessus, alors qu’ils avaient en mains chacun une manette de jeu vidéo. Et une jolie petite môme qui pleurait, dans un coin, assise par terre. A l’opposé de la pièce, encadrés par la police, on pouvait voir la mère, prostrée, assise sur une chaise basse, la tête entre les mains, et le père, debout, l’air bien éméché, criant des imprécations assez incompréhensibles. Dans tout ce beau monde, il n’y avait guère que les policiers pour respecter les consignes de distanciation. Non seulement, ils avaient un masque, mais ils avaient même enfilé des gants de plastique bleu. Outre cette famille réunie, je pouvais apercevoir quelques aspects de l’appartement. Un grand désordre y régnait. Par-ci, par-là, des tas de vêtements attendaient soit le lavage, soit le repassage. Une copie bon marché de Ghettoblaster, posée en équilibre sur un canapé défoncé, crachait du rap à gros volume.

Coincé au cœur des parlottes du couloir, il était bien difficile de comprendre quelque chose aux discussions du groupe que formaient la famille et les policiers qui l’entouraient. La famille, d’ailleurs, avait probablement échangé quelques coups, si l’on en jugeait par les marques rouges striées de larmes que la femme présentait sur son visage ; sans doute quelques bonnes gifles. Au bout de quelques instants, je suis quand même parvenu à comprendre que cette femme reprochait à l’homme, dont à entendre les bruits de couloir il n’était pas évident que ce soit son mari, de dépenser tout son argent pour boire des canons au bistrot, pour jouer au PMU ou pour aller visiter les putains du quartier. En conséquence de quoi, elle n’avait plus rien pour faire ses courses au marché. Et que donc, elle ne pouvait pas faire à manger. Et que c’est pour cela qu’il la battait ! Parce que la table était vide !

Avec une voix empâtée, l’homme tenta bien de se justifier. Il était torse nu. Non, il ne battait pas sa concubine, tout au plus il la corrigeait parce qu’elle était incapable de tenir sa maison et de faire à manger. Non, il n’allait pas chez les prostituées, ce sont des copines, des amies qu’il connaît depuis l’enfance et il ne fait rien d’autre avec elles que discuter et bavarder des histoires. De toutes façons, c’est plus avec cette femme, là, qu’il peut espérer grand-chose ! Et pour ce qui est de l’argent, c’est pas de sa faute s’il est au chômage depuis plusieurs mois, près d’un an plus exactement. La chance n’était jamais de son coté, quand il trouvait un endroit pour travailler, il était foutu à la porte dans les jours qui suivaient. Il débitait tout ce discours en balançant de droite à gauche, dans un équilibre instable. Les mots se bousculaient, les phrases se répétaient, il n’était pas facile de le comprendre. Dans le couloir, ça jacassait de plus en plus fort, à tel point qu’un policier quitta l’appartement, demanda le silence et sollicita une évacuation des lieux par tous ceux qui sont ici et qui n’ont rien à y faire. Cela ne fit pas bouger grand monde, tout au plus le volume sonore s’abaissa quelques instants. Il fut vite évident, alors, que tous les commentaires tournaient autour de l’homme de l’appartement, commentaires dans lesquels il n’avait pas le beau rôle. Outre qu’il était traité de paresseux, qu’il ne cherchait pas de boulot, il était acquis qu’il battait sa conjointe. Certains allaient jusqu’à poser la question de savoir s’il était réglo avec sa fille (en doutant d’ailleurs que ce soit sa fille), car en bas, dans le parking ou dans le semblant d’espace vert, il était toujours à draguer les filles de passage ou les voisines. Le jugement populaire fut promptement prononcé : il n’avait pas sa place ici.

C’est également ce que durent penser les flics puisqu’ils décidèrent de l’embarquer en lui demandant d’enfiler une chemise, de prendre ses papiers et de les suivre jusqu’au poste de police tout proche. Les voitures l’attendaient en bas. Ils lui firent savoir que, au commissariat, il resterait au moins pour la nuit et qu’il faudra qu’il en profite pour se dégriser et retrouver ses esprits. Après, il sera interrogé et on verra bien … quoi qu’il en soit, il ne reviendra pas chez lui avant demain…. S’il revient !

« Tenez, mettez ceci », lui dit un policier en lui tendant un masque neuf. Encadré par deux fonctionnaires, il descendit les trois étages en fulminant et en égrenant quelques menaces. La foule du couloir, n’ayant plus rien à voir et à commenter, commença de se disperser derrière les nombreuses portes des appartements de l’étage ou dans l’escalier, montant ou descendant d’un niveau. Parvenu sur le parking en compagnie de ses deux gardiens, l’homme fut invité à s’installer dans une voiture de police dont la barre de toit n’avait pas cessé de flasher une lumière bleue depuis le début de l’intervention, la porte arrière fut ouverte et l’un des gradés mit la main sur sa tête afin qu’il ne se cogna pas au toit en prenant place.

Une vraie séquence de feuilleton policier ! Me dis-je en souriant intérieurement. Un sourire un peu jaune et triste …

Ce texte a été rédigé dans le cadre d’un atelier d’écriture distancielle, animé par Sophie Collignon (UIAD)

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Divers

2021

Banalité que de dire que 2021 doit rattraper, corriger, compenser 2020, même si, à ce jour, rien n’est moins certain.

Quoi qu’il en soit, nous ne vivrons certainement pas de la même façon une fois la crise passée. Tant en matière d’économie que de modes de vie ou de relations interpersonnelles, les choses ne seront jamais plus comme avant.

Et pour préparer ce changement quoi de mieux qu’un vaste courant d’air ? Il faut ouvrir toutes les fenêtres, celles du cœur, de l’esprit, de la tête, les yeux, les oreilles, .. Il faut apprendre à faire autre chose, autrement, regarder près de chez soi mais être solidaire du bout du monde. Ce ne sera pas toujours facile, mais il faut tout essayer.