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Où va-t-on atterrir ?

La décision de mettre un terme au projet d’aéroport à Notre Dame des Landes a été accueillie par les français comme une bonne décision, et ceci pour quasiment trois sur quatre d’entre eux . Il est évident que cette décision a le grand mérite de solder une « affaire » s’éternisant depuis trop longtemps. Le risque d’un affrontement lourd et durable est ainsi écarté. Et Nicolas Hulot peut se maintenir à l’environnement, ce qui n’est pas un mince bénéfice pour le gouvernement.
L’approbation des français s’assimile bien davantage à un « ouf » de soulagement, empreint d’un peu de lâcheté, qu’à un réel assentiment politique. Ce dossier n’a que trop duré, tel est leitmotiv de tous. Et le report au printemps d’éventuelles opérations d’évacuation des lieux contribue à cette satisfaction générale.
Nous sommes cependant en droit de nous interroger sur l’aspect politique de cette décision, et de la considérer comme un échec de la démocratie. D’aucuns sont allés jusqu’à parler de déni de démocratie. Sans aller aussi loin, il est nécessaire de rappeler que ce dossier de l’aéroport de Notre Dame des Landes est vieux de plus de cinquante ans puisqu’il date de … 1967 ! La ZAD (Zone d’Aménagement Différé) est créée en 1974 et les choses s’endorment jusqu’en 2000. En 2009, puis en 2012, les opposants s’organisent et une opération d’expulsion des contestataires cristallise les mécontentements: les zadistes tiennent les lieux !

Sous une forme ou sous une autre, des dizaines et des dizaines de recours en justice sont rejetés par les tribunaux. En 2012, une Commission du Dialogue conclut à l’utilité du projet. En 2016, un référendum imaginé par François Hollande se traduit par plus de 55% d’avis favorables pour l’aéroport. Dans sa campagne électorale, Emmanuel Macron s’engage à réaliser ce projet. Rien n’y fait, l’occupation des lieux empêche toute évolution du dossier.
Les zadistes ont-ils gagné quelque chose pour autant ? Malgré leurs proclamations de victoire, rien n’est moins certain. Certes, l’aéroport ne se fera pas. Certes, les terres retourneront à leur usage agricole. Mais l’aéroport historique de Nantes sera agrandi, multipliant les nuisances au plus proche de la ville. Et la dénonciation idéologique des « projets inutiles », qui fait leur fond de commerce, s’éteint avec le renoncement à poursuivre ce dossier. Cela est tellement vrai que les revendications qui s’élèvent actuellement ne portent que sur la possibilité de certains à pouvoir rester sur place et poursuivre une expérience de retour à la terre.

L’expérience du Larzac est mise à contribution, alors qu’une différence manifeste existe avec la situation de Notre Dame des Landes. Au Larzac, au cours des années 1970-1980, ce sont plusieurs dizaines d’agriculteurs qui ont été menacés d’expulsion afin de permettre la création d’un espace d’entraînement de l’armée. Ces agriculteurs sont d’authentiques « anciens » du pays ainsi que des néo-ruraux qui, dans la suite de l’esprit de mai 68, se sont implantés et ont réhabilités des exploitations en ruines. Une réelle économie pastorale existe en 1970 sur le Larzac : élevage de brebis (plus de 100000 !), production de lait (pour le roquefort) et de fromages. Le ministère des Armées s’était lourdement trompé en déclarant ce pays quasiment vide ! 43 ans plus tard, en 2013, il y a 54 baux signés avec la Société Civile d’Exploitation des Terres du Larzac et plus d’une vingtaine d’exploitation ont leur siège social sur les terres du Larzac.

Il n’y a rien de tel à Notre Dame des Landes ! Si l’on excepte les exploitants agricoles qui n’ont jamais cessé d’utiliser des terres dont ils ont été expropriés et qu’ils vont recouvrir, rares sont les « zadistes » présents sur le site a avoir développé une activité économique, aussi modeste soit-elle, on trouve deux, voire trois, boulangeries, quelques serres potagères, une salle de concert et une bibliothèque, deux structures liées à l’occupation des lieux …. La revendication de pouvoir rester sur place vise à permettre à certains de poursuivre leur rêve d’autarcie, de refus de la société, de décroissance et de rejet d’un fonctionnement démocratique. Ils ne disposent pas de baux, ne payent aucun loyer, ni aucun impôt, ne sont raccordés à aucun réseau d’eau, d’hygiène …

