« Chante comme si tu devais mourir demain, comme si plus rien n’avait d’importance, comme si c’était ta dernière chance, … » (citation libre)
(interprétée par Michel Fugain, avec des paroles de Pierre Delanoé et Shuji Katou)
« Si on devait mourir demain, toi, qu’est-ce que tu ferais ? Prendre l’avion, t’enfermer chez toi les yeux fermés, faire l’amour une dernière fois, boire et faire la fête, t’en fiche et te donner du plaisir, prier ou partir avant, … » (citation libre) (interprétée par Pascal Obispo, avec des paroles de Lionel Florence et Pascal Obispo)
Ils sont deux cents à avoir rédigé un texte intitulé « Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité », près de 180 artistes, chanteurs, cinéastes, acteurs, metteurs en scène, écrivains, chorégraphes, musiciens, accompagnés de 22 scientifiques leur servant de caution, le tout au masculin comme au féminin.
Il fut un temps où les gardiens de la morale, les conseilleurs en matière de bonne conduite et de choix afin de diriger sa vie étaient les prêtres et hommes d’église qui faisaient le prêche dans le but de l’édification des fidèles. Avec la séparation de l’Eglise et de l’État, ces donneurs de sermons ont été progressivement et successivement remplacés par les maîtres d’école, les enseignants, les philosophes, les sociologues, parfois les journalistes, enfin tous ceux et toutes celles (mais surtout tous ceux) qui sont à l’aise avec l’écrit, le discours et le commentaire.
Avec la fin du XX° siècle et avec la prise de conscience des questions environnementales, il a pu sembler un moment que les scientifiques seuls allaient prendre la relève. En 1992, ils étaient près de 1700 à lancer un premier appel alarmiste. 25 ans plus tard, en 2017, ils l’ont renouvelé en étant plus de 15300 à signer un même texte prédisant la fin de l’humanité et l’effondrement de notre civilisation industrielle.
Aujourd’hui, ce sont les femmes et les hommes de la Société du Spectacle qui se mobilisent ! Au nom de quelle expérience, au nom de quel vécu ? Rien, dans leurs métiers, qu’ils soient du domaine du divertissement ou de celui de la culture, ne leur donne mandat pour interpeller collectivement, en tant que réunion des artistes, le gouvernement et « le » politique. Certes, comme toute femme, tout homme, ils ont leur mot à dire. L’expérience Meetoo leur est certainement montée en tête et les voici qui se prennent pour les prédicateurs du XXI° siècle !
Espérons tout de même que leurs jugements soient plus clairvoyants que ceux de Marion Cotillard ou de Juliette Binoche à propos du 11 Septembre !
Le texte des scientifiques de 2017 allait jusqu’à réclamer une régulation de la population mondiale afin de circonvenir l’apocalypse annoncée.
Le texte des « 200 » publié ce 4 septembre 2018, comprend 241 mots, dont deux fois le mot cataclysme et deux fois le mot effondrement, tout en affirmant que les humains et autres espèces vivantes sont en situation critique. D’aucuns nomment cela la pédagogie de la catastrophe !
Or, il est de plus en plus évident que la catastrophe annoncée à grands cris ne mobilise pas grand monde. Soit parce que sa présentation est beaucoup trop caricaturale pour que l’on y croit ou pour que l’on estime pouvoir jouer un rôle pour la retarder. Soit parce que l’on en est convaincu, tellement convaincu qu’il ne reste plus qu’à suivre les conseils de Pascal Obispo et de Michel Fugain : penser à autre chose et chanter … ou prier. Les films catastrophe nous ont longuement représenté ce que sont les réactions des humains lorsqu’on leur apprend leur mort certaine pour dans un moment, pour demain ou dans les semaines ou mois à venir. Ils deviennent des lâches prêts à tout pour sauver leur peau, leurs biens ou alors, ils deviennent des héros ordinaires dévoués à tenter de sauver leur famille, puis leurs voisins, puis …
Plus fondamentalement, comment imaginer que des hommes et des femmes bercés par des siècles de culture leur inculquant le droit à se servir de la planète et de ses ressources, leur répétant « croissez et multipliez-vous, dominez, asservissez le monde, sa nature, ses espèces », comment imaginer que demain ils puissent croire à leur propre brutale disparition et se mobiliser collectivement pour empêcher qu’elle advienne ?
