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SDL Le Monde

L’assemblée Générale de la Société des Lecteurs du Monde a été précédée, ce 14 juin, par un intéressant débat animé avec clarté par Olivier Mongin et diffusé sur Internet (merci pour l’initiative). Les sujets abordés se sont révélés un peu limitants, nous sommes restés sur notre faim quant à pouvoir imaginer des solutions pour notre « Monde », et il ne serait sans doute pas inutile de poursuivre les échanges sous une forme ou sous une autre.

Des constatations: la baisse du nombre de lecteurs est une constante européenne et la contrer demande des prodiges d’ingéniosité avec la quasi certitude que rien n’est jamais gagné. La chute de la publicité est générale. Le web est davantage à imaginer comme un allié que comme un adversaire d’où le développement de rédactions multimédia.

Une confirmation: parmi les intervenants, il a été une professeure de philosophie qui a développé jusqu’à la caricature ce que j’ai eu l’occasion d’analyser (La-situation-du-Groupe-Le-Monde) au travers du courrier des lecteurs du Monde lors des journées de grève. Le lecteur moyen (souvent adhérent à la SDL) s’arc-boute sur ses 40 ou 50 ans de « lecteur fidèle » du journal pour dénoncer la perte de qualité de la rédaction (seul l’éditeur allemand a su parler de qualité !), pour se pincer le nez devant des gros mots malodorants comme « argent », « bourse », « un journal est un produit » ou « ventes », et pour prendre le Canard Enchaîné comme modèle économique !!! Tant que la SDL aura un courant de cette nature aussi important, tant que le lecteur moyen du « Monde » se rattachera peu ou prou à cette image, il ne sera pas possible de faire quoi que ce soit au « Monde ».

Un invité de choc: Bertrand Pecquerie pour son franc-parler un peu iconoclaste. En voilà un qui n’a pas sa langue dans la poche. Et, en trois mots, il fait avancer le débat de trois enjambées de géant !

Et puis des manques: tout d’abord, la place des jeunes. Comment faire, quoi faire pour que puissent s’exprimer les jeunes, étudiants, nouveaux professionnels, car il doit bien y en avoir quelques-uns dans le lectorat du journal ?

Ensuite, réfléchir sur le rôle et la place de la rédaction. Le modèle actuel de Société des Rédacteurs, de Société des Lecteurs est-il satisfaisant ? Qu’est-ce qu’avoir les clés du pouvoir dans une société de presse ? et qui peut, qui doit tenir ces clés ? en sachant que tout pouvoir est … un pouvoir !! En poursuivant, quel est le rôle « politique » du Directeur de la Publication ?

Et enfin, un journal quotidien c’est maintenant essentiellement un organe d’analyse et de réflexion, de commentaires et de confrontation. Pour exemple, j’ai acheté ce dimanche 15 juin à 9 heures un journal qui parlait du NON des irlandais que la TV m’avait annoncé vendredi 13 juin à 20 heures: en achetant ce journal, je n’ai plus besoin qu’il me communique des faits ! Mais alors quoi ? C’est là qu’il faut réfléchir sur ce qu’est une grille de commentaire de l’info: libérale ? socialisante ? démocrate ? républicaine ? progressiste? plus traditionnelle ? occidentalo-centriste, tiers-mondiste ou « sudiste », etc … etc … et S’Y TENIR. Et ne pas prendre le lecteur pour un imbécile à qui l’on dit pour qui il faut voter (cf éditorial sur l’ardente obligation démocratique …….)!

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Le Monde, ses lecteurs et sa médiatrice

L’article n’est pas d’aujourd’hui, mais du numéro daté 4-5 mai. Il est signé par la Médiatrice, Véronique Maurus, et vise à dresser un inventaire des commentaires des lecteurs quant à la crise du « Monde ». Pas les mêmes lecteurs que ceux dont j’ai analysé les points de vue ici (La-situation-du-Groupe-Le-Monde). Non, il s’agit des lecteurs qui ont pris la peine d’écrire une lettre papier ou, à la rigueur, une lettre électronique. Nous ne savons pas combien ils sont, mais nous savons qu’ils se sont  »exprimés sur un ton navré, mais courtois – loin, très loin des perfidies relevées sur la Toile ».