Boulangers à Notre Dame des Landes (C)Loïc Venance/AFP

Autant ce choix de vie est peut-être respectable, autant il ne saurait servir de modèle à notre société. Dans leur grande majorité, les « zadistes » sont des jeunes exclus de la société, qui se sont exclus ou qui se sentent exclus de celle-ci. Il est important de comprendre pourquoi est ressentie si vivement cette exclusion qui n’est pas toujours économique, mais qui est parfois largement politique et idéologique, puisqu’il s’agit de l’un des concepts de base de l’écologie radicale. Vivre en autosuffisance est considéré comme une forme de résistance au gouvernement ou à tous les pouvoirs, en mettant en œuvre un fonctionnement collectif limité à de petits groupes, et en nommant ceci « démocratie » !

Dans « Le Monde » daté du 20 janvier est décrite la situation d’une « famille de trois personnes, les parents et une petite fille, vivant dans un village de 1000 habitants. Ils vivent dans une yourte de 30 m², sans électricité, sans eau courante, avec 1400 € par mois, soit sous le seuil officiel de pauvreté. Insérés dans un groupe d’une cinquantaine d’alternatifs, ils font leur potager et vivent de peu. Ils estiment « vivre bien ». La vie communautaire leur permet d’accéder gratuitement aux ressources communes et d’autofabriquer l’alimentation, l’habitat, l’énergie. Leur modèle est celui d’une polyactivité vivrière (boulangers-paysans), avec vente du surplus ». Ils ne sont donc pas totalement en dehors de la société marchande, mais ne participent que marginalement à l’économie.

Est-ce la société de décroissance que nous désirons ? Est-ce ainsi que les hommes doivent vivre ?
Est-ce une orientation que l’Etat peut (et doit) accepter, voire prendre en considération ?
Dans ce comportement de repli sur soi, de rejet de la société dite de consommation, il y a une radicalisation qui n’a rien de commun avec ce qui s’est passé voici cinquante ans sur le Larzac, ni rien de commun avec ce que vivent aujourd’hui les exploitants du Larzac.
Alors, que faire si l’on désire mettre un terme à ce genre de situations ou, à défaut, éviter qu’elles se reproduisent ?

  • La première des urgences consiste à réviser les procédures qui accompagnent la mise en route de projets d’équipement et de développement des territoires. Notamment en favorisant le débat systématique, en déployant des process de publicité et de communication. Les décisions municipales, départementales, régionales, de l’Etat, ne sont pas suffisamment commentées et débattues.
    Est-il normal que des projets s’étirent pendant cinquante ans, ou même quinze ou vingt ans. Le dossier d’un projet d’équipement devrait être limité dans le temps. Si rien n’est engagé au bout de x années, le dossier devrait être caduc et totalement reconsidéré. Cela permettrait de prendre en compte les évolutions technologiques, environnementales, démographiques, économiques, d’emploi, … Il ne s’agit pas d’engager un dossier par la mise en place de barrières de chantier ou la pose d’une première pierre. Non, il s’agit que la réalisation du projet soit fermement initiée.
  • Est-il normal que les projets de fermes éoliennes ne se réalisent (quand ils se réalisent!) que plus de cinq ans après la dépose du dossier ? Est-il normal que les types d’éoliennes envisagés voici cinq ans doivent impérativement être mis en œuvre, alors que la technologie a fait pendant ces cinq années de considérables progrès en matière de rendement et de silence ?
  • De la même manière, les recours devraient être contraints dans le temps et dans leur nombre. Sitôt la publication d’un projet, une période de recours devrait s’ouvrir, période limitée dans le temps. L’invitation faite à la justice de traiter les recours dans un délai raisonnable semble indispensable. Il n’est pas possible de considérer un dossier caduc après une latence de x années si, par ailleurs, les recours peuvent être déposés les uns après les autres, sans limite de délai : recours concernant l’eau, concernant l’halieutique, les tritons à pattes palmées, les petites fleurs, etc, etc … dans le seul but de retarder indéfiniment la réalisation du projet.

    Les choses ne sont certes pas blanches ou noires. Chaque citoyen doit pouvoir trouver son cadre de vie et son équilibre. Au-delà de la question de Notre Dame des Landes et des diverses ZAD que comprend notre pays, se pose une réelle question sociétale. Peux-t-on vivre durablement sur les marges de notre économie ? Peux-t-on vivre avec le RSA pour seul revenu assuré ? Au-delà de cette dernière question, c’est la théorie du revenu universel qui est interrogée.
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Mais qui sont les zadistes

Extraits de Libération du 21 décembre 2014 (http://www.liberation.fr/societe/2014/12/21/j-ai-pris-un-conge-sans-solde-et-j-ai-rejoint-la-zad_1168216).

