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Pétrole

Prix du pétrole: fondamentaux physiques ou financiers …?

L’AIE (Agence Internationale de l’Energie) vient de publier une mise à jour de ses prévisions 2010 (http://fr.rian.ru/energetics/20100211/186038483.html) en matière de consommation mondiale de pétrole. Cette correction en date du 11 février intervient, à la hausse, un mois après une prévision publiée en janvier.

La consommation mondiale de pétrole en 2010 serait de 86,5 millions de barils/jour, essentiellement portée par les pays émergents et l’Asie, soit en augmentation de 1,94% par rapport à 2008. Le prix moyen du baril serait de 75 $.

La consommation de pétrole en 2009 a été de 84,9 millions de barils/jour, à un prix moyen de 58 $, et en baisse de 1,5% par rapport à 2008.

En 2008, la consommation moyenne a été de 86,1 millions de barils par jour. Elle était de l’ordre de 85 millions de barils/jour en 2007.

Ainsi, les prévisionnistes nous annoncent le retour d’une consommation pétrolière voisine, voire supérieure, à celle que nous connaissions au moment de la grande crise qui a vu le coût du baril s’élever jusqu’à 145 $. Les mêmes faits produiront-ils les mêmes effets ? Cela est bien probable.

Jean-Marie Chevalier et un groupe d’experts viennent de remettre au gouvernement, et singulièrement au Ministère de l’Economie, un rapport relatif à la volatilité des prix du pétrole (http://www.economie.gouv.fr/services/rap10/100211rapchevalier.pdf) . Après un rappel des périodes 2000-2003 (stabilité des prix à 22-28 $ le baril), 2004-2008 (explosion de la demande et envolée vers les 100 $) et 2008-2009 (interactions entre éléments physiques et financiers caractérisée par la montée à 145 $ et la chute à 36 $ suivie d’une remontée en 2009), les auteurs soulignent que « dans l’abondante littérature consacrée au sujet il est difficile de trancher entre les tenants des fondamentaux physiques (demande des pays émergents, crainte d’un peak oil, crise économique, etc…) et les tenants des fondamentaux financiers (rôle des taux de change et taux d’intérêt, montée en puissance du pétrole “papier”, arrivée des nouveaux intervenants tels que les fonds indexés sur les matières premières, les comportements moutonniers-herding-des investisseurs, le jeu des arbitragistes spot-futures et ses limites) ».

« En conclusion, on peut avancer: »

 »- que le jeu de certains facteurs financiers a pu amplifier les mouvements à la hausse ou à la baisse des cours, augmentant la volatilité naturelle des prix du pétrole, »

 »- qu’on ne peut exclure que de tels mouvements ne se reproduisent dans les années à venir, à la volatilité naturelle s’ajoutant celle due aux comportements d’investisseurs financiers qui considèrent le pétrole (et plus généralement les matières premières) comme une classe d’actifs arbitrables par rapport à d’autres, »

 »- que les tensions fortes sur les cours se manifesteront en raison essentiellement de fondamentaux physiques (sous-investissement en nouvelles capacités) d’ici la fin de la décennie, »

 »- que le fonctionnement des marchés financiers du pétrole et la logique financière des acteurs qui les animent sont porteurs de risques difficilement contrôlables qui peuvent engendrer un risque systémique”. »

Dans le développement de ces idées, il est intéressant de noter que la spéculation joue sans doute un rôle dans les désordres du prix du pétrole, mais que celui-ci reste largement conditionné par le coût futur du produit. Ainsi l’exemple donné des arbitragistes qui achètent un produit  »spot » et le revendent au prix  »futur », profitant de capacités de stockage en mer évaluées à 130 millions-180 millions de barils, soit de 3 à 4 jours de consommation mondiale (1% de la consommation mondiale !). Quand bien même ces spéculateurs feraient cette opération trois ou quatre fois l’an, ce ne serait qu’une masse de 3 à 4% de la consommation mondiale qui seraient soumise à ce jeu d’augmentation artificielle des coûts. Sans compter que le jeu est risqué pour ce type de spéculation: lorsque le prix chute, le pétrole stocké est rapidement dévalué. Par ailleurs, la capacité de stockage atteint vite des limites qui sont “contre-productives” pour les spéculateurs, puisque le stock tend à contenir les prix.

