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Mali, après une semaine de guerre

« J’ai pensé à la cité et je me suis dit que nous pourrions la changer. C’est facile, il suffit de rien, nous n’avons besoin que de nous parler et de tout dire aux enfants. Le reste viendra de lui-même, et la misère s’en ira à toutes pattes, n’ayant pas où s’accrocher. L’administration sera obligée de nous écouter, elle verra dans notre regard combien nous savons ce que nous voulons, la vérité et le respect. Les islamistes n’oseront plus nous approcher, ils déguerpiront d’eux-mêmes, la tête basse, la queue entre les pattes, la barbe en berne. Le diable les remportera chez lui, il les dévorera et tout sera dit. On tournera la page et on fera une fête du tonnerre de Dieu. »

Et puis un peu plus loin dans le texte.

« Tout ce que nous nous interdisons en tant qu’hommes et citoyens français, les islamistes se le permettent et nous refusent le droit de nous plaindre car, disent-ils, c’est Allah qui l’exige et Allah est au-dessus de tout. A ce train, et parce que nos parents sont trop pieux pour ouvrir les yeux et nos gamins trop naïfs pour voir plus loin que le bout de leur nez, la cité sera bientôt une république islamiste parfaitement constituée. Vous devrez alors lui faire la guerre si vous voulez seulement la contenir dans ses frontières actuelles. Sachez que nous ne vous suivrons pas dans cette guerre, nous émigrerons en masse ou nous nous battrons pour notre propre indépendance ».

Ces deux textes sont extraits d’un roman de Boualem Sansal, publié en 2008 (!) et intitulé « Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller ». Il s’agit d’un texte d’une puissance parfois insoutenable, mais d’une écriture limpide, qui rapproche trois « évènements » de nos 70 dernières années: la Shoah, les affrontements en Algérie au cours des années 90 et la vie quotidienne des « immigrés » de seconde, troisième génération dans les banlieues françaises.

Remplacez donc le mot « cité » par le mot « Mali » et vous comprendrez ce que nous disons ici depuis des mois ! Ce que nous appelons solution politique ! Et ce que nous craignons !
Au huitième jour de la guerre menée par la France au Mali, il n’est plus question de parler de solution politique, de négociation. Lorsque le coup de feu est parti, il n’est plus possible de courir derrière la balle. Alors parlons un peu de ce qui se passe et de ce qui va se passer. Mais auparavant, une mise au point. Les extraits ci-dessus du roman de Boualem Sansal sont une réponse anticipée à certains commentateurs et à certains journalistes qui ne manqueront pas, dans quelques semaines ou dans quelques mois, lorsque les évènements commenceront à mal tourner, de stigmatiser du haut de leur mépris »les négatifs, les pessimistes, ceux qui savaient comment ça allait se passer », comme ils l’ont fait à propos de la Tunisie ou de l’Egypte.

A propos de la légalité de l’action française, on nous répète à satiété qu’elle est conduite dans le cadre de la résolution 2085 (http://www.liberation.fr/monde/2013/01/15/2-500-militaires-francais-attendus-au-mali_874112&Lang=F) du Conseil de Sécurité. Rien n’est plus inexact. Cette résolution s’appuie successivement sur les éléments suivants:

  • les autorités maliennes sont instamment invitées à rétablir l’ordre constitutionnel et l’unité nationale par la tenue d’élections présidentielle et législatives.
  • exige des groupes rebelles qu’ils rompent tout lien avec les organisations terroristes.
  • demande aux autorités maliennes de mettre en place un cadre de négociation avec celles des fractions rebelles qui auront rompu avec les terroristes.
  • condamne l’attitude intrusive des forces armées putschistes.
  • souligne l’attachement des Etats à une mission européenne de formation de l’armée malienne.
  • prie l’Union Africaine et la CEDEAO de mettre des troupes à disposition, qui devront être formées, tout en veillant à l’organisation de la chaine de commandement de la MISMA.
  • autorise le déploiement de la MISMA sous conduite africaine, en précisant explicitement les objectifs de la mission.

    Dans sa totalité, cette résolution est inexistante sur le terrain. Et si l’ONU a quelque peu approuvé la démarche française ce n’est pas sous le flambeau de cette résolution. A tel point que les Etats-Unis ont demandé la rédaction d’un nouveau texte. A tel point que vous n’entendrez JAMAIS parler de MISMA, puisqu’il s’agit-là d’une mission mort-née. La MISMA devait se mettre en place sous direction africaine et non sous conduite française.

