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Ecologie

Avant Copenhague, les écolos (certains) s’énervent …

A quelques jours de l’ouverture de la conférence de Copenhague, les écologistes redoutent qu’elle n’accouche que d’une souris, que leurs revendications ne soient pas prises suffisamment en compte, que cette rencontre internationale débouche sur un échec. Ils se savent minoritaires, et comme toute minorité qui est mal à l’aise, ils se cherchent des responsables, des adversaires qu’ils accusent de conduire le monde à la catastrophe. Le capitalisme est le premier de ces adversaires, quand bien même cette doctrine économique est la plus partagée dans le monde, se moquant pas mal des idéologies, des religions, des régimes politiques. Le capitalisme est né il y a bien longtemps, il n’est qu’à étudier Venise. Les échanges commerciaux datent des routes du sel, des épices ou de l’encens, plus tard des richesses coloniales; la mondialisation du commerce n’est pas née au XX° siècle.

Si la population adhère encore assez aux objectifs écologistes qui visent à “faire du bien à la terre”, il n’est pas certain qu’elle adhère aux moyens qui sont préconisés, parce que ceux-ci feront peut-être du mal à l’homme. Trop souvent, les écolos se sentent investis d’une mission (ils sont messianiques) et développent des programmes explicatifs du tout et dont les résultats sont souvent plus négatifs que si rien n’était fait . Prenons quelques exemples.

Seattle. L’Organisation Mondiale du Commerce. Et l’occasion d’une gigantesque campagne contre la marchandisation du monde, contre le libéralisme en matières d’échanges commerciaux, allant jusqu’à reprendre un texte rédigé à la sortie de la guerre mondiale, en 1945, et signé à Cuba pour tenter d’organiser les échanges commerciaux sur des bases bilatérales et égalitaires. Résultat: il n’y a pas d’accord et les négociations reprennent avec difficulté, les tiers-mondistes et écologistes crient à la victoire. Mais quelle victoire ? Une victoire du laissez-faire pendant 10 ans encore, caractérisée par les subventions agricoles au maïs ou au lait, à la PAC, … Aujourd’hui, alors que les négociations sur le Cycle de Doha reprennent (et s’achèvent ?) à Genève, le silence de tous les opposants est assourdissant et la quasi-totalité des pays en voie de développement réclament la libéralisation des prix des matières premières et des produits agricoles et la fin des subventions occidentales. Ils sont convaincus que c’est pour eux la seule façon de sortir du sous-développement, à la seule condition que les échanges soient établis de façon honnête.

Taxe carbone. Quelques pays européens s’arment de cette taxe destinée à compenser la production de carbone induite par la fabrication, la distribution, la destruction des biens de consommation. Face à l’Europe, les pays en voie de développement ont bien souvent une industrie encore en retard environnemental et sont donc de plus ou moins grands pollueurs. L’idée est donc lancée de créer une taxe carbone sur le produits importés, taxe qui s’appliquerait aux frontières de l’Europe. Cette taxe soutenue par les écologistes posent un certain nombre de questions. Compte tenu de ce qui précède sur les négociations commerciales, y aura t’il des produits exemptés ? Lesquels ? Et qui décidera ? L’Occident ? Les pays en voie de développement n’attendent qu’une chose: pouvoir se développer !! Ce développement se traduira inévitablement par une hausse de la production de CO². Comment sera calculé l’effort fourni par le pays concerné pour diminuer cette hausse ? Dans le monde, 1,5 milliards d’hommes n’ont pas l’électricité et n’attendent que de l’avoir. Quand ils l’auront, ils achèteront des équipements électriques: chauffage ou climatisation, appareils ménagers, médias. Tout cela fait du CO² ! Qui, quand, comment sera jugé l’effort environnemental auquel ces hommes consentiront ? Et par qui ? L’Occident ? A la lumière de ces questions, la taxe carbone aux frontières ressemble bien davantage à notre stupide taxe professionnelle: plus l’on travaille, plus l’on progresse, plus on a des emplois, et plus on paye.