1 – MIL a 30 ans. Il est ouvrier viticole dans la Drôme. Il vient deux jours par semaine, pendant ses congés, sur la ZAD. Il apporte du matos. Il ne se sent pas assez militant pour tout plaquer.
2 – MERLIN a 32 ans. Il est du coin. Il a fait Notre-Dame des Landes, Decines, Sivens où il occupait l’un des derniers arbres à être tombés. Il a acquis un mode de vie de partage des connaissances qui prouve que l’on peut vivre autrement. Il compte bien se poser et créer un truc qui associera viticulture, maraîchage et arboriculture … plus tard.
3 – CAMILLE a 22 ans. Le Bac, un BTS puis un début de licence en management qu’il a abandonné. Il a passé un Bac Pro horticulture. Découvre le milieu libertaire dans la Sarthe et n’a aucune envie de vendre sa force de travail. Reste trois mois à Sivens. Et pense à son terme à son projet de vie, par exemple dans une ferme communautaire.
4 – TROY a 22 ans. Il est infirmier et a pris un congé sans solde pour être présent à Roybon. Il a peur que la France finisse par être recouverte de lotissements et de centres commerciaux. Ici, il y a des gens qui parviennent à faire des choses ensemble, à discuter. Pour changer le monde, il ne faut pas se limiter à ce que la société nous dit de faire.
5 – PIERRETTE a 22 ans. Elle a un BTS en gestion et protection de la nature, dans la Drôme. Elle a trouvé sur la ZAD la vie en collectivité, l’entraide, le soutien à une lutte. Elle a appris à construire des cabanes, à grimper dans les arbres, à faire des fours en terre cuite, à se protéger, par exemple avec du citron contre les lacrymogènes, à communiquer, à filmer ….
6 – MARIE-JOSEPHE a 70 ans. Elle vient tous les jours sur la ZAD parce qu’ici, c’est le cœur de la vie. Elle se dit que tout n’est pas foutu et que tout reste possible. A savoir, défendre la terre, l’eau, la nature qui nous donne la vie…

Extraits du Nouvel Obs du 19 décembre 2014 (http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20141219.OBS8380/carte-le-tour-de-france-des-zad-et-des-lieux-de-crispation.html).

7 – RICHY a 42 ans. « Vadrouilleur », il est d’origine lyonnaise et veut vivre dans une société gratuite, autogérée et collective.
8 – JEAN-CLAUDE a 66 ans. Il est retraité et vit à quelques 30 km de là. Evitant de parler de décroissance, il rêve de la sobriété heureuse et pense que l’on peut faire autre chose que de tels grands projets, des chambres d’hôtes par exemple.
9 – NINA a 20 ans. Elle vit comme saisonnière. Son rêve est de produire son miel, son lait, son fromage de chèvre et, pour le reste de ses besoins, y accéder par un fonctionnement de troc local.
10 – VINCENT a 27 ans. Après avoir abandonné ses études de géographe à Grenoble, il s’est réorienté vers une formation agricole et travaille dans une exploitation collective spécialisée dans les légumes bio à Saint-Antoine.

Merci à ces deux médias que sont « Libé » et « Le Nouvel Obs » pour avoir réalisé ce travail d’interview de quelques militants qui occupent la MaquiZad de Roybon. Au fait, le nom de MaquiZad ne vous fait penser à rien de particulier ? Et pourtant, c’est bien une journaliste du « Monde » qui a cru intelligent de situer les Chambarans « au pied du Vercors » ! Le réflexe subliminal étant bien provoqué, il n’y avait plus qu’à l’exploiter: ici; on fait de la résistance !
Une dizaine d’interview, c’est peu et c’est beaucoup, si on les rapporte au nombre d’occupants de la Maison Forestière de la Marquise (avec un R) qui ne doivent pas dépasser la vingtaine, dans le froid, le brouillard et la boue.

Deux constatations s’imposent immédiatement: ils sont jeunes, en fin d’études ou ayant abandonné leurs études. Ils n’ont pas d’emploi stable et n’en cherche absolument pas. Ils sont quasiment tous orientés vers un retour à la terre et aux travaux agricoles, Retour au travers duquel ils se déclarent en accord avec leur militantisme en faveur de la décroissance (ou de la « sobriété heureuse »). Ceux qui ne sont pas les plus jeunes sont des retraités qui sont restés baba-cool.

