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Malbrough s’en va-t-en guerre

Quel est le tableau quatre jours à peine après la mise en place de la coalition destinée à protéger les civils libyens ? Une coalition faite de bric et de broc, à laquelle les principaux pays européens, autres que la France et la Grande-Bretagne, participent en se pinçant le nez, l’Allemagne plus que réticente, l’Italie opposée à cette intervention. La Russie et la Chine, qui se sont abstenues au Conseil de Sécurité, ne cessent de répéter qu’il faut trouver une autre méthode. Les pays arabes ne se comptent même pas sur les doigts d’une seule main et il ne s’agit que de vassaux des USA qui sont là pour jouer les faire-valoir. Quand à l’Afrique, comme il en a été question ici , elle demande inlassablement des négociations.

Aujourd’hui, les Américains sont de plus en plus pressentis pour prendre la tête de la manœuvre au travers d’une participation de l’OTAN. Les résidences de Khadafi sont bombardées et l’on ne voit pas bien en quoi elles représentent une menace pour les populations civiles.Ce qui est cependant le plus étonnant, c’est cette sorte de consensus mou national, autour duquel on retrouve toute la gauche traditionnelle qui se félicite d’aller frapper Khadafi, un peu comme si elle s’empressait de brûler ce qu’elle adorait hier. Ce qui est le plus désolant, c’est de voir la presse, “Le Monde” en tête, écrire des éditoriaux pour appeler à l’intervention, puis pour approuver celle-ci.

Il a suffit d’un chef de guerre, qui cherche à faire oublier ses solidarités passées et qui veut se refaire une santé politique, pour que tout le monde ou presque lui emboîte le pas et parte en guerre, mironton, mironton, mirontaine, …

Et “ne sait quand reviendra” … Telle qu’elle est construite actuellement et telle qu’elle va probablement évoluer dans les jours à venir, la coalition va ressembler de plus en plus à une armée d’intervention destinée non pas à défendre la démocratie, mais bien davantage à défendre les intérêts de l’Occident, une “croisade” comme le redoute la Russie et l’Allemagne, une “croisade” comme vient de le déclarer Claude Guéant.

Pourquoi ne pas intervenir en Côte d’Ivoire ? Alors que la démocratie, là aussi, semble bafouée ? Et demain, interviendrons-nous également au Yémen ou à Bahrein ?

Ce qui s’est construit sur des bases floues et équivoques ne peut pas continuer ainsi, sous peine de donner du crédit à l’immuable reproche d’intervention des occidentaux dans les affaires des pays arabes. Encore quelques jours et cela sera un affrontement dans le plus pur style du “clash des civilisations” ! Complété par une généreuse distribution d’arguments pour Al Qaïda !

Rebelles libyens (C)Meanews

Alors, qu’aurait-il fallu faire ? Tout d’abord, bloquer la totalité des avoirs de Khadafi en Europe et dans le monde, mettre fin à tout commerce, à tout contrat actuel et futur, placer la Libye sous embargo général aussi bien économique que diplomatique, brouiller ses ondes radios et TV y compris ses canaux militaires, …. Ensuite, aider les forces démocratiques en leur fournissant des armes, des vivres, des soutiens. Il se trouve que les deux frontières avec la Tunisie et l’Egypte sont situées dans des zones plus ou moins contrôlées par les rebelles. Un dialogue avec ces deux pays nouvellement ouverts au dialogue démocratique aurait peut-être été plus fructueux qu’un appel à participer à une coalition. Enfin, si tout cela s’avérait insuffisant, une intervention de la seule force authentiquement représentative de la volonté des Etats: la Force des Nations-Unies, les Casques Bleus. Mais oui, cela est plus long, cela demande davantage de débats, mais cela évite aux chefs de guerre de se mettre en avant avec la complicité de la gauche.

Les chose peuvent-elles encore être changées ?

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Intervenir en Libye ?

