L’article n’est pas d’aujourd’hui, mais du numéro daté 4-5 mai. Il est signé par la Médiatrice, Véronique Maurus, et vise à dresser un inventaire des commentaires des lecteurs quant à la crise du « Monde ». Pas les mêmes lecteurs que ceux dont j’ai analysé les points de vue ici (La-situation-du-Groupe-Le-Monde). Non, il s’agit des lecteurs qui ont pris la peine d’écrire une lettre papier ou, à la rigueur, une lettre électronique. Nous ne savons pas combien ils sont, mais nous savons qu’ils se sont »exprimés sur un ton navré, mais courtois – loin, très loin des perfidies relevées sur la Toile ».
En une demi-phrase, en fait en 9 mots, est éliminé un aspect fondamental de la crise de la presse en général et de la crise du Monde en particulier. Il ne sera plus question de la Toile, de l’Internet, du Web tout au long des 971 mots que comporte cet article. Les lecteurs qui ont choisi ce média pour exprimer leur opinion ne sont pas dignes d’être pris en considération ( »fauteurs de perfidies ! »).
Et pourtant le rôle que joue le web dans la prise en compte de l’information, dans sa diffusion, dans la confrontation des points de vue différents, dans la circulation des idées, (y compris parfois des idées fausses, mensongères ou dangereuses …) est impérativement à prendre en considération si l’on veut définir un quotidien papier qui ait un SENS et une RAISON de vivre.
Véronique Maurus nous convie à une gentille analyse des lecteurs qui expriment leur sympathie au personnel, à la direction ou aux deux et qui proposent quelques pistes de réforme:
- augmenter le prix de l’abonnement, le prix de vente au numéro, créer des abonnements de soutien, devenir un quotidien du matin …
- supprimer les suppléments: NYT, Monde2, supplément montres, …
- enfin, se recentrer sur ce qui fait la personnalité du journal, l’information, l’analyse, l’investigation …
En lisant ce que pensent les lecteurs qui s’expriment sur lemonde.fr, elle aurait trouvé la même chose, mais dite avec plus de « violence ». Peut-être se serait-elle interrogée sur son lectorat, celui de son journal ? Et se serait-elle demandée pourquoi tant de lecteurs dénoncent-ils avec tant d’acharnement Le Monde2 ? Il y a là-dedans comme de l’amour-haine !!
Et pourquoi tant de lecteurs veulent revenir à un journal sérieux, qui ne fait que de l’information et de l’analyse de fond, qui a ses références auprès de Hubert Beuve-Méry ou Robert Escarpit, qui doit rejeter le sport vers l’Equipe, l’auto vers l’Auto-Journal, la mode vers Elle, les sciences vers Science et Vie…, etc … etc …mais qui doit nous éclairer sur les crises planétaires, …
Entre un quotidien qui évolue, qui cherche à s’adapter au 21° siècle, qui s’enrichit de suppléments parfois audacieux, qui se double d’une version électronique, et une partie du lectorat qui se raidit et se crispe parce que ces innovations ne relèvent pas de l’image qu’elle se fait de son journal, n’est-il pas en train de naître un véritable hiatus ? Déjà certains lecteurs parlent de désabonnement, de désaffection, de désenchantement.
Il est peut-être dur de lire les perfidies du Web, mais c’est sans doute là qu’on trouve les cris du cœur.