Pour mieux comprendre ce qu’ils « apprennent » lors de ces périodes combattantes, voici le calendrier des ZADteliers prévus en cette fin décembre.
Dimanche 21 décembre, à 14 heures, Educ’citoyenne suivie de la Fête du solstice d’hiver.
Lundi 22, à 14 heures: conserves.
Mardi 23, à 14 heures: permaculture (art de cultiver la terre pour qu’elle reste fertile indéfiniment).
Samedi 27, à 14 heures; réunion d’info sur Center Parcs, thème hydrologie.
Dimanche 28, à 10 heures; atelier sublimer les souches de la forêt. A 14 heures atelier premiers secours.
Lundi 29, après-midi; cueillette et cuisine des plantes sauvages de nos régions. A 17 heures, session feu et en soirée bal folk.
Mardi 30, à 14 heures, pâtisserie.
Ne nous moquons pas ! Même s’il ne doit pas y avoir beaucoup de plantes sauvages à cueillir pour les cuisiner un 29 décembre dans les bois de Chambarans (ha, peut-être au Bois de Gargamelle !)

Chemin du Center Parc (C) Camille Bordenet

Ce comportement et ce discours rejoignent bien l’analyse que [nous avons faite (Pour-quelques-arpents-de-bois-et-de-champs-bons-à-rien) de leur idéologie: ce sont des décroissants. Quant à leur discours, il dénonce en permanence la société de commerce, de profit, la collusion des élus avec cette société et l’appel à une démocratie directe à laquelle ils participeraient à l’évidence.

A ce point de notre analyse, une grande inquiétude nous saisit. Ce ne sont pas des notions nouvelles, Nous avons déjà parlé de la Génération Y (Génération-Y-génération-quoi-génération-sacrifiée-…), ou Génération Millénium. Cette génération de ceux qui sont nés entre le début des années 80 et le début des années 2000, qui ont donc entre 15 et 35 ans, ne veut pas devenir adulte (http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/12/27/la-jeunesse-actuelle-a-t-elle-envie-de-devenir-adulte/). Elle ne veut ni mariage, ni enfants, ni salaire, ni maison !
Avec un taux de chômage de 25 % chez les 15-24 ans et de 47 % chez ceux d’entre eux qui n’ont que le brevet ou aucun diplôme, il est possible de comprendre que la situation qui leur est faite puise entraîner un tel comportement.

Et si les zadistes n’étaient que la frange avancée et radicale de cette jeunesse désillusionnée ?

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Pour quelques arpents de bois et de champs bons à rien

Dans une tribune du Monde, datée du 4 novembre, le philosophe Edgar Morin a cru possible de comparer la lutte des écologistes contre les partisans d’un développement économique soutenu à une « guerre de civilisation ». Edgar Morin est excellent lorsqu’il prend la peine d’organiser sa pensée, il l’est moins lorsqu’il devient un militant.
La seule « guerre de civilisation » qui se déroule actuellement (et à qui personne ne veut reconnaître ce nom) concerne la lutte entre l’occident et de nombreuses autres civilisations, à commencer sans doute par l’islam. Mais ce sujet nous entraîne loin du débat du jour.

La bataille des mots fait rage entre les pro-Center Parcs et les anti-Center Parcs à Roybon.
Mais ces mots sont-ils bien représentatifs des enjeux et des objectifs respectifs de chacun des deux camps ? Il est permis de fortement en douter.

Les principaux thèmes qui suscitent des échanges et de l’animation sont les suivants :
La légalité du projet, la destruction de la forêt, la question de l’eau, la nature des emplois créés, le type de vacances proposées. Reprenons les un par un.

La légalité du projet. Elle est indiscutable, même s’il peut apparaître choquant pour certains qu’une enquête publique aboutissant à un avis négatif des commissaires enquêteurs puisse être suivi d’une autorisation préfectorale. Mais entretemps, la Société Pierre et Vacances a remanié son projet et le Comité Départemental environnement et risque sanitaires et écologiques (CODERST) a pu délivrer un avis largement favorable. Comme dans chaque projet de ce type sujet à une contestation similaire, nous retrouvons les mêmes arguments d’illégalité, de manipulation des élus, d’enquêtes tronquées, d’avis de commissions diverses ignorés, de pots-de-vin en sous-main et, plus généralement, d’absence de dialogue. En l’occurrence, à Roybon, le dialogue dure depuis sept ans déjà, sous la forme de recours successifs auprès du Tribunal Administratif, jusqu’à présent tous rejetés les uns après les autres. La légalité a toujours été respectée et le dialogue tant revendiqué ne consiste en définitive qu’à vouloir faire plier l’adversaire.