La thèse est tout à la fois irréaliste, absurde et totalitaire.
Dans leur position de prédicateur un tant soit peu orgueilleux, les « 200 » s’adressent « au gouvernement qui ne saurait être pris au sérieux s’il ne fait pas du sauvetage de ce qui peut encore l’être son objectif premier et revendiqué »
Quel gouvernement ? Un gouvernement mondial qui n’existe pas ? Le gouvernement de la France auquel on peut penser par le biais de la référence très actualisée aux lobbies ? Et où sont les artistes qui vont exiger la même chose du gouvernement allemand, du gouvernement italien, du gouvernement de Donald Trump, du gouvernement de la Chine, du gouvernement des pays dits en développement qui emplissent le continent africain ?
Car, quel gouvernement peut se permettre de prendre des positions radicales et « potentiellement impopulaires » s’il est le seul au monde ? Oui, je sais, la mondialisation vous fait horreur. Et pourtant, le monde est mondialisé !
La démission de Nicolas Hulot ne peut même pas vous être utile, en ce sens qu’il a été désigné comme ministre de la transition écologique. Heureux de quelques petits succès, il a été massacré sur l’autel des porteurs de choix radicaux parce qu’il a concédé que le glyphosate ne pouvait pas être interdit du jour au lendemain, ou parce que la réduction de l’empreinte du parc nucléaire ne se ferait pas, non plus, du jour au lendemain. Quant à la pédagogie de la transition, du passage vers autre chose, il est resté bien silencieux. Tout comme la révolution rouge (celle des marxistes de tous poils), la révolution verte ne se fera pas en passant par un GRAND SOIR !
Lorsque le temps leur est libre, entre deux films ou entre deux chansons, entre deux communiqués de presse, entre deux festivals ou deux émissions TV, pourquoi ces bons donneurs de conseils ne s’engageraient-ils pas dans des associations, ou dans leurs communes respectives, afin de travailler (oui, travailler!) à la réduction des déchets de leur quartier ou de leur ville, à la rénovation de leur centre-ville pour en améliorer les performances énergétiques, à réviser leurs déplacements au quotidien (par exemple, en ne prenant l’avion que si nécessaire et les transports en commun un peu plus souvent !), à diminuer la puissance de leurs véhicules, la surface et le nombre de leurs résidences, la dimension de leurs piscines, à mettre à leur table uniquement des produits de saison produits dans un périmètre le plus réduit possible et non de l’autre coté de la planète, à équiper leur logement et à se vêtir avec des articles durables, fabriqués par de vrais salariés et non des enfants,… ? La liste est longue, trop longue, de tout ce qu’ils pourraient faire. Certes, on ne parlerait pas d’eux, car cela n’aurait intérêt médiatique, … sauf celui de l’exemple.
Nous regrettons fortement que ce texte insignifiant ait bénéficié d’une page entière du Monde, page dans laquelle les deux cents signatures occupent davantage d’espace que les 241 mots de la déclaration : c’est là sans doute une nouvelle concession à la Société du Spectacle.
Car si la révolution verte doit se faire, elle ne se fera que par des petits pas quotidiens, résolus et déterminés, nous engageant toutes et tous, dirigeants comme salariés, élus comme citoyens, ici et là-bas à l’autre bout du monde, par la pédagogie de l’exemple, de la persuasion et de la conviction.
Étiquette : Pollution
De quel bois tu te chauffes ?
Comme à son habitude, Ségolène Royal vient de prendre une décision arbitraire et sans concertation aucune, s’appuyant sur ses seules convictions et sans s’inquiéter nullement de savoir si les dites convictions sont fondées ou non. Cela concerne l’interdiction des feux de cheminées en foyer ouvert dans une partie de l’Ile de France.