En une demi-phrase, en fait en 9 mots, est éliminé un aspect fondamental de la crise de la presse en général et de la crise du Monde en particulier. Il ne sera plus question de la Toile, de l’Internet, du Web tout au long des 971 mots que comporte cet article. Les lecteurs qui ont choisi ce média pour exprimer leur opinion ne sont pas dignes d’être pris en considération ( »fauteurs de perfidies ! »).

Et pourtant le rôle que joue le web dans la prise en compte de l’information, dans sa diffusion, dans la confrontation des points de vue différents, dans la circulation des idées, (y compris parfois des idées fausses, mensongères ou dangereuses …) est impérativement à prendre en considération si l’on veut définir un quotidien papier qui ait un SENS et une RAISON de vivre.

Véronique Maurus nous convie à une gentille analyse des lecteurs qui expriment leur sympathie au personnel, à la direction ou aux deux et qui proposent quelques pistes de réforme:

  • augmenter le prix de l’abonnement, le prix de vente au numéro, créer des abonnements de soutien, devenir un quotidien du matin …
  • supprimer les suppléments: NYT, Monde2, supplément montres, …
  • enfin, se recentrer sur ce qui fait la personnalité du journal, l’information, l’analyse, l’investigation …

En lisant ce que pensent les lecteurs qui s’expriment sur lemonde.fr, elle aurait trouvé la même chose, mais dite avec plus de « violence ». Peut-être se serait-elle interrogée sur son lectorat, celui de son journal ? Et se serait-elle demandée pourquoi tant de lecteurs dénoncent-ils avec tant d’acharnement Le Monde2 ? Il y a là-dedans comme de l’amour-haine !!

Et pourquoi tant de lecteurs veulent revenir à un journal sérieux, qui ne fait que de l’information et de l’analyse de fond, qui a ses références auprès de Hubert Beuve-Méry ou Robert Escarpit, qui doit rejeter le sport vers l’Equipe, l’auto vers l’Auto-Journal, la mode vers Elle, les sciences vers Science et Vie…, etc … etc …mais qui doit nous éclairer sur les crises planétaires, …

Entre un quotidien qui évolue, qui cherche à s’adapter au 21° siècle, qui s’enrichit de suppléments parfois audacieux, qui se double d’une version électronique, et une partie du lectorat qui se raidit et se crispe parce que ces innovations ne relèvent pas de l’image qu’elle se fait de son journal, n’est-il pas en train de naître un véritable hiatus ? Déjà certains lecteurs parlent de désabonnement, de désaffection, de désenchantement.

Il est peut-être dur de lire les perfidies du Web, mais c’est sans doute là qu’on trouve les cris du cœur.

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Comment le web (peut) change(r) Le Monde

Dans mon précédent post (La-situation-du-Groupe-Le-Monde) consacré à la situation dans le Groupe Le Monde, je concluais en parlant de l’avenir qui ne passait que par l’ouverture, la découverte, la jeunesse et l’internet !

Pour être plus précis, je parlerai du web et vous renverrai au chapitre 8 du bouquin de Francis Pisani et Dominique Piotet « Comment le web change le monde ».

Il y est question du web, des multitudes et de leurs médias. Et il y est très clairement expliqué pourquoi les médias traditionnels et notamment les grands quotidiens se voient contestés par le web et ses usagers actifs au cœur même de leurs fonctions de production de l’info, d’organisation et de présentation de l’info, de distribution de l’info et enfin de relation entre le journaliste et le lecteur.

