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Le Faubourg Saint-Laurent, à Saint-Marcellin – VI

CROZEL, DUTRUC, GUTTIN, THOME, … ou le gîte et le couvert

V – Un hôtel inséré dans l’économie locale

Robert Faraboz est un éminent collectionneur de cartes postales anciennes et de vieux papiers. A ce titre, il a publié plusieurs ouvrages dont deux compilations de cartes postales anciennes concernant Saint-Marcellin et les environs. Il a cédé à la Ville de Saint-Marcellin de nombreux papiers, dont l’intérêt réel n’est pas toujours évident de prime abord. Il en est ainsi d’un lot de factures adressées par de nombreux commerçants saint-marcellinois à l’hôtel Guttin entre 1905 et 1939, soit depuis les débuts de l’hôtel jusqu’à l’entrée en guerre. Toutes ces factures permettent de témoigner des relations que les Guttin ont nouées avec les commerçants et artisans locaux.

Parmi plus d’une cinquantaine de fournisseurs, Emile Monnet se charge de la Mousseline des Alpes en 1924 et du Pernod et du Cointreau en 1937 ; Henri Buisson Fils prend à son compte la livraison de bière et de pommes de terre ; Léon Picot, négociant en vins en gros, briques, tuiles, bois de construction, chaux, ciments, charbon et engrais, fournit le vin rouge de table en 1924 et un Côtes-du-Rhône à 9° en 1932 ; G. Giroud, 2 rue de Chevrières, se charge des oignons, des tomates, et autres légumes en 1925 et 1926 ; l’Etablissement d’Horticulture Guillot Fils livre les fleurs d’ornement pour les jardinières et pour les chemins de table, chaque année entre 1925 et 1933 ; la laiterie Guille, devenue Guille et Vincent, entre 1927 et 1939 est un fournisseur fidèle de lait (330 litres en juillet 1938, 305 litres en mai 1939), de crème et de beurre. Pour sa part, le garage Gsegner, ancienne maison Mandier, agent Renault, de 1926 à 1936, prend en charge l’essence, l’huile, les pneumatiques et toutes les révisions des véhicules de l’hôtel, tout en changeant régulièrement d’exploitant : Edouard Laye, puis M. Vinay. De 1933 à 1938, c’est Jean Rojat, Nouveautés et Confection, à l’angle de la rue de Beauvoir et de la Grande-Rue, qui fournit draps, stores, toile à matelas et laine. En 1936, la quincaillerie Mandier et Rodet assure les recharges de gaz.

Outre ces très nombreuses factures, se trouvent également des reçus justifiant de tel ou tel abonnement, par exemple au « Journal de Saint-Marcellin » pour sept francs entre le 1er mars 1921 et le 28 février 1922, et dix francs entre le 1er mars 1927 et le 28 février 1928. L’adhésion à la Chambre Syndicale de l’Hôtellerie de Grenoble et du département de l’Isère, en 1923, est de quinze francs. La cotisation à la Compagnie des sapeurs-pompiers de Saint-Marcellin est de dix francs en 1924. Le 17 juillet 1931, c’est au Cercle Littéraire que Monsieur Guttin règle la cotisation du second semestre 1931 pour un montant de soixante francs. Le 5 mars 1932, Madame Vve Guttin et son fils cotisent en tant que Membres Honoraires à la Lyre Saint-Marcellinoise pour un somme de quinze francs.

En guise de conclusion du chapitre consacré à l’
« Hôtel de France », et pour souligner l’engagement des Guttin dans la vie sociale de Saint-Marcellin, voici la photographie de la carte d’adhérent de René Guttin à l’association sportive de la Jeanne d’Arc, en 1911, il n’a que 12 ans, mais il fait déjà partie de la communauté saint-marcellinoise.

Carte d’adhérent Jeanne d’Arc – Guttin René – 1909

VI – Hôtel Thomé

Mais qui est Joseph Eloi Thomé , patron de cet hôtel qui s’installe rue Saint-Laurent à une centaine de mètres de l’actuelle place Lacombe-Maloc ? Né à Crépol, dans la Drôme, de Joseph-François Thomé, cultivateur, et de Philomène Anaïsse Finot, le 29 novembre 1880, Joseph Thomé se consacre à la cuisine puisque lors de l’établissement de sa fiche matricule militaire, à l’âge de 20 ans, il est cuisinier à l’Hôtel de l’Europe, à Romans-sur-Isère.

Il est incorporé le 16 novembre 1901 dans le 30° Régiment de Chasseurs à pied, puis le 14° Escadron du Train et renvoyé dans la disponibilité le 5 octobre 1904.

Début 1906, Joseph Thomé est cuisinier de l’« Hôtel de France », mais à Tunis ! Sa fiche matricule le signale à Crépol à la fin de cette même année, mais est-ce que cela signifie qu’il a quitté définitivement la Tunisie ? Ce n’est que le 4 septembre 1909 qu’il est noté comme étant domicilié à l’« Hôtel de France » de Saint-Marcellin, domiciliation confirmée le 19 juillet 1912.

