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Démocratie

L’Europe et le Mali: prix Nobel et Discours de Dakar

A y bien regarder, il est peu de journées dans une vie qui comportent des évènements aussi symboliquement significatifs. Ce 12 octobre 2012 restera l’une de ces journées.

D’abord l’Europe avec la décision du Comité Nobel d’attribuer le Prix Nobel de la Paix à l’Union Européenne. Bien évidemment, ce n’est pas la situation actuelle de l’Europe qui est ainsi honorée. La crise financière est plus profonde que jamais, les peuples du sud en souffrent de façon dramatique, les peuples du nord se referment derrière leur égoïsme (n’ayons pas peur des mots), les grecs (certains !) accueillent Angela Merkel avec des drapeaux et des slogans nazis, les atteintes à la démocratie et à la libre expression des citoyens sont nombreuses (ce fut le cas en Hongrie et en Roumanie), la conviction européenne se délite de partout, les nationalismes, les régionalismes, les particularismes se multiplient d’ouest en est, … Non, certainement, ce n’est pas cette Europe-là qui mérite un Prix Nobel.

Mais avant tout cela, l’Europe c’est aussi et surtout une magnifique idée qui brasse les cultures, qui permet non seulement à un anglais de rencontrer des italiens ou des grecs, mais aussi à des roumains de recevoir des français sans que se pose le moindre problème de papiers d’identité, de passages de frontières, de déclaration de biens ou de marchandises. Même si ce n’est pas le cas de tout les pays, « zone euro » oblige, il n’est pratiquement plus besoin de changer de devises, l’euro est reconnu et accepté partout.

L’Europe c’est également la source et le but d’un formidable brassage de jeunes: Comenius, Erasmus, Office Franco-Allemand pour la jeunesse, EACEA (Agence Européenne pour la Culture, l’Education et l’Audiovisuel), … permettent au moins de 30 ans d’échanger, voyager, étudier presque là où bon leur semble.

Enfin, l’Europe, née sur les cendres et les décombres de la dernière guerre, est le meilleur outil de paix qui se puisse créer. Il suffit de reprendre un par un les conflits qui perdurent où qui se créent actuellement en Europe, d’imaginer que l’Europe n’existe pas ou plus, et chacun comprendra que cette structure de débat et de rencontre constitue le meilleur moyen de dégonfler les conflits à défaut de les désamorcer.

Ce Prix Nobel, que 27 enfants européens feraient bien d’aller chercher, à défaut des « Pères » fondateurs », doit être un encouragement à poursuivre la lutte pour plus d’Europe, pour une plus grande intégration, pour la naissance d’une démocratie européenne et la désignation de tous ses représentants par l’élection. Alors, quand Mélenchon et Le Pen s’élèvent, dans les mêmes termes, contre cette attribution dont ils affirment qu’en récompensant « la guerre économique et sociale tous azimuts entre les peuples, qui ne peut conduire qu’à la guerre tout court », le comité Nobel s’est « discrédité à jamais », ils ont grandement tort. Angela Merkel, également, a cru pouvoir affirmer que l’Euro était ainsi récompensé: il n’en est rien !

Seuls une idée, un rêve, un chantier, un futur ont été honorés. A nous d’en poursuivre la construction sans désemparer.


A plusieurs milliers de kilomètres, François Hollande a prononcé un discours (http://fr.scribd.com/doc/109835017/Le-discours-de-Francois-Hollande-devant-l-Assemblee-nationale-du-Senegal-a-Dakar-le-12-octobre-2012) médiatiquement annoncé depuis de longs jours et dont on a voulu nous faire croire que ce n’était pas le discours destiné à « effacer » celui de Sarkozy en 2007 (Le-discours-de-Dakar-le-discours-de-Benghazi), mais l’affirmation de la volonté de mettre en place de toutes nouvelles relations avec l’Afrique. Qu’en est-il exactement ?

Après une courte introduction faisant référence à une histoire douloureuse, citant en quelques lignes l’esclavage qu’il lie à la lutte actuelle contre ceux qui exploitent les misères des jeunes, des réfugiés, des migrants, François Hollande précise que la vraie raison de sa présence au Sénégal est la démocratie dont le pays qui le reçoit est un exemple, preuve en est donnée par l’importante présence des femmes dans l’Assemblée.
Cette démocratie implique que « nous devons tout nous dire, sans ingérence, mais avec exigence ».
« L’Afrique est portée par une dynamique démographique sans précédent ». Il y aura près de 2 milliards d’hommes qui vivront au sud du Sahara en 2050. « L’Afrique est la jeunesse du monde » et une terre d’avenir pour l’économie mondiale. « Votre défi, c’est de renforcer la place de votre continent dans la mondialisation, de lui donner une finalité plus humaine ». Dans cet avenir, nous sommes votre premier allié. Et notre devoir est de vous accompagner dans des secteurs comme l’agroalimentaire, les télécoms, les services financiers.
Suivent alors quelques principes d’application de cet accompagnement: la transparence, la bonne gouvernance, l’égalité.
Nous sommes à mi-discours.