La destruction de la forêt. Que n’entend-t-on pas sur ce sujet ? Voici que l’on nous montre des couples de jeune zadistes ou de vieux soixante-huitards qui pleurent cette forêt détruite dans laquelle ils ne pourront plus venir se promener en été ou ramasser les champignons à l’automne. De telles images font sans doute du bien à l’audience de France 2, mais elles relèvent strictement de la manipulation. La forêt des Chambarans recouvre plus de …. 30000 hectares. Ce sont seulement 150 hectares qui sont concernés par le projet, dont seulement 35 hectares seront construits (cottages et piscine-bulle) et ..reboisés ! Il est impossible de parler de destruction de la forêt quand seulement 0,4 % de celle-ci sont impactés par le projet !

La question de l’eau et des zones humides. Toute la forêt des Chambarans n’est qu’une gigantesque zone humide. L’eau sourd de ces terres en des points élevés tout au long de l’année. Résurgence de nappes aquifères nées dans les Alpes et prisonnières de couches imperméables de glaise ? Demandez donc aux zadistes où se trouve la Croix de Mouse, petit sommet d’où l’eau jaillit, ou bien le vallon de Passardière, ou encore les mares et cuvettes si proches de la Maison Forestière de l’Etoile, paradis des grenouilles ! S’ils le savaient, ils y découvriraient de singuliers mixages de glaise et d’eau.

La nature des emplois créés. En ce domaine, on se trouve en plein délire. Lors de la période de construction, ce sont environ 1500 emplois qui seront créés afin de préparer les terrains et construire les bâtiments. Des entreprise locales ou proches seront retenues, c’est d’ailleurs déjà le cas pour les forestiers appelés à préparer les terrains. Ensuite, lorsque l’exploitation du Center Parcs prendra effet, ce sont 700 emplois, dont 60% (420 emplois) à temps plein et 80% en CDI. Les opposants répètent à l’envie qu’il s’agit d’emplois non qualifiés, d’emplois aux horaires réduits. Comment peut-il en être autrement alors que nous nous trouvons face à une entreprise d’hôtellerie ? Alors oui, il y aura des femmes de chambre, des personnels d’entretien, mais il y aura également des chefs d’équipes, des chefs de service, pour encadrer ces personnels. Et puis, une « ville » de 5000 habitants, qui tourne toute l’année, a besoin de professionnels de santé, de professionnels de la maintenance des bâtiments (toiture, vitrerie, …), de plombier-chauffagistes, de pisciniers, d’animateurs, de personnels administratifs, de professionnels d’un office du tourisme (Saint-Antoine l’Abbaye est à proximité immédiate) … Autant que l’on sache, ce ne sont pas des emplois précaires ou non qualifiés !

Enfin, le type de vacances proposé. Certes, ce ne sont pas les vacances que nous, auteur de ces lignes, irons passer car nous préférons de loin la découverte des pays et des hommes. Mais de quel droit condamner un projet parce que les vacances relèvent de la « société de consommation » ? Nous connaissons des familles avec jeunes enfants qui ont trouvé plaisir à fréquenter un Center Parcs parce qu’elles y avaient le cadre idéal pour la détente de chacun. Si c’est ce style de vacances qui est critiquable, alors il est sans doute urgent de s’en prendre au Club Méditerranée et à tous ses imitateurs !

Roybon, maison forestière occupée (C)Philippe Desmazes

En fait, cette dernière critique pointe vers la véritable raison d’agir de tous ceux qui s’opposent à des projets qu’ils qualifient d’inutiles : aéroport de Nantes, TGV Lyon-Turin, barrage de Sivens, gares TGV, Center Parcs de Roybon et d’ailleurs. Et ce véritable objectif est double : tout d’abord celui de la destruction de l’Etat, ensuite celui de la mise en place d’une nouvelle société de décroissance.

Le vocabulaire employé en est l’illustration parfaite. L’un des récents tracs diffusés par les opposants au Center Parcs de Roybon commence ainsi : « La mort d’un jeune homme de 21 ans, militant contre un projet inutile impliquant la disparition d’une précieuse zone humide est une tragédie. Mais c’est également un signe des temps. La répression policière contre le militantisme écologique n’a, semble-t-il, jamais été aussi violente.(…) Le projet de barrage de Sivens, auquel s’opposait, avec d’autres, Rémi, ce jeune étudiant assassiné, est sans conteste un crime écologique majeur. Mais le Center Parcs de Roybon l’est également avec dix fois plus de zones humides détruites ».