Le 29 mai 1911, il épouse, à Saint-Marcellin, Adeline Pélagie Roche. Il restera encore deux ans à l’« Hôtel de France » puisque la première guerre entraîne sa re-mobilisation à dater du 5 août 1914, immédiatement après le décret de mobilisation générale en date du 1er août 1914. Blessé à deux reprises à Sainte-Marie-aux-Mines et à Bischwiller (Bas-Rhin), toujours demeuré simple soldat, il est démobilisé le 23 février 1919 et se retire à Saint-Marcellin. Sept ans et demi de sa vie auront été consacrés à la défense de notre pays.

A dater de février 1919, Joseph Thomé reprend sa place comme cuisinier de l’« Hôtel de France », et ne la quitte qu’après la démobilisation et le retour à Saint-Marcellin de René Guttin, en novembre 1922.

A quelle date Joseph Thomé ouvre-t-il son hôtel rue Saint-Laurent ? Sans plus de précision, cela se passe entre 1922 et 1926 puisque le recensement de 1926, ainsi que la « liste électorale » de 1931, signalent dans cette rue Saint-Laurent, la présence de Joseph Thomé, hôtelier, de Pélagie Thomé, son épouse et de Pierre Thomé, leur fils unique âgé de 14 ans, car né en 1912. Joseph décède le 6 octobre 1938, il n’a que 57 ans. Son épouse, Pélagie, décède quatre ans plus tard, le 11 octobre 1942, à 53 ans. Ce n’est pas leur fils Pierre qui prend la suite de ses parents à leurs décès puisqu’il est successivement clerc de notaire, assureur et banquier. Par contre, Catherine Vanzo, qu’il a épousé le 26 juin 1936, à Saint-Marcellin, travaille à l’hôtel mais bien peu de temps puisqu’elle décède en 1947, à l’âge de 36 ans.

Elle est la fille de Jean Vanzo et de Margherite Tomasi, tous deux probables immigrés italiens, lui étant employé de la Manufacture de poils pour la chapellerie à Saint-Marcellin. Sur son acte de mariage, Catherine Vanzo est née le 25 juillet 1910 à Gottschee, en Yougoslavie. Gottschee est le nom allemand de la ville de Kočevje, dans l’actuelle Slovénie, car en 1910, la ville à dominante germanophone fait partie de l’Empire austro-hongrois. Ce n’est qu’en 1918 qu’elle est rattachée au Royaume slave de Yougoslavie.

En outre, sur son acte de mariage, Catherine Vanzo est dite domiciliée à Saint-Marcellin et à Solagna, en Italie.

Sur la droite, Joseph Thomé

Cet hôtel se distingue des autres hôtels saint-marcellinois par son parc, largement valorisé par une carte postale de l’époque, un parc situé entre la rue Saint-Laurent et le cours Vallier, ouvert sur les jardins des pépinières Guillot. C’est là que la famille Serf s’installe en juillet 1943, après un bref arrêt à l’« Hôtel de France ». Elle n’y reste pas longtemps puisque la famille Cattot lui loue une villa au 9 de la rue du Mollard, villa qu’elle occupe jusqu’à son retour à Paris, en octobre 1945, avant que leur fille Monique devienne Barbara. (http://francois.faurant.free.fr/biographie/barbara_biographie.htm).

L’hôtel-café-restaurant à l’enseigne « Nouvel Hôtel », ou « Hôtel Thomé » est vendu à René Enfantin, originaire de Saint-Lattier, le 1er juin 1962 (BODACC-16/06/1962-page 11539). Deux ans plus tard, le 1er mai 1964, l’enseigne de l’hôtel est modifiée pour devenir « Hôtel du Parc » (BODACC 1964-page 7663). Ce changement de nom se veut une référence à Vichy, la ville de naissance de l’épouse de René Enfantin. C’est d’ailleurs dans cette ville que René Enfantin décède en décembre 2009. Quant à l’hôtel, il est vendu à la SARL « Hôtel du Parc » le 1er juin 1974.

Contributions et sources

Les références relatives aux informations émises par ce travail sont généralement insérées au fur et à mesure dans le texte.

Les Archives Départementales de l’Isère et les Archives Municipales de Saint-Marcellin (Etat-civil et Cadastre Napoléonien 4P4-411) ont été abondamment mises à contribution.

Une mention très exceptionnelle doit être réservée à Simone Guttin, dernière représentante de la lignée des Guttin, restaurateurs et hôteliers propriétaires de l’« Hôtel de France », laquelle a suivi avec attention et critique l’avancée de notre travail.

Sont à citer également : Catherine Guerry, Marguerite Tomasi, « Gilou » Marchand,

Les membres de Groupe Rempart, association patrimoniale de Saint-Marcellin, sont remerciés des précisions et renseignements apportés lors des interrogations de l’auteur, notamment Marina Bertrand et Marc Ellenberger.