Décroissance et relocalisation. Ça y est, on parle enfin (Envoyé-Spécial-chez-les-décroissants) de cette théorie, souvent sans bien savoir (ou sans le dire) ce qu’il y a derrière. Disons quand même que les leaders de cette doctrine économique envisagent un retour à un niveau de consommation énergétique comparable à celui que la France avait en … 1955. Pour cela, les grands principes sont la modération drastique de nos consommations, l’éclatement des villes, le retour à la campagne, la production locale et la consommation locale, ce que l’on appelle la relocalisation. Questions: Qui va choisir les produits relocalisés et ceux qui ne le seront pas ? Va-t’on construire des véhicules (même si ce ne sont plus des voitures à essence) dans chaque pays, dans chaque région ? des téléviseurs, des machines industrielles ? Devrons-nous multiplier les sites de production, usines et ateliers, et donc multiplier les pollutions ? Les plus radicaux n’envisagent pas de consommer autre chose que ce qui est produit à moins de 100 km de chez eux. C’est très vivable pour les occidentaux, mais comment appliquer cela à certains peuples peu gâtés par la nature ? Et puis, comment empêcher que le pays voisin considère que la voiture produite ici est meilleure que celle produite chez lui ? Comment mettre fin à la libre circulation des marchandises ? En mettant fin à la libre circulation des hommes ? Frontières, douanes, taxes, marché au noir et retour des nationalismes …

Limitation des naissances. Et voilà la dernière idée à la mode. Limiter les naissances dans le monde ne peut s’appliquer qu’exclusivement aux pays en voie de développement. Le développement de tous les autres fait qu’ils ne font pas trop d’enfants et même souvent pas assez pour éviter le vieillissement de leurs populations. Et comment le faire ? En suivant l’exemple chinois !! C’est à croire que les maoïstes sont à la tête des groupes écolos ! D’autant que la référence est absurde, puisque le gouvernement chinois est revenu sur l’enfant unique, autorisant deux enfants par couple, ne serait-ce que parce qu’une fille va se marier et abandonner ses parents biologiques. Dans les autres pays, la mortalité infantile est si élevée qu’il est impensable d’imposer une limitation au nombre d’enfants. Les enfants(L-UNICEF-à-Bamako] sont la seule richesse des couples; quand ils en ont plusieurs, il devient de tradition d’en garder une moitié avec soi, pour sauvegarder les coutumes et la famille, et d’envoyer les autres en ville, soit pour étudier et assimiler les avantages du “progrès”, soit pour travailler et envoyer de l’argent. Cette gestion de la famille est à la source de l’essentiel de l’émigration.

Sans doute, certains écolos sont de droite (des malthusianistes, des tenants du complot universel, …), mais beaucoup d’autres nous préparent un monde autoritaire, voire totalitaire, réintroduisant de façon caricaturale la lutte des classes dans l’écologie, appelant à la mort du “capitalisme brun ou vert-de-gris”, un peu comme Hugo Chavez déclare que « ‘si les pauvres n’ont pas d’eau au robinet, c’est parce que les riches remplissent leurs piscines ».

Le monde est en danger, très certainement.

Ce n’est pas le libéralisme qui le sauvera.

Ce n’est pas non plus cette écologie pleine d’amalgames dangereux qui saura défendre une stratégie acceptable par bientôt sept milliards d’hommes.

L’heure n’est plus aux rassemblements en Place de Bastille, l’heure n’est pas à la révolution qui vient, ni au grand soir romantique. L’heure est à définir ENSEMBLE comment faire BIEN vivre de 7 à 9 milliards d’humains.