Des feux de cheminées, nous en avons parlé ici le 18 décembre 2007 (Gestion-des-déchets:-le-parler-vrai), cela fait donc SEPT ans, dans un post où il était d’ailleurs question pour la première fois des Chambarans et du projet de Pierre et Vacances. Dans ce post, nous avions signalé le haut niveau de pollution des feux de bois (et feux de jardin), une constatation déjà ancienne de plusieurs années (2001), mais ignorée par les écologistes qui faisaient l’amalgame entre « feu de bois » et « ressource naturelle et durable ». C’est ce même amalgame qui conduit aujourd’hui la ministre de l’écologie à faire des déclarations …. « ridicules ».
Les feux de cheminée, nous en avons encore parlé le 30 décembre 2007 (Feu-de-cheminée-et-pollution), mais il y était davantage question des émanations des chaufferies au bois: une pollution dont on ne parle pas encore beaucoup.
Enfin, le 27 avril 2008 (Feu-de-cheminée), nouvel essai pour dénoncer les pollutions du feu de bois et pour saluer l’initiative de la Californie afin d’interdire les cheminées ouvertes dans tout logement neuf et pour limiter l’usage du foyer ouvert lors des périodes de pollution.
Cette décision venait s’ajouter à la même décision déjà prise en Suisse, au Québec, au Canada, à Londres … D’autres interdictions suivront probablement, en Rhône-Alpes peut-être, là où des études démontrent que la pollution au feu de bois est supérieure à la pollution automobile.
Tour cela ne veut pas dire que le feu de bois est interdit. Il existe des dispositifs fermés, disposant d’une combustion suffisante pour réduire au maximum les impuretés et les poussières. Il existe également des dispositifs brûlant des « pellets », ou granulés de bois. Mais à Paris intra-muros, le feu de bois, quel que soit l’appareil, c’est fini !
Afin de compléter vos informations sur le sujet, voici ce qu’en disent les « Décodeurs » du Monde (http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/09/les-feux-de-cheminees-sont-ils-si-polluants_4537257_4355770.html).
Bonne lecture.
Mon ancienne voiture
Renault m’a fait récemment parvenir une publicité, illustrée d’une crème anti-âge, me précisant qu’il y a plus efficace pour rajeunir mon ancienne voiture. Bravo à Renault qui suit parfaitement ses clients et sait leur rappeler que leur voiture vieillit, quand bien même la mienne n’a pas encore 5 ans !!
La méthode de rajeunissement proposée est ni plus ni moins celle de l’achat d’un nouveau véhicule. La prime à la casse laisse des traces. Selon le Ministère de l’Industrie, au 14 décembre 2010 ce sont 563434 véhicules qui ont été retirés du circuit en 2010 pour être conduits à la ferraille. Tous véhicules âgés, mais pas tous véhicules hors d’usage. Aucune réflexion n’a été entreprise pour savoir si certains n’auraient pas pu être recyclés auprès de jeunes, ou auprès d’associations, après expertise bien entendu. Mais tous ont été détruits au motif de la lutte contre la production de CO2.
Cet objectif au moins a t-il été atteint ? Pas si sur !
TerraEco (http://www.terra-economica.info/La-prime-a-la-casse-est-elle,8571.html) s’est livré à un petit calcul rapide et sommaire qui prouve le contraire.
En 2009, la moyenne CO2 par kilomètre parcouru sur le parc automobile français tous âges confondus était de 176 g/km.
Après le retrait des véhicules concernés par la prime à la casse et leur remplacement, cette moyenne est tombée à 169 g/km en 2010. Soit sur la base de 12798 km parcourus en moyenne par chacun des 37,5 millions de véhicules français (UN pour DEUX habitants), la production de CO2 a été abaissée de 3,3 millions de tonnes en un an.
Or, dans le même temps, chaque voiture détruite a été remplacée par un véhicule neuf fabriqué sur l’une ou l’autre des chaînes de montage. TerraEco prend l’exemple d’une Laguna dont la fabrication est responsable de l’émission de 4,7 tonnes de CO2, un chiffre assez comparable quel que soit le type de véhicule. Ainsi donc les 563434 véhicules “échangés” dans le cadre de cette opération ont entraîné la production de 2,65 millions de tonnes de CO2.