Jean BRISELET, membre de Groupe Rempart

15 novembre 2024

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Le Faubourg Saint-Laurent, à Saint-Marcellin – V

CROZEL, DUTRUC, GUTTIN, THOME, … ou le gîte et le couvert.

Le 5 juillet 1934, le Chicago Daily Tribune publie un reportage consacré au tourisme en France et notamment dans les Alpes, le Dauphiné et la Côte d’Azur. La mention est modeste ; « At the Hôtel de France, at St-Marcellin, René Guttin, the chef de cuisine, prepares a number of delicious dishes, among which is foie gras à la gelée, truite à la Hussarde and fraises Chantilly are worthy of the highest praise », mais elle atteste que le restaurant n’a rien perdu de sa grandeur et que la carte des menus conserve des valeurs sûres.

Le tramway qui faisait halte en face de l’hôtel cesse de fonctionner en 1935. Mis en service le 6 avril 1908 et inauguré presque six mois plus tard, il n’aura rempli son office qu’un peu moins de 27 années. René Guttin est classé dans le Guide Michelin de 1937 avec deux étoiles (« vaut le détour ») pour sa gastronomie.

Le tramway TOD-TDI place Lacombe Maloc. En arrière-plan, ce qui fut l’Hôtel du Palais Royal

Le déclenchement de la guerre 1939-1945 entraîne une nouvelle mobilisation de René Guttin, âgé de 40 ans. Sa fiche matricule ne consacre qu’une ligne mentionnant sa
présence au Dépôt d’Infanterie 143 (T-M-55G/EMA), le 8 janvier 1940. Le 143° est un ancien régiment de réserve dissous en 1924, réactivé à Narbonne le 2 septembre 1939.
La fiche matricule de René Guttin ne fait état d’aucun mouvement, ce qui ne permet pas de dire pendant combien de temps il a du abandonner l’hôtel. Cependant, il semble qu’il n’ait jamais quitté Grenoble avant d’être démobilisé.

René Guttin en 1940 (à droite) – DR

Le 1er juillet 1940, un détachement motorisé allemand s’installe à Saint-Marcellin. Cette occupation est de faible durée puisque de trois jours. Sur réquisition du maire de Saint-Marcellin, Georges Dorly, le commandant et son état-major s’installent à l’« Hôtel de France » pendant que la troupe, quelques 300 hommes, se répartit chez l’habitant. Durant ces trois jours, René Guttin étant encore mobilisé, les officiers vident la cave du champagne et boivent un peu trop de vin, ce qui les conduit à quelques altercations et menaces envers Hortense Guttin. Ils sont heureusement rapidement recadrés par l’Oberleutnant.

1er juillet 1940 – Affichette de l’occupant

Pendant la guerre 1939-1945, quelques citations de l’Hôtel ont été retrouvées dans la presse locale. En septembre 1940, René Guttin fait partie des délégués régionaux du Comité de Ravitaillement des hôteliers et restaurateurs. Le 1er mars 1941, le « Journal de Saint-Marcellin » publie un long article, sur deux colonnes, relatif à la prestation de serment des légionnaires du canton de Saint-Marcellin, réunion qui a eu lieu le dimanche 23 février après un vin d’honneur et un déjeuner à l’Hôtel Guttin.

Entre mars et août 1944, plusieurs centaines de réfugiés en provenance de la région de Toulon sont hébergés dans notre région. Un document manuscrit établi après le 29 novembre 1946 fait le recensement des hébergeurs en ce qui concerne la ville de Saint-Marcellin. L’Hôtel de France, tout comme l’hôtel Thomé, fait partie de cette liste. (Archives municipales 6W31)

A la Libération, c’est le « Cri de la Vallée » qui, à deux reprises, nous fait part de repas organisés à l’Hôtel Guttin ; le 28 décembre 1944, par le Comité de Libération qui y organise un arbre de Noël et un goûter pour les enfants des FFI, des prisonniers, des sinistrés du bombardement, des fusillés du Vercors, et le 5 janvier 1946, par la section des Prisonniers de Saint-Marcellin et Saint-Sauveur qui y organise un arbre de Noël.

Entre 1944 et 1952, Pierre Quoirez, directeur de la CGE-FAE (Fabrique d’Appareillages Electriques) et père de la future Françoise Sagan, prend pension à l’hôtel et mange même à la table familiale lorsque sa famille n’est pas à la Fusilière. Anecdotiquement, Françoise Quoirez-Sagan et Monique Serf-Barbara ont toutes deux fréquenté l’« Hôtel de France » de façon minimale, alors qu’elles vivaient à Saint-Marcellin, mais sans jamais faire connaissance l’une de l’autre.

La fin de la guerre n’apporte pas la reprise attendue, les restrictions alimentaires qui se poursuivent pendant encore de longues années, une grave pneumonie que contracte en 1947 René Guttin sauvé par la toute nouvelle pénicilline, tout cela n’est pas facile à vivre.

