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Bateau Ivre Françoise Sagan Guerre 1939-1946 Patrimoine Quartier Saint-Laurent-Saint-Marcellin Tramway TDI TOD

S’éditer sur le web.

Depuis cinq ans maintenant (avril 2020), ce blog a adopté une nette tendance rédactionnelle en faveur de la conservation du patrimoine contemporain de Saint-Marcellin et de sa région.

Sans être, pour rien au monde, historien, je cherche à appliquer aux recherches que je conduis la même exigence intellectuelle et quasi scientifique que celle qui prévalait dans mes activités professionnelles. Ne rien avancer, ne rien dire, ne rien faire, qui ne soit attesté, vérifié, confirmé … C’est ainsi que j’ai abordé successivement « l’histoire d’un train entre Saint-Marcellin et Lyon », « la petite histoire de l’enfance et de l’adolescence de Françoise Sagan à Saint-Marcellin », « la chronique du Bateau Ivre de Saint-Marcellin », « les années de guerre 1939-1946 à Saint-Marcellin et environs-Ephéméride », « le Faubourg Saint-Laurent à Saint-Marcellin: Crozel, Dutruc, Guttin, Thomé,… », toutes monographies qui apportent nombre de précisions patrimoniales intéressantes aux sujets qu’elles abordent.

L’idée d’en faire publication existe. Mais cela implique un suivi et une promotion de tous les instants. Par ailleurs, l’envie de monnayer ces publications n’est en rien primordiale. C’est pour cette raison que ces travaux sont gratuitement disponibles sous forme de .pdf, sur ce site. Ils bénéficient d’une référence ISBN qui devrait les rendre plus visibles sur l’Internet et auprès de la Bibliothèque Nationale.

Les contraintes soumises à celles et ceux qui téléchargeront ces travaux sont très peu nombreuses.

  • ne pas rediffuser ces documents au-delà du cercle familial ou associatif,
  • citer expressément l’origine, le lien et l’auteur de chaque document en cas d’utilisation professionnelle, associative ou personnelle.

Voici les coordonnées de chaque monographie.

1 – « TDI, TOD, histoire d’un train entre Saint-Marcellin et Lyon« .

Sous la forme de 9 chapitres publiés entre le 6/6/2020 et le 17/9/2020, ce travail décrit l’itinéraire, les gares, la matériel d’un itinéraire ferré reliant Saint-Marcellin et Lyon, concédé en 1897, construit à partir de 1899 et démantelé à partir de 1935.

ISBN: 978-2-9599527-0-8

Lien de téléchargement: https://thermopyles.info/wp-content/uploads/2025/03/TDI-TOD-Histoire-dun-train-entre-Saint-Marcellin-et-Lyon.pdf

2 – « Petite histoire de l’enfance et de l’adolescence de Françoise Sagan à Saint-Marcellin« .

Les 11 chapitres publiés entre le 17/6/2021 et le 30/9/2021 décrivent la famille, les amis, les relations, le temps de la guerre, de Françoise Quoirez, future Françoise Sagan, alors qu’elle vivait à Saint-Marcellin dès le second semestre de 1940 et jusqu’en octobre 1945. Après cette date, elle a fait de très nombreux séjours et passages à Saint-Marcellin et sa région.

ISBN: 978-2-9599527-1-5

Lien de téléchargement: https://thermopyles.info/wp-content/uploads/2025/04/Petite-histoire-de-lenfance-et-de-ladolescence-de-Francoise-Sagan-a-Saint-Marcellin.pdf

3 – « Chronique du Bateau Ivre de Saint-Marcellin ».

La « Bateau Ivre » est une maison construite à Saint-Marcellin en 1955, pour la famille Gelas et par un triumvirat d’artistes, Véra et Pierre Székely, André Borderie, qui s’étaient adjoints un architecte, Louis Babinet, et un couple de paysagistes, les Bourne. Cette maison est répertoriée Monument Historique.

Ce travail a été publié entre juin et décembre 2021.

ISBN: 97-2-9599527-2-2

Lien de téléchargement: https://thermopyles.info/wp-content/uploads/2025/04/Le-Bateau-Ivre-de-Saint-Marcellin.pdf

4 – « Les années de guerre 1939-1946 à Saint-Marcellin et environs – Ephéméride ».