Et pour cela, il n’est que la négociation permanente, l’échange, le dialogue, la confrontation, la démocratie quoi ! Et ceci par des organisations comme l’ONU, l’OMC, le FMI, la Conférence sur le climat, l’Organisation Mondiale du Travail, etc, etc … dans lesquelles une représentation équitable de tous les pays doit être mise en place. Le G20 n’est qu’un maigre progrès par rapport au G8 ! C’est un G97 permanent (G20 + G77 des pays en développement), comme celui de Copenhague, qu’il faut mettre en marche. L’heure est à des hommes politiques qui savent prendre leurs responsabilités non pas devant la prochaine élection, mais devant l’avenir. Et vite …

Pour conclure, cette phrase de Slavoj Zizeck. « La confrontation la plus sérieuse avec le problème écologique consisterait tout d’abord à accepter les conclusions des grands darwiniens comme Stephan Jay Gould, selon lequel la nature n’existe pas. L’attitude critique et rationnelle consiste à abandonner cette vision néo-romantique qui envisage la nature comme un mouvement circulaire équilibré que la démesure de l’homme serait amenée à perturber. (…) La nature est elle-même pleine de catastrophes, elle est une série d’accidents, elle est excès et folie. Qu’est-ce que le pétrole si ce n’est la trace organique d’un cataclysme naturel inimaginable ? ». C’est dérangeant …

Seconde conclusion: parce qu’il faut agir, il FAUT signer l’appel Copenhague 2009 .Pour que les pays industrialisés s’engagent à réduire leurs émissions de GES à hauteur de 40% d’ici à 2020, pour que les pays industrialisés aident financièrement et technologiquement les pays en voie de développement, pour que chacun agisse localement et réduise ses propres émissions et pollutions.

(C)Copenhague 2009
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Ecologie

Des suisses, du coton bio et du compost

Si ce n’était le coté xénophobe, démagogique, égoïste et islamophobe de la votation suisse contre les minarets, on serait tenté de rappeler que, de 1536 à 1810, les protestants ont interdit la construction de lieux de culte catholiques dans le canton de Vaud. Et que ce n’est qu’en 1832 que les catholiques de Lausanne ont eu le droit d’édifier un clocher. Il y a donc des précédents !!

Parlons donc d’un aspect plus intéressant des suisses, et de gens qui ne sont probablement pas ceux qui ont voté OUI ce dimanche. Il existe dans ce pays une ONG nommée Helvetas (http://www.helvetas.org/wFrancais/index.asp), dont la devise est « Agir pour un monde meilleur ». Elle a été créée en 1955 et compte plusieurs dizaines de milliers d’adhérents. Son objectif principal est “la réalisation de projets de développement à l’étranger”.

L’étranger, c’est l’Afrique, l’Asie, l’Amérique Latine. Les projets se regroupent en quatre catégories: les infrastructures en milieu rural, la gestion durable des ressources naturelles, la formation et la culture, la société civile et l’état.

Les pays dans lesquels intervient Helvetas sont le Guatemala, le Honduras, Haïti, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin, l’Ethiopie, la Tanzanie, le Mozambique, l’Afghanistan, le Bhoutan, le Kirghizistan, le Laos, le Népal, le Sri Lanka, le Vietnam.

Parlons un peu du Mali. Helvetas s’y engage dans le domaine de la distribution de l’eau, de la formation (enseignement primaire en particulier pour les filles), de la production agricole et de la sensibilisation à l’éradication des mutilations génitales féminines. Par ailleurs, Helvetas a créé à Bamako une école de formation en photographie.

Dans le domaine agricole, le coton biologique est une priorité. En 2007, les producteurs maliens organisés sous l’égide d’Helvetas, ont produit 1300 tonnes d’un coton graines acheté par les firmes Migros et Switcher afin d’en faire des vêtements ou de la ouate labellisés Max Havelaar. En 2008, ce sont 5500 producteurs qui se sont engagés dans cette culture avec une production de 2000 tonnes de coton graines. La région Bretagne a signé un accord d’achat de 3000 tonnes jusqu’en 2010. L’égrenage du coton se fera en Afrique, le filage à Fès au Maroc et le tissage à Laval, en France. Quatre entreprises bretonnes en font des vêtements.

Boules de coton

L’intérêt pour la fabrication de coton bio est évident, puisque le prix d’achat est supérieur de 50% à celui du coton traditionnel. Pour être bio, le coton doit être cultivé sans pesticides et engrais de synthèse, ces derniers étant remplacés par du fumier ou du compost. Le repos et la fertilité des sols sont assurés par une rotation des cultures, en particulier avec des légumineuses.

Malheureusement le coton bio, c’est bien beau, mais ça reste et ça restera probablement longtemps encore très marginal.