Cependant arrivent les années 50 au cours desquelles l’hôtel se refait une façade élégante et assez graphique, proposée par l’architecte de la CGE, comme en témoigne cette carte postale qui a circulé en 1951. Probablement parce qu’elle est jugée trop vétuste, la tour des remparts qui subsistait à l’angle des places Déagent et Lacombe-Maloc est détruite par la municipalité en cette même année 1951, faisant ainsi disparaître l’une des dernières constructions éminemment visibles des remparts de la ville.

Carte postale ayant circulé en 1951

La tour d’angle des remparts, détruite en 1951

Le guide touristique de la MAAIF, Mutuelle Assurance Automobile des Instituteurs de France, une institution qui, à cette époque, dépassait largement le cercle des enseignants, édition de 1955, ne signale pas l’« Hôtel de France » à Saint-Marcellin dans le cadre de ses fiches départementales recensant une sélection des bonnes adresses d’hôtels et de garages. Dans notre région, seul l’hôtel Bonnard, de Pont-en-Royans, est cité.

Et notre histoire a de nouveau rendez-vous avec la tragédie. René Guttin est victime d’un accident de la route en revenant de Valence où il est allé rencontrer son ami Pic, le restaurateur. Les blessures sont légères, mais une crise d’urémie entraîne son décès le 6 juin 1956, âgé seulement de 57 ans et quelques mois. Son épouse Hortense assure la relève, avec sa fille Simone, toutes deux aidées par Simon Ferrier, cuisinier. L’hôtel a gardé son attractivité, mais tout est difficile, à commencer par l’indispensable modernisation de l’établissement dans lequel s’arrêtent Fernandel, Line Renaud, … à la fin des années 50.

Les archives de Saint-Marcellin possèdent une déclaration de mutation du débit de boissons de l’« Hôtel de France », datée du 27 septembre 1963, soit tout de même sept ans après le décès de René, et conclue entre Madame Veuve Guttin Hortense, hôtelière, propriétaire déclarée depuis le 25 juillet 1956, soit immédiatement après le décès de René, et Monique Coppens, née en 1942, et Henriette Coppens veuve Louis, née en 1892 (une tante de Monique), lesquelles assureront l’exploitation de ce débit de boissons à partir du 15 octobre 1963. Cette mutation du débit de boissons peut être étendue à une mutation plus globale de l’ensemble de l’« Hôtel de France », dans la mesure où l’acte de transfert du fonds hôtelier doit se trouver plus vraisemblablement en étude notariale. L’hôtel garde son nom et les nouveaux propriétaires, pour quelques années, sont les Coppens. Puis, il reste longtemps endormi, inutilisé, fermé …

Déclaration de mutation Guttin – Coppens

La place Lacombe-Maloc subit une nouvelle transformation, puisque le bâtiment qui jouxtait et abritait partiellement la distillerie Dutruc, puis l’imprimerie Gillet et Rodon, est détruit en 1971 afin de laisser place à la déviation de la Grande-Rue (RN 92) et à la création du boulevard Beyle-Stendhal. Avant sa destruction, cet immeuble fut la « Villa Bonne » qui abritait le Docteur Louis (Camille) Bonne (né en 1879), son épouse et ses sept enfants dont Louis (Marie Ernest), médecin très connu à Saint-Marcellin où il décède en 1981 (Archives Municipales-Recensement de 1931). Plus tard, entre 1967 et 1970, les appartements de cet immeuble sont transformés en dortoirs de 5-6 lits pour la trentaine d’internes des classes de 6° et 5° du Collège de garçons. Le matin, ainsi qu’aux heures de pause, les « pions » prenaient le café ou se restauraient en face, « chez Guttin » – bien que, on l’a vu, « Guttin » n’était plus « Guttin » depuis 1963.

Bâtiment démoli en 1971 – La porte « Romain Dutruc » se devine

L’Hôtel de France après 1963

A suivre !

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Le faubourg Saint-Laurent, à Saint-Marcellin – IV

CROZEL, DUTRUC, GUTTIN, THOME, …ou le gîte et le couvert.

En 1905, selon une carte postale affranchie cette année-là, la devanture de l’hôtel n’a pas changée, par contre l’auvent de toile protégeant la terrasse a été supprimé, les arbustes sont toujours dans les mêmes bacs de bois et le cheval, de blanc, est devenu sombre.

Carte affranchie en 1905

En 1906 (Archives Municipales 1F14), Jules Pierre, patron maître d’hôtel, et Léonie sont recensés, ainsi que René, leur fils, Marguerite Magnan et Marie Mayet, femmes de chambre, et Jean Vicat, cuisinier.