Ce travail vise au recensement de tous les évènements survenus au cours de la guerre de 1939-45 dans la région de Saint-Marcellin. Les organes de presse, les compte-rendus des Conseils Municipaux, les documents d’archives, … ont été rigoureusement analysés afin de donner naissance à ce document publié en juillet 2023.

ISBN: 978-2-9599527-3-9

Lien de téléchargement: https://thermopyles.info/wp-content/uploads/2025/04/Les-annees-de-guerre-1939-1946-a-Saint-Marcellin-et-environs-Ephemeride.pdf

5 – « Le Faubourg Saint-Laurent à Saint-Marcellin ».

Publié fin 2024, ce travail raconte l’histoire de l’un des faubourgs de Saint-Marcellin, le faubourg Saint-Laurent, et de quelques-unes des enseignes de restauration ou d’hôtellerie qui l’ont marqué.

ISBN: 978-2-9599527-4-6

Lien de téléchargement: https://thermopyles.info/wp-content/uploads/2025/04/Le-Faubourg-Saint-Laurent-a-Saint-Marcellin.pdf

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Françoise Sagan Patrimoine

Françoise Sagan et les bulldozers de Bergen-Belsen


Dans « Françoise Sagan, une légende » (Ed. Mercure de France), Jean-Claude Lamy cite un souvenir saint-marcellinois de Françoise, souvenir que nous avons d’ailleurs repris dans notre histoire de l’enfance et de l’adolescence de Françoise Sagan.
La scène se passe au cinéma l’« Eden ». « On jouait « L’Incendie de Chicago » avec Tyrone Power, mais avant le film, il y avait les actualités. En 1946, on montrait les images des camps de concentration : des chasse-neiges repoussant des monceaux de cadavres. C’est mon pire souvenir de guerre. J’ai demandé à ma mère : « C’est vrai ? ». Elle m’a dit : »Oui, hélas ! C’est vrai ! ». De là, date ma phobie totale du racisme. »

Cette affirmation, que l’on trouve chez d’autres biographes, sous différentes versions, interroge beaucoup et pour de multiples raisons.

« L’Incendie de Chicago » est un film du réalisateur américain Henry King, sorti sur les écrans en 1938. Un examen détaillé de la programmation cinématographique à Saint-Marcellin, où existaient deux salles, l’« Eden » et « Le Foyer », nous renseigne sur la date de projection de ce film dans la salle de l’« Eden » : la fin de semaine du 15 juin 1946. Cela correspond à l’affirmation de Françoise Sagan, laquelle précise qu’« en 1946, on montrait les images des camps de concentration ». Que peut bien signifier cette phrase alors que la libération des camps nazis avait eu lieu plus d’un an auparavant : le 27 janvier 1945 à Auschwitz par les Soviétiques, le 11 avril 1945 à Buchenwald par les Américains, le 15 avril 1945 à Bergen-Belsen par les Anglais, le 29 avril à Dachau par les Américains, ainsi de suite, mettant en évidence la « solution finale » telle que l’Allemagne la pratiquait ?

Que savait-on alors de l’élimination de centaines de milliers de personnes dans ces camps de travail, camps de concentration (Dachau, Bergen-Belsen,…), camps d’extermination (Treblinka, Auschwitz, …), qu’il s’agissent de Juifs, de prisonniers de guerre, de « roms », d’handicapés, d‘« asociaux », d’homosexuels, de noirs, … ? Peu de choses en 1945, après la découverte des camps, parce que les pouvoirs et, souvent, les médias n’ont pas eu le courage de dire ce qu’ils savaient ! La presse, en 1945, n’a guère parlé des camps de concentration et, à plus forte raison, des camps d’extermination. Le motif non avoué était qu’il ne fallait pas entraver la libération des peuples et la nécessaire reconstruction.

« Le Monde », créé le 18 décembre 1944, ne parle guère des camps, à l’exception notoire d’un article daté du 23 avril 1945, signé de André Pierre, dans lequel sont reprises les déclarations de Thomas Mann dénonçant, aux USA, l’existence de « camps à Auschwitz et Birkenau, dans lesquels furent massacrés et incinérés en deux ans 1.715.000 juifs …Il ne doit y avoir qu’une haine : la haine envers les misérables qui ont rendu odieux le nom allemand devant Dieu et le monde entier ! ».