    Un autre argument de légalité est invoqué en parlant de l’appel au secours lancé par les autorités du Mali. Mais quelles autorités ? Le Président par intérim du Mali n’est qu’une marionnette dans les mains d’un capitaine fantoche. Depuis son coup d’État, aucune procédure de reconstitution du corps politique n’a été mise en œuvre. Il est donc parfaitement inapproprié de parler d’un appel des « autorités maliennes »: il s’agit tout au plus de l’appel du Président désigné par intérim, dans le but de sauver sa place bien compromise par les actions djihadistes d’une part, et la défiance du Capitaine Sanogo d’autre part.

    L’action française ne s’appuie donc sur aucune légalité. Mais, au moins, est-elle justifiée dans sa spontanéité et sa brutalité ?
    Il est courant d’entendre dire et répéter que les combattants islamistes avaient pris la route de Bamako et qu’il fallait intervenir d’urgence pour éviter cette catastrophe. Les combattants islamistes se sont en fait « emparé » de Kona, certes de l’autre coté de la « ligne de démarcation », mais à 75 km de Mopti. Sur la route de Bamako (à 680 km de là !) se trouvent les villes importantes de Mopti, Djenné, San, Ségou, ainsi que des dizaines de villes et villages moins importants. Nous ne sommes plus dans le désert ! Poser comme postulat que les troupes islamistes auraient pu parvenir en quelques heures à Bamako est un bêtise technique et une insulte à la capacité de résistance des africains.
    France 2 répète à chaque bulletin d’information que les islamistes sont au Mali au nombre de 5 à 6000 combattants. Ce n’est certainement pas David Pujadas qui a inventé ce chiffre, faisons confiance aux services de communication de l’armée française et du gouvernement ! Or, ce chiffre n’a strictement rien à voir avec les estimations américaines qui évaluent les combattants à 1200 hommes environ, un chiffre beaucoup plus proche de la réalité des moyens de transport (150 à 200 pick-up capables de prendre en charge 6 à 7 hommes) et de la mobilité de troupes capables de s’évaporer aussi vite qu’elles sont arrivées.

    L’action française n’est donc ni légale, ni justifiée dans sa précipitation. Peut-être saurons-nous un jour pourquoi les promesses de soutien par l’arrière, l’engagement de ne pas mettre un soldat français sur le terrain des combats, n’ont pas été tenues.
    Toujours est-il que cette intervention est lourde, très lourde, de risques multiples.
    Le risque des otages.
    Très curieusement, et avec inquiétude, nous n’entendons pas parler des otages retenus depuis deux ou trois ans, alors que les leaders islamistes faisaient de tonitruantes déclarations sur leur sort en cas d’intervention française. L’inquiétude est nourrie par ce silence, mais également par le fait que si les troupes doivent être mobiles, elles ne peuvent s’encombrer d’otages. La prise d’otages en Algérie et son tragique dénouement viennent à point nous rappeler que les hommes n’ont qu’une valeur très relative aux yeux de ces combattants fanatisés.
    Le risque d’affrontements ethniques.
    Les plus pessimistes ne voyaient ce risque se préciser qu’après une phase initiale de combats et de reprise de territoires. Ce n’est pas le cas. Les exemples de mauvaise conduite de la part des combattants, maliens pour la plupart, se multiplient déjà: exécutions sommaires, viols, tabassages … Deux raisons à ces violences: la première est due au manque total de formation et de discipline des soldats maliens qui interviennent derrière les soldats français. La seconde relève d’une réalité incontestable: celle de l’opposition ethnique entre les africains et les arabes, d’une part et entre les africains et les touaregs d’autre part. Au cours de la période de préparation de l’intervention, des milices maliennes, africaines, se sont déjà constituées afin d’aller chasser les touaregs.
    En cette question, le commentaire de François Hollande à la question de savoir ce qu’il convenait de faire avec les terroristes (« les détruire ! ») est inquiétant, même s’il a jugé préférable de rajouter qu’on pouvait faire des prisonniers.
    Risque sanitaire, risque humanitaire.
    Plusieurs dizaines de milliers de maliens du nord (environ 150 000) se sont déjà déplacés vers la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso, et même l’Algérie. 230 000, selon Médecins du Monde, se sont réfugiés dans le sud de leur pays.
    L’ONG, qui était déjà présente sur place, estime avoir de plus en plus de difficultés à exercer son travail, depuis le début des opérations militaires. Aucune structure d’importance n’existe au sud du Mali ou dans les pays d’accueil. Ces derniers ont déjà bien des difficultés à nourrir et faire survivre leurs populations (Niger), l’afflux de migrants ne peut qu’aggraver la situation.
    Risque démocratique et politique.
    François Hollande est allé jusqu’à donner pour mission à l’intervention de la France de reconstituer le tissu démocratique et de conduire le Mali vers des élections représentatives. Est-ce vraiment là le rôle de la France ? N’est-ce pas renouveler les mauvaises habitudes de la Françafrique ?
    Si le conflit s’éternise, si les combats s’enlisent, si les risques précédemment cités entraînent des commentaires critiques (Cour Pénale Internationale par exemple), si des « bavures » se produisent, il y a fort à parier que des voix s’élèveront au Mali pour dénoncer la présence française. Les thèmes en sont déjà connus et se rapportent inévitablement au « colonialisme ».
    Cette critique est déjà présente et forte dans certains pays arabes, demain elle risque de l’être dans une large partie des pays en développement. Elle sera d’autant plus forte que la présence de troupes africaines restera probablement restreinte, tous les pays ne respectant probablement pas la totalité de leurs engagements envers la défunte mission MISMA. La solitude de la France au sein de l’Europe la ramènera également, qu’elle le veuille ou non, au concept traditionnel et colonialiste de la Françafrique. Car, très probablement, peu de pays européens s’engageront de façon concrète, la récente prise d’otages en Algérie arrive à point nommé pour leur en signifier les dangers.