Production de coton bio de l’Afrique de l’Ouest (Mali, Burkina, …) en 2008: 2 900 tonnes, soit le double de la production de 2007.

Production mondiale de coton bio en 2008: 145 000 tonnes.

Production mondiale de coton en 2008: 26 500 000 tonnes.

La production de coton bio de l’Afrique de l’Ouest représente 0,01% de la production mondiale de coton !

C’est pourquoi Helvetas, sans abandonner la filière coton, s’oriente désormais vers l’agriculture biologique, le maraîchage biologique, en reprenant les mêmes concepts que ceux de la culture du coton, c’est à dire la production de matière organique (compost), le conseil agricole, le soutien à la production de tomates, oignons, aubergines, …, la mise en place d’une labellisation ou certification des produits. Il s’agit, ni plus ni moins, de poursuivre l’action pour améliorer les conditions de vie en milieu rural, en satisfaisant les besoins maraîchers des marchés nationaux, régionaux, voire internationaux.

Un détail intéressant dans cette démarche: celui de la fabrication du compost. Dans les zones rurales, les déchets végétaux (plants arrachés, feuilles, branches, …) sont nombreux et peuvent satisfaire en grande partie la fabrication d’un compost de qualité. Dans la zone périphérique de Bamako où nombreux sont les maraîchers, il devrait être possible de fabriquer un compost avec la partie fermentescible des ordures ménagères. Les critères de tri des déchets et de maturation du compost sont fondamentaux, mais la filière déjà pratiquée de façon artisanale (Nyama-nyama) mériterait d’être développée.

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Egypte

Les cochons et les déchets en Egypte

En avril, l’Egypte a fait abattre tous les cochons (Tuez-les-tous-…-les-cochons) du pays. 300000: c’est le nombre d’animaux qui ont été tués, alors que se déclenchait l’épidémie mondiale de grippe A (H1N1). Et pas toujours de façon “humaine”, comme l’ont montré certaines vidéos. L’objectif absurde de cette décision était d’empêcher le développement de la maladie, alors que le cochon n’est pour rien dans sa transmission.

Les effets de cette décision sont inattendus et amènent l’Egypte à s’interroger et à se demander si elle a eu raison.

Ce n’est pas la douleur de la minorité copte agressée dans ses pratiques alimentaires et ses traditions culturelles qui est à l’origine de cette interrogation.

Ce n’est pas non plus la forte réprobation internationale, qui en est restée à des déclarations de principe sur l’inutilité d’une telle décision.

C’est un peu le fait que malgré toutes ces “précautions”, la grippe A est bel et bien entrée en Egypte et qu’elle y a déjà fait des victimes. C’était pourtant prévisible.

C’est surtout le fait d’une incroyable situation sanitaire caractérisée par des amoncellements d’ordures en plein centre ville du Caire et de nombre de grandes villes. Les déchets s’entassent, pourrissent, dégagent d’insupportables odeurs. Dans la quasi totalité des zones urbaines égyptiennes (sauf Alexandrie), les services de collecte et de traitement des ordures sont presque inexistants. Mais, au Caire, les cochons élevés par les chrétiens égyptiens (coptes) avaient pour mission de se nourrir et d’engraisser en mangeant la partie fermentescible des ordures ménagères: déchets verts, déchets de cuisine, reliefs des restaurants, déchets des marchés publics, … Cette partie fermentescible représente 50 à 60 % des déchets en volume.

Les cochons ne mangent plus rien et dans le quartier de Muqqatam, les  »zabbaleen » (récupérateurs et trieurs de déchets), pratiquement tous coptes, ne parviennent plus à trier les déchets. La partie fermentescible pourrit dans leur quartier et les empêche de récupérer de façon efficace les autres parties recyclables: plastique, papier, carton, métal, …

Les cochons n’engraissent plus et les familles des  »zabbaleen » n’ont plus ni ce bénéfice alimentaire, ni cette source de revenus. Cela n’est plus.