En ce qui concerne la destruction de l’Etat, la dialectique est puissante et l’extrême-gauche sait, depuis très longtemps, s’en servir. Si ce tract commence par une référence à la mort tragique d’un militant opposé au barrage de Sivens, ce n’est pas un hasard. C’est même, à vrai dire, une formidable récupération de l’évènement. Nous n’irons pas jusqu’à dire qu’il satisfait les militants verts extrémistes, mais il est évident qu’il leur apporte un énorme service.
Lorsque des drones ont survolé récemment les centrales nucléaires françaises et que des forces de police se sont mises en demeure d’en retrouver les « pilotes », nous avons pu lire que « les drones apportaient la démonstration du caractère policier de l’énergie nucléaire ». Aujourd’hui, nous pouvons comprendre que la mort de Rémi Fraisse apporte la démonstration du caractère policier de notre système démocratique basé sur des élections. Il faut donc le combattre et le remplacer par l’expression directe des populations concernées. C’est-à-dire par l’anarchie !

Quant à la décroissance, cette nouvelle idéologie de la vie joyeuse et communautaire, nous en retrouvons l’expression dans ces caricatures de l’emploi proposé par le projet Center Pacs. De vrais comportements de Bisounours ! Nous avons déjà abordé la question des emplois peu qualifiés. Est-il envisageable de transférer Minatec sur le site de Roybon ? Si oui, faisons-le car en voilà des emplois hautement qualifiés ! Plus grave encore : le discours de ces militants quantifie l’aide publique apportée à chaque emploi créé d’un montant de 240000 €. Afin de conclure que cette même somme remise à des entrepreneurs aurait permis la création de plusieurs emplois. Comme si la création des emplois ne relevait que de montants financiers plus ou moins conséquents mis à disposition d’entrepreneurs ! Non, il y faut un projet que personne, jusqu’à présent, n’a su, n’a pu, porter dans ce canton abandonné.
Le prix de vente des terrains, le coût des aménagements et besoins annexes, tout cela est également pointé du doigt comme une anomalie. Mais existe-t-il des projets alternatifs qui sauraient se passer de terrains à bas coût, d’adductions d’eau, de branchements pour l’énergie ou les eaux usées, de voiries conséquentes ? Tous les grands projets de développement, quels qu’ils soient, impliquent un engagement financier des collectivités. Et tous ces projets, lorsqu’ils réussissent, engendrent des retombées financières pour leur région d’implantation : salaires, commerces, fournisseurs, recettes fiscales … et favorisent le maintien sur place des populations.
Enfin, et c’est aussi grave, de quel droit et avec quels arguments, quels critères, des militants peuvent-ils décider d’un projet qu’il est inutile et le combattre avec toute la violence et la manipulation de l’opinion nécessaires ?


Au début du XX° siècle, entre 1900 et 1920, Roybon a connu une phase positive en matière d’emploi. C’est dans cette petite ville qu’étaient installés les ateliers de réparation de tout le matériel du réseau ferré métrique qui rejoignait Lyon. Tout ce réseau a progressivement disparu, remplacé par la voiture, le camion et le pétrole. Roybon a, par ailleurs, dans le même temps, perdu près de 20% de sa population, passant de 1947 habitants en 1890, à 1565 habitants en 1920. Le train n’a apporté des emplois qu’un temps, il a surtout favorisé l’exode rural ! Roybon n’a rien gagné au passage de la première à la seconde révolution industrielle. Nous pourrions faire en sorte que le passage de la seconde à la troisième révolution industrielle (celle des réseaux, de l’énergie renouvelable et des loisirs) lui soit plus profitable.

Non, décidément non ! Les zadistes ont pour idéologie de dénoncer la « violence des loisirs » personnifiée par les Center Parcs. Convenez donc que la défense des zones humides, de la forêt, des petites bêtes et/ou des petites fleurs est bien le cadet de leurs soucis !%%%
Pour en revenir à Edgar Morin, la troisième révolution industrielle aboutira peut-être à la disparition du travail (Jeremy Rifkin), mais point n’est nécessaire que les militants gauchistes y contribuent par avance et de façon sauvage.

NB: les « champs bons à rien » sont l’origine étymologique des Chambarans.