Le coût futur du produit est le plus souvent conditionné par des éléments physiques (ouragan Katrina, production au Liberia, peak oil, …): « les fondamentaux physiques demeurent les principaux déterminants des prix du pétrole à moyen et long terme ». (Cette dernière phrase est un intertitre dans le document de Jean-Marie Chevalier).

« Une variable joue un rôle absolument majeur: le niveau et le calendrier des investissements d’exploration-production. Il convient de distinguer la question du volume des réserves de pétrole prouvées et récupérables et, d’autre part, le problème de la transformation de ces réserves en capacité de production. La crise économique a eu un impact très négatif sur le montant des investissements (…) et elle a exacerbé les incertitudes sur l’évolution attendue de la demande pour le pétrole. Par ailleurs, l’accélération de la prise de conscience des problèmes liés au réchauffement climatique apporte des incertitudes additionnelles.

N’est-ce pas ce qu’en termes plus ramassés on appelle le Peak Oil, c.a.d le pic pétrolier, le moment où la baisse de production de pétrole sera confrontée à une hausse constante de la demande ? Les capacités d’investissement-production rencontreront bientôt une limite qui sera imposée par la trop grande profondeur des réserves prouvées (-12000 m), les difficultés techniques (croûte de sel de plusieurs milliers de m. d’épaisseur, densité trop élevée des sables bitumineux, …), ou les oppositions environnementales et/ou culturelles.

Puits de pétrole (C)Preciohm

Le rapport Chevalier poursuit alors par une série d’une vingtaine de propositions visant à améliorer le fonctionnement des marchés pétroliers (transparence) et définir une stratégie pour l’Europe: 1- propositions organisationnelles, 2- gouvernance financière, 3- transparence des transactions, 4- transparence de la formation des prix, 5- renforcement des règles anti-abus de position dominante, 6- séparation des activités analyste/trader et compte propre/compte client, 7- scénarisation de la demande future de l’Union Européenne en produits pétroliers en cohérence avec la stratégie environnementale, 8- mise en cohérence de la fiscalité pétrolière à l’échelle européenne, 9- meilleure connaissance des stocks.

Il est bien entendu qu’aucune de ces propositions ne soit à contester, mais il est singulier qu’une seule idée soit en adéquation avec la teneur du rapport. Toutes les propositions sont exclusivement d’ordre financier à l’exclusion de celle qui préconise une meilleure anticipation des besoins européens en produits pétroliers et ceci en accord avec les objectifs environnementaux.

Il n’est rien sur la réorientation de la politique énergétique.

Il n’est rien sur la conquête économique d’une liberté à l’égard du pétrole.

Il n’est rien sur l’économie de l’énergie.

Et pourtant, ne sont-ce pas là des facteurs déterminants pour le futur prix du pétrole ? Jean-Marie Chevalier a oublié ses exhortations du 15 février 2005 (il y a exactement 5 ans), à l’occasion du 11° cycle de conférences de politique énergétique de la Direction Générale Energie et matières Premières (DGEMP):

« la bataille du siècle consiste à mesurer et internaliser les externalités, faire de l’efficacité énergétique une priorité internationale, réduire les gaz à effet de serre, mettre l’énergie au service du développement économique, responsabiliser les acteurs et renforcer la régulation mondiale ».

Il n’est pas tout à fait indifférent de savoir si tel ou tel analyste est davantage en faveur des causes spéculatives ou des causes physiques en ce qui concerne le coût du pétrole. En effet, les premiers seront tenants de solutions anticapitalistes à la (les) crise(s) que nous vivons, tandis que les seconds seront en faveur d’un “autre développement”. Mais c’est là un autre débat. Voir post antérieurs (Pétrole:-le-retour) .

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Déchets

Déchets d’Afrique

La question des déchets, de leur collecte, de leur traitement, est une question fondamentale en Afrique. Il en va de la salubrité et de la santé publiques. De nombreux post de ce blog y font référence. Et pourtant, faute de moyens bien souvent, faute d’un engagement des élus et des collectivités parfois, c’est une question qui n’est que peu abordée, pour ne pas dire négligée.