« Le Figaro », pour sa part, publie le 1er mai 1945 un article-témoignage où l’on explique « Comment on vivait au camp de Dachau », en résumant la vie des « résistants ou otages emprisonnés là et soumis à des tortures sadiques et individuelles démontrant que le génie allemand a su combiner son goût de l’ordre et sa folie sadique » . Le 5 juin 1945, il est question de « nos frères déportés, revenant de l’enfer, proches de la chambre à gaz et du four crématoire » et les classant tous dans la catégorie des « Résistants ».

Un autre quotidien issu de la Résistance, « Franc-Tireur », publie une suite d’articles les 29, 30 et 31 mai 1945, écrits par Georges Altmann et abordant les « revenants de la Résistance, surgis de Buchenwald, Dachau, Auschwitz, Ravensbruck, Mauthausen, .. ». Il est question, là encore, uniquement de « Résistants » qui, tous, auraient été enlevés et déportés à cause de leur engagement en faveur de la liberté en France, ce qui tend à démontrer « qu’il fallait tout de même que ça existe (cette résistance quasi généralisée) pour qu’il y ait tant de bagnes où venait se conclure la chasse à l’homme ». Ce quotidien publie le 9 juin 1945 un article intitulé « Ces gosses reviennent de l’enfer », en l’occurrence de Mauthausen et de Ravensbruck.

L’« Humanité », pour sa part, aura su parler des camps nazis dès le 24 août 1944, puis le 13 septembre 1944, puis deux articles en décembre 1944, publiant des « témoignages », bien entendu sans images. Et plus rien avant avril 1945.

Les constantes de toutes ces publications sont les suivantes : a)- Il n’est pas fait état de crimes de masse ; les assassinats sont nombreux, très nombreux, mais ils relèvent de la cruauté, du sadisme, de la persécution individuelle. Les chambres à gaz, les fours crématoire, les injections de typhus, s’ils sont évoqués, n’ont pas de caractère collectif. b)- Il n’y a jamais de photos des sites de concentration ou d’extermination tels que les ont découverts les armées soviétique, américaine et anglaise. Les images réalisées parfois le jour même de la libération de ces camps ont, peut-être, été publiées en Angleterre ou aux Etats-Unis, mais pas en France, au cours de l’année 1945. Et les photos publiées s’attardent davantage sur les corps décharnés et misérables des « revenants ». c)- Enfin, les revenants sont généralement regroupés dans la catégorie des « résistants » et servent l’idéologie dominante qui consiste à croire que la France entière était résistante. Jamais, il n’est question des Juifs, des minorités comme les noirs, les gitans, les homosexuels, les handicapés…

Et la télévision ? La première diffusion officielle d’une image télévisée date, en France, du 26 avril 1935. Le 3 septembre 1939, la télévision cesse d’émettre en raison de la déclaration de guerre. De toutes façons, il n’y a pas plus de 300 postes récepteurs sur le territoire. En 1943, les Allemands créent « Fernsehsender Paris », une télévision locale qui sert leur propagande sur Paris et la petite couronne par le biais de récepteurs Telefunkun distribués dans les hôpitaux et foyers militaires. Le 12 août 1944, cette chaîne cesse d’émettre.
La Radio Diffusion Française est créée le 23 mars 1945 et la portée de l’émetteur reste limitée à la région parisienne. Au début des années « cinquante », seuls 3700 téléviseurs sont installés en France. Le premier « Journal Télévisé » est diffusé le 29 juin 1949.

Outre la volonté non déclarée de libérer l’esprit de la nation des drames noués par cette guerre afin de préparer une relève démocratique et économique, il est une raison technique qui explique la non-diffusion des images, notamment par le cinéma.

Françoise Sagan déclare elle-même qu’elle découvre les images des camps dans le cadre des « Actualités Françaises ». De quoi s’agit-il ? Dès avant la guerre, Havas diffusait un journal d’actualités dans les cinémas, en ouverture de chaque séance, journal qui avait un large public. Pendant l’occupation, les Allemands exigent que le titre « France Actualités » leur soit dévolu. Gaumont et Pathé, sous la pression des pouvoirs publics (Pétain), souscrivent chacun 30 % et constituent ainsi la participation française. Les projections de ce journal, en zone occupée, entraînent souvent des manifestations violentes, lesquelles obligent les exploitants de salles à laisser la lumière. En zone libre la Société Nouvelle des Etablissements Gaumont édite avec Pathé un autre journal, le « Pathé Journal Marseille » (ou Journal de Vichy) entre 1940 et 1942. De 1942 à 1944, un seul journal est diffusé sur l’ensemble du territoire : « France Actualités » sous le monopole de diffusion de l’occupant qui en assure le contrôle intégral.