Bien sûr, d’aucuns disent que puisque l’état les a mis dans cette « merde », au sens propre (!) du terme, c’est à lui de les en sortir. Mais c’est mal connaître l’homogénéité, la réactivité et la volonté de cette communauté qui, d’ores et déjà, se tourne vers les producteurs de déchets, les familles, les citadins, les ménages, pour les inciter à faire le tri de leurs déchets à la source. Cela permettra aux  »zabbaleen » d’orienter plus rapidement les diverses catégories de déchets vers les circuits de recyclage adéquat, notamment les fermentescibles vers la fabrication de compost.

La partie n’est pas gagnée, loin de là, mais d’une énorme faute politique naîtra peut-être une évolution originale en matière d’assainissement des villes des pays en voie de développement, une alternative viable à la mise en place de prestataires étrangers.

Pour en savoir davantage sur les  »zabbaleen », voici les références de deux films, ni l’un ni l’autre diffusés en Europe (sauf erreur) et de leurs sites respectifs: “Garbage Dreams (http://www.garbagedreams.com/) ” (photos sur Flickr (http://www.flickr.com/photos/garbagedreams/), remarqué par Al Gore et “Marina of the Zabbaleen (http://www.marinathemovie.com/)“.

(C)Garbage Dreams
Rue de Muqqatam (C)Garbage Dreams
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Développement solidaire

Le droit au développement vu du Nord et vu du Sud

 »… Le Sommet du développement durable (…) ne débouchera peut-être pas sur grand chose. Et lors des réunions préparatoires on aura vu se rouvrir de vieilles cicatrices dont on s’était trop brièvement préoccupé (…). Entre les groupes « environnementalistes » des pays du Nord et les groupes « de développement » des pays du Sud, de nombreuses différences subsistent, aussi manifestes que jamais. »

 »Bon nombre de groupes du Nord pensent qu’il est de leur devoir de sauver le Sud du « développement », quoi que cela puisse coûter aux gens du Sud. Dans leur propre pays, ils ont bien du mal à faire évoluer les attitudes en matière de développement, mais ils ont vite fait de montrer du doigt leurs collègues du Sud en disant : « Non, non ! le développement c’est pas bon pour vous ! » Et ils vous désignent le rayon du magasin où s’étalent les mirages du développement durable : « Regardez, ça c’est bon pour vous ! » La plupart du temps ces gens oublient évidemment de mentionner le prix de l’article. Ils ont du mal à avouer que pour faire du développement durable, il faut plus d’argent. Cela les obligerait à pousser leurs gouvernants à respecter au moins leurs engagements financiers. Mais cela ils ne sont pas capables de le faire : on le voit bien depuis le temps que ça dure. Pour eux, il est bien plus facile de traiter avec les gouvernements du Sud. Car les pays du Sud, on peut leur forcer la main, leur imposer des conditions via les grandes institutions internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international…) dominées par les intérêts du Nord. »

 »C’est pour cela que « le droit au développement », qui a été reconnu comme un droit inaliénable de l’Homme lors de l’Assemblée générale des Nations unies en 1986, reste un sujet controversé dans le projet de document du Sommet du développement durable (…). A l’image de leurs gouvernants, bon nombre de groupes du Nord sont contre l’idée que toutes les nations ont un droit égal à se développer. Ils estiment qu’en accordant aux pays du Sud le droit de se développer pleinement on leur donnera aussi « le droit de polluer ». Pour ces pays, il faut donc se limiter au « droit au développement durable ». Autrement dit, les pays en développement peuvent bien essayer de pourvoir aux besoins de leur population, à condition de rester dans un cadre contraignant. Avec ces restrictions, on remplace en fait un droit par une obligation. »

 »Premier point : ce « droit au développement durable » ne tient pas compte du fait que, contrairement aux pays industrialisés, les pays du Sud n’ont pas encore consommé leur part de l’environnement mondial. En toute équité, ceux-ci devraient pouvoir bénéficier pleinement du « droit au développement » tandis que s’imposeraient aux pays industrialisés les restrictions qu’exige le développement durable. Les pays en développement ont le droit de se développer selon des modèles conventionnels tant qu’ils n’auront pas consommé leur part de l’environnement mondial, ou jusqu’à ce que la communauté mondiale leur accorde les moyens financiers et techniques qui leur permette d’opter pour le développement durable. Dans ce dernier cas, les pays du Sud ne devraient pas faire d’objections pour entamer les changements souhaitables. »

