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Que peut apporter la France lors de sa visite en Algérie

Les 19 et 20 décembre prochain, François Hollande sera en visite officielle en Algérie. Il s’agit là d’une visite politique et d’une visite à hauts risques. Les attentes des Algériens sont nombreuses et ils ne se satisferont pas de la restitution prévue des Clefs d’Alger remises en 1830 par le dey Hussein lors de la capitulation de la ville. Alger attend de cette visite un effort quant à la « mémoire » et à la présentation des évènements de près d’un siècle et demi qui ont suivi cette colonisation.
Ils attendent également que la France prenne -enfin- une position courageuse en ce qui concerne l’avenir du Sahel et donc l’avenir de tous les pays limitrophes: Algérie bien entendu, mais aussi Maroc, Tunisie, Libye, Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie.

Dans un précédent billet (Nord-Mali:-les-positions-bougent), nous estimions que les « lignes » bougeaient. Est-ce bien sûr ? Ou, au contraire, nous trouvons-nous face à un durcissement des positions ?
D’un coté, les opposants à une intervention militaire au Nord-Mali viennent de se trouver renforcés par une prise de position ferme de la Tunisie qui « soutient l’approche algérienne et rejette totalement l’option d’une intervention militaire ». La Tunisie désire que soit « privilégié le règlement par la négociation des problèmes religieux, ethniques, sociaux et politiques entre le Nord et le Sud du Mali ».

Sur l’autre bord, à Bamako, une coalition de partis et d’associations maliens refuse toute négociation au motif que les touaregs ne sont pas représentés par le MNLA et que, de toutes façons, « ils sont minoritaires au sein de la population du Nord ». Un méthode pour rejeter toute tentative de dialogue qui pousse certains commentateurs à employer des expressions radicales visant à « solutionner la question touarègue ». Voilà qui augure bien mal du climat d’un éventuel conflit militaire dans le Nord-Mali !

Entre les deux, l’Europe, dont la France, qui se « prépare » à une option militaire et qui ne tient la négociation que pour partie très négligeable. La position de François Hollande n’a guère évolué depuis octobre, alors même qu’il expliquait que l’intervention était inévitable et qu’il se faisait fort de convaincre l’Algérie de cette « évidence »: « L’Algérie regarde avec méfiance une possible intervention ? A moi de rassurer l’Algérie ». »
Et puis l’ONU, dont le Secrétaire Général s’éloigne de plus en plus de l’approbation d’une opération armée, suivant en cela les recommandations de son envoyé spécial Romano Prodi. Ban Ki-Moon ne parle désormais que d’une « intervention nécessaire en dernier recours » et probablement pas avant septembre 2013, ce qui entraîne la fureur des ministres de la CEDEAO qui considèrent que cette attitude est « déphasée et en-deçà des attentes ».

Ban Ki-Moon (DR)

Plutôt que de se réfugier dans l’attentisme guerrier, la France ne pourrait-elle pas prendre l’initiative et favoriser le dialogue entre toutes les parties en prenant à son compte les recommandations tunisiennes ? Les problèmes religieux, ethniques, sociaux et politiques ont toujours été négligés dans cette partie du monde. Les accords, de paix souvent signés avec la médiation de l’Algérie, entre Sud et Nord-Mali, n’ont jamais été suivis de mise en application. Les entreprise françaises, Areva comme Total ou d’autres, ne sont pas réputées pour se comporter avec un esprit de coopération. Ne pourrions-nous mettre en avant un médiateur sachant parler de la coopération juste ? Il est des ministres qui savent parler aux entreprises en ce qui concerne l’emploi, ne peut-il se trouver un ministre qui sache demander aux entreprises opérant dans le Sahel d’employer des personnels issus de la population locale, de les former à des métiers qualifiés, de participer au développement local des pays d’action (routes, équipements sociaux et culturels, santé …), d’associer les gouvernements locaux à la gestion des équipements et au partage équitable des revenus, … ?
Le Nord-Mali est actuellement une « zone de non-droit » tout comme le sont (toutes proportions gardées) certaines de nos banlieues. Et comme dans nos banlieues ce n’est probablement l’intervention policière d’un coté, ou militaire de l’autre, qui apportera une solution durable et acceptable par tous. Considérer que les populations touarègues ne doivent que se taire parce qu’elles sont minoritaires relève d’une faute politique impardonnable et surtout lourde de dangers.

En fait, si la France doit apporter des clés dans ses bagages pour l’Algérie, ce sont avant tout les clés d’une solution politique des questions sahéliennes.

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Droits de l'homme

Niger, Tunisie, Egypte nous interpellent

Depuis le début de l’année, des événements tous plus violents les uns que les autres s’enchaînent et interpellent vigoureusement la France, et au-delà l’Europe, voire tout ce qu’il est coutumier d’appeler le monde occidental.