François Hollande et Macky Sall, à Dakar le 12/10/2012 (C)Seyllou/AFP


François Hollande aborde alors la question du combat identique auquel France et Afrique sont confrontées, « celui de la dérive identitaire, celui du terrorisme ». Et de citer le cas du Mali, où « c’est votre sécurité qui est en jeu, c’est aussi la notre et celle de l’Europe », avant de se livrer à une analyse critique des causes de la crise malienne:

  • pratiques mafieuses des groupes terroristes,
  • erreurs lors de la fin d’intervention en Libye, notamment le manque de contrôle des armes,
  • trafic de drogue ayant corrompu l’économie malienne,
  • insuffisance du développement économique et social du Sahel,
  • absence de mise en œuvre des accords passés.
    François Hollande termine cet aspect de son discours par un rappel des modalités de soutien de la France dans le cadre d’une intervention conduite par les Africains.
    La conclusion est une affirmation que « le temps de la Françafrique est révolu », il y a désormais un partenariat basé sur la clarté, le respect et la franchise, la solidarité par le développement, les financements innovants, la consolidation de la zone franc et des relations commerciales plus équitables.

    Ceux qui auraient rêvé d’un discours reflétant une position plus novatrice, plus courageuse, plus révolutionnaire, en seront pour leurs frais: c’est exactement la même idéologie qu’il y a cinq ans qui soutient ce discours. Certes, le ton « donneur de leçons » de Sarkozy n’y est pas. Certes, le mépris et l’attitude hautaine et néo-colonialiste n’y sont pas. Mais quelle différence fondamentale (en insistant bien sur le mot  »fondamentale ») voyez-vous entre ces deux phrases ?
  • « le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » (Sarkozy).
  • « votre défi, c’est de renforcer la place de l’Afrique dans la mondialisation, de lui donner une finalité plus humaine » (Hollande).

    Hollande renouvelle les mêmes souhaits (exigences) quant à la collaboration de la France et de ses entreprise au développement africain. Hollande réaffirme les liens indispensables entre l’Afrique et l’Europe, elle aussi menacée par les dérives terroristes du continent noir. Toute la différence réside dans le ton du discours, plus humain, plus généreux.

    Alors, il n’est pas étonnant que la fin soit une approbation des préparatifs de guerre au Nord-Mali, en justifiant ceux-ci (les préparatifs) par les fautes commises par ATT (insuffisance de développement et absence de mise en œuvre des accords). Seule certitude: la fin du conflit sera mieux gérée et les armes n’iront pas tomber dans des mains sales !

    Pour notre part, nous croyons toujours que la négociation, les pourparlers, les « palabres » valent mieux que la guerre qui laissera un cortège de désolations, de misères … Le récent retournement de position des Touaregs, né de la négociation, vient à point prouver qu’il n’est pas trop tard. Désormais, ils ne parlent plus d’indépendance arrachée, mais d’autodétermination.
    Des centaines de jeunes maliens se pressent aux « frontières » de la zone occupée par les islamistes, pour y constituer des milices afin d’intervenir aux cotés de l’armée. Bien encadrés et protégés, ne pourraient-ils pas former une « armée » d’intervention pacifique, un peu comme des « casques bleus » du Sahel ? Car enfin, combien sont-ils ces djihadistes fanatiques ? Quelques milliers ! Et c’est pour ces 2 ou 3000 fous que l’on va faire la guerre ? Et que la France va soutenir cette guerre ? Ou bien, est-ce pour autre chose ?
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Le Monde

Journaliste ou militant: deux exemples récents, les riches et l’islamisme

La Une de Libé; « Casse-toi , riche con », a fait beaucoup de bruit mais pas nécessairement le bruit le plus utile. Beaucoup se sont interrogés sur le coté vulgaire et grossier de cette première page qui est une vraie « connerie ». Mais peu se sont interrogés sur son bien-fondé déontologique. En effet, qu’est-ce que « Libération » ? D’après Wikipédia, il s’agit d’un journal quotidien généraliste. Il s’agit, certes, d’un journal quotidien ancré à gauche, nul ne le conteste et nul ne le lui reproche. Mais lorsque son Directeur de Publication justifie le titre provocateur et grossier en disant que ce n’est qu’une juste réponse aux provocations et aux grossièretés ou insultes de Bernard Arnault, fait-il du journalisme ou du militantisme ?