Le 19 mars 1907, Jules Guttin propose un menu toujours fidèle à son savoir-faire. Le carton ne précise pas quelle en est l’occasion, mais … Bouchées à la Reine, Truite du Lac sauce Mousseline, Filet de Bœuf aux Morilles, Poularde de Bresse Périgueux, Cuissot de Chevreuil St-Hubert, Pâté de Lièvre à la Gelée, Asperges en branche, Faisans rôtis à la Broche, Jambon d’York, Glace vanillée, Pièce montée, Dessert varié, le tout accompagné de Chablis, Hermitage, Champagne, Café et Fine Champagne font appel à votre gourmandise. En 1910, le papier à en-tête est au nom de l’Hôtel de France (nouveauté!). Il vante la situation de l’hôtel en face des Postes et Télégraphes et de la station du Tramway. Chauffage central, éclairage électrique, garage, voitures à volonté, omnibus à tous les trains, complètent la description de l’hôtel. Pour réserver ? Téléphone 38 !

Menu du 19 mars 1907

Dans son numéro daté du 1er octobre 1908, la revue bi-mensuelle « Les Alpes Pittoresques » consacre sa couverture et près de six pages à l’inauguration de la section Roybon-Saint-Marcellin du tramway enfin achevé et en service depuis six mois. Est-ce souci d’équilibre, est-ce publicité déguisé, toujours est-il que le journaliste à l’œuvre fait la promotion du restaurant de l’« Hôtel du Petit Paris » ! « Or, voilà l’heure du banquet.(…) Quelques apéritifs à travers les principaux cafés de Saint-Marcellin – au Café Teste (vin blanc supérieur), au Café de la Terrasse, par exemple, etc, etc. – nous ont insensiblement conduits à la salle du banquet, – au rez-de-chaussée de la nouvelle mairie en construction -, où sont dressés plus de 400 couverts. Pendant que les convives souscripteurs prennent place aux longues tables, les autres, les promeneurs, les musiciens, etc, se répandent dans les nombreux restaurants de la ville. Il est certain que ceux qui déjeunent à l’« Hôtel du Petit Paris », entre autres, seront les mieux hébergés, à cause de la réputation culinaire bien justifiée, dont le nom de M. Bonnet, vatel émérite, jouit dans toute la contrée. » Ce n’est que plus d’une page plus loin que nous apprenons, au sujet du banquet officiel, que « Le menu, irréprochable, était servi par l’« Hôtel de France », Guttin propriétaire, et tous les appétits n’ont eu qu’à s’en féliciter. » Le menu était à la hauteur de la réputation de Jules Guttin, et c’est avec satisfaction que l’on note (ce qui est très rare dans ces menus) la présence du fromage de Saint-Marcellin, ainsi que l’offre d’un verre d’Alpine (après le café et le cognac !) par les distilleries Romain Dutruc.

Au cours des années suivantes, après 1908 puisque le Tramway y est suggéré pour se rendre à Saint-Antoine, le Syndicat d’Initiative de Saint-Marcellin édite un livret-guide qui propose au touriste quelques promenades vers les ruines de Beauvoir, les gorges du Nan, les Ecouges, les Grands Goulets et Saint-Antoine. En ce qui concerne l’hébergement hôtelier à Saint-Marcellin, deux hôtels sont recommandés : l’« Hôtel de France » et l’« Hôtel du Petit-Paris ».

1911, peu de changements dans l’aspect de l’hôtel, sinon celui du retour d’un store de terrasse, sur une photographie qui montre les clients et le personnel faisant la pose. Le cheval attend ses passagers et deux voyageurs exhibent leur décapotable. Nombreuses sont les photographies mettant en évidence la présence d’un cheval tirant une berline en vue du transport des clients de l’hôtel vers ou venant de la gare. L’« Hôtel de France » n’a jamais eu de chevaux ; un certain Gratien Marmier était le loueur des voitures à cheval et son écurie se trouvait sur la place Déagent, le recensement de 1901 en fait foi. Lorsque les clients étaient attendus en gare ou devaient s’y rendre, c’est un cocher indépendant qui enfilait la tenue, se coiffait de la casquette « Guttin – Hôtel de France » et se munissait du fouet.

Carte affranchie en 1911

En cette même année 1911, Jules et Léonie sont à nouveau recensés en compagnie de leur fils René, aux cotés de Joseph Thomé, cuisinier, de Marie Chabert et Marie Bérard, femmes de chambre, et de Laurent Pascal, garçon d’hôtel. Joseph Thomé a donc fait ses classes de cuisinier à l’« Hôtel de France » avant d’ouvrir son propre hôtel, à quelques pas, 12 rue Saint-Laurent.

Et puis survient le drame, le 17 février 1913, Jules Pierre Guttin décède de maladie. Il n’a pas 46 ans, il laisse seule son épouse Léonie. Leur fils, René Joseph, vient tout juste d’avoir 13 ans ; il n’est donc pas question qu’il puisse aider sa mère dans l’exploitation de l’hôtel : elle est seule. Et reste seule à diriger l’hôtel pendant près de dix ans, attendant que son fils prenne de l’âge, remplisse ses obligations militaires et lui revienne. Pendant ces dix années de gestion de l’hôtel, Joseph Thomé ne peut guère participer longtemps en cuisine puisqu’il est rappelé au front entre 1914 et 1919. Le temps manque à Léonie pour assurer une promotion de l’hôtel dans les médias de l’époque, d’autant plus que la guerre ne s’y prête pas trop.

