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Droits de l'homme

La sidération peut-elle déboucher sur une bonne idéologie ?

Voici presque deux mois nous avions soulevé ici-même la question de la signification dans le temps du mouvement « Charlie » et nous avions grandement douté qu’il puisse y avoir une perpétuation de celui-ci au cours des semaines ou des mois à venir. Notre analyse nous portait à croire qu’il s’agissait d’un mouvement de stress collectif, caractérisé par une sorte d’immobilisation mentale. Le phénomène « Charlie », un phénomène médiatique né de « communicants », et le discours officiel ont favorisé cette cristallisation. Il est évident aujourd’hui que ce mouvement d’unité nationale apparente ne s’est pas perpétué, tant sont nombreuses les divisions de la société et tant sont improbables toutes les tentatives faites pour y remédier si peu soit-il. Les résultats des prochaines élections départementales illustreront à merveille cette désaffection démocratique dont souffre notre pays, et que « Charlie », vide de sens, n’a fait que camoufler pendant quelques jours ou semaines.

S’il en fallait une preuve, il faut aller la chercher dans un sondage réalisé par le CEVIPOF, le Centre de Recherches Scientifiques de Sciences Po, un sondage annuel baptisé le Baromètre de la Confiance Politique. Un tel sondage est réalisé à peu près annuellement. cela a été le cas chaque année en décembre depuis 2009. En décembre 2014, soit un mois environ avant les douloureux évènements de janvier et la mobilisation « Charlie », s’est déroulée la 6° vague sondagière du CEVIPOF. Cet organisme a eu l’intelligente curiosité politique de renouveler exceptionnellement son enquête auprès des mêmes sondés fin janvier-début février 2015.
Les commentaires à propos de ces deux sondages ont été extrêmement discrets, et pour cause …

1864 personnes ont participé au premier sondage. 1524 personnes qui avaient toutes répondu au précédent sondage ont participé à la seconde vague. L’organisme de sondage précise que les résultats doivent être lus avec une incertitude de 1 point à 2,5 points au plus, compte tenu de la taille de l’échantillon.

Concernant l’état d’esprit général des français, il se traduisait en décembre 2014 par la lassitude (31%), la morosité (30%), la méfiance (26%), la sérénité (16%). Sept semaines plus tard, dominent la morosité (32%), la méfiance (32%), la lassitude (29%), avec un peu de sérénité (14%).
A l’affirmation selon laquelle « Les gens peuvent changer la société par leurs choix et leurs actions », 76% se déclaraient d’accord en décembre et 77% en février. A l’affirmation « J’ai une liberté et un contrôle total sur mon avenir », 51% étaient en accord en décembre et 52% en février.
Plus significatif est le jugement exprimé quant au fonctionnement de la démocratie. En décembre, il est « bien » pour 27% des sondés et « pas très bien » pour 73%. En février, les mêmes sondés se retrouvent 39% à estimer que la démocratie fonctionne bien et 61% qu’elle ne fonctionne pas très bien.
De même, s’ils étaient 72% en décembre à se déclarer fiers d’être français (26% pas fiers), les voilà 82% en février (17% pas fiers). On retrouve à l’évidence dans ces chiffres l’effet de coagulation causé par la mobilisation du Gouvernement, de la classe politique et des médias.

Cependant, allons plus loin.
A l’affirmation « Il y a trop d’immigrés en France », 67% se déclaraient d’accord en décembre. Ils deviennent 69% en février.
A l’affirmation « Il faudrait rétablir la peine de mort » », 47% se déclaraient d’accord. En février, ils sont 50%, pour la première fois.
« Les français musulmans sont des français comme les autres », 68% déclarent leur accord à cette formulation. « L’islam représente une menace pour la république Française », ils sont 56% à être d’accord !!
Il a été demandé aux sondés de la seconde vague (février 2015) s’ils avaient participé aux mobilisations des 10 et 11 janvier. A 73% leur réponse a été négative et à 26% positive. On n’épiloguera pas sur le fait que 25% de réponse positive à un sondage représentatif devrait entraîner des foules autres que celles qui ont participé aux manifestations ! Là encore, en février, l’effet mobilisateur se fait encore sentir.
Mais alors, quelles ont été les sentiments des sondés face aux attentats ? De l’indignation pour 90%, de la colère pour 82%, de la compassion pour 74%, de la peur pour 52%, de la haine pour 39%.
Et quand vous pensez aux marches des 10 et 11 janvier, qu’est-ce que vous éprouvez ? De la fraternité pour 75%, de l’espoir pour 69%, de la fierté pour 66%, de la méfiance pour 35%, de la peur pour 22% et de l’indifférence pour 13%.
Mis bout à bout, tous ces sentiments ne feront jamais une « politique ». Après « Charlie », les français se méfient encore un peu plus de la politique, encore davantage de l’islam, ils se replient sur eux et attendent un homme fort en guise de messie. Rendez-vous en décembre 2015 pour la prochaine vague du sondage.