Au total le bénéfice de l’opération n’est que de … 650 000 tonnes. Encore faut-il remarquer que ces calculs ne prennent pas en considération les coûts liés à la destruction des véhicules retirés de la circulation. Le bénéfice écologique de l’opération est donc quasi nul.
Certains vont se rassurer en disant que le nouveau véhicule va produire moins de CO2 pendant les quelques années de son existence et, donc, qu’à la longue, la balance sera moins négative. Oui, certainement, même si le gain restera à la marge.
Quant au bénéfice écologique personnel, prenons un automobiliste lambda qui a fait l’acquisition d’un nouveau véhicule qui produit 169 g au lieu de 176 g/km de CO2. Au cours d’une année (12798 km !), il économisera 90 000 grammes de CO2 ! Pour compenser les 4,7 tonnes liées à l’achat de son nouveau véhicule, il devra rouler avec son nouveau véhicule pendant … 52 ans. TerraEco a pris l’exemple d’une Twingo plus économe et le temps de conduite nécessaire n’est que de … 28 années.
Moralité: il y a encore beaucoup à faire pour réduire l’impact écologique de la voiture. Et ce ne sont pas les opérations de prime à la casse ou de prime de rajeunissement qui peuvent y contribuer. Ces opérations n’ont qu’un seul objectif; celui de maintenir en vie tout un secteur économique majeur dans notre pays comme dans tous les pays industrialisés. Ce secteur ne concernent pas seulement les fabricants d’automobiles ou d’accessoires, mais aussi le circuit des concessionnaires, des garages, des carrossiers, des additifs, des carburants, de la publicité, des routes, autoroutes et rond-points, et j’en oublie certainement.
2012 verra probablement apparaître les premières voitures électriques de qualité et de compétences (autonomie) suffisantes pour en faire de vrais véhicules. Connaît-on aujourd’hui le coût écologique de fabrication d’un tel véhicule et de ses batteries ? Connaît-on le cout écologique de la recharge de celles-ci et de son traitement en fin de vie ?
Renault (encore lui) fait de la Zoé (http://news.autoplus.fr/news/1437514/Genève-2011-présentation-stand-Renault-ZOE-PREVIEW) un vrai cheval de bataille. Mais toute la stratégie en reste encore et toujours à la voiture individuelle toujours et partout. Chaque année, le coût unitaire d’un ticket de train augmente, alors qu’il devrait diminuer, seule solution pour transférer des usagers vers ce moyen de transport collectif. Les parcs de stationnement à l’entrée des villes devraient être obligatoires et reliés au centre de la cité par un réseau dense et permanent de véhicules de transport en commun, sortes de taxis électriques gratuits. Il ne s’agit pas de supprimer la voiture individuelle, mais de ne lui laisser le champ libre que dans un domaine restreint dont la ville sera nécessairement exclue. Et pour cela, il faut faire évoluer (formation, conversion) tous les secteurs économiques précédemment cités. Une lourde charge …
Tout un changement de mentalité et de comportement.
Dans “Le Monde” du 31/10/10 est paru un entretien avec Dominique Bourg, professeur à la faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL (Université de Lausanne) sur le thème de la nécessaire réforme de la démocratie si l’on veut faire face aux problèmes environnementaux.
Après avoir dressé un tableau désormais classique de disparition des espèces (sixième extinction) et de raréfaction des ressources, Dominique Bourg affirme tout crûment que la démocratie actuelle est incapable d’affronter ces problèmes et doit donc être réformée.
Elle en est incapable parce que:
- les élus sont régulièrement soumis au jugement des individus selon le principe de la démocratie représentative. Or, les individus ne sont capables que d’un jugement spontané n’ayant rien à voir avec la durée dans le temps des problèmes environnementaux. De plus, les élus sont enclins à satisfaire les intérêts immédiats et particuliers de leurs mandants et non les intérêts globaux.