Le personnel en novembre 1913 – Joseph Thomé 3° à partir de la gauche – DR

Le recensement de 1921 (Archives Municipales 1F21) note la présence de Léonie, hôtelière patronne, de Léa Fayard et Louise Borgy, domestiques, de Régis Convert, cocher, de Gaston Bagriot, apprenti cuisinier et de deux pensionnaires, Léa Vicat et Jean Scince, receveur des finances. René est absent de l’inventaire, car sous les drapeaux. Son matricule (1165, centre de Bourgoin) précise qu’il est en campagne en Allemagne d’avril 1918 à octobre 1919, puis en Algérie jusqu’en février 1921. En mars, René ne revient pas immédiatement à Saint-Marcellin. On le note à Paris en mai-juin 1922 où il fait un stage au Ritz, puis à Saint-Brice, en Ille et Vilaine, en septembre 1922, et n’est pointé à Saint-Marcellin que le 26 novembre 1922.

Dès son retour à Saint-Marcellin, René Joseph prend la place qui lui revient dans l’exploitation de l’hôtel et en défend l’excellence gastronomique. Le 25 février 1925 est créée une Société en nom collectif par Léonie Michel, veuve de Jules Pierre Guttin, et Joseph René Guttin. A la lecture de l’acte de constitution, il apparaît que René apporte le fonds d’hôtel-restaurant, la clientèle et l’achalandage, le nom commercial et le droit au bail. Quant à sa mère, elle est porteuse des marchandises garnissant le dit fonds. Il est raisonnable de penser que, depuis le décès de son père, René était héritier du fonds tandis que sa mère en était demeurée gérante, bénéficiant de l’usufruit. En 1926 (Archives Municipales 1F21), le recensement note Léonie, patronne, et René, son fils, ainsi que Louise Borgy, Irma Ceyte et Joseph Cohet, employés, tandis que sont mentionnés deux pensionnaires, Louis Olivier et Jean Chatelain. La Société initiée l’année précédente n’est pas prise en compte dans le descriptif des fonctions respectives de Léonie et de René.

Enfin, en 1931, dernier recensement consultable (Archives Municipales 1F20), Léonie est référencée comme hôtelière patronne et son fils René, hôtelier patron. Suivent neuf (!) employés, Georges Guillot, Eugénie Guillot, Louise Borgy, Irma Ceyte, fille de salle, Pierre Beau, garçon de courses, Marie-Louise Martin, lingère, Paul Borel, cuisinier, Jean Luthaud et Jean Genthon, apprentis cuisiniers.

René se marie, en secondes noces, le 11 avril 1931, à Colombes (Seine) avec Hortense Joséphine Guttin, une lointaine cousine, née le 17 juin 1899. Les grand-pères de René et Hortense sont deux frères (Antoine et Pierre, nés en 1820 et 1821). Ils sont nés de Pierre Guttin et Thérèse Guttin, déjà issus de deux branches différentes des Guttin, l’une de La Batie-Divisin et l’autre des Abrets.

En 1934, deux ou trois cartes postales reprennent le thème de l’hôtel devenu officiellement « Hôtel de France » en lieu et place de « Grand Hôtel de France ». Le store a été changé, la graphie du nom est assez originale et audacieuse, les plantes de la terrasse sont regroupées dans de grands bacs qui semblent être de ciment moulé. Une autre carte postale nous permet de découvrir la grande salle du restaurant, héritée du couvent des Carmes. Ce sont de vastes travaux engagés en 1932 qui ont permis la réalisation de la cheminée monumentale succédant à l’ancienne cheminée des moines.

Le personnel, après 1913, avant 1934

Carte ayant circulé en 1934

La salle à manger en 1934


A suivre !


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Le Faubourg Saint-Laurent, à Saint-Marcellin – III

CROZEL, DUTRUC, GUTTIN, THOME, … ou le gîte et le couvert.

III – Quelques mots à propos des Carmes et de la place Lacombe-Maloc.

Face à l’hôtel du « Palais Royal » (ou « National »), face à la distillerie Dutruc, se trouvent les bâtiments du couvent des Carmes. Il est particulièrement intéressant de connaître les modalités de leur installation, laquelle date de 1453, décidée et favorisée par le Dauphin Louis II.