Ce n’est que début 1946 que renaissent les éditions Pathé et Gaumont. En date du 1er janvier 1946, les Archives de Gaumont-Pathé (GP) détiennent une fiche signalétique d’un montage d’une « Gaumont-gazette » intitulée « Rétrospective anglaise sur 1945 » (Ref 1946-2-n°15 NU) : « Rétrospective anglaise sur les principaux évènements de 1945, année qui vit l’effondrement de l’Allemagne nazie, l’entrée des alliés à Berlin, la découverte de l’horreur des camps de déportation. Le ministère Attlee succède au ministère Wiston Churchill. A Nuremberg, s’ouvre le procès des criminels de guerre nazis. Le Japon capitule et ses principaux chefs sont également jugés tandis qu’en France, le gouvernement de Gaulle fait juger et condamner le Mal Pétain à la détention à vie et exécuter Pierre Laval. » Suivent les détails plan par plan. On y lit  notamment: « Camps de déportation : cadavres de déportés en tas (affreux). Déporté squelettique assis, triant vêtements des morts. Cadavres de déportés réduits à l’état de squelettes, étendus à terre, dans camps de Buchenwald – Belsen ».

Ce sont très probablement ces images que Françoise Sagan a découvert le 15 juin 1946 dans les « Actualités », au cinéma l’« Eden » de Saint-Marcellin.

Encore une question. Françoise Sagan parle de chasse-neiges repoussant des monceaux de cadavres. Cette image « affreuse » a causé en 1946, lors de sa diffusion en France, une intense stupéfaction. Lorsque les Anglais sont arrivés au camp de Bergen-Belsen, celui-ci était en état de semi-abandon et des milliers de cadavres en jonchaient le sol. Il est estimé que 37 000 prisonniers sont décédés dans ce camp entre mai 1943 et mai 1945. Face à l’impossibilité humaine de prendre en charge ces corps de façon plus respectueuse, les Anglais décident de creuser des fosses communes et d’y conduire les cadavres à l’aide de bulldozers. Les morts étant principalement décédés de suite du typhus, l’armée a ensuite incendié totalement le camp de Bergen-Belsen, pour des motifs sanitaires. Il n’en reste que quelques photos anglaises, diffusées, en France, environ un an après les faits.

En 1946, Françoise Quoirez, future Sagan, a 11 ans. Ce n’est peut-être pas en 1946 qu’elle sera informée et convaincue de qui étaient les victimes des camps, mais sans doute un peu plus tard. Cependant, elle aura gardé le souvenir de ces images et forgé sa conviction que le racisme, l’antisémitisme, la haine des autres sont intolérables.

The Liberation of Bergen-Belsen Concentration Camp – April 1945

Références :

– Blog Thermopyles – https://thermopyles.info/category/francoise-sagan/

– Archives de Gaumont-Pathé – https://gparchives.com/index.php?html=4

– Actualités sous contrôle allemand, de 1940 à 1942 (28 sujets) et de 1942 à 1944 (20 sujets) – https://enseignants.lumni.fr/collections/620

https://www.lemonde.fr/shoah-les-derniers-temoins-racontent/article/2005/07/18/les-allies-savaient-ils_673523_641295.html

Ont cité cette histoire dans leurs biographies de Françoise Sagan :

– Jean-Claude Lamy – « Françoise Sagan, une légende »

– Sophie Delassein – « Aimez-vous Sagan … »

– Alain Vircondelet – « Sagan, un charmant petit monstre » et « Le Paris de Sagan »

– Geneviève Moll – « Madame Sagan, à tombeau ouvert » et « Françoise Sagan racontée par Geneviève Moll »

– Marie-Dominique Lelièvre – « Sagan à toute allure »

– Pascal Louvrier – « Sagan, un chagrin immobile »

– Bertrand Meyer-Stabley – « Françoise Sagan, le tourbillon d’une vie »

– Françoise Sagan – « Je ne renie rien » et Des bleus à l’âme »

Seules rares différences, parfois ; les dates (1945 au lieu de 1946 ?), le lieu de la séance de cinéma (Paris ?), le film qui suit les « Actualités » (« L’incendie de San-Francisco » ou un « Zorro »).