Le Niger, tout d’abord, avec l’enlèvement et la mort des deux otages Vincent Delory et Antoine de Léocour. Nous en avons parlé ici (Le-Niger-la-France-et-les-otages). Indubitablement, leur mort est consécutive à l’engagement des forces armées nigériennes et françaises pour arrêter le convoi d’AQMI ou de ses “fournisseurs” avant qu’il ne “disparaisse” au Mali. La mort des deux jeunes gens n’est pas une bavure, c’est la conséquence d’un acte de guerre au cours duquel deux adversaires se sont affrontés. Avec cet événement, nous avons assisté à un virage brutal de l’attitude française envers les prises d’otages. Il n’est désormais plus question de laisser AQMI kidnapper ou faire kidnapper des français sans réagir. Il doit être mis fin au lucratif négoce des rançons qui permet à Al Quaida de s’équiper en armes et en matériel et de financer ses intermédiaires. Les activistes ont pourtant déjà remporté une victoire: les européens sont partis, y compris et surtout ceux qui apportaient une aide humanitaire au pays, au travers de multiples ONG. Les touristes ne viendront plus avant longtemps, alors que certains villages ne vivaient que de ce tourisme équitable. Il est probable que désormais la situation évolue vers des attentats, comme tout dernièrement en Mauritanie avec la destruction d’un véhicule chargé d’explosifs.

Quel intérêt avons-nous à être au Niger et à y rester, protégés par une force militaire ? AREVA, notre quasi seule présence économique dans ce pays, celle de l’extraction de l’uranium (http://www.temoust.org/uranium-le-marche-va-t-il-se,13964). La question n’est pas celle de notre programme nucléaire, car même s’il devait être freiné ou interrompu, nous aurions besoin d’uranium (d’autres pays aussi à qui nous le revendons sous forme de concentré). Désormais, son extraction se fera sous la protection de l’armée !

Mines d’uranium au Niger (DR)

Il est certain (quoi qu’en pense Ecologie-Les Verts) qu’il n’est pas possible de privilégier la négociation par rapport à l’usage de la force. Car AQMI ne veut pas négocier, ne cherche même pas à négocier, il ne veut qu’éradiquer les occidentaux du Sahel, parce que ce sont des infidèles. Et pour cela, il enrôle les jeunes sans emploi et les assomme d’une idéologie basique. Comment contrer cette dangereuse évolution ? Est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? On rejoint là le débat récurrent des relations entre la France et l’Afrique. La France a remis 3 millions d’euros d’aide budgétaire au Niger en début d’année. Ce n’est pas suffisant. C’est AREVA qui doit faire son aggiornamento, mettre ses pratiques en accord avec ses mots (http://www.areva.com/FR/notreoffre-412/prospection-et-extraction-d-uranium-pour-un-approvisionnement-durable.html), embaucher des jeunes maintenant que tous les expats sont partis, maintenant que tous les humanitaires sont partis, les former, leur apprendre les techniques d’assainissement des villes et villages, la viabilité des routes, les former pour distribuer l’aide alimentaire, pour trouver de l’eau, créer un jardin, faire un peu d’agriculture, satisfaire la faim des enfants, reconstituer les troupeaux … Et puis investir dans la protection de l’environnement (neutralisation de ses produits d’extraction) et enfin verser à l’état nigérien une juste compensation de la plus-value opérée sur le bien mis à sa disposition: la terre du Niger. Est-ce rêver ?

Pour terminer sur le Niger, notons le calme du 1er tour des élections législatives et présidentielle et saluons la promesse faîte et tenue par les militaires: rendre le pouvoir aux civils, peut-être au peuple …

La Tunisie ensuite, au sujet de laquelle nous avons déjà émis quelques commentaires (Tunisie-Egypte-…). Toutes les 48 heures, le comportement du gouvernement français revient sur le devant de la scène, alimenté par les centaines de commentaires des “révolutionnaires de la dernière heure”. (« Depuis trois semaines, une effervescence médiatique sans précédent rattrape deux décennies de mutisme, de mensonges et d’ignorance » – Myriam Marzouki, le 23/01/2011).

Prenons le récent exemple de MAM. Des colonnes entières de journaux et des centaines de commentaires Internet lui reprochent d’avoir utilisé l’avion d’un industriel proche de Ben Ali. C’est là une instrumentalisation de la révolte tunisienne à des fins strictement internes à la politique française. Sur l’affaire, effectivement entre Noël et le Jour de l’An, les manifestations étaient encore circonscrites loin de Tunis, même si elles commençaient à prendre ampleur et signification. Avec MAM, des milliers de Français (sans doute certains commentateurs d’aujourd’hui …) prenaient des vacances à Hammamet ou à Djerba.

Aucun de ces commentateurs n’a posé le vrai problème. Si elle avait utilisé l’avion de cet industriel six mois plus tôt, en août, cela aurait-il été normal ? Si cet avion appartenait à un industriel d’opposition, cela aurait-il été normal ? Apparemment oui, pour tous ces commentateurs ! Et pourtant c’est NON: il s’agit d’un conflit d’intérêt, et en tant que tel c’est inacceptable. Là est la vraie faute de MAM, comme celle de Sarkozy avec le yacht de Bolloré.

Et maintenant l’Egypte qui sombre progressivement dans le chaos.