 »Deuxième point : comment définir le développement durable. Avec cette expression caméléon, on peut parier que le « droit au développement durable » applicable aux pays du Sud sera défini selon les desiderata des pays du Nord, parce qu’ils sont financièrement les plus forts. Au cours de toutes ces années passées, nous avons compris que les critères du développement durable, tel qu’il est conçu par les pays du Nord, peuvent desservir gravement les intérêts des pauvres et favoriser les riches. Prenons l’exemple de la « foresterie durable » : la plupart des critères retenus pour une exploitation durable des forêts favorisent avant tout les pratiques en usage dans les pays développés. Qu’importe si cela enrichit encore plus le riche au lieu de profiter aussi au pauvre. Peu importe si, avec ces contraintes, les petits producteurs du Sud auront du mal à résister à la concurrence des gros producteurs du Nord. »

 »Pour deux autres raisons, auxquelles on a fait allusion plus haut, le droit au développement durable peut constituer un sérieux problème dans les pays pauvres. Le développement durable exigera évidemment des dépenses supplémentaires, et pour cela il n’y a pas encore de financements disponibles dans les pays du Sud. D’autre part, il est probable que, par « des cadeaux » ou par la force, on obligera ces pays à remplir leurs engagements vis à vis des objectifs du développement durable tandis que les pays du Nord continueront à faire comme bon leur semble. Et les pays du Sud ne disposent d’aucun moyen de pression pour les contraindre à faire les choses autrement. Dans leurs pays respectifs, les ONG du Nord resteront aussi impuissantes qu’elles le sont actuellement, et elles jugeront plus confortable de fermer plus ou moins les yeux sur les carences de leurs gouvernants. C’est bien ce qu’elles ont fait sur la question du réchauffement climatique. Au lieu d’essayer de changer les choses chez eux, de réduire la dépendance vis à vis du carburant fossile, ces groupes préfèrent, parce que c’est plus facile, imposer le changement aux pays du Sud grâce à l’influence qu’ils peuvent avoir sur les institutions financières internationales. »

 »Avant de parler de « droit au développement durable » plutôt que de « droit au développement », ces groupes devraient admettre qu’il est grand temps que les pays riches s’engagent fermement sur la voie du développement durable, que le « droit au développement durable » impose des contraintes supplémentaires aux pays du Sud auxquels on refuse un droit égal au développement. Tous les êtres humains devraient avoir un droit d’accès égal à toutes les ressources pour satisfaire leurs besoins. Tous devraient avoir une part égale des fruits du développement. Mais pour les populations les plus démunies du Sud, il s’agit tout simplement de survie. »

Carte centrée sur le Pacifique-Projection de Peters

L’auteur de ce texte se nomme Anju Sharma. Ce texte a été écrit en … 2002 et publié le 15 août 2002, en anglais, dans le revue “Down To Earth”, du Center for Science and Environment (http://www.cseindia.org/) . Cette traduction française (http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6678.html) due à Gildas Le Bihan a été publiée dans le N° 10 (2005) de la revue “Notre Terre” éditée par le CRISLA (http://www.crisla.org/) .

Le Sommet concerné par ce texte était le Sommet pour le Développement durable de Johannesburg. Demain s’ouvre le Sommet de Copenhague, censé sauver la planète des méfaits du réchauffement climatique. Or, quand les droits à émission de carbone sont considérablement plus élevés pour les pays riches que pour les pays en développement, c’est tout simplement que le “droit au développement” n’est pas reconnu à ces derniers. La définition de “droit au développement” a t’elle réellement évoluée entre 2002 et 2010 ?

Quand à la carte qui illustre le post, elle a pour but de susciter la réflexion. Elle est centrée sur le Pacifique et la représentation des pays y est conforme à leur superficie (projection de Peters), ce qui n’est pas le cas de nos cartes habituelles. Dérangeant, n’est-ce pas ?