Le choix de retenir Saint-Marcellin, 1946 et le film de Tyrone Power s’appuie sur des éléments probants relatifs au contexte de l’actualité de la presse, de la télévision et du cinéma au cours de ces années et sur le constat que la quasi totalité des biographes citent ces trois constantes.

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Premières « Journées Françoise Sagan » à Saint-Marcellin

« Sucette » promotionnelle des « Journées Françoise Sagan ». Droits réservés – JB.

Françoise Quoirez, alias Françoise Sagan, a plus ou moins vécu dix ou quinze années de son enfance et de son adolescence à Saint-Marcellin, entre 1940 et 1955. Sans doute, était-il temps que la ville pense un peu à elle. C’est chose faite depuis les 13 et 14 mai 2022. Sur un programme serré de 48 heures, en la présence de Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan, et de Cécile Defforey, la fille de sa sœur Suzanne, ces premières « Journées » ont fait date.

Le Dauphiné Libéré – Jeudi 12 mai 2022.

Vendredi 13 mai – 10 heures – Echange avec les lycéens.

Accompagné de Benjamin Armand, conseiller municipal délégué aux spectacles et expositions, Denis Westhoff part à la rencontre de lycéennes et lycéens. Véritable initiation, tant il est vrai que ceux-ci ne connaissent guère l’écrivaine et encore moins son œuvre.

Entre le Principal du Lycée et le Maire de Saint-Marcellin, Benjamin Armand et Denis Westhoff – Droits réservés
Denis Westhoff – Droits réservés – JB
devant des participants attentifs – Droits réservés – JB

Vendredi 13 mai – 14 heures 30 – Conférence.

Cette conférence, présentée par l’auteur de ces lignes, d’une durée de deux heures reprend de façon assez simplifiée tous les sujets traités dans les articles précédents consacrés à l’enfance et l’adolescence de Françoise Sagan à Saint-Marcellin. A savoir, les origines de sa famille, le rôle de son père à la tête des usines de la FAE, la maison de la Fusilière, les amis, la guerre et la Libération. En cadeau au public a été projeté un court-métrage réalisé en 1974 par Françoise Sagan et dont elle a écrit le scénario: « Encore un hiver« .

Debout, à droite: Cécile Defforey – Droits réservés – VT
Droits réservés – VT
Droits réservés – CG

Vendredi 13 mai – 17 heures 30 – Conférence de presse.

C’est avec chaleur et générosité que les propriétaires du Château de La Sône ont reçu Denis Westhoff et Cécile Defforey. Et c’est sur la terrasse de ce château que s’est tenue une conférence de presse regroupant publications et radio.

Denis Westhoff, à gauche – Droits réservés – JB
Denis Westhoff -Droits réservés – JB
14 mai 2022 – Dauphiné Libéré, édition départementale

Vendredi 13 mai – 19 heures – Soirée cinéma.

Complices d’un soir, le cinéma « Les Méliès » et la librairie « Le Marque-Page » se retrouvent autour de la projection de « Sagan, l’élégance de vivre« , un fin documentaire réalisé en 2015 par Marie Brunet-Debaines. La projection est accompagnée d’une discussion entre les spectateurs et Denis Westhoff, lequel dédicace ensuite les ouvrages parlant de Françoise Sagan auxquels il a contribué.

Benjamin Armand, conseiller municipal, animant les échanges avec Denis Westhoff – Droits réservés – JB

Samedi 14 mai 2022 – 10 heures – Inauguration de la rue Françoise Sagan.

Il ne s’agit encore que d’une petite rue, appelée à grandir, mais elle a le considérable avantage de se trouver à proximité immédiate de La Fusilière, la maison de l’enfance saint-marcellinoise de Françoise Sagan. Entourés d’un petit public, le maire de Saint-Marcellin, Raphaël Mocellin, l’adjointe à la culture, Nicole Nava et le président de la Communauté de Communes, Frédéric de Azevedo, ont successivement pris la parole pour honorer l’héroïne du jour, dévoiler la plaque à son nom et faire une petite visite aux lieux de son enfance.

Raphaël Mocellin dévoile la plaque dédiée à Françoise Sagan – Droits réservés – CG
Denis Westhoff et Raphaël Mocellin, maire – Droits réservés – ME

Samedi 14 mai – 11 heures – Lecture d’oeuvres de Françoise Sagan en médiathèque.