Solidarité (C)Keith Haring

Cela n’a rien à voir avec les évènements de janvier 2015 (encore que …), mais il existe dans le « Baromètre » quelques questions récurrentes dont les réponses méritent d’être analysées et comparées.
Il en est ainsi de la vie démocratique: comment jugez-vous cette façon de gouverner le pays « Avoir à sa tête un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement ou des élections ». 48% des sondés trouvaient « bonne » cette affirmation en décembre, ils étaient 51% en février !
Enfin « Quelles sont les chances des jeunes de réussir aujourd’hui par rapport à leurs parents ? ». Pour 3% des sondés de décembre, ils ont plus de chances, pour 24% autant de chances et pour 72% moins de chances.

L’intégralité de ces sondages se trouve sur le site du CEVIPOF (http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/). Bonne lecture.

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Jouer avec le feu

C’est un sondage qui a été publié le 24 juin. Un sondage un peu « manipulé » comme d’habitude, puisque fait pour que l’on puisse commenter les résultats dans un sens pré-établi. Un sondage Ipsos-Logica pour France-Télévisions, Radio-France et Le Monde.

On y voit onze candidats se partager les suffrages des français: Nathalie Arthaud, un candidat du NPA, Mélenchon, Aubry OU Hollande OU Royal, Hulot, Bayou, Borloo, Villepin, Sarkozy, Dupont-Aignan et Le Pen. Vous y croyez, vous, à une telle liste ?

Le but est de monter que, quel que soit le candidat de gauche, il arrive en tête sauf Royal qui fait jeu égal avec Sarkozy.
Le but est de montrer que Sarkozy a un socle électoral de plus en plus restreint, ce que les chiffres ne démontrent pas si l’on compare avec ceux du 18 mai (précédent sondage).
Le but est de montrer que Le Pen stagne, ce que, là encore, les chiffres ne démontrent pas.

L’enseignement majeur est celui-ci. Quel que soit le candidat de gauche,Sarkozy se maintient à 19%. Quel que soit le candidat de gauche, Le Pen se maintient à 18 % (17% si c’est Hollande). Donc, le jeu est très serré. Si l’on retient que le taux d’erreur ou de « variation » est de plus ou moins 4%, cela veut dire que Sarkozy peut recueillir entre 18,2 et 19,8 % des suffrages et que Le Pen peut recueillir entre 17,3 et 18,7 % des voix. Ils peuvent donc mathématiquement et statistiquement se croiser !

A partir de là, on peut se livrer à toutes les suppositions possibles et imaginables, et notamment sur le report des voix de toute la bande des autres candidats (Villepin, Borloo, Bayou, Dupont-Aignan, ..). Le fait est là: Sarkozy-Le Pen sont dans un mouchoir.


Depuis quatre ans se développent un slogan et une attitude politique aussi dangereux l’un que l’autre: le « Tout Sauf Sarkozy ». Il s’agit bien davantage d’une « destruction » du bonhomme que d’une position politique argumentée. On la retrouve dans les montagnes d’insultes diffusées sur le net, mais aussi dans le traitement de certaines affaires ou les titres accrocheurs, tel « Le voyou de la République » de Marianne, ou le « sodomiser Sarkozy » de Didier Porte (et encore il l’a pas dit comme ça !) et Stéphane Guillon. On la retrouve encore très récemment dans les commentaires à propos d’un président qui aurait délibérément « engrossé Carla » pour assurer sa popularité !
Le « Tout Sauf Sarkozy » dit bien clairement que TOUT peut être essayé pour remplacer Sarkozy, donc y compris l’extrême-droite et le Front National de Marine Le Pen. Le « Tout Sauf Sarkozy » et ses manifestations outrancières et peu républicaines est un outil dans les mains de l’extrême-droite. Il est une faute dans les mains de la gauche !

Un exemple ? Celui d’un commentaire exprimé à propos du sondage cité plus avant. « Je suis de gauche, mais je voterai Le Pen au 1er tour afin d’être certain que Sarkozy sera éliminé. Je voterai pour la gauche au 2° tour, heureux que 80% des français votent pour un socialiste ! »

Il s’agit-là d’un jeu dangereux et il est fort probable que des militants de gauche y pensent. Mais RIEN ne prouve que les électeurs se reporteront en masse sur le candidat socialiste. RIEN ne prouve qu’un appel au « front républicain » soit entendu et suivi d’effet. Au contraire, le « Tout Sauf Sarkozy » permettra de se justifier et d' »essayer » un Front National qui aura réussi une mue de façade, mais qui sera toujours le même.

Pourquoi parler de cela sur ce blog ? Parce que personne, strictement personne, n’aborde cette éventualité. Et parce que laisser gagner le Front National, c’est rendre bien difficile la poursuite des thèmes de ce blog: développement et solidarité Nord-Sud.