Ainsi donc, l’Union Européenne et ses ministres-diplomates ne sont pas parvenus à une position commune à l’égard de la Libye. Il n’y aura pas d’intervention militaire avec pour but de créer une zone d’exclusion aérienne et de la maintenir active. Nombreux sont ceux qui parlent déjà de renoncement, d’abandon des populations libyennes, de renoncement face à un dictateur, accommodement avec des contrats de fourniture en pétrole ou de livraison de matériels ou technologies, … mais est-ce si certain ?…

Depuis le début de la crise, puis de la quasi guerre civile que se livrent les libyens entre eux, force est de constater qu’un continent entier se tait ou prend position avec les plus grandes circonspections: il s’agit du continent africain, celui qui devrait être concerné au premier chef puisque Khadafi, “roi des rois d’Afrique”, élu président de l’Union Africaine il y a tout juste deux ans, se voulait le héraut de la nouvelle Afrique. Il faut dire que Khadafi a généreusement aidé les chefs d’état africains et tout singulièrement ceux des états sud-sahéliens, Mali en particulier. Les investissements libyens sont extrêmement importants: hôtels, administrations,achats de terres auprès de la Compagnie du Niger, aide militaire, construction de mosquées, … la liste est très longue. Ces Chefs d’Etat sont probablement mal à l’aise pour sanctionner leur ancien (et futur ?) bienfaiteur.

Khadafi et le Chef de l’Etat mauritanien en 2009 (C)M.Rivière

Voici quelques jours déjà, l’accusation faite aux combattants touaregs, qui participent aux combats contre les révoltés de Libye, d’être des mercenaires avait soulevé leur indignation. Certains de leurs responsables ont fait savoir qu’ils ne s’agissait pas de mercenaires, mais de soldats appartenant à des tribus qui avaient depuis longtemps déjà déclaré allégeance à Khadafi.

Il y a quatre jours, c’est un ancien ministre du plan de Modibo Keita, Seydou Badian Kouyaté, qui appelait à une mobilisation des esprits en faveur de Khadafi, considéré par lui comme un grand Africain, au même titre que Modibo Keita bien sur, mais aussi N’Krumah ou Sekou Touré. Pour étoffer ses dires, il s’appuyait sur des requêtes formulées par des étudiants ou des groupes de femmes.

Et voici maintenant qu’un parti, le SADI, Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance, se mobilise et convoque meetings et marches de protestation. C’est encore un petit parti, mais qui monte régulièrement dans les opinions des citoyens maliens et qui a fait figure honorable aux élections municipales de 2009. Par ailleurs, il est un soutien ferme des expulsés, ceux des maliens qui sont venus en France de façon plus ou moins officielle et qui en sont expulsés. A ce titre, il a joué un rôle actif dans le refus de signer les accords sur l’immigration proposés par la France (Brice Hortefeux-Eric Besson).

Donc ce parti se pose en défenseur de Khadafi (http://www.maliweb.net/category.php?NID=72427&intr=) et argumente ainsi sa position. Khadafi « fait face à une violente campagne d’intoxication dont le but est de convaincre l’opinion mondiale de légitimer une guerre de conquête coloniale des Etats-Unis et de l’Europe pour faire main-basse sur les richesses pétrolières ». Ajoutant qu’ »une agression contre le peuple libyen menace la paix dans les pays sahariens et affaiblit leur capacité à faire face à la menace terroriste ».

Malheureusement, la simplification et la pauvreté du débat au sujet de la situation libyenne (comme de la Tunisie ou de l’Egypte: on nous raconte la guerre ou les manifs, mais pas les positions idéologiques des uns et des autres) occultent complètement cet aspect des choses. Sans doute faut-il quand même tenir compte de ces informations qui prouvent, s’il en est besoin, que l’Occident ne sera jamais le bienvenu dans un conflit au Maghreb ou au Proche-Orient. A ce titre les appels à l’aide des révoltés doivent avoir une autre réponse que celle de la guerre.

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Démocratie et réseaux sociaux

“Accélérateur de citoyenneté”, c’est ainsi que sont qualifiés les réseaux sociaux d’Internet (Facebook, Twitter …) dans la dernière livraison de Télérama. D’autres journalistes ou commentateurs n’hésitent pas à les qualifier de moyens de la démocratie naissante dans les pays du Proche ou du Moyen-Orient. Or, rien n’est plus faux et dangereux que d’entretenir une pareille illusion.

Nous passerons, sans nous y arrêter outre mesure, sur le fait que les mêmes qui encensent aujourd’hui ces réseaux sociaux en les gratifiant de vertus qu’ils n’ont pas, sont ceux qui hier les dénonçaient comme des structures ultra-libérales, mondialisées et attentatoires aux libertés individuelles, voire incitatrices au suicide des adolescents.