A l’issue de cette inauguration, toutes et tous se retrouvent à la médiathèque pour une nouvelle célébration de la femme libre, indépendante, en avance sur son temps, engagée quand nécessaire, que fut Françoise Sagan. Soyons satisfait que cela ait été fait et dit et ne regrettons pas trop qu’il ait fallu attendre aussi longtemps …

Dans le même temps qu’elle met à jour son « rayon Sagan », la médiathèque engage une réflexion afin de se donner un nom en rapport avec l’écrivaine. Mais peut-il être autre chose que médiathèque, espace, voire centre culturel Françoise Sagan ?

Frédéric de Azevedo, Raphaël Mocellin, Denis Westhoff, Nicole Nava – Droits réservés – JB
Lecture en médiathèque par Denis Westhoff – Droits réservés – JB
Mémorial N° 3874, du 20 mai 2022

Droits images: Jean Briselet, Marc Ellenberger, Catherine Guery, Valérie Treilleford.

L’intégralité des articles consacrés à l’ « Enfance et l’adolescence de Françoise Sagan à Saint-Marcellin » est éditée sous forme de .pdf que vous pouvez télécharger ici.

Reproduction, même partielle, interdite sans accord préalable avec l’auteur.

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Dixième chapitre: Françoise Sagan et la vocation littéraire

PETITE HISTOIRE DE L’ENFANCE ET DE L’ADOLESCENCE DE FRANÇOISE SAGAN A SAINT-MARCELLIN

Les Journées Européennes du Patrimoine et la réalisation de deux rencontres-présentation de cette « petite histoire » au public de Saint-Marcellin, les 18 et 19 septembre 2021, ont fait surgir avec une force certaine l’idée que la vocation littéraire de Françoise Sagan était née à Saint-Marcellin, à tout le moins dans le Dauphiné.

Nous avons déjà vu et lu, dans le chapitre précédent, comment elle raconte ses longues promenades dans la campagne sur le dos de son cheval Poulou. Et nous avons apprécié son écriture.

Au cours de l’année scolaire 1949-1950, elle passe les trois mois du second trimestre de l’année à Villard-de-Lans, dans l’établissement de La Clarté tenu par Madame et Monsieur Malbos. A l’issue de ces trois mois, son père écrit, depuis Rome, pour confirmer que sa fille ne fera pas le dernier trimestre dans cette école, mais travaillera à Saint-Marcellin, avec sa mère. Françoise Sagan écrit à son tour, donc courant mars 1950, la lettre suivante à l’attention du directeur de l’école, monsieur Malbos.

«  Cher monsieur,

« Après votre si gentil accueil de l’autre jour il me serait vraiment difficile sans remords de ne pas vous écrire. Comme de plus j’éprouve un réel plaisir à mettre ma conscience en paix, je vous envoie un échantillon de mon écriture.

«  J’ai oublié de vous demander avant-hier si Paris était toujours aussi charmant et si vous vous étiez bien reposé. La plupart des gens cherche le repos et la tranquillité à la campagne et vous ne les trouvez que dans la ville la plus excitée et vivante de France et de Navarre. Madame Malbos m’a parue enchantée de son séjour à Paris. Je pense d’ailleurs y partir mardi ou jeudi. Si je peux vous rapporter quelque chose de là-bas que vous ne trouverez pas à Grenoble je le ferai avec plaisir. Je rentrerai ici le 17. Je ne crois pas que mes études en souffriront car je passe mon temps à remplir des formulaires compliqués que m’expédie gentiment le cours Hattemer. En attendant je lis beaucoup. Je pense commencer le Proust bientôt. J’ai lu l’étude de Dostoïevski par Gide (1) que j’ai trouvée très bien et pour le moment je lis « Siegfried et le Limousin » (2). Mais en roman. C’est extrêmement drôle mais vraiment du condensé de Giraudoux. Je ne pense pas venir à Villard avant le mois de juin. Mais j’espère que vous trouverez peut-être le temps entre deux copies de m’écrire un mot. J’ai oublié de vous demander si vous aviez lu mon Don Juan. Je me rappelle cette distribution : Anne-Marie le père de famille, A.M Giradeau, les jeunes premiers, M.C Choney la servante. Vous ne savez pas à quel point je regrette ce temps-là. Je crois que c’est ma faute, je ne suis pas très démonstratrice et n’ai peut-être pas su vous montrer à vous et madame Malbos combien je vous étais reconnaissante de votre intérêt et de votre gentillesse pour moi.

