Ann M. Veneman est la Directrice de l’Unicef. Elle revient d’un court séjour au Mali, lequel pays assure actuellement la présidence du Conseil d’Administration de cet organisme, depuis février 2009.
A son retour Ann M. Veneman a rédigé un rapport publié dans la presse nord-américaine. Ce rapport actualise des données que l’on peut déjà trouver dans les fichiers de l’Unicef, mais sa sécheresse souligne la gravité de la situation des enfants maliens et de leurs mères.
° Un enfant sur cinq ne parvient pas à son cinquième anniversaire. Les causes principales en sont la pneumonie, la diarrhée, la malaria (paludisme).
° Un enfant sur trois de moins de cinq ans n’a pas un poids correct pour son âge.
° Chaque femme a 1 risque de décès sur 15 pour des causes en relation avec ses maternités tout au long de sa vie (hygiène, eau, ..). Ce risque est de 1 sur 8000 dans les pays occidentaux.
° 71% des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans et un tiers de celles-ci le sont avant l’âge de 15 ans.
° 85% des femmes subissent des mutilations génitales.
La pauvreté, l’ignorance, les traditions culturelles profondes, et maintenant le changement climatique et son cortège de sécheresses ou d’inondations, tout se ligue pour que cette situation soit particulièrement difficile à faire évoluer.
Et pourtant ce n’est que par l’amélioration de leurs conditions de vie, l’acquisition d’une autonomie culturelle, sociale, politique et économique que les femmes feront moins d’enfants, parce qu’elles feront des enfants qui vivront.
Et non par l’imposition de politiques dictées de loin, d’Occident; politiques qui seront dénoncées comme celles des colonialistes, des blancs (la lutte contre l’excision est un exemple de ces causes qui sont mal perçues par les populations à qui elles sont destinées).
»… Le Sommet du développement durable (…) ne débouchera peut-être pas sur grand chose. Et lors des réunions préparatoires on aura vu se rouvrir de vieilles cicatrices dont on s’était trop brièvement préoccupé (…). Entre les groupes « environnementalistes » des pays du Nord et les groupes « de développement » des pays du Sud, de nombreuses différences subsistent, aussi manifestes que jamais. »
»Bon nombre de groupes du Nord pensent qu’il est de leur devoir de sauver le Sud du « développement », quoi que cela puisse coûter aux gens du Sud. Dans leur propre pays, ils ont bien du mal à faire évoluer les attitudes en matière de développement, mais ils ont vite fait de montrer du doigt leurs collègues du Sud en disant : « Non, non ! le développement c’est pas bon pour vous ! » Et ils vous désignent le rayon du magasin où s’étalent les mirages du développement durable : « Regardez, ça c’est bon pour vous ! » La plupart du temps ces gens oublient évidemment de mentionner le prix de l’article. Ils ont du mal à avouer que pour faire du développement durable, il faut plus d’argent. Cela les obligerait à pousser leurs gouvernants à respecter au moins leurs engagements financiers. Mais cela ils ne sont pas capables de le faire : on le voit bien depuis le temps que ça dure. Pour eux, il est bien plus facile de traiter avec les gouvernements du Sud. Car les pays du Sud, on peut leur forcer la main, leur imposer des conditions via les grandes institutions internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international…) dominées par les intérêts du Nord. »
»C’est pour cela que « le droit au développement », qui a été reconnu comme un droit inaliénable de l’Homme lors de l’Assemblée générale des Nations unies en 1986, reste un sujet controversé dans le projet de document du Sommet du développement durable (…). A l’image de leurs gouvernants, bon nombre de groupes du Nord sont contre l’idée que toutes les nations ont un droit égal à se développer. Ils estiment qu’en accordant aux pays du Sud le droit de se développer pleinement on leur donnera aussi « le droit de polluer ». Pour ces pays, il faut donc se limiter au « droit au développement durable ». Autrement dit, les pays en développement peuvent bien essayer de pourvoir aux besoins de leur population, à condition de rester dans un cadre contraignant. Avec ces restrictions, on remplace en fait un droit par une obligation. »
»Premier point : ce « droit au développement durable » ne tient pas compte du fait que, contrairement aux pays industrialisés, les pays du Sud n’ont pas encore consommé leur part de l’environnement mondial. En toute équité, ceux-ci devraient pouvoir bénéficier pleinement du « droit au développement » tandis que s’imposeraient aux pays industrialisés les restrictions qu’exige le développement durable. Les pays en développement ont le droit de se développer selon des modèles conventionnels tant qu’ils n’auront pas consommé leur part de l’environnement mondial, ou jusqu’à ce que la communauté mondiale leur accorde les moyens financiers et techniques qui leur permette d’opter pour le développement durable. Dans ce dernier cas, les pays du Sud ne devraient pas faire d’objections pour entamer les changements souhaitables. »
»Deuxième point : comment définir le développement durable. Avec cette expression caméléon, on peut parier que le « droit au développement durable » applicable aux pays du Sud sera défini selon les desiderata des pays du Nord, parce qu’ils sont financièrement les plus forts. Au cours de toutes ces années passées, nous avons compris que les critères du développement durable, tel qu’il est conçu par les pays du Nord, peuvent desservir gravement les intérêts des pauvres et favoriser les riches. Prenons l’exemple de la « foresterie durable » : la plupart des critères retenus pour une exploitation durable des forêts favorisent avant tout les pratiques en usage dans les pays développés. Qu’importe si cela enrichit encore plus le riche au lieu de profiter aussi au pauvre. Peu importe si, avec ces contraintes, les petits producteurs du Sud auront du mal à résister à la concurrence des gros producteurs du Nord. »
