Chronique ordinaire du confinement … Vous disputerez sur le sujet suivant: « Pratiquer l’art de vivre » ou « Vivre sa vie comme un art » ?
Même si la France ne se classe qu’au 24° rang des pays ordonnés selon leur indice du bonheur, loin derrière les trois premiers que sont la Finlande, le Danemark et la Norvège, notre pays se vante d’un savoir-vivre et d’un savoir-être qui seraient exemplaires. Les arts de la table, la gastronomie, le bien-manger, le bien-boire, la haute-couture, le goût de la liberté, de la critique, l’étiquette et les bonnes manières, les châteaux et les parfums, la courtoisie, la bonne éducation et la galanterie, le tout assaisonné d’une goutte de culture, d’histoire, de patrimoine et de grands auteurs, sans oublier l’humour et le rire … Cette longue énumération est-elle suffisante pour que chacun-chacune y retrouve matière à satisfaction personnelle ?
Ou bien, ne nous trouvons-nous pas à l’entrée d’un gigantesque supermarché dans lequel se déploient toutes les tentations d’un monde occidental construit sur l’envie de paraître, la crainte de ne pas être considéré et la sidération face à une richesse parfois étalée ?
L’art de vivre, ainsi conçu, ne serait-il pas qu’une façade, certes économiquement très intéressante, qui se voudrait représentative de notre mode de vie censé être basé sur la convivialité, l’élégance, la culture, la fête, la liberté ?
L’art de vivre à la française est une manière d’être et de penser à laquelle nous voulons accorder tant d’importance que nous attendons de nos visiteurs étrangers qu’ils s’y adaptent ou, à tout le moins, qu’ils s’y essaient quelque peu et qu’ils en soient admiratifs. Ainsi imaginé, l’art de vivre n’est que l’expression nostalgique de l’éternité, de ce qui a toujours été, de la beauté de l’instant que l’on voudrait faire durer le plus longtemps possible. Cette nostalgie de l’immobilité est certes illustrée par le raffinement de l’esprit, par les fêtes, par les costumes, par les nourritures, mais toutes et tous ne sont que les prolongements précieux, mais légers, de ce que nous appelons notre art de vivre.
Suffit-il de consacrer du temps à nos loisirs, de décorer notre cadre de vie, de valoriser la spontanéité, de savoir communiquer grâce aux technologies modernes, d’enrichir nos connaissances au moyen de l’audiovisuel, voire de participer à des séminaires de créativité pour faire en sorte que vivre devienne un art ?
La liste des pays classés selon l’indice du bonheur se poursuit par l’énumération de l’Islande, des Pays-Bas, de la Suisse en sixième position et de la Suède en septième position. Ce n’est pas faire injure à ces pays que de rappeler qu’une petite moitié d’entre eux ne fait pas partie de la Communauté Européenne et que certains (les autres!) sont classés, par les politologues, parmi les Etats « pingres » lorsqu’il s’agit de contribuer au développement de l’Europe ou d’accueillir des migrants. Cocooner avec bougies, thé ou chocolat, couverture douce, chaussettes de laine, album photo et musique douce n’aide pas toujours à s’intégrer dans la vie du monde et à faire preuve de créativité, même si cela peut permettre de prendre soin de son corps et d’exister assez confortablement. Pour vivre heureux, vivons cachés, nous dit le proverbe.
L’art de vivre ne serait-il pas davantage l’art de savoir profiter de la nature et des gens qui nous entourent en partageant la beauté et la force qu’ils nous procurent ? Ne serait-ce pas accorder de l’importance, du temps, de l’attention à ce qui est la source de la vie et du bien-être physique, moral, mais également spirituel ? Le plus important n’est-il pas de se demander ce que nous sommes venus faire ici et de trouver quel est notre don particulier ?
Qui que nous soyons, nous avons une raison d’être là où nous sommes. Et dans un monde bousculé et chahuté par un environnement qui se dégrade, des tensions entre idéologies concurrentes, des inégalités de plus en plus frappantes non seulement entre pays, mais aussi entre quartiers d’une même ville, il devient important de trouver cette raison d’être là.
Bien entendu, l’art de vivre à la française, ou à la danoise, ou à la japonaise, peut et doit se poursuivre, mais il faut le savoir : ce ne sont que des étiquettes, de belles apparences et des comportements grandement télécommandés qui ne représentent que très partiellement ce qu’est la vraie vie.
Vivre est la chose la plus rare du monde, la plupart des gens se contentent d’exister, sans plus. Oscar Wilde
Exister est un fait, vivre est un art. Tout le chemin de la vie est de passer de la peur à l’amour . Frédéric Lenoir
L’impatience est la forme moderne du démon, la patience l’art suprême de vivre. Katherine Pancol
Texte écrit lors d’une session d’Ecriture Créative (Sophie Collignon/UIAD)
1 – Les gradins de pierre sont emplis d’une foule qui crie, qui hurle et qui déclame les paroles que s’échangent deux comédiens masqués. Aujourd’hui,à Epidaure, se joue l’une des plus récentes pièces d’Euripide, une comédie intitulée « Les Bacchantes ».
Les comédiens, pieds nus, sont deux hommes, bien qu’il soit évident que l’un des rôles est celui d’une femme. Mais les femmes ne sont pas admises sur scène, tout comme les esclaves. Ce sont les costumes qui permettent de les identifier, ainsi que les masques que portent les comédiens, des masques faits de cuir et de bois. Ces masques ont deux trous pour les yeux afin que celui qui les porte puisse voir son environnement, et un large trou pour la bouche pour permettre au son de sa voix d’être audible.
Le masque interdit au spectateur de distinguer une quelconque expression. Il a pour but unique d’effacer la personnalité de l’interprète au profit de celle du personnage interprété.
C’est par son vêtement et par son masque que l’on sait que l’un des personnages est une femme. Et c’est par le texte déclamé que l’on apprend qu’elle se plaint des infidélités de son époux.
Quelques siècles plus tard, le Japon reprendra cette forme théâtrale, le Nô, en faisant s’exprimer des comédiens qui s’effacent totalement derrière leur personnage de scène, au moyen d’un masque. Seuls doivent être exprimés par celui-ci la condition, l’âge, le sexe, la classe sociale, les convictions de celui ou celle qui est interprété.
Au-delà du temps, en Grèce comme à Kyoto, le texte est poème, cri, cœur, flammes ou désespoir et rien ne doit venir distraire le spectateur. Ni sourires, ni grimaces, ni mimiques, il n’y a rien entre le masque et la plume.
2 – 1916, peut-être 1917. Le canon gronde presque jour et nuit sur les terres à betteraves qui jouxtent Verdun. A chaque explosion, le sol se soulève en gerbes de boue et de cailloux et se creuse de fosses où meurent soldats, chevaux et pensées tendres pour la femme laissée sur l’arrière.
Ce soir-là, le général a donné l’ordre d’attaquer la tranchée allemande qui se trouve à moins de 150 mètres devant notre propre tranchée. Alors nous nous sommes préparés, avons bu un café fort d’un goût hideux qu’il a fallu effacer par un verre de gnôle. Certains ont griffonné rapidement quelques mots à destination du vaguemestre, demain matin. C’est qu’il en faut du courage.
A la faveur de la tombée du brouillard, nous avons escaladé notre tranchée et entrepris de ramper, fusil à la main et masque à gaz autour du cou. Vingt minutes, nous avons rampé avant que de sourdes explosions nous préviennent que l’ennemi nous envoyait les gaz. Alors, nous avons ajusté nos masques et avons repris notre reptation.
Soudain, ils sont sortis de terre, comme des bêtes sortant d’un terrier, masque sur le nez. Et ils ont commencé à tirer et à transpercer les nôtres à coups de baïonnettes. Au travers des deux hublots de leur masque, on pouvait deviner leurs regards hallucinés, leurs yeux qui portaient la peur, l’horreur, l’angoisse, le sacrifice, la fin du monde.
Aujourd’hui, je suis là et bien content de l’être même s’il me manque une jambe. Désiré, mon copain, a eu moins de chance ; il s’est fait arracher la moitié du visage et l’on parle de lui comme d’une gueule cassée. Il porte un masque, assez bien imité, afin de camoufler tout ça.
3 – Hier soir, à la télé, le Président de la République, le Premier Ministre, le Ministre de la Santé, celui de l’Economie et ceux de l’Education et de la Culture, ont présenté le nouveau plan de confinement, de couvre-feu, de limitation de la circulation et les dernières consignes de distanciation physique ou sociale.
Et ce matin, tous les masques sont ressortis ! Je n’aime pas car j’ai beaucoup de peine à reconnaître celles et ceux que je croise. Je pense (je suis même convaincu) que pour identifier ceux que l’on rencontre, il nous faut voir non seulement leurs yeux, mais aussi la bouche. Le regard n’est bienveillant ou non, le sourire n’est accueillant ou non que si les plissements de la bouche et le mouvement des lèvres confirment tel ou tel sentiment.
Ces masques de non-tissé ou de toile plastique, même s’ils sont agrémentés de dessins, de motifs variés tous plus originaux les uns que les autres, voire même de logos commerciaux ou de slogans politiques, ne font que générer du stress, de l’angoisse et de la dépersonnalisation.
Certains (certaines!) vont même affirmer leur identité jusque dans le maquillage des yeux, puisque celui des lèvres ou des pommettes est devenu inutile. Mascara et eye-liner, couleurs audacieuses et inattendues, font leur apparition dans un mouvement de folle créativité. Cela ne remplace pas un franc et beau sourire, mais au moins nos regards restent masqués.
Il est vrai que celui qui dérange le plus, celui qui suscite le plus de peur, c’est celui qui n’a pas de masque !
4 – Il serait bien fou de déclarer que la Piazza San Marco est « noire de monde », tant la foule est bigarrée, colorée, joyeuse, agitée, désordonnée.
Ce soir, Carnaval bat son plein et la lune est parfaitement ronde. Une nuit consacrée à la folie, à la transgression de toutes les règles sociales, à la liberté débridée, se prépare. Toutes et tous ont mis le masque, lequel se limite le plus souvent à un loup qui ne couvre que les yeux et qui avantage les jolies bouches soigneusement peintes et favorise les sourires.
Voici deux masques qui déambulent bras-dessus, bras-dessous. Se connaissaient-ils il y a un quart d’heure à peine ? Et ces deux-là qui s’embrassent à pleine bouche ? Ou bien ceux-ci qui se regardent les yeux dans les yeux ? Des bandes bruyantes de garçons (?) ou de filles (?) traversent la place et s’enfuient par la Merceria Orologio et les ruelles jusqu’au Ponte di Rialto. Ils chantent, ils crient, ils délirent. Derrière le masque, ils ont changé d’identité et ont rejeté toutes les convenances d’habitude et d’usage. Leur souci premier est désormais de séduire et d’être séduit, en espérant que l’autre ne les décevra pas. Car il y a un risque à avancer masqué. Telle est la règle du jeu.
De la Riva degli Schiavoni, s’évadent des gondoles éclairées par de discrètes lampes à la proue et à la poupe. Dans chacune un couple s’en va dans la nuit, sous un ciel bleu sombre, qui mise sur des caresses et des étreintes à l’issue desquelles l’amant se démasquera peut-être …
5 – Il est près de 23 heures et ils viennent de frapper à ma porte. Quatre ou cinq jeunes, garçons et filles, des enfants de 9 ou 11 ans, qui viennent quémander quelques bonbons. Ils s’éclairent de lampes de poche et sont vêtus de costumes sombres et surtout de masques représentant des squelettes, des clowns grotesques, des sorcières, des vampires, des diables ou des figures de Scream, celui qui hurle avec une bouche déformée. Ce soir, c’est Halloween.
Je ne reconnais aucun d’entre eux et pourtant je suis bien certain qu’ils sont tous du quartier, des villas voisines de notre lotissement. Les parents ne les laisseraient pas partir seuls trop loin, dans la nuit, à cette heure tardive. Et sans doute qu’une mère les accompagne discrètement en restant cachée à faible distance.
Ils sont heureux, s’amusent bien, rigolent entre eux et poussent des « Houuu » pour se faire peur. Croient-ils vraiment à ce qu’ils font ? La date est symbolique, mais quel rapprochement peuvent-ils faire avec la mort en général ou celle d’un de leurs proches en particulier, s’ils n’ont pas eu à la rencontrer ?
Il est un très beau film d’animation de chez Disney-Pixar, « Coco », qui a davantage de signification que ce jeu qui cherche à faire trembler les adultes alors que l’on est bien en sécurité derrière son masque.
Je leur donne quelques confiseries préparées d’avance depuis un ou deux jours et ils filent sonner chez le voisin. Il n’y a pas de temps à perdre, à minuit ils mettront bas les masques et iront se coucher, bien sagement.
6 – Il n’y a pas de village à proprement parler. Les concessions, des groupes de cases, sont éparpillées parmi les champs et elles regroupent souvent une centaine de personnes. Mais aujourd’hui, se déroule une cérémonie bien particulière, la cérémonie funéraire d’une personnalité importante du village.
Toute la population dogon est là, des centaines de personnes, un ou deux milliers peut-être. Toutes et tous ont revêtu des costumes de fête. Les femmes portent de splendides boubous surchargés de colliers, de bracelets de cauris, de pagnes en raphia. Toute cette foule délimite un immense cercle de poussière au centre duquel ont pris place une ligne d’hommes portant des tambours, des djembés et des calebasses. Ils sont torse nu, avec un ensemble de lanières blanches qui tracent des lignes sur leur peau brillante et une sorte de pantalon bouffant noué aux cheville par une étoffe de couleur.
Le martellement de ces instruments de percussion génère une lancinante rythmique à laquelle il est strictement impossible de résister. Une sorte de transe frénétique, amplifiée par la chaleur et le soleil, que tout le monde reprend, le corps penché en avant en élevant alternativement les genoux bien au-dessus de la taille. Les femmes accompagnent cette danse par leurs mélopées qu’elles chantent à l’unisson.
C’est alors qu’arrivent les danseurs, également torse nu. Mais ils sont masqués, le visage et la tête recouverts d’imposantes constructions de bois qui cachent pratiquement toute la face et montent au-dessus de la tête de plusieurs dizaines de centimètres. Certains masques ont près d’un mètre de haut. Les masques permettent à leur porteur de voir, mais il est impossible de deviner ses yeux.
Les percussions ne s’arrêtent pas, elles accompagnent les sauts et contorsions des danseurs qui déclament, deux par deux, de courtes phrases sous forme d’incantations. Le masque leur est un attribut d’une force divine ou d’une volonté sociale intermédiaire entre les dieux et les hommes. Ils ne dansent pas pour eux-mêmes, ils ne dansent pas pour leurs spectateurs, ils sont habités. Ils sont les forces de la nature et accompagnent le défunt sur sa dernière route.
Texte écrit lors d’une session d’Ecriture Créative (Sophie Collignon/UIAD)
Tout au long des huit posts précédents, l’histoire de cette ligne a été racontée avec de nombreuses illustrations qui témoignent de l’importance de ce tramway dans la vie locale. Afin de mettre provisoirement un terme à cette histoire, voici un rapide diaporama regroupant d’autres cartes postales anciennes.
Ces photographies mettent en évidence l’intérêt que certaines villes et certains villages attribuaient à leur tramway. On peut noter les séries consacrées à Saint Georges d’Espéranche, La Cote Saint-André ou Viriville dont les enfants sont régulièrement mobilisés par le photographe. On remarquera également l’avion en piqué au-dessus de la gare de Saint Georges d’Espéranche: ajout ou réalité ?
A l’issue de ce travail, nous nous sommes interrogés sur la viabilité technique, financière et même « culturelle » de ce réseau en nous disant que sa réalisation intervenait sans doute trop tard. Voici une image. La première version sous forme d’une affiche signée Ernest Montaud (1878-1909) qui vante l’exploit d’un certain HEATH qui a vaincu de 30 minutes le train le plus rapide du monde avec une voiture équipée de pneus Michelin. La seconde version est celle de la couverture du magazine « Les Sports Modernes » daté de mai 1905. Comment imaginer qu’avec une telle idéologie de la vitesse ET de la voiture individuelle, nos tortillards de campagne aient pu avoir gain de cause ?
Plus tard, nous reviendrons sans doute sur ce patrimoine perdu en traitant de la ligne de tramway qui reliait Romans – Bourg de Péage à Pont en Royans. Nous évoquerons même les projets abandonnés visant à relier Saint-Marcellin à Pont en Royans …..
Toute reproduction, même partielle, de cet article est soumise à l’accord préalable de l’auteur
Dans leur intégralité, les articles consacrés au TOD-TDI, tramway reliant Saint-Marcellin à Lyon, ont été publiés sous la forme d’un .pdf qu’il est possible de télécharger ici.
Résumé des épisodes précédents. Après concession accordée par le Département de l’Isère en 1897, une ligne de chemin de fer à voie métrique est construite entre Saint-Marcellin et Lyon. Elle est achevée en 1909 … et démantelée à partir de 1935. Pouvons-nous en comprendre les raisons ?
Les explications sont nombreuses, très nombreuses. Aucune d’entre elles ne justifie à elle seule la fermeture du réseau, mais toutes y ont contribué. En tout premier lieu, il convient d’incriminer un réseau construit de façon beaucoup trop lente (plus de dix ans), ce qui n’a pas autorisé un trafic important entre le Dauphiné de la Bièvre, des Chambarands et du Sud-Grésivaudan et la région lyonnaise. Pour mémoire, l’itinéraire complet ne fut possible qu’à dater de 1909. La voie unique, sauf dans les gares, ne permettait pas de multiplier les horaires et les fréquences. Cette ligne n’aura pu désenclaver le cœur du département de l’Isère que de façon très temporaire
Les difficultés financières des entreprises successives et les velléités du Département de l’Isère expliquent en partie cette lenteur. En sachant se replacer dans l’état d’esprit des débuts du XX° siècle, force est de constater que les entreprises adjudicataires n’avaient que peu de capitalisation et que leurs gestionnaires n’avaient souvent que les moyens d’un investissement limité, ce que traduisent les liquidations et faillites successives.
L’ensemble du réseau souffrait également de coûts de fonctionnement trop élevés. En cause, les consommations de charbon (4,5 tonnes entre Saint-Marcellin et Lyon) et d’eau (20000 litres pour le même voyage). Cela impliquait des arrêts prolongés dans les gares régulièrement espacées du trajet afin de refaire le plein, soit de combustible, soit d’eau. Saint-Jean de Bournay: 10 minutes d’arrêt. La Côte Saint-André: 30 minutes d’arrêt. Roybon: 20 minutes d’arrêt. Et puisque l’on est penché sur le Chaix de 1910, il est loisible de constater que le trajet de 117 km comportait 58 arrêts, dont 27 gares, soit un arrêt en moyenne tous les 2 km. Et qu’en partant à 8 h 51 de Lyon, on ne parvenait, sans changer de train, à Saint-Marcellin qu’à 18 h 03.
Indicateur Chaix de 1910
Outre ces difficultés d’horaire, le réseau souffrait également de faiblesses techniques. En tout premier au long du tracé des voies: celles-ci étaient parfois défectueuses, présentant des affaissements, des déformations ou des torsions par suite du passage de camions ou d’engins. Les locomotives, dont on a parlé, étaient fragiles et peu compétitives sur certaines parties du trajet. Les accidents n’étaient pas rares.
Accident entre Chatenay et VirivilleAccident au Mollard
Enfin, le dernier adversaire du réseau ferré fut bien le camion (et la voiture individuelle). En 1935, nous nous trouvons à la charnière de deux révolutions industrielles. La première révolution industrielle, celle du charbon, de l’énergie-vapeur, de l’imprimerie de masse a débuté en France vers le milieu du XIX° siècle. Le réseau ferré français prend son envol à la fin de la décennie 1830-1840. La seconde révolution industrielle, celle de l’électricité, du pétrole et du téléphone, retardée par la Grande Guerre, débute en France au cours de la seconde décennie du XX° siècle. Elle aura raison de l’existence de ce réseau, comme de beaucoup d’autres réseaux en France.
Si l’on peut émettre un jugement global sur cette histoire d’un train entre Saint-Marcellin et Lyon, c’est bien que le projet de réaliser ce circuit soit né trop tard. Tout comme l’on pourra reprocher au Plan Freycinet d’être intervenu trop tard.
Il est cependant possible d’attribuer à cette ligne de train (ou de tramway compte tenu du nombre d’arrêts !) quelques succès commerciaux. Tout d’abord, il convient de rappeler que le train, s’il transportait des voyageurs, était également fort utile pour le transport de marchandises. Des produits agro-alimentaires, du lait et des fromages pour les halles et la restauration lyonnaises, du bois dont la gare de La Trappe était l’un des points de chargement important. Dans tout le territoire traversé, existaient de très nombreux établissements consacrés à la soierie: magnaneries, filatures, tissages. Le train assurait la livraison des cocons vers les centres de filature. A partir de 1912, les fabricants lyonnais tentent d’organiser les marchés en livrant par train la soie sortant des filatures et en récupérant les produits des tissages. Expérience positive qui fut cependant vite interrompue par suite de conflits financiers. Sans oublier le transport du courrier …
Cependant, c’est la Grande Guerre qui fut l’élément majeur en matière de trafic de ce réseau. La gare du Camp de Chambaran fut le centre d’un trafic intense de matériel de guerre destiné à l’entrainement des soldats. Certains trains, dits « trains des obus » apportaient les munitions depuis Lyon. Des chiffres parlent également de plusieurs centaines de milliers de soldats qui débarquèrent ou embarquèrent dans cette gare.
Halte du camp de Chambaran – Voiture DecauvilleChamp de tir de Chambaran
Bibliographie – Liens
4 articles de Jean Sorrel, in Le Mémorial de Saint-Marcellin, en 1979, N° 1704, 1734, 1735 et 1851
Texte de Jean Briselet, in Journal paroissial de Chatte, en 1982
Diaporama « TOD, TDI et Cie », réalisé par Jean Briselet en 1983 et présenté dans le cadre du Festival Diaphane
Chemins de Fer régionaux et Urbains – Revue N° 202 et 203 de 1987 – « Le réseau des tramways de l’Ouest du Dauphiné », par H. Fournet et A. Ranchal
Le Pays de Saint-Marcellin-Revue périodique-N° 14 Octobre 2005 – « Quand le tramway roulait chez nous » par Bernard GIROUD
Conférence UIAD par Jean Briselet, en novembre 2016, à Saint-Marcellin
« Poster » de 20 minutes par Jean Briselet, lors du Salon des Patrimoines 2019, à Saint-Marcellin
Relevés cadastraux du tracé entre Saint-Marcellin et Roybon entre 1983 et 1984
Plan parcellaire du trajet entre Chatte et Roybon, en vue du réaménagement de l’ancienne Voie Ferrée en Parcours de Randonnées.1996. Cabinet JM Loiseau
Vapo-Tours en Isère, monographie réalisée par Georges NEMOZ, sur publication personnelle en 2008
Enquête parcellaire des terrains à acquérir. Trajet de Viriville à Saint-Marcellin. Réalisé par le Département de l’Isère en novembre 1900, avec cachet de la Régie des VFD.
Le Journal de Saint-Marcellin, Vingtième année-N° 14 du dimanche 5 avril 1908 – Annonce de l’ouverture de la ligne de tramway de St-Marcellin à Roybon.
Marina Bertrand, Marc Ellenberger, André Garcin, Christian Garnier, Guy Mouraret, Jean-Pierre Perazio, …
Le 13 janvier 2021, Olivier Gully crée une page web consacrée au TOD. Cette page vient compléter tous les travaux réalisés sur cette thématique en offrant une cartographie interactive de l’itinéraire des concessions TOD, accompagnée d’une très riche iconographie. Son adresse: http://tramway.tod.free.fr
En hommage final, une équipe de travailleurs construisant la voie près de Dionay ….(C) Ch.G
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