«  Je m’excuse de finir sur cette note mélancolique et vous prie de transmettre à madame Malbos mon respectueux et reconnaissant souvenir. Désolée d’être votre ex-élève, mais contente de l’avoir été.

 » Françoise – La Fusilière – Saint-Marcellin « 

Afin de clairement situer cette lettre, il est important de rappeler que Françoise Sagan a 14 ans et demi lorsqu’elle la rédige. Elle parle de sa première pièce de théâtre, un « Don Juan » dont elle a imaginé la distribution des personnages en enrôlant les enseignants et personnels de l’école, selon le fils des Malbos. Quant à la conclusion, quelle magnifique et généreuse pirouette:  » désolée d’être votre ex-élève, mais contente de l’avoir été « .

Françoise Sagan parle de ses lectures dans un autre texte extrait de « Avec mon meilleur souvenir », publié en 1984. Ce texte est intitulé « Lectures ».

 » J’ai rempli, je l’avoue, dans ce domaine, le parcours le plus classique qui soit : Les Nourritures Terrestres (3) à treize ans, L’Homme révolté (4) à quatorze, Les Illuminations (5) à seize.(…)

 » Les Nourritures terrestres fut la première de ces bibles écrites de toute évidence pour moi, presque par moi, le premier livre qui m’indiquât ce que j’étais profondément et ce que je voulais être : ce qu’il m’était possible d’être. Gide est un auteur, un parrain dont l’on ne se réclame plus très volontiers à présent, et il y a peut-être un certain ridicule à citer les Nourritures comme son premier bréviaire. En revanche, je sais très exactement dans quelle odeur d’acacia je découvris ses premières phrases, ses premiers ordres adressés à Nathanaël. Nous habitions le Dauphiné. Il avait beaucoup plu cet été là et je m’y étais considérablement ennuyée, d’un de ces ennuis lyriques comme seuls peuvent en avoir les enfants derrière les vitres ruisselantes d’une maison de campagne. Ce fut le premier jour de beau temps, après toutes ces ondées, que je partis par ce chemin bordé d’acacias, mon livre sous le bras. Il y avait un peuplier immense à l’époque dans cette campagne (où, bien entendu, je suis revenu depuis et où, bien entendu, le peuplier avait été coupé et remplacé par des lotissements et où, bien entendu, j’eus le coeur brisé selon toutes les règles de notre époque). Toujours est-il que c’est à l’ombre de ce peuplier que je découvris, grâce à Gide, que la vie m’était offerte dans sa plénitude et ses extrêmes – ce que j’aurais dû soupçonner de moi-même, d’ailleurs, depuis ma naissance. Cette découverte me transporta. Les milliers de feuilles de peuplier, petites et serrées, d’un vert clair, tremblaient au-dessus de ma tête, très haut, et chacune d’elles me semblait un bonheur supplémentaire à venir, un bonheur formellement promis à présent par la grâce de la littérature. Avant d’arriver au faîte de l’arbre et de cueillir ses derniers violents moments de plaisir, j’avais tous ces millions de feuilles à arracher les unes après les autres au calendrier de mon existence. Comme je n’imaginais pas qu’on puisse vieillir, ni encore moins mûrir, c’étaient autant de plaisirs enfantins et romanesques qui s’accumulaient au-dessus de moi : des chevaux, des visages, des voitures, la gloire, des livres, des regards admiratifs, la mer, des bateaux, des baisers, des avions dans la nuit, que sais-je, tout ce que l’imagination à la fois barbare et sentimentale d’une adolescente de treize ans peut accumuler d’un coup. J’ai relu Gide par hasard l’autre année et si j’ai de nouveau cru sentir l’odeur de l’acacia et voir le peuplier, j’ai simplement pensé, presque distraitement, que c’était quand même fort bien écrit. La foudre, elle aussi, peut se tromper en distribuant ses coups ».

« Les Nourritures terrestres » est un bel ouvrage hédoniste appelant à vivre intensément le bonheur de toute chose, de tout être rencontré, de toute composante de la nature, la pluie, le soleil, les fleurs, les odeurs, … et d’en remercier un dieu assez aimable et généreux. Nous sommes plus proche du déisme que de la religion ! Bien des actes et des comportements de Françoise Sagan peuvent se comprendre à la lecture de cette œuvre … à treize ans !