« Pour la construction d’un couvent parfait, d’église, de dortoirs et réfectoire, clôture et autres édifices nécessaires pour servir notre Seigneur, y faire le divin service et prier dieu pour la prospérité du monde et pour les âmes des trépassés et déjà pour la faire ont acquis toutes les maisons et possessions qui sont assises en notre dite ville de Saint-Marcellin, depuis leur dit couvent jusque à la porte de notre ville, appelée la porte de Romans, en l’assiette desquelles maisons et possessions, ils ont intention de faire leurs édifices et faire leur dit couvent parfait, ce qu’ils ne peuvent bonnement faire, ni le tenir clos, comme il appartient, sans eux aider des murailles et vingtains de notre dite ville a prendre depuis une tour carré qui est assise icelles murailles derrière leur dit couvent et presque en leur endroit de l’hôtel de Claude Luxe, bourgeois de notre dite ville, et venir jusque à la porte appelée la porte de Romans …… ….. …….. toutes fois qu’ils tiendront ladite muraille en défense convenable contre ennemis, si guerre y étoit et n’y fairont nuls fenestrages préjudiciables à la force et défense d’icelle ville et fairont faire du long d’icelles murailles au dessus de leurs édifices, allées convenables, créneaux et défenses par où les habitants de la ville pourront passer et eux tenir pour la garde et défense d’icelle ville, et fairont faire deux degrés et montées de pierre pour aller sur lesdites murailles et un auprès de ladite tour carrée, et l’autre auprès de ladite porte appelée de Romans, ces lieux qui seront plus convenables et chacune d’icelles montées, fairont une huisserie telle qu’il appartiendra, dont lesdits habitants de la dite ville auront une clef, et lesdits prieurs et convents une autre, excepté en temps de guerre que lesdits prieurs et religieux n’en auront point et seront aussi tenus de faire un chemin convenable à passer charriots, charrettes et mulets chargés au droit de la dite tour carrée pour passer entre leur dit couvent et la maison dudit Claude Luxe pour venir dudit chemin qui va au long desdites murailles en la grande rue qui passe par devant ledit Couvent et hostellerie du faucon……« . (Archives de l’Isère – 3 H 121). De cet acte, nous retiendrons que les Carmes sont autorisés à construire à l’intérieur de la muraille des remparts ; de toute la continuité des remparts de Saint-Marcellin, c’est le seul exemple puisque, partout ailleurs, les habitations se sont édifiées contre la face extérieure du rempart, sur le fossé comblé à la force du temps. Encore aujourd’hui, ce fait est parfaitement lisible sur la cartographie de la ville et il n’est qu’à examiner l’épaisseur des murs donnant sur les places Déagent et Lacombe-Maloc pour en être convaincu. Nous retiendrons également que ce quartier abritait au XV° siècle au moins une hôtellerie, celle dite du Faucon.

Porte de Romans – Dessin d’artiste – 1829
Porte de Romans – Dessin d’artiste -Valentine Michon

Après la Révolution, de 1789 à 1793, lorsque les couvents sont saisis comme biens nationaux et revendus, bien des choses évoluent. En ce qui concerne les Carmes, les bâtiments sont vendus le 9 février 1791 au bailliage de Saint-Marcellin et divisés en maisons de ville, le mobilier est dispersé, l’église est détruite, le rempart est percé et la place des Carmes est créée. De nombreux éléments d’architecture, sur les deux faces de cette place, témoignent encore de la présence de cette église.

Dans une délibération en date du 19 mai 1853, les édiles municipaux se proposent de nommer la « place publique »  sur laquelle donnent les bâtiments des anciens Carmes: « … en face du l’Hôtel du Palais Royal, il s’en trouve une que nous vous proposons d’appeler place Maloc. Lorsque les guerres de religion éclatèrent en France, le baron des Adrets, s’étant mis à la tête des protestants, avait soulevé toute la province et s’avançait rapidement vers Saint-Marcellin occupée par les catholiques, pour en faire le siège. Effrayée d’abord, une partie de la population s’était réfugiée à Chevrières, mais le reste, électrisé par le Prieur des Carmes et par Charles de la Combe Maloc, procureur du Roi au bailliage, résolut de défendre la place. La résistance fut énergique, mais la ville fut prise d’assaut le 24 juin 1562, livrée au pillage et aux sanglantes vengeances d’un vainqueur impitoyable et irrité. Lacombe Maloc expira traîné dans la rue, la corde au cou, et le Prieur des Carmes fut pendu, à la Porte de Romans ». Pourtant, le recensement de 1856 (Archives Municipales 1F4) dresse un relevé des habitants de cette place en lui donnant encore le nom de « Place de la Porte de Romans ».

Ce n’est que le 30 septembre 1860 que cette désignation de Place Lacombe-Maloc, ainsi que d’autres, fut effectivement décidée. Le texte de la délibération ne fait aucune référence à un nom antérieur attribué cette place : «  … que la place située à la suite du Boulevard Grassot (de nos jours boulevard Gambetta), sur laquelle se trouve la bascule, prendra le nom de Place Déagent (…) que la place à la suite de celle-ci s’appellera Place Lacombe-Maloc… ».

Paradoxalement, en 1862, soit six ans plus tard, un projet de percement visant à relier la gare à la place d’Armes est dressé sur un plan reprenant, cette fois, le nom de … place du Palais Royal ! Enfin, le plan de la ville, établi en 1887, permet d’établir la répartition de l’ancien bâtiment des Carmes entre divers propriétaires.