    En définitive, cette guerre peut-elle déboucher sur autre chose ?
    D’aucuns affirment que la guerre peut servir de « révélateur », qu’elle peut redonner de l’espoir aux Maliens avec la possibilité de reconstruire un état démocratique, qu’elle peut provoquer un sursaut de la classe politique, qu’elle est un moindre mal.

    Nous voulons bien le croire.
    Mais la façon avec laquelle les « négociations » (Alger, Ouagadougou, Blaise Compaoré, MNLA, Ansa Eddine, Romano Prodi, etc … etc …) ont été sabotées par les uns et par les autres (dont la France) laisse mal augurer d’un proche avenir pacifié et plus démocratique.
Mali: les forces engagées (DR)

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Guerre au Mali: premières dissonances

Troisième ? quatrième jour ?
Enfin, certaines critiques commencent à se faire jour. C’était à croire que tout le monde était anesthésié et n’avait pas d’autre mot à la bouche que « Bravo, il fallait le faire ! »
L’Algérie, quand bien même elle a autorisé le survol de son territoire (pouvait-elle faire autrement ?), a précisé qu’elle avait soutenu le dialogue et qu’elle continuera à le faire. Mais en cas d’atteinte à son intégrité, elle réagira. En fait, considérant que cette intervention française se place en réponse à un appel malien, elle ne participera à quelque opération que si des éléments extérieurs pénètrent sur son territoire. On ne peut pas vraiment dire que ce soit un soutien ou un appui. De son coté, la presse algérienne est extrêmement critique et dénonce le choix de la France.
En France ? les seules informations dont on dispose sont millimétrées, les photos inexistantes. Ce soir La Croix, Le Nouvel Obs, Libé, Le Point, d’autres encore, reprennent le même communiqué de l’AFP: « La France, « en guerre contre le terrorisme »,bombarde le Nord … ». Extraordinaire diversité d’opinions …
Le pavé dans la mare le plus singulier ne nous vient pas de la gauche de la gauche (Nathalie Arthaud, par exemple, fidèle à elle-même), mais de la droite, de Dominique de Villepin (http://www.lejdd.fr/International/Afrique/Actualite/Villepin-Non-la-guerre-ce-n-est-pas-la-France-585627) qui déclare qu’au Mali, « aucune des conditions de la réussite n’est réunie » et que « seul un processus politique est capable d’amener la paix ». Il est peut-être dommage que cette opinion vienne de lui, mais elle est toujours bonne à prendre !
C’est celle que nous défendons ici depuis plusieurs ..mois !