Facebook et consorts ne sont ni l’un, ni l’autre. Ils sont des médias au même titre qu’en leur temps la presse et ses dazibaos, les tracts, les taguages de slogans de mai 1968 … Ils sont des outils de diffusion de masse des analyses, des informations, des mots d’ordre et des consignes. La seule différence (et elle est de taille) se trouve dans la vitesse de contact entre tous les destinataires, aussi bien à l’émission de la consigne qu’au retour de celle-ci par l’expression de ses conséquences et de ses résultats. Elle est également dans le nombre potentiellement illimité des contacts.

Coupure de l’Internet en Egypte, le 27/01/2011 (DR)

Mais tout ceci n’en fait pas un outil démocratique ou un “accélérateur de citoyenneté”. Le ‘Tea Party” aux USA, ou les “apéros-saucisson” en France prouvent, s’il en est besoin, que l’outil peut être utilisé pour les mots d’ordre et les actions les plus réactionnaires.

Dans le Maghreb, au Proche-Orient, au Moyen-Orient, les utilisateurs d’Internet et donc des réseaux sociaux se recrutent en priorité parmi les jeunes, et avant tout parmi les jeunes qui ont fait des études et qui ont un peu de revenus par l’emploi ou leur appartenance à une classe moyenne. Ce sont eux qui ont initié en Tunisie et en Egypte les révoltes que nous venons de vivre. La motivation profonde de leur mouvement est à rechercher dans une volonté d’accéder à la liberté de se déplacer et de voyager, la liberté d’entreprendre, la liberté de penser, la liberté de lire et de s’exprimer, la liberté de réussir, toutes libertés que l’Occident étale jour et nuit sur … l’Internet. Ce sont eux, d’ailleurs, qui, sans attendre des jours meilleurs, profitent d’une certaine désorganisation pour venir en Europe chercher ces libertés. Ces révoltes sont le fruit de la mondialisation des idées, du commerce, de la circulation des hommes et des biens.

Dans ce contexte, il est explicable que l’Internet joue un rôle d’intermédiaire médiatique primordial. Mais prenons garde cependant que les forces conservatrices ne sachent pas un jour s’en servir pour diffuser leurs messages. Si elles ne le font pas actuellement, c’est uniquement parce qu’elles recrutent leur clientèle dans des couches populaires, peu éduquées (souvent analphabètes) de la population. Dans les pays arabes et/ou musulmans, mais aussi en Europe où l’Internet devient très largement répandu, il n’est aucune raison de penser que les xénophobes de tout poil, les droites conservatrices opposées à l’immigration et à l’islamisation de notre société, ne soient pas capables d’utiliser l’outil. Il ne suffit que de trouver le ou les tribuns capables de théoriser un mouvement bien organisé et de le mettre en musique … de le mettre en ligne. Les signes de fragilité en ce sens ne manquent pas:

  • Le Monde vient récemment de mettre en évidence la prégnance du mot “juif” dans les requêtes Google émises en France.
  • Les théories du complot sont légion sur l’internet et nombreux sont les “groupes” qui les reprennent et les diffusent.
  • Et même les lecteurs-abonnés du Monde.fr donnent parfois une image qui fait honte d’appartenir à cette communauté. Ainsi quand ceux-ci considèrent majoritairement (dans leurs commentaires) que les Tunisiens qui arrivent en Italie sont des nervis de Ben Ali qui fuient leur pays. Ou lorsqu’ils pensent que la journaliste américaine agressée (coupable faiblesse des mâles égyptiens) dans une manifestation égyptienne (manifestation d’exubérance après le départ de Moubarak) l’a bien cherché à cause de sa tenue !
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Droits de l'homme

La voix touarègue

En complément du post (Le-Niger-la-France-et-les-otages) publié le 12 janvier dernier, voici l’une des contributions au blog “La voix touareg”. Elle est signée par Rhissa Rhossey (http://lavoixtouareg.blogspot.com/2011/01/cest-terrible-nous-ne-pouvons-pas.html), touareg, infirmier et poète.

Rhissa Rhossey (C)Hubert le Maréchal

Dans son point de vue, Rhissa Rhossey souligne l’impérieuse nécessité à aider le Niger, en particulier pour que ses jeunes aient une occupation et ne soient pas embrigadés par d’autres.

Rhissa Rhossey sera en France à partir du 18 mars prochain, dans le cadre du Programme « Afrique-Isère: une saison pour l’Afrique » (http://www.resacoop.org/actualites/detail.asp?id=764) mis en œuvre par le Conseil Général de l’Isère.