Concernant « L’Homme révolté« , nous serons plus circonspect quant à la date de la lecture, puisque cet ouvrage a été publié en 1951, alors que Françoise Sagan avait seize ans. Mais qu’importe puisqu’il est, lui aussi, un texte fondateur de son état d’esprit.

Enfin, « Les Illuminations » ou la liberté faite écriture ! Bien avant l’heure, Arthur Rimbaud a inventé le surréalisme et l’écriture automatique ! Bientôt, il n’écrira plus un seul mot littéraire, mais qu’importe, l’essentiel est déjà là.

Treize ans, quatorze ans, quinze ans, seize ans, de 1948 à 1951, sans compter les années d’enfance, toutes ces années pendant lesquelles Françoise passait, selon ses propres dires, de quatre à cinq mois par an « dans le Dauphiné« , à Saint-Marcellin, et s’y préparait à vivre libre, amoureuse de la littérature, son plus grand rêve étant d’écrire un grand et beau livre, à la manière de Proust !

Françoise Sagan à Saint-Marcellin – Tous droits réservés

Dans les tous premiers jours d’octobre 2021, Françoise Sagan a publié un nouvel ouvrage ! Certes, avec la complicité de son fils Denis Westhoff et de Véronique Campion, ancienne camarade du Cours Maintenon et de la Sorbonne. Ce livre, intitulé « Ecris-moi vite et longuement », publié chez Stock, nous offre une moitié de la correspondance que Françoise et Véronique ont échangée entre novembre 1952 et mai 1959. La moitié parce qu’il ne s’y trouve malheureusement que les lettres écrites par Françoise Sagan à Véronique Campion et non les courriers de celle-ci qui, hélas, n’ont pas été conservés.

Ecris-moi vite et longuement – Françoise Sagan – Stock

Ce livre est passionnant pour deux raisons. La première est relative à la personnalité de Françoise. Dans ses premiers courriers, il est surtout question d’amitié entre filles. Françoise accueille généreusement son amie et l’intègre à sa famille vivant Boulevard Malesherbes. On y retrouve oncle, tante, Suzanne la grande sœur et Jacques, le frère et quelques copines, dont Florence Malraux.

Puis survient la célébrité, en 1954, avec la publication de « Bonjour tristesse ». Avec cette célébrité, Françoise parle désormais des voyages (Jérusalem, New-York, Las Végas, …), des voitures (Jaguar) et des rencontres de célébrités. Méthodiquement, elle construit le mythe qui l’accompagnera, pour le meilleur et, peut-être, pour le pire tout au long de sa vie: l’argent, la nuit, la vitesse, la liberté, l’alcool, le bronzage nu sur la terrasse ou les criques de Saint-Tropez, Annabel Buffet, Guy Schoeller … En 1959, déjà, elle écrit « je suis complètement fauchée », tant l’argent lui file entre les doigts.

L’autre motif d’aimer ce livre est un tant soit peu égoïste, en ce sens qu’il vient parfaitement s’inscrire dans la continuité des dix chapitres de cette « Petite histoire … ». 1952, c’est l’entrée de Françoise Sagan en Sorbonne où elle ne s’attardera pas, et c’est la suite de notre description de sa scolarité. Ensuite, nous retrouvons dans ce livre nombre de situations abordées à un moment ou à un autre de notre narration. Il y est mentionné, souvent, Bruno Morel et parfois son père, Charlie Morel qui vient rejoindre la bande de Françoise Sagan à Cannes, et nous avons la confirmation que Pierre Quoirez travaille à Argenteuil !

Bref, ce petit livre léger et un peu déjanté est très agréable à lire et, sans vouloir nous l’approprier, constitue un estimable onzième chapitre pour notre histoire de l’enfance et l’adolescence de Françoise Sagan. Un seul regret: il n’y est jamais question du Dauphiné ou de Saint-Marcellin.

  • 1 – André Gide – Dostoïevski – Plon 1923
  • 2 – Jean Giraudoux – Siegfried et le Limousin -Grasset 1922
  • 3 – André Gide – Les Nourritures Terrestres – 1897
  • 4 – Albert Camus – L’Homme révolté – 1951
  • 5 – Arthur Rimbaud – Les Illuminations -1886

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FIN