Le Président de la République a assimilé cette « Une » à une recherche exacerbée du rendement économique (à défaut du « profit »), mais il y a davantage: le comportement de certains éléments de la presse s’assimile de plus en plus fréquemment à des prises de position de caractère étroitement idéologique ou partisan. Il ne s’agit point de contester les choix fondamentaux de tel ou tel quotidien ou magazine: droite-gauche, conservateur-progressiste, mais à l’intérieur de ce choix de disposer d’une information complète. Sur le sujet de la double nationalité des riches, le titre de « Marianne » s’interrogeant sur le patriotisme économique des riches (sont-ils des traîtres à la France ?) est beaucoup plus intéressant sous l’angle journalistique.

Mais ce n’était là qu’une introduction destinée à bien cadrer la réflexion qui va suivre.
Elle concerne « Le Monde » et son reporting de ce qui se passe en Egypte. Depuis plusieurs mois, le tandem de reporters formé par Claire Talon et Christophe Ayad défend une présentation tronquée de la situation politique égyptienne.

Mohamed Morsi le 13 juin 2012 (C)Levine/SIPA


Petit florilège.
En juin 2012, sitôt Mohamed Morsi élu, Claire Talon nous annonce (toute trace en a disparu …) que le risque est grand et très réel de voir les Forces Armées égyptiennes fomenter un coup d’état afin de sauvegarder leurs prétendus privilèges, leur « empire économique ».
Le 14 août 2012, le quotidien titre: « En Egypte, le coup de force du pouvoir islamiste ». Ou comment pratiquer l’art de sous-entendre beaucoup de choses à la fois. Autant qu’on le sache, Mohamed Morsi a été, aussi régulièrement que possible, démocratiquement élu. Même si l’expression a été reprise par d’autres organes de presse, le Figaro notamment, comment un chef d’état démocratiquement élu peut-il commettre un « coup de force », alors qu’il ne fait que mettre en œuvre les prérogatives dont il vient d’être chargé ? Le plus important dans ce titre n’est-il pas cependant le petit bout de phrase relatif au « pouvoir islamiste » ? La suite des commentaires prévoit la création rapide d’un état « frériste » car là est la véritable obsession de notre tandem de journalistes: le pouvoir islamiste.
Preuve en est donnée trois jours plus tard dans la cadre d’un article traitant du déploiement de l’armée dans le Sinaï à la suite de l’attaque de gardes-frontières égyptiens. Textuellement, au travers de cette action militaire, Mohamed Morsi « frappe toujours à l’improviste les pans d’un pouvoir qui lui résiste encore en Egypte, afin de renforcer la mainmise des Frères Musulmans sur l’Etat ». Le même article nous fait part d’un « fort mouvement d’opposition à l’encontre du chef de l’Etat » et d’un appel à une manifestation « géante » le 24 août contre le règne des Frères.
Le lecteur du Monde Papier ne saura (sauf erreur) rien du résultat de cette manifestation géante. Dans Le Monde.fr, on apprendra qu’elle a réuni …. deux cents manifestants !!
Entretemps, nous saurons (23 août) que « la surenchère militaire égyptienne dans le Sinaï inquiète Israël ». Israël a émis des protestations pour la forme, car il est fort probable que ces manœuvres se fassent sous le contrôle des USA et en collaboration avec les autorités israéliennes. La révision des accords de Camp David concernant la souveraineté de l’Egypte sur le Sinaï est à l’ordre du jour. D’ailleurs, depuis le 23 août, avez-vous entendu parler de cette inquiétude israélienne ?
Donc le 24 août, Le Monde.fr nous apprend que quelques centaines d’Egyptiens sont descendus sur la Place Tahrir pour manifester contre Mohamed Morsi. En fait, deux centaines de manifestants, dixit le texte lui-même. Cette poignée de manifestants cible la monopolisation du pouvoir par le Président élu, depuis que celui-ci a abrogé une « déclaration constitutionnelle » édictée par les SCAF (Forces Armées) et qui limitait les pouvoirs présidentiels. Comment des textes pondus par les forces armées peuvent-ils avoir plus de poids que les attributions traditionnelles d’un Président de la République ?
25 août, la pression continue et un nouvel article titré « Egypte: l’emprise des Frères inquiète l’opposition » rassemble une foule de suppositions, préjugés et rumeurs afin, encore une fois, de mettre en avant un anti-islamisme de fond. « Beaucoup soupçonnent les Frères de préparer des remaniements à grande échelle au sein du pouvoir judiciaire …., la désignation des Gouverneurs de Provinces promet de verrouiller un peu plus le système ….., de lourdes craintes pèsent sur le projet que l’Assemblée Constituante doit remettre fin septembre ….., d’aucuns craignent que les islamistes ne torpillent les travaux en cours pour donner au Président les moyens de désigner une nouvelle Constituante à sa botte ….., le siège des islamistes au Caire aurait été rehaussé de deux étages sans permis de construire ….., le sursaut tardif des forces libérales ainsi que des intellectuels suffira-t-il à brider les ambitions des Frères Musulmans, alors qu’une importante manifestation pour défendre les libertés individuelles et protester contre la monopolisation du pouvoir était prévue au Caire vendredi … »
On le sait: deux cents manifestants !