Les liens entre le Monde.papier et lemonde.fr doivent dépasser la simple complémentarité. Au premier, le recul par rapport aux faits, au travers de l’analyse, de la réflexion, de la comparaison. Au premier toujours, la découverte des idées nouvelles, des nouveaux courants,nouvelles pensées, arts nouveaux. Au second, l’immédiateté, la multiplicité des liens, la réactivité, la confrontation avec les réactions des « autres » sur le même thème. Au second toujours, la capacité d’archivage, d’historicité, avec la profusion des liens, …

Puissent les salariés du journal, les rédacteurs en premier, et la direction comprendre cette ardente obligation et la faire partager à leurs lecteurs !

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La situation du Groupe Le Monde

Au cours de la semaine écoulée, et par deux fois, le quotidien « Le Monde » n’a pas paru. L’enjeu de cette grave crise et les points de vue respectifs ont été présentés par un article du Monde.fr écrit (http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2008/04/13/pourquoi-le-monde-ne-parait-pas-lundi_1034096_3236.html) et mis à jour pour la dernière fois le 18 avril.

Cet article a suscité 305 commentaires à ce jour (19h 00), exprimés en réalité par 285 lecteurs, un certain nombre d’entre eux s’étant prononcés à deux reprises. 305 commentaires: c’est peu en regard de l’importance du problème ! C’est peu également si l’on compare avec le nombre de commentaires provoqués, par exemple, par la relation du « Casse-toi, pauvre con.. » dans Le Monde.fr: largement le double !! Il faut dire que dans le cas de la répartie de Sarkozy, ce sont essentiellement des internautes qui se sont exprimés. Et que dans le cas de la situation du Monde, ce sont des lecteurs « papier » qui se sont exprimés sur un support électronique parce qu’ils étaient privés de leur quotidien. Cela est tellement vrai que 48% des commentaires sont datés du 14 avril, 6% du 15 avril, 9% du 16 avril et 30% du 17 avril.

Que disent ces commentaires ? Dans l’ensemble, des choses assez banales, attendues, mais dont l’analyse fine et statistique permet de s’interroger sur un aspect du lectorat du journal et sur ce qu’il attend de son quotidien.

14% de ces commentaires expriment un soutien assez inconditionnel des grévistes, souvent sans aucune autre considération.

Et 14% de ces commentaires s’attachent au point de vue inverse, mais en se partageant plusieurs logiques:

  • la grève prend le lecteur en otage.
  • les grévistes sont également des actionnaires et, de plus, ils ont élu leurs dirigeants !
  • la raison de vivre d’un journal; c’est l’info. Ne plus diffuser l’info, c’est tuer le journal.
  • enfin, la grève, par la perte de ressources et la perte de lecteurs, ne fait qu’empirer la situation.

La limite à 500 signes des commentaires oblige à n’exprimer bien souvent qu’une seule idée. On s’attendrait pourtant à quelques rapprochements sémantiques. C’est ainsi que plus de 11% des commentaires attribuent la responsabilité de la situation au capitalisme sauvage, représenté par Alain Minc, le « tueur du Monde », Jean-Marie Colombani, Edwy Plenel et, parfois, Eric Fottorino, à la « nomination douteuse » et instrument des précédents. Derrière ces hommes, il faut voir Lagardère, Sarkozy, la « hyène libérale », … Croyez-moi, aucun de ces analystes n’apporte pourtant le moindre soutien aux grévistes.

Autre grande cause de désaffection du lectorat, ou à tout le moins de malentendu entre le journal et ses lecteurs: le contenu. Et ce sont près de 20% des commentaires qui y font référence. Le Monde a pris des « positions simplistes », il s’est « pipolisé », il « privilégie les scoops », il est « complaisant avec le libéralisme et le sarkozysme », à l’inverse il fait de la « ségôlatrie », il « manque d’intelligence, d’analyses, de débats », il « doit redevenir sérieux, honnête, indépendant, exigeant », il doit faire preuve de « plus de maturité, avec moins d’idéologie, là où seule la pluralité importe le Monde y participe de moins en moins »…, il prend des « positions moralistes douteuses », il est devenu un « journal militant de gauche qui a perdu son impartialité, pluralisme et démocratie n’y sont que de façade, la pensée dominante …domine », il ne « manque que l’horoscope, les titres géants et la pin-up »,…