»Pour deux autres raisons, auxquelles on a fait allusion plus haut, le droit au développement durable peut constituer un sérieux problème dans les pays pauvres. Le développement durable exigera évidemment des dépenses supplémentaires, et pour cela il n’y a pas encore de financements disponibles dans les pays du Sud. D’autre part, il est probable que, par « des cadeaux » ou par la force, on obligera ces pays à remplir leurs engagements vis à vis des objectifs du développement durable tandis que les pays du Nord continueront à faire comme bon leur semble. Et les pays du Sud ne disposent d’aucun moyen de pression pour les contraindre à faire les choses autrement. Dans leurs pays respectifs, les ONG du Nord resteront aussi impuissantes qu’elles le sont actuellement, et elles jugeront plus confortable de fermer plus ou moins les yeux sur les carences de leurs gouvernants. C’est bien ce qu’elles ont fait sur la question du réchauffement climatique. Au lieu d’essayer de changer les choses chez eux, de réduire la dépendance vis à vis du carburant fossile, ces groupes préfèrent, parce que c’est plus facile, imposer le changement aux pays du Sud grâce à l’influence qu’ils peuvent avoir sur les institutions financières internationales. »
»Avant de parler de « droit au développement durable » plutôt que de « droit au développement », ces groupes devraient admettre qu’il est grand temps que les pays riches s’engagent fermement sur la voie du développement durable, que le « droit au développement durable » impose des contraintes supplémentaires aux pays du Sud auxquels on refuse un droit égal au développement. Tous les êtres humains devraient avoir un droit d’accès égal à toutes les ressources pour satisfaire leurs besoins. Tous devraient avoir une part égale des fruits du développement. Mais pour les populations les plus démunies du Sud, il s’agit tout simplement de survie. »
L’auteur de ce texte se nomme Anju Sharma. Ce texte a été écrit en … 2002 et publié le 15 août 2002, en anglais, dans le revue “Down To Earth”, du Center for Science and Environment (http://www.cseindia.org/) . Cette traduction française (http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6678.html) due à Gildas Le Bihan a été publiée dans le N° 10 (2005) de la revue “Notre Terre” éditée par le CRISLA (http://www.crisla.org/) .
Le Sommet concerné par ce texte était le Sommet pour le Développement durable de Johannesburg. Demain s’ouvre le Sommet de Copenhague, censé sauver la planète des méfaits du réchauffement climatique. Or, quand les droits à émission de carbone sont considérablement plus élevés pour les pays riches que pour les pays en développement, c’est tout simplement que le “droit au développement” n’est pas reconnu à ces derniers. La définition de “droit au développement” a t’elle réellement évoluée entre 2002 et 2010 ?
Quand à la carte qui illustre le post, elle a pour but de susciter la réflexion. Elle est centrée sur le Pacifique et la représentation des pays y est conforme à leur superficie (projection de Peters), ce qui n’est pas le cas de nos cartes habituelles. Dérangeant, n’est-ce pas ?
Voici déjà quelques mois (Faut-il-mettre-un-terme-à-l-aide-à-l-Afrique) , j’avais parlé d’un livre écrit par Dambisa Moyo, alors même qu’il n’était pas encore traduit en français. C’est en parcourant les sites progressistes et critiques de l’Afrique Noire que j’avais découvert cet ouvrage. Le voici traduit en français, sous le titre de “L’AIDE FATALE” et publié chez Lattes.
La thèse est assez simple. Les faits montrent à l’envie que l’aide apportée à l’Afrique ne contribue pas à son décollage économique, loin s’en faut, puisqu’au contraire les inégalités s’accroissent et la pauvreté augmente. La solution réside dans une suppression prochaine de l’aide et le remplacement de celle-ci par quelques principes économiques d’inspiration assez libérale:
utiliser les marchés d’obligations,
encourager une politique d’investissements dans les infrastructures en échange de matières premières, comme le fait la Chine,
mettre un terme au protectionnisme européen et américain en matière de produits agricoles et de matières premières,
développer le rôle des intermédiaires financiers, notamment en microfinance.
La réponse laisse un peu perplexe. La cause en serait le poids des valeurs religieuses qui imprègnent le politique en créant une sorte d’obligation morale à l’aide des pays pauvres de la part des pays riches. Je veux bien, mais je ne suis pas certain qu’il n’y ait pas d’autres facteurs et notamment le fait que les pays riches SAVENT que l’aide entraîne une dépendance, que cette dépendance a souvent pour nom la DETTE, et qu’en raison de cette dépendance les pays riches s’octroient des droits sur les matières premières: pétrole, métaux rares, uranium, …
Quoi qu’il en soit, cet ouvrage ne laisse personne indifférent et sa place est bienvenue dans les débats qui entourent la définition d’une nouvelle mondialisation, ou d’une mondialisation plus respectueuse des ressources naturelles et dont les productions sont plus conformes aux besoins réels des populations.
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