Les journalistes déplacés au Caire ont une vision partisane de la situation politique en Egypte. De façon caricaturale, ils amalgament Frères Musulmans et Salafistes, or il est d’évidence que ceux-ci sont davantage concurrents qu’alliés. Les récents évènements à propos de la vidéo anti-islamique diffusée sur le Net en apportent la preuve. L’attitude du Monde à l’égard de Mohamed Morsi n’est pas à même de comprendre et de faire comprendre cette situation et, en ce sens, nous sommes souvent loin du journalisme et proche du militantisme.
Paradoxalement, c’est un organe beaucoup plus militant, Le Monde Diplomatique, qui publie une analyse pertinente (http://blog.mondediplo.net/2012-09-10-La-revolution-en-Egypte-est-elle-finie) de la situation et de ses potentielles évolutions. Il faut lire impérativement cet article qui dit en substance que « l’armée est beaucoup moins puissante que ce que l’on a pu écrire, que les Frères Musulmans sont une force importante, qu’ils sont partie prenante de la solution aux problèmes de l’Egypte et qu’on ne peut les exclure du débat politique, que le combat politique ne s’arrêtera ni demain, ni après-demain et que l’Egypte a besoin d’une force d’opposition qui fasse des propositions sur un autre terrain que le religieux ».

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Mali

La fin de Khadafi et la fin d’ATT

Ce n’est pas un titre de gloire, mais le 30 octobre 2011, ici-même (Sauver-Benghazi-pour-mieux-punir-Syrte-…), nous annoncions ce qui allait, ce qui devait se passer dans cette vaste zone qui va de la Libye au Mali. Et nous parlions de désastre. De plusieurs désastres, car les motivations de la guerre menée en Libye, et les conditions dans lesquelles elle s’est réalisée, ne pouvaient pas déboucher sur autre chose.

Mais auparavant, faisons commentaire d’une info dont Mediapart s’est fait le porteur et qui s’avère être un véritable « flop ».
Le 12 mars, Mediapart publie un article selon lequel le financement de la campagne 2007 de Sarkozy aurait été financé, à hauteur de 50 millions d’euros, par Khadafi, son fils Saïf Al Islam, avec Brice Hortefeux pour intermédiaire. Ces informations, tapées en caractères sibyllins sur un vulgaire bout de papier, dateraient d’octobre 2005. Curieusement, aucun organe de presse ne développe cette information. Tous, en France, mais aussi en Belgique ou en Suisse, reprenne le contenu de l’article de Mediapart, mais quasi personne ne fait le moindre commentaire. A deux exceptions près. Celle du Réseau Voltaire, Thierry Meyssan, sur laquelle on ne s’étendra pas, sauf en ce qui concerne une bizarre accusation: si la campagne de Sarkozy a été financée par Khadafi, il en aurait été de même pour la campagne de …. Ségolène Royal. L’autre exception est celle de Marianne dont Philippe Bilger (http://www.marianne2.fr/Kadhafi-et-si-BHL-avait-servi-a-brouiller-les-pistes-du-financement-de-la-campagne-2007_a216408.html), dans son blog, souligne que bien des choses restent incompréhensibles alors qu’il laisse entendre qu’il doute de la sincérité de ce « mémo » présenté par Mediapart.

Coup de tonnerre, quatre jours plus tard, Mediapart déclare que Jean-Charles Brisard, son « indicateur », retirait tout ce qu’il avait pu dire au motif qu’il avait « été associé malgré lui à de soi-disant révélations ». Et là, curieusement, personne ne cite ce démenti, strictement personne.
Pourtant, il est loisible de se poser un certain nombre de questions.