Je découvre aujourd’hui le blog de Lola Akomatsri, de Lomé, au Togo. Sous forme d’une enquête, une série de posts vient dresser un tableau serein mais difficile à admettre des difficultés que rencontre ce secteur des services: la propreté urbaine. Je vous laisse le soin de découvrir ces infos et de vous faire votre idée. Mais si vous revenez en parler ici, ce sera avec plaisir que l’on pourra en débattre.

(http://akomatsrilola.blogvie.com/2010/02/10/interview-agboka-mawupe-%C2%AB-les-ong-jouent-un-role-social/) .

(http://akomatsrilola.blogvie.com/2010/02/10/les-ramasseuses-d%E2%80%99ordures-un-metier-en-voie-de-disparution/) .

(http://akomatsrilola.blogvie.com/2010/02/10/le-circuit-de-pre-collecte-ou-le-voyage-des-ordures/).

(http://akomatsrilola.blogvie.com/2010/02/10/recyclage-les-sachets-plastiques-une-veritable-mine-d%E2%80%99or/) .

Bamako – Vaches sur un tas d’ordures

 »je crois que la question de l’assainissement est cruciale aujourd’hui en Afrique. Et je suis ravie que des regards d’ailleurs puisse s’intéresser à la question. Il s’agit d’une enquête que j’ai réalisée et qui m’a fait découvrir également que tout un travail de fourmi se fait en amont pour rendre Lomé la capitale de mon pays propre. »

 »CORDIALEMENT »
Rédigé par : Lola AKOMATSRI

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Ecologie

Deep Ecology = Hard Ecology

Ce que l’on appelle Deep Ecology ne se traduit pas par Ecologie Profonde, mais par Ecologie Radicale. Quant à être une nouvelle idéologie, il n’y a aucun risque à vexer qui que ce soit en l’affirmant: les militants de la deep ecology sont les premiers à le revendiquer haut et fort.

Et comme toute idéologie, celle-ci commence par se choisir les bases d’une … religion. Sont déclarées hors-jeu toutes les religions du bassin méditerranéen, christianisme, judaïsme, islam, au motif que leurs fondamentaux n’accordent pas de place à la terre, à la nature. La bible et son Deutéronome sont considérés comme les commandements d’un chef de bande. La Genèse confie à l’homme toutes les créations des cinq premiers jours afin qu’il les domine, en lui recommandant de croître et de se multiplier. Il est vrai que, quelle que soit celle des trois religions que l’on prenne en considération, les exégètes et les théologiens ont bien du mal à déceler quelques racines écologiques. Donc la religion qui nous est proposée est celle de la déesse-terre, celle que préconise Evo Morales, la religion de Pachamama. Vous pouvez apprécier l’effort culturel qu’il reste à produire pour neutraliser près de 3000 ans d’histoire biblique et judéo-chrétienne !

Pachamama. Illustration traditionnelle

Autre idée forte d’une idéologie; se désigner des adversaires, et souvent plus que cela: des ennemis.

Le premier ennemi des écologistes radicaux, c’est celui qui conteste peu ou prou le réchauffement climatique et la part que l’homme y joue, quand bien même le ferait-il de bonne foi. Celui-là est un négationniste.

L’ennemi du second cercle, c’est le capitalisme dont il n’y a strictement rien à attendre et qui est qualifié de capitalisme brun ou de capitalisme vert-de-gris.

Quant aux ennemis du troisième cercle, ce ne sont ni plus ni moins que les états, accusés de “pratiquer le national-socialisme parce que contraints de mener une politique d’exploitation expansive” (Hans-Dieter Klein-1989).

Tout ce vocabulaire qui fait un peu froid dans le dos n’est pas fortuit, il n’est pas choisi au hasard, bien au contraire. Il véhicule une telle charge historique, politique, émotionnelle qu’il autorise tout militant de l’écologie radicale à “entrer en résistance”.