Dominique de Villepin (c)SIPA


Hier, nous posions la question de savoir ce que Romano Prodi pensait de ces évènements, lui qui était encore jeudi à Bamako. Il est un autre homme, qui a pourtant fait beaucoup pour tenter de mettre en place un dialogue, même si ce n’était pas sans arrière-pensées, et dont personne ne parle. Il s’agit de Blaise Compaoré, Président du Burkina, qui vient de déclarer qu’il enverra un détachement au Mali. Que fait-il de tous ses efforts ? passent-ils pour pertes et profits ?

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Juste un point de vue publié par Slate Afrique

Depuis des mois, on les décrit comme de nouveaux tigres du désert, invincibles et assoiffés de sang.

Ils font tout pour mériter cette réputation, coupant des mains et des pieds, imposant la charia, détruisant des mausolées centenaires classés au patrimoine mondial de l’humanité.
Mais les islamistes qui ont pris le contrôle du Nord-Mali sont-ils aussi puissants qu’ils l’affirment et en avançant jusqu’aux portes de Mopti, n’ont-ils pas surestimé leurs forces?
Des intérêts occultes
Les Touareg qui constituent le gros des troupes rebelles, n’ont jamais été réputés pour leur virulence dans la pratique de la religion musulmane.
Le phénomène de leur radicalisation est nouveau. Il est lié à l’arrivée d’un flot de dollars venu d’Arabie Saoudite et du Qatar qui a permis d’acheter des consciences, mais aussi des combattants, ceux du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), longtemps encouragés par la France dans leur revendication autonomiste.
La chute de Kadhafi a aussi libéré d’autres combattants touaregs qui ont fui la Libye avec parfois des armements sophistiqués comme des missiles sol-air.
Le renversement d’Amadou Toumani Touré a enfin ouvert de nouveaux horizons aux rebelles. C’est la conjonction de tous ces événements qui a permis la progression spectaculaire de la rébellion.
On a du mal à croire qu’ils sont tous fortuits et que certains services secrets n’aient pas agi dans l’ombre.
«Plus il y a de bordel dans un pays, plus on fait de bonnes affaires», c’est la devise des marchands d’armes. C’est aussi celle d’intérêts occultes qui agissent en Afrique.
Or cette région du Sahel, traditionnellement sous influence de la France, l’ancienne puissance coloniale, est l’un des derniers far-west de la planète au sous-sol quasiment inexploré.
«Plus islamiste, tu meurs»
Pour garder le contrôle du mouvement, c’est la fuite en avant sur le thème de «plus islamiste que moi, tu meurs». Ce thème, qui a l’avantage d’être porteur et rémunérateur en fonds wahabites, masque en fait une lutte de pouvoir entre les grandes familles touaregs.
Si les troupes d’Ansar Dine, qui n’est pas le plus virulent des groupes islamistes armés dominant le nord du Mali, réunissent une colonne de pick-up de 1.200 hommes pour atteindre les portes de Mopti (640 km au nord de Bamako), proclamant leur intention d’imposer la charia, c’est d’abord pour faire une démonstration de force aux mouvements concurrents, les narco-islamistes du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et les djihadistes d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
De même, la destruction de tombeaux de saints musulmans à Tombouctou est avant tout destinée à impressionner les dynasties touaregs dont sont issus ces saints.
Une menace exagérée
On prétend, sans apporter aucune preuve, que la rébellion du Nord-Mali a reçu le renfort de milliers de soldats perdus du djihad. On affirme que des camps d’entraînement d’Al Qaida pourrait s’implanter dans cette zone de non-droit et menacer l’Occident.
On soutient qu’une armée intervenant dans ce terrain hostile courrait, à coup sûr, à sa perte. Qui a intérêt à noircir le tableau, à faire durer la crise, à entretenir la confusion, et à faire croire que la rébellion islamiste est une invincible armada?
On a vu dans un passé récent et dans des pays voisins, des colonnes de pick-up rebelles anéanties en quelques heures par des attaques aériennes. On a assisté, sous d’autres cieux, à des opérations de forces spéciales visant à déstabiliser les assaillants et à introduire l’insécurité dans leur camp.
Rien de tout cela au Nord-Mali, mais une mobilisation mondiale allant de l’ONU à la Cédéao, en passant par l’OTAN dont l’intervention est désormais réclamée par le président en exercice de l’Union africaine, le béninois Boni Yayi.
Totalement inefficace, comme n’ont pas manqué de le remarquer les islamistes. Comme si on voulait écraser une mouche avec un marteau.
Quel est le jeu des Américains ?
Depuis 2008, les Etats-Unis ont créé Africom, un commandement unifié de leurs activités militaires et stratégiques sur le terrain africain. Il a pour mission de mener la guerre contre le terrorisme, comme en Somalie, de sécuriser les approvisionnements pétroliers en provenance notamment du Golfe de Guinée et de contrecarrer la montée en puissance de la Chine sur le continent noir. Dans la crise malienne, les Américains ont toujours privilégié la négociation avec les factions rebelles qu’ils jugeaient récupérables et sur lesquelles ils exerçaient un certain contrôle.
Ce n’est pas le cas du Mujao qui vient d’être inscrit sur la liste noire des organisations terroristes par le département d’Etat. Sur le terrain, les Américains sont certainement les mieux armés pour indiquer la sortie de crise dans cette zone d’influence française.
Par exemple, avec leurs drones d’observation et d’attaque. Ils en possèdent près d’un millier alors que la France entretient un parc de quatre appareils en bout de course.
Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a inscrit au budget 2013 la commande de plusieurs de ces engins. La marge de manœuvre de la France est réduite à cause de ses otages détenus par AQMI. En montant en première ligne, elle risquerait de mettre leur vie en danger. Les islamistes le savent et croient pouvoir avancer en toute impunité. François Hollande est placé devant un terrible dilemme.
Comment en sortir ?
Par la négociation mais peut-on négocier dans la situation actuelle quand les islamistes se croient tout permis. Avant d’engager des palabres, il faut les faire redescendre sur terre, en montrant sa force. Et ensuite accorder aux Touaregs, qui sont pourchassés dans de nombreux pays, une terre où il pourrait vivre en toute autonomie.
A condition qu’ils abandonnent ce combat islamiste qui, de tout temps, leur a été étranger, et qu’ils ont rejoint pour des motifs alimentaires. En sortir, ce n’est pas «former» l’armée malienne comme le recommande paternellement la France, mais redonner à ces soldats laissés-pour-compte par des généraux corrompus, la fierté et les moyens de se battre pour leur pays.
En sortir, ce n’est sûrement pas introduire sur le théâtre malien les troupes de la Cédéao, qui, dans toutes les crises régionales où elles sont intervenues, ont joué le rôle d’aggrave-affaires.
En sortir, c’est enfin couper les sources d’approvisionnement des islamistes et fixer des limites à leurs parrains wahhabites, qui poursuivent leur rêve expansionniste de Grand Moyen Orient.