  • Le 16 mars 2011, Saïf Al Islam, particulièrement remonté, accordait une interview à Euronews et déclarait que son père avait financé la campagne de Sarkozy.  » Nous avons les preuves, tous les détails, les comptes bancaires, les documents et les opérations de transfert ». Le 12 mars 2012, dans Mediapart, Jean-Charles Brisard déclare qu’il a un dossier, des notes, des documents de transfert. Curieux hommes que ces « mafiosi » qui gardent une trace réglementaire de tout ce qu’ils trafiquent !! Et pourquoi Khadafi n’a t-il jamais mis à exécution ses menaces de publication des fameux comptes bancaires ?
  • Une autre question vise à comprendre pourquoi Sarkozy aurait décidé de trahir aussi brutalement son donateur. Dire que c’est pour effacer les preuves de ce financement relève du « cinéma ».
  • Nicolas Sarkozy avait-il vraiment besoin de 50 millions ? Alors qu’il semble, à ce que l’on raconte, que la famille Bettancourt était à même de lui en donner à guichet ouvert ?
  • Et enfin, pourquoi ce prétendu bout de papier écrit en 2006 arriverait aujourd’hui, et seulement aujourd’hui, dans la rédaction de Mediapart ?
    Le problème, c’est que l’Internet laisse derrière lui une longue traîne. Lorsque « Rue89 » a déclaré que Camatte était un agent secret, à le suite probable d’une mauvaise interprétation d’un commentaire de fonctionnaire, cela n’a jamais été démenti et cela traîne encore dans de nombreux sites africains. Gageons qu’il en sera de même pour le financement de la campagne 2007 de Sarkozy …

    Cet imbroglio qui a présidé à la décision de faire la guerre en Libye et d’y supprimer Khadafi est donc à l’origine de plusieurs désastres.
    Le premier désastre potentiel était celui d’un risque de transfert de conflit d’une terre à l’autre. C’est chose faîte puisque les touaregs du MNLA, lourdement armés, ont quitté la Libye et sont rentrés au Mali pour y réclamer l’indépendance de l’Azawad (L-Azawad-et-le-Mali). Ils y mènent une guerre violente, dure, cruelle et rien ne les arrête. Les populations civiles fuient vers le Niger ou vers la Mauritanie (plusieurs centaines de milliers) et viennent gonfler d’autres populations déjà en situation de souffrance alimentaire.
    Le second désastre potentiel était celui d’une partition de la Libye. C’est chose faîte, ou presque, puisque la Cyrénaïque réclame son autonomie, avant de réclamer son indépendance. Celui également d’une partition du Mali puisqu’au-delà de la revendication d’indépendance de l’Azawad (curieusement limité aux frontières officielles du Mali), un groupe salafiste revendique maintenant (http://www.slateafrique.com/84371/de-nouvelles-fissures-dans-la-rebellion-touaregue-au-mali) son autonomie et veut étendre la loi islamique à l’ensemble du Mali.
    Ici, comme en Libye, le troisième désastre potentiel était bien de laisser le champ libre à tous les agitateurs religieux qui se multiplient au cœur de cette vaste zone quasi désertique: salafistes, AQMI, … Là aussi, c’est chose faite.

    Comme un désastre ne vient jamais seul, l’armée régulière malienne (une partie ?) vient de renverser ATT. Si elle a quelques griefs solides à exprimer au Président de la République du Mali, et notamment celui d’être abandonnée au fond du Nord, sans appui logistique (il a fallu qu’un hélicoptère de l’armée américaine largue des vivres !), et régulièrement massacrée par les combattants touaregs, cela ne l’autorisait en aucune sorte à prendre le pouvoir. D’autant plus, s’il s’agit de déclarer que l’on va organiser des élections, alors même que celles-ci devaient se tenir dans un mois !! Curieuse et inquiétante conception de la démocratie.
ATT (C)Reuters/Pool New

ATT est un démocrate. Dans le contexte africain, il dénote avec sa ferme volonté de ne pas faire de nouveau mandat, (il en a fait deux) et de céder la place. ATT a joué un rôle capital à l’égard de la part importante de ses compatriotes exilée en Europe, en France particulièrement: les Maliens de l’extérieur. Il s’est opposé à plusieurs reprises et avec fermeté à la signature d’accords de gestion concertée des flux migratoires avec la France, accords dont Besson, puis Hortefeux, s’étaient fait