Quel remède croyez-vous que proposent ces mécontents du contenu ? Près de la moitié d’entre eux proposent au quotidien de se « recentrer sur le cœur de métier », de faire un « exposé critique de l’info », d’avoir de la « tenue », de « revenir sur ses bases », de « retrouver le français, l’absence de photos, la profondeur, l’austérité, le sérieux, encore le sérieux, toujours le sérieux et, si possible, de l’objectivité ».

Ils sont ainsi 16% des intervenants à vouloir concrétiser ce sérieux par la suppression des suppléments publicitaires (modes et montres), mais aussi par la suppression des suppléments RadioTV, Argent, Mondes livres, New York Times, CD, DVD et autres « gadgets de fin de semaine ». Quand au Monde2, il déchaîne littéralement la fureur des commentateurs:  »racoleur, des photos en veux-tu, en voilà, pour les snobs, futile, élitiste et fumeux, « tendance », ennuyeux, inodore, photos « bourges », bling-bling, prétentieux, modernité de salon, bobo et déjanté ». Hé bien, quelle violence dans les jugements !!!

Alors, lorsque Lucie, intervenante du 16 avril, demande en toute innocence « pourquoi tant de haine contre le Monde2, ce beau magazine du week-end que j’aime bien », on s’arrête sur une autre partie de son commentaire: « les lecteurs du Monde ont cent ans !!« 

Et c’est vrai !! 15% d’entre eux revendiquent leur ancienneté, comme une médaille à la boutonnière:  »lecteur de 77 ans, lecteur depuis 1955, lecteur depuis 40 ans, 36 ans d’abonnement, 52 ans de lecteur », etc, etc … Comme si cela ne suffisait pas, AUCUN commentaire ne semble émaner d’un jeune qui aurait la fierté de le proclamer ! Pire, un (un seul) commentaire provenant d’une enseignante déclare que ses « étudiants ne lisent pas Le Monde parce qu’ils n’ont pas le temps et que c’est trop compliqué« .

Oui, Lucie, vous avez raison, les lecteurs du Monde ont cent ans ! Dans leur quasi majorité, tous ces vétérans regrettent la forme austère de Sirius (je pense que vous n’avez pas connu !) et veulent détruire au plus vite Le Monde2. J’ai lu pour vous tous les commentaires et j’ai quand même trouvé Marion, Patrick, Launi et le Prof Jean-Paul B qui disent aimer le Monde2. Avec vous et moi, ça fait SIX !!

Tout le monde n’est pas encore cité. 13% des commentaires n’apportent pas vraiment de contribution à l’édifice, certains sont même déplacés…

11 commentaires (c’est moins de 4%) sont là pour réclamer plus d’explications et d’informations sur les positions respectives de la direction et des salariés. C’est peu. Est-ce à dire que le traitement de ce dossier par le quotidien est satisfaisant ?

Enfin, alors que ces 305 intervenants se sont exprimés sur un support électronique, ils ne sont que HUIT à faire référence à l’internet et au Monde.fr, dont deux pour exprimer un point de vue négatif sur « l’internet qui permet à chacun de rester dans son réseau virtuel borné par son politiquement correct personnel » ou pour dire que « seul le journal permet une analyse sérieuse et intelligente et des débats. Pour le reste, la TV et l’internet suffisent ».

Et pourtant, l’avenir du Monde, s’il doit en avoir un et s’il n’est pas trop tard, passe nécessairement par les jeunes, par l’ouverture, la découverte et par l’internet.

DRH HHH a sans doute raison quelque part: « Que vous ayez des lecteurs capables d’écrire ce que je viens de lire sur les suppléments, est pour moi une découverte et sûrement la vraie raison du déclin« .