Tout au long des huit posts précédents, l’histoire de cette ligne a été racontée avec de nombreuses illustrations qui témoignent de l’importance de ce tramway dans la vie locale. Afin de mettre provisoirement un terme à cette histoire, voici un rapide diaporama regroupant d’autres cartes postales anciennes.
Ces photographies mettent en évidence l’intérêt que certaines villes et certains villages attribuaient à leur tramway. On peut noter les séries consacrées à Saint Georges d’Espéranche, La Cote Saint-André ou Viriville dont les enfants sont régulièrement mobilisés par le photographe. On remarquera également l’avion en piqué au-dessus de la gare de Saint Georges d’Espéranche: ajout ou réalité ?
A l’issue de ce travail, nous nous sommes interrogés sur la viabilité technique, financière et même « culturelle » de ce réseau en nous disant que sa réalisation intervenait sans doute trop tard. Voici une image. La première version sous forme d’une affiche signée Ernest Montaud (1878-1909) qui vante l’exploit d’un certain HEATH qui a vaincu de 30 minutes le train le plus rapide du monde avec une voiture équipée de pneus Michelin. La seconde version est celle de la couverture du magazine « Les Sports Modernes » daté de mai 1905. Comment imaginer qu’avec une telle idéologie de la vitesse ET de la voiture individuelle, nos tortillards de campagne aient pu avoir gain de cause ?
Plus tard, nous reviendrons sans doute sur ce patrimoine perdu en traitant de la ligne de tramway qui reliait Romans – Bourg de Péage à Pont en Royans. Nous évoquerons même les projets abandonnés visant à relier Saint-Marcellin à Pont en Royans …..
Toute reproduction, même partielle, de cet article est soumise à l’accord préalable de l’auteur
Dans leur intégralité, les articles consacrés au TOD-TDI, tramway reliant Saint-Marcellin à Lyon, ont été publiés sous la forme d’un .pdf qu’il est possible de télécharger ici.
Résumé des épisodes précédents. Après concession accordée par le Département de l’Isère en 1897, une ligne de chemin de fer à voie métrique est construite entre Saint-Marcellin et Lyon. Elle est achevée en 1909 … et démantelée à partir de 1935. Pouvons-nous en comprendre les raisons ?
Les explications sont nombreuses, très nombreuses. Aucune d’entre elles ne justifie à elle seule la fermeture du réseau, mais toutes y ont contribué. En tout premier lieu, il convient d’incriminer un réseau construit de façon beaucoup trop lente (plus de dix ans), ce qui n’a pas autorisé un trafic important entre le Dauphiné de la Bièvre, des Chambarands et du Sud-Grésivaudan et la région lyonnaise. Pour mémoire, l’itinéraire complet ne fut possible qu’à dater de 1909. La voie unique, sauf dans les gares, ne permettait pas de multiplier les horaires et les fréquences. Cette ligne n’aura pu désenclaver le cœur du département de l’Isère que de façon très temporaire
Les difficultés financières des entreprises successives et les velléités du Département de l’Isère expliquent en partie cette lenteur. En sachant se replacer dans l’état d’esprit des débuts du XX° siècle, force est de constater que les entreprises adjudicataires n’avaient que peu de capitalisation et que leurs gestionnaires n’avaient souvent que les moyens d’un investissement limité, ce que traduisent les liquidations et faillites successives.
L’ensemble du réseau souffrait également de coûts de fonctionnement trop élevés. En cause, les consommations de charbon (4,5 tonnes entre Saint-Marcellin et Lyon) et d’eau (20000 litres pour le même voyage). Cela impliquait des arrêts prolongés dans les gares régulièrement espacées du trajet afin de refaire le plein, soit de combustible, soit d’eau. Saint-Jean de Bournay: 10 minutes d’arrêt. La Côte Saint-André: 30 minutes d’arrêt. Roybon: 20 minutes d’arrêt. Et puisque l’on est penché sur le Chaix de 1910, il est loisible de constater que le trajet de 117 km comportait 58 arrêts, dont 27 gares, soit un arrêt en moyenne tous les 2 km. Et qu’en partant à 8 h 51 de Lyon, on ne parvenait, sans changer de train, à Saint-Marcellin qu’à 18 h 03.
Outre ces difficultés d’horaire, le réseau souffrait également de faiblesses techniques. En tout premier au long du tracé des voies: celles-ci étaient parfois défectueuses, présentant des affaissements, des déformations ou des torsions par suite du passage de camions ou d’engins. Les locomotives, dont on a parlé, étaient fragiles et peu compétitives sur certaines parties du trajet. Les accidents n’étaient pas rares.
Enfin, le dernier adversaire du réseau ferré fut bien le camion (et la voiture individuelle). En 1935, nous nous trouvons à la charnière de deux révolutions industrielles. La première révolution industrielle, celle du charbon, de l’énergie-vapeur, de l’imprimerie de masse a débuté en France vers le milieu du XIX° siècle. Le réseau ferré français prend son envol à la fin de la décennie 1830-1840. La seconde révolution industrielle, celle de l’électricité, du pétrole et du téléphone, retardée par la Grande Guerre, débute en France au cours de la seconde décennie du XX° siècle. Elle aura raison de l’existence de ce réseau, comme de beaucoup d’autres réseaux en France.