IV – Hôtel de France, Guttin

C’est une famille originaire du nord du département de l’Isère, de la Batie-Divisin et des Abrets, qui vient s’installer à Saint-Marcellin au cours des derniers mois du XIX° siècle : les Guttin. Pierre Guttin, né en 1821, cafetier et cultivateur, et Olympe Belmont, son épouse en secondes noces, ont un fils, né aux Abrets le 17 août 1867, qu’ils nomment Jules Pierre.

Trente deux ans plus tard, le 7 janvier 1899, Jules Pierre épouse à Puy-Saint-Martin, dans la Drôme, Léonie Isabelle Michel. A cette date, il habite Saint-Marcellin depuis quelques temps. Tout simplement parce que le couple
ambitionne de créer un hôtel-restaurant, sous le nom de « Grand Hôtel de France », là où se tient peut-être déjà une simple auberge, tout à fait en face de ce qui fut l’Hôtel du « Palais Royal » ou du « Palais National ». En effet, les recensements successifs dévoilent la présence d’un aubergiste installé sur la place Lacombe-Maloc ; Xavier Glénat en 1866, puis Barthélémy Bonnet à partir de 1872 et jusqu’en 1891. La date d’ouverture inaugurale de ce nouvel hôtel a été fixée au 26 février 1899, soit dans moins de deux mois après le mariage.

[ L’étude patrimoniale conduite en 2019 par les Architectes du Patrimoine (Catherine Pichat, Maxime Boyer et Jérémy Dupanloup) nous affirme que le bâtiment des Carmes bordant la place, celui qui fut auberge et qui devint hôtel-restaurant, était le réfectoire des moines.]

Ce 26 février 1899, jour d’inauguration, Jules Pierre Guttin propose un menu de fête. Qu’on en juge. Entrées saucissons, beurre, olives, Bouchées à la Montglas, Brochets du Rhône en sauce Gribiche, Filets de bœuf Renaissance, Poulardes de Bresse Demidoff, Cèpes à la crème, Grives rôties sur croustade, Bombe Nesselrod, Gaufrettes, Dessert assorti, Vins fins et Champagne. Ce menu d’abondance et la liste des spécialités qui le composent vont devenir l’image de marque du chef Guttin.

26 février 1899 – Menu inaugural

Sept mois plus tard par exemple, le 18 septembre 1899, le menu affiché, dont on ignore la raison d’être, est aussi riche et alléchant. Après les entrées classiques et les Bouchées à la Reine, viendront Saumon en sauce Hollandaise, Filet de bœuf Madère et champignons, Poulardes braisées Victoria, Haricots verts maître d’Hôtel, Cèpes bordelaise, Perdreaux rôtis sur croustade, Jambon d’York à la gelée, Glace pralinée, Pièce montée, Brioches, Dessert, Mercurol, Morgon et Saint-Peray.

Le 7 décembre 1899, à Saint-Marcellin, naît un fils, qui restera unique, et qui porte les prénoms de René Joseph. Dans le recensement de l’année 1901 (Archives Municipales 1F13), Jules Pierre, noté comme chef, et Léonie, son épouse, sont accompagnés de Céline Didier, femme de chambre, Sylvain Avenier, employé et Antoine Philibert, cuisinier. Par contre, le petit René, âgé à peine d’un an, est répertorié dans la famille Pellat, à Chavozan. L’enfant a été placé auprès d’une nourrice compte tenu des charges liées à la gestion de l’hôtel.

Découvrir la vie, les changements, de l’ »Hôtel de France » par le biais des cartes postales anciennes est une méthode assez passionnante parce que celles-ci ont été nombreuses au cours des années. La plus ancienne dont nous ayons connaissance a été publiée dans les toutes premières années du XX° siècle puisque la correspondance est signée de 1902. Cela n’empêche pas que cette image soit anachronique en ce sens qu’elle met en évidence, au coin de la Grande Rue, un café nommé « Café du Tramway» alors que la voie ferrée n’est manifestement pas construite et que la mise en service de la section Roybon-Saint-Marcellin du dit tramway se fera solennellement en septembre 1908. L’explication est donnée par le fait que les plans d’expropriation des terrains permettant la construction du segment de cette section de voie ferrée ont été établis en 1900, mais que les chantiers ont été retardés par la faillite de l’exploitant du tramway, des grèves et la reprise du dossier par le Département de l’Isère.

La terrasse de l’hôtel, donnant sur la place Lacombe-Maloc est décorée d’arbustes plantés dans des demi-tonneaux de bois. Un cheval blanc, attelé à une calèche, attend l’heure d’aller en gare, celle du réseau PLM, déposer quelques voyageurs dont les valises sont déjà sur le toit. Au centre de la place, une femme se tient appuyée sur un chariot, sorte de brouette à grandes roues, peut-être une blanchisseuse venue livrer les draps et serviettes de l’hôtel après en avoir effectué le lavage. En effet, un lavoir fermé et couvert existe à l’angle du Champ de Mars, à 200 m de là. De l’autre coté de la place, face à l’hôtel tout neuf, rien ne signale l’ancien « Hôtel du Palais … National ».

Carte postale ayant circulé en 1902

A suivre !