- les individus sont formatés depuis le début de l’ère de la consommation par l’enrichissement matériel, clef du bien-être. Egoïstes, ils ne sont pas disposés à changer en faveur de moins de production et moins de consommation.
- enfin, notre vie démocratique accorde une prime au court-terme et a bien du mal à prendre en compte les intérêts du futur.
Face à une analyse aussi sinistre, aussi négative et aussi pessimiste de notre vie démocratique, l’auteur propose une modification de notre constitution et une modification de nos institutions.
En ce qui concerne la constitution, il conviendrait d’ajouter deux nouveaux objectifs à l’Etat: celui de « veiller à la sauvegarde du bien commun qu’est la biosphère » et celui de « soumettre les ressources naturelles à une gestion internationale concertée ». Mais comme l’auteur est bien incapable de faire confiance, ni à l’Etat, ni aux futures instances internationales chargées de gérer ces deux dossiers, il envisage de modifier nos institutions.
En créant une “Académie du futur”, composée de chercheurs de tous pays qui auraient pour mission d’exercer une veille sur l’état de la planète et de faire des propositions aux “politiques”.
Au coté de cet aréopage distingué, un nouveau SENAT, en amont de l’Assemblée, élaborerait les mécanismes législatifs permettant de répondre aux nouveaux objectifs introduits dans la Constitution.
Ce SENAT serait constitué de 2/3 de “personnalités qualifiées” proposées par les ONG et d’1/3 de “citoyens”. Avec l’aval de “conférences de citoyens” (?), il aurait le pouvoir d’opposer son veto aux propositions de loi jugées contraires aux objectifs.
Voilà pour ces propositions ahurissantes qui rejoignent d’autres comportements tout aussi totalitaires. La populace est incapable de comprendre, la démocratie est trop lente, remplaçons-les par des experts et des représentants “éclairés” du peuple !! Toutes les dictatures (toutes !) ont tenu ce langage liminaire. Dans cet exemple, il est inquiétant de constater que Dominique Bourg fait partie de la Fondation Nicolas Hulot, que cet entretien publié dans “le Monde” l’a été également sur le blog (http://www.fondation-nicolas-hulot.org/blog/entretien-avec-dominique-bourg-un-systeme-qui-ne-peut-repondre-au-defi-environnemental) de la Fondation Nicolas Hulot et qu’il n’y a fait l’objet d’aucun commentaire.
“Le Temps“, quotidien suisse, a publié dans son édition du samedi 13 novembre 2010 un article consacré au livre que Dominique Bourg et Kerry Whiteside ont consacré à ce thème de l’inadaptation de notre démocratie: “Vers une démocratie écologique: le citoyen, le savant et le politique”. Cet article d’Etienne Dubuis, intitulé “Vers une dictature écologique”, rejoint tout particulièrement mes critiques. Le voici »in extenso ».
“L’environnement figure parmi les enjeux cruciaux de notre temps. L’homme a étendu à tel point son empire qu’il risque d’épuiser un certain nombre de ressources naturelles non seulement au niveau local mais aussi à l’échelle globale. Il se doit, par conséquent, de se préoccuper de son impact sur la planète et d’adapter son comportement à ce nouveau défi. Il reste à savoir comment. Un livre récemment paru répond à ce souci: Vers une démocratie écologique de Dominique Bourg et Kerry Whiteside, respectivement professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne et professeur de sciences politiques au Franklin & Marshall College en Pennsylvanie.
Pour les deux auteurs, l’heure est dramatique. «Les dégradations que l’humanité inflige aujourd’hui à la biosphère sont sans précédent, assure d’emblée leur ouvrage. Elles menacent notre bien-être collectif, l’équilibre économique et politique du monde, l’avenir des générations futures.» Or, selon Dominique Bourg et Kerry Whiteside, cette évolution a pour responsable la «démocratie représentative», qui serait incapable de s’élever au-dessus de l’égoïsme et de l’aveuglement des électeurs.