Philippe Duval


Ce texte (http://www.slateafrique.com/101507/nord-mali-la-surenchere-islamiste) a été écrit le jour de l’intervention française, alors que celle-ci n’était pas encore connue ! Pour info, Romano Prodi, émissaire spécial de l’Onu, était à Bamako le jeudi 10 janvier et prônait encore des pourparlers de paix. Mais qui pouvait-il convaincre puisque les « autorités » fantoches de Bamako parlaient de le récuser au motif qu’il avait le soutien de l’Algérie et du MNLA ?
Quant à la France, et François Hollande surtout, elle avait déjà décidé d’agir en s’appuyant sur la fiction des terroristes qui menaçaient Bamako ! La méthode est connue, d’autres ont fait la guerre afin d’aller neutraliser des « armes de destruction massive » …

Romano Prodi (C)AFP-Getty Images
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Guerre au Nord-Mali, une décision grave

Ainsi donc, depuis ce vendredi 11 janvier 2013, la France est engagée dans un nouveau conflit. Un conflit visant à chasser des islamistes terroristes d’un territoire longtemps considéré comme « chasse gardée » de la France. Il n’est pas possible de passer sous silence cette dimension du problème, puisque dans le même temps, la France se retire d’Afghanistan où elle se trouvait pour en chasser les islamistes terroristes ! Alors, pourquoi deux poids et deux mesures ?