Si l’on peut émettre un jugement global sur cette histoire d’un train entre Saint-Marcellin et Lyon, c’est bien que le projet de réaliser ce circuit soit né trop tard. Tout comme l’on pourra reprocher au Plan Freycinet d’être intervenu trop tard.
Il est cependant possible d’attribuer à cette ligne de train (ou de tramway compte tenu du nombre d’arrêts !) quelques succès commerciaux. Tout d’abord, il convient de rappeler que le train, s’il transportait des voyageurs, était également fort utile pour le transport de marchandises. Des produits agro-alimentaires, du lait et des fromages pour les halles et la restauration lyonnaises, du bois dont la gare de La Trappe était l’un des points de chargement important. Dans tout le territoire traversé, existaient de très nombreux établissements consacrés à la soierie: magnaneries, filatures, tissages. Le train assurait la livraison des cocons vers les centres de filature. A partir de 1912, les fabricants lyonnais tentent d’organiser les marchés en livrant par train la soie sortant des filatures et en récupérant les produits des tissages. Expérience positive qui fut cependant vite interrompue par suite de conflits financiers. Sans oublier le transport du courrier …
Cependant, c’est la Grande Guerre qui fut l’élément majeur en matière de trafic de ce réseau. La gare du Camp de Chambaran fut le centre d’un trafic intense de matériel de guerre destiné à l’entrainement des soldats. Certains trains, dits « trains des obus » apportaient les munitions depuis Lyon. Des chiffres parlent également de plusieurs centaines de milliers de soldats qui débarquèrent ou embarquèrent dans cette gare.
Bibliographie – Liens
4 articles de Jean Sorrel, in Le Mémorial de Saint-Marcellin, en 1979, N° 1704, 1734, 1735 et 1851
Texte de Jean Briselet, in Journal paroissial de Chatte, en 1982
Diaporama « TOD, TDI et Cie », réalisé par Jean Briselet en 1983 et présenté dans le cadre du Festival Diaphane
Chemins de Fer régionaux et Urbains – Revue N° 202 et 203 de 1987 – « Le réseau des tramways de l’Ouest du Dauphiné », par H. Fournet et A. Ranchal
Le Pays de Saint-Marcellin-Revue périodique-N° 14 Octobre 2005 – « Quand le tramway roulait chez nous » par Bernard GIROUD
Conférence UIAD par Jean Briselet, en novembre 2016, à Saint-Marcellin
« Poster » de 20 minutes par Jean Briselet, lors du Salon des Patrimoines 2019, à Saint-Marcellin
Relevés cadastraux du tracé entre Saint-Marcellin et Roybon entre 1983 et 1984
Plan parcellaire du trajet entre Chatte et Roybon, en vue du réaménagement de l’ancienne Voie Ferrée en Parcours de Randonnées.1996. Cabinet JM Loiseau
Vapo-Tours en Isère, monographie réalisée par Georges NEMOZ, sur publication personnelle en 2008
Enquête parcellaire des terrains à acquérir. Trajet de Viriville à Saint-Marcellin. Réalisé par le Département de l’Isère en novembre 1900, avec cachet de la Régie des VFD.
Le Journal de Saint-Marcellin, Vingtième année-N° 14 du dimanche 5 avril 1908 – Annonce de l’ouverture de la ligne de tramway de St-Marcellin à Roybon.
Marina Bertrand, Marc Ellenberger, André Garcin, Christian Garnier, Guy Mouraret, Jean-Pierre Perazio, …
Le 13 janvier 2021, Olivier Gully crée une page web consacrée au TOD. Cette page vient compléter tous les travaux réalisés sur cette thématique en offrant une cartographie interactive de l’itinéraire des concessions TOD, accompagnée d’une très riche iconographie. Son adresse: http://tramway.tod.free.fr
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Résumé des épisodes précédents. 1909: il aura fallu plus de dix ans pour construire 117 km de voie ferrée métrique entre Saint-Marcellin et Lyon. Difficultés financières, difficultés administratives, difficultés techniques, … cela va-t-il s’améliorer ?
Non, la situation financière de SF ne s’améliore pas. Ce qui n’empêche pas que SF soit désigné comme concessionnaire pour l’exploitation du réseau le 12 janvier 1912. Un an plus tard, le Département de l’Isère concède enfin une modification du tracé afin qu’il puisse passer au cœur de Saint-Priest. Ces négociations auront empoisonné les relations entre le Département et SF pendant plusieurs années. Une nouvelle gare est créée à Saint-Priest, celle dite du Château.