Vers une démocratie écologique propose de changer en conséquence les institutions. Il suggère de donner à la défense de la Nature une place prépondérante dans le jeu politique et de limiter le pouvoir des citoyens ordinaires. La pièce centrale de ce nouveau régime serait une Chambre haute du Parlement, le «Sénat», qui aurait le pouvoir d’«opposer son veto à toute proposition législative allant à l’encontre des objectifs constitutionnels». Objectifs parmi lesquels figureraient le «principe général de finitude» (des ressources) et, son corollaire, le «principe de précaution».
Comment seraient choisis les sénateurs? Ils seraient tirés au sort sur une liste de candidats constituée par des organisations non gouvernementales spécialisées dans la défense de l’environnement. A titre de variante, Dominique Bourg et Kerry Whiteside proposent qu’un tiers d’entre eux puisse être issu de la population «ordinaire», et ce, par tirage au sort pour éviter toute intrusion d’intérêts particuliers. «Des attachés parlementaires dotés d’une bonne culture scientifique devraient également permettre de faciliter le travail d’acculturation de ces nouveaux sénateurs», est-il précisé.
Dans la même veine, une «Académie du futur» formée de spécialistes de l’environnement et de philosophes serait chargée «de conférer un sens précis, scientifiquement informé» aux objectifs constitutionnels. Bref, d’indiquer sans appel la marche à suivre.
L’ouvrage ne manquera pas de séduire quelques écologistes radicaux. Mais il pèche de nombreuses façons et d’abord par ce qu’il tait.
Ce qu’il tait? Que le régime proposé n’est pas une démocratie, comme prétendu, mais une dictature. Le peuple n’est plus souverain lorsqu’une institution non issue de lui a le pouvoir de décider des lois. Or c’est bien ce qui est prévu. Les sénateurs sont choisis par une minuscule minorité de militants écologistes, qui ne peuvent en rien prétendre représenter l’ensemble des citoyens. Et, avec leur droit de veto, ils ont la capacité de trancher sur toutes les questions environnementales. Ce qui signifie qu’ils décident de tout, puisque l’environnement concerne de près ou de loin les domaines de l’existence les plus variés, de l’alimentation à la morale, en passant par les transports, la santé, l’éducation, etc.
Le projet est vieux comme la civilisation occidentale. Depuis l’Antiquité grecque, il s’est toujours trouvé des hommes pour estimer que les savants sont mieux placés que le commun des mortels pour gouverner. Vers une démocratie écologique reprend le thème sous une forme vaguement modernisée par la préoccupation environnementale. Il traduit une fascination pour le Savoir et ses détenteurs officiels, qui n’a d’égale qu’un mépris total pour l’homme ordinaire, décrété incapable de prendre la mesure des problèmes environnementaux parce qu’il ne les a pas sous les yeux.
La réalité, évidemment, est tout autre. Le Savoir n’existe pas. Il n’existe qu’une infinité de savoirs, d’ailleurs souvent approximatifs, sur des domaines extrêmement limités. Un physicien des hautes énergies possède un formidable bagage pour pénétrer les secrets de la matière. Mais il ne peut prétendre en dehors de sa spécialité posséder des connaissances susceptibles de le placer au-dessus du lot. Or la politique ne s’occupe pas d’un seul sujet, fut-il aussi large que l’environnement, elle empoigne tous les sujets. Et son objet n’est pas la connaissance mais l’action, qui suppose un type très différent, beaucoup plus complexe, de relation au monde.
Quant à l’opposition du savant transcendé par la connaissance et du pauvre pékin conduit par ses bas instincts, elle a paru sans doute nécessaire à la démonstration, mais elle ne tient pas. Comme si les esprits les plus instruits n’étaient pas mus également par leurs propres intérêts! Et comme si le peuple n’était pas capable d’écouter les experts! La différence entre la «démocratie représentative» et la soi-disant «démocratie écologique» prônée par Bourg et Whiteside n’est pas que la première ignore les avis éclairés. C’est que la seconde est formatée pour ignorer le peuple et ses aspirations”.