Il existe un blog (un peu “désagréable” par ailleurs, parce qu’anonyme) qui reprend quotidiennement cette idéologie: Biosphère (http://biosphere.ouvaton.org/) . Sous une présentation parfois “petite fleur”, c’est bien une nouvelle société qui est souhaitée (pédagogie de la catastrophe) et préparée (déclarations, symboles, manifestations). Un exemple de ce 5 février:

 »L’émission Globalmag, désormais diffusée du lundi au jeudi sur Arte, veut raconter de belles histoires, aborder l’écologie de manière positive avec lucidité sans être sinistre et cul-pa-bi-li-sant. C’est là un refus manifeste de la réalité à venir. La fin du pétrole accompagnera la fin de la civilisation thermo-industrielle, la fête est finie. Mais ce n’est pas de la morosité de reconnaître que les temps vont être durs, c’est de la lucidité, du réalisme, une attitude responsable. »
 »La culture occidentale centrée sur le développement nie cette évidence : même les civilisations sont mortelles. Toute chose naît, grandit et dégénère pour mourir à la fin. L’enfant voit le jour pour mourir un jour, comme les autres animaux, les plantes, la terre, le soleil. Mais le jeunisme incite à effacer les rides et à cacher les fins de vie ; le progrès technique loue les nouvelles inventions, mais oublie toutes les techniques obsolètes et les friches industrielles ; la croissance économique se veut sans fin sur une planète finie. La culture occidentale célèbre le développement, le culte du toujours plus, et nous obtenons un trop-plein, une démesure : suractivité, surdéveloppement, surproduction, surabondance, surpêche, surpâturage, surconsommation, suremballage, surendettement, surmédicalisation… Or, après l’exubérance de la vie, il y a le déclin. Après la consommation de masse, il y a les pénuries. Tout à une fin. Image anxiogène ? »
 »Puisqu’il y a une incompatibilité entre les croyances actuelles en une croissance sans fin et les limites biophysiques de l’économie, alors soyons heureux de vivre autrement, plus simplement. Nous allons mourir un jour ? La belle affaire ! Faisons de notre vie un amour de la vie toujours renouvelé, un amour de notre planète si belle dans le soleil couchant. Faisons vite tant qu’il est encore temps. La vie est si courte ! »

Mais dans la pratique, cela se traduit par:

  • une vie plus simple, dans laquelle sont relocalisées les productions et les consommations, limités les transports et déplacements, interdit l’usage non professionnel des voitures, … (les villes en transition de Rob Hopkins en sont la préfiguration)
  • la régulation de la population mondiale, le malthusianisme, …
  • la réorientation des sciences et des techniques vers une réappropriation par les gens autonomes. Un exemple: à la place de l’usine de charcuterie, c’est le cochon qu’on tue et sale avec l’aide des voisins. Et pour la robe, c’est la machine à coudre à commande au pédalier …

A titre individuel, peut-être est-il possible de suivre ces préceptes.

A titre collectif et sociétal, comment imaginer que pourront être évitées les décisions et actions coercitives que les tenants de l’écologie radicale justifient déjà au nom des guerres qui seront ainsi évitées ou minimisées ?

A titre universel enfin, qu’en est-il du développement des pays en voie de développement (PED) et qu’en est-il du développement de ceux qui n’ont encore rien (ni eau courante, ni électricité par exemple, …) ?

La deep ecology n’est qu’une idéologie très occidentalo-centrée (Avant-Copenhague-les-écolos-(certains)-s-énervent-…)

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Ecologie

Engager une profonde réflexion écologique: seconde résolution pour 2010

Ce n’est qu’une préface, un préambule.

Parce que je suis convaincu que la Conférence sur le Climat de Copenhague n’est pas un échec, parce que je crois fermement que des méthodes nouvelles doivent être inventées pour discuter à 192 sans rejeter l’ONU qui peut préfigurer un gouvernement mondial, parce que l’on ne peut pas laisser la place aux seuls écologistes de la “Deep Ecology”, trop absolus, trop autoritaires, en résumé trop dangereux et parce que l’on ne peut pas, non plus, laisser le champ libre à tous ceux qui nient le réchauffement climatique, l’empoisonnement de notre terre par les déchets et pollutions et la fin des matières premières, alors oui il faut engager une profonde réflexion écologique au niveau de chaque individu.

Deux philosophes nous y ont récemment invité dans “Le Monde”.

Michel Serres, le 22 décembre 2009: « On a oublié d’inviter la terre à la conférence sur le climat ».

Edgar Morin, le 10 janvier 2010: « Ainsi il faut à la fois mondialiser et démondialiser, croître et décroître, développer et envelopper ».

Duel au bâton (C)Goya

On en reparle bientôt.