La guerre entraîne une très forte augmentation du trafic passagers et marchandises, tout particulièrement entre Lyon et la station du Camp Militaire de Chambarand. Cela permet de rétablir l’équilibre financier. Mais dès la fin de la guerre, le Département impose le rachat du réseau et le confie à la régie départementale des Voies Ferrées du Dauphiné (VFD), sous le nom de Tramways de l’Ouest du Dauphiné (TOD). Il s’agit d’un nom générique et non de celui d’une société. VFD et le Département engagent rapidement une réflexion sur l’avenir de ce réseau. Des solutions visant à rationaliser l’exploitation sont recherchées au travers de l’utilisation d’autorails. La fermeture progressive est programmée.
La section Saint-Jean de Bournay à la Côte Saint-André, mise en service le 17/12/1899, est fermée en 1936.
La Côte Saint-André à Viriville, ouvert le 8 avril 1900, est fermé fin 1937.
Viriville -Roybon, ouvert le 3 juin 1901, est fermé en 1936.
Roybon à Saint-Marcellin, ouvert le 6 avril 1908, est condamné en 1935, après seulement 27 années de service.
La section de Lyon-Monplaisir à Heyrieux, mise en service le 23 novembre 1909, est fermée le 1er juillet 1937.
Enfin, Heyrieux à Saint-Jean de Bournay, ouvert également en 1909, est démantelé entre 1935 et 1936.
Tour d’horizon sur le matériel
Sans chercher à être exhaustif, voici un rapide inventaire du matériel roulant utilisé sur le réseau. D’autres que nous se sont exprimés plus complètement, que vous trouverez dans la bibliographie finale.
Les locomotives utilisées sur cette ligne sont fabriquées par la Société Pinguely, société lyonnaise qui fabriquera des locomotives jusqu’en 1932. Cette société existe encore de nos jours sous le nom de Haulotte et s’est spécialisée dans la fabrication de nacelles élévatrices.
La spécificité majeure de ces locomotives est d’être des bi-cabines, leur permettant d’évoluer dans les deux directions sans retournement obligatoire. Elles pèsent une vingtaine de tonnes, consomment près de 40 kg de charbon et environ 200 litres d’eau au kilomètre.
Il existe encore en France UNE locomotive Pinguely du type bi-cabine. Elle a été restaurée par l’association de soutien au train du Vivarais, car c’est là, à Tournon, dans l’Ardèche qu’on peut la voir. Actuellement, elle est de nouveau en phase de restauration.
Au long de ses tentatives pour rentabiliser le service, en particulier en recherchant une plus grande vélocité et des économies de combustible, la régie VFD tentera de remplacer les locomotives et mettra successivement en place des autorails Saurer instables, des autorails Berliet et des autorails Crochat. Cela ne fera que retarder quelque peu l’échéance …
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Résumé des épisodes précédents. TDI, devenu SF, parvient enfin à construire sa ligne de chemin de fer à voie étroite jusqu’à Saint-Marcellin. Ouverte en avril 1908, il reste encore à relier cette ville à Lyon …
La réalisation de la dernière partie de la ligne, celle qui doit rapprocher Saint-Jean de Bournay de Lyon est retardée par suite de difficultés concernant l’entrée dans Lyon. Il faut dire que les administrations de l’Isère et du Rhône ont bien du mal à collaborer sur un mode efficace. C’est ainsi que deux sections successives sont mises en service le 23 novembre 1909, soit un peu plus de dix ans après la mise en service du premier tronçon entre Saint-Jean de Bournay et La Côte Saint-André.
Ces deux sections sont Lyon-Monplaisir – Heyrieux et Heyrieux – Saint-Jean de Bournay. A de rares exceptions près (que nous citerons), le tracé se trouve en accotement de la route, soit à niveau, soit en légère surélévation. Entre Lyon-Monplaisir et Heyrieux, les arrêts sont ceux du Terminus OTL, de Saint-Priest, de Mions, de la Croix-Rouge, de Toussieu, de Saint-Pierre de Chandieu, de son domaine de Rajat, et de Heyrieux. 22 km parcourus en une heure et vingt minutes.
Quant à la section de Heyrieux à Saint-Jean de Bournay, elle desservait l’avenue de la République, l’Alouette, Diemoz, Lafayette, Grande-Maison, Sur-la-Ville, Saint-Georges d’Espéranche, Charantonnay, Chasse, Beauvoir-de-Marc, Gerbolle, Royas, Le Rouleau et Saint-Jean de Bournay. 24 km parcourus en heure et demie environ.
Ainsi que le prouve les cartes postales, la voie ferrée était en site propre peu avant d’atteindre Saint-Georges d’Espéranche.
Ainsi s’achève une desserte de 116.550 kilomètres, reliant Saint-Marcellin à Lyon. Elle doit permettre à la région du Dauphiné dite du Bas-Grésivaudan, des Terres Froides, de la Bièvre, voire du Voironnais puisque des branches de ce réseau vont jusqu’à Voiron, de se développer. Tel est le but de ses promoteurs. Nous verrons comment a évolué ce réseau, quel a été son évolution économique, quels ont été les projets de connexion avec d’autres réseaux à voie métrique, quels étaient les matériel utilisés, …. Toujours est-il que la population plaçait beaucoup d’espérance dans ce progrès qu’était la voie ferrée devant la porte.
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