Très probablement des foules sont manipulées pour défendre Moubarak. Mais il est fondamental de comprendre que ce pays de 80 millions d’habitants n’est pas la Tunisie. Il existe deux Egypte aujourd’hui. Celle des jeunes, nourris à l’Internet (Facebook, Twitter, les blogs …), assez cultivée et très contemporaine, ouverte sur l’occident, avide de connaître elle aussi la liberté et la richesse qu’affiche cet autre monde. Et puis celle des pauvres, souvent analphabètes, soumise, qui gagne chaque jour à peine ce qu’il faut pour manger trois  »falafels » le soir: cette Egypte-là ne peut que ressentir le vertige et la peur à l’idée de perdre son Raïs. Ce n’est pas une raison pour la mépriser. Les policiers eux-mêmes en font partie (au contraire de l’armée), leurs salaires sont miséreux (ce qui explique leur quête constante d’un bakchich) et il n’est pas besoin de les pousser beaucoup pour aller contre-manifester.

People demonstrate in support of the Egyptian people’s protests against the regime of President Hosni Mubarak in front of the Egyptian consulate in Chicago on January 29, 2011. The embattled Mubarak tapped Egypt’s military intelligence chief as his first-ever vice president and named a new premier as a mass revolt against his autocratic rule raged into a fifth day. Fresh riots in several cities left three protesters dead in Cairo and three police in the Sinai town of Rafah, bringing to at least 51 the number of people killed nationwide since the angry protests first erupted on January 25. AFP PHOTO / Mira OBERMAN

Qu’on ne se méprenne pas sur les convictions de ce blog très souvent exprimées dans les nombreux posts consacrés à l’Egypte: 30 ans de pouvoir autocratique et de régime “spécial”, c’est trop !

Des hommes essaient de comprendre et d’expliquer qu’il faut sans doute passer par des phases de transition correctement négociées (contenu, échéance). Boutros Boutros-Ghali est de ceux-là. Mais il est copte … il ne sera même pas écouté. D’autres sont trop seuls, comme El Baradei, et s’appuient sur des forces “obscures”. Enfin, il en est, sans doute, qui attendent que le fruit mur tombe de l’arbre …

Comment devons-nous nous comporter ? Quelle attitude prendre ? Que faut-il dire ?

Les mots définitifs emplissent les colonnes des journaux: “Il faut appeler une dictature, dictature”, “les intellectuels français fustigent le silence de Paris”, “L’Union de la méditerranée: l’échec de Sarkozy”, etc …

Peut-on dénoncer une “dictature” (Tunisie ou Egypte) quand plusieurs millions de français y ont pris leurs vacances depuis des années: 600 000 français par an dans chaque pays ?

Comment peut-on conserver des liens avec ces pays tout en faisant comprendre que des progrès doivent être accomplis en matière de libertés individuelles, de statut de la femme, de liberté de la presse, … ?

Comment concilier ces impératifs avec la réalpolitik ? Pour la Tunisie, l’Egypte, comme pour le Niger, on peut aussi cesser toutes relations commerciales et se réfugier dans la posture. Cela ne changera rien et d’autres pays feront les affaires que nous ne ferons plus. La Chine, par exemple, ne sera pas regardante sur la démocratie … elle ne connaît pas !! Et les mêmes commentateurs viendront demain reprocher à un autre gouvernement (voire au même) le déclin de la France. La voie est étroite entre le silence complice et l’ingérence inacceptable. La presse a un rôle à jouer. Mais elle doit le jouer en permanence et non seulement lorsque le maelström médiatique le lui impose. Ensuite, les hommes et femmes politiques… s’ils renoncent aux privilèges et aux conflits d’intérêt.

De même, dire et écrire que l’Union pour la Méditerranée est un échec à cause des conditions de sa création avec des états insuffisamment démocratiques est une fondamentale erreur. Cela veut d’abord dire qu’elle n’a, même actuellement, aucun droit à exister. Et puis, avec de tels principes, l’ONU, le FMI, la Banque Mondiale, l’UNICEF, l’UNESCO, tout cela n’aurait pas le droit d’exister. En Europe, l’Espagne n’a certes été intégrée qu’en 1985 parce que la CEE voulait qu’elle évolue vers un régime démocratique. Cependant, dès 1970, un accord préférentiel était signé pour servir de cadre aux échanges commerciaux entre les deux parties. Le dialogue a toujours des vertus, y compris avec un partenaire peu démocratique. Le tout est de ne pas remplacer le dialogue par la complaisance.

Si l’UPM est actuellement un échec, c’est bien à cause des rivalités entre pays et à cause du conflit israélo-palestinien. Et si les révoltes actuelles ne recouvrent pas le Maghreb et le Proche-Orient d’un voile de fermeture et de repli sur soi, alors oui, l’Union pour la Méditerranée sera à réinventer. Car ce n’est que par elle que pourront être abordées des questions de paix, de développement, de croissance et d’environnement. L’idée ne doit pas être si mauvaise, puisque des intellectuels africains nous la reprochent en considérant qu’elle est tournée contre eux et qu’elle devrait être remplacée par un plus large accord Europe-Méditerranée-Afrique.

En attendant, avec vigilance et fermeté, ici et maintenant, il nous faut refonder la démocratie.