Cette question n’est pas la seule à devoir être posée. Notamment « Pourquoi cette précipitation ? » La montée en température a été soigneusement orchestrée comme en chaque occasion depuis le début de ce conflit, et chaque clan a consciencieusement joué sa partition. Les uns paradant en laissant photographier des rangées de pick-up, les autres en dénonçant une marche en avant de milliers de rebelles se dirigeant vers Bamako.

Lorsque la semaine dernière Ansar Eddine a déclaré publiquement qu’il renonçait à la trêve et qu’il reprenait ses actions, il était clair que les prétendues négociations n’auraient jamais lieu, tout simplement parce que personne ne les souhaite. Ou parce que personne n’est à même de représenter de façon qualifiée qui que ce soit. Il n’y a pas d’Etat au Mali ! Et justement parce qu’il n’y a pas d’Etat, l’intervention de la France est immorale ! Et dangereuse !

Ne parlons pas de la vie des otages qui, d’ores et déjà, est compromise. Mais parlons de la démocratie qui disparaît pour longtemps des tribunes maliennes ! Parlons du risque phénoménal de division entre le nord et le sud, même et surtout après une campagne militaire ! Parlons du risque de débordements raciaux entre noirs et arabes, entre noirs et touaregs ! Parlons des séquelles que ne manquera pas de laisser derrière lui cet interventionnisme ! Et enfin, dernier mais pas le moindre, parlons du risque de catastrophe sanitaire et humanitaire lié au déplacement forcé de centaines de milliers de personnes, en Mali du Sud, en Mauritanie, au Niger, au Burkina Faso …

Notre propos n’est pas de trouver la moindre excuse aux islamistes terroristes, puisque tel est désormais leur nom. Il est d’affirmer que la France est fautive de s’embarquer dans ce conflit alors qu’elle n’en a pas le mandat explicite de l’ONU, qu’elle a toujours affirmé haut et fort qu’elle n’interviendrait pas directement et qu’elle n’a fait strictement aucun geste, aucun effort en faveur de négociations.

Nous regrettons ici de nous retrouver sur cette position qu’avec les seuls PC et Parti de Gauche. Nous regrettons qu’une fois encore les partis « classiques » ne sachent pas régler les graves problèmes de notre monde autrement qu’avec la force et l’armée. Nous regrettons … nous sommes en colère !

Voici un extrait d’éditorial publié à Alger voici quelques jours, le 26 décembre exactement, par le quotidien L’expression (http://www.lexpressiondz.com/edito/166267-syrie-mali-face-a-la-meme-equation.html):

« comment peut-on concevoir une intervention militaire étrangère au Mali sans avoir restauré l’Etat?
Sans avoir réunifié les Maliens? Les partisans de la solution militaire jurent que la force africaine sera déployée pour aider l’armée malienne. L’Occident jure qu’il n’enverra pas de troupes à terre mais se contentera d’une aide logistique. Dans quel Etat se trouve l’armée malienne pour accueillir la force africaine et la logistique occidentale? Alors que le bons sens et la démocratie commandent à remettre en place les institutions maliennes, rallier tous les Maliens, y compris ceux qui sont au Nord, pour combattre les mercenaires étrangers regroupés sous divers sigles d’organisations terroristes et qui veulent imposer leur loi à la population.
On ne combat pas des terroristes avec les moyens classiques d’une armée. Notre naïveté nous fait croire que couper les terroristes de la population civile qui aidera l’armée par le renseignement est une condition sine qua non dans le règlement de la crise qui secoue le Mali. Le Mnla et Ansar Eddine représentent précisément cette population civile du Nord. Avec leur concours, le sort des terroristes est scellé. Dans le cas contraire, les forces de la Cédéao vont vers une défaite certaine contre un ennemi invisible et très mobile dans l’immensité du désert. Que se passera-t-il alors? Et c’est là que les va-t-en guerre veulent arriver. C’est sur une telle situation qu’ils appuieront la nécessité d’une intervention militaire directe des troupes occidentales. Pour parvenir à la «sahélisation» programmée. C’est-à-dire délocaliser le terrorisme international de l’Afghanistan au Sahel. »

Le reste du billet faisait référence à la Syrie et nous l’avons retiré de la citation.

Mais cet extrait nous ramène à des interrogations déjà émises:  » »pour quelles raisons ? », « Pourquoi cet acharnement à vouloir intervenir et à tordre les évènements pour mieux le faire ? »

Pas de photo pour illustrer cet article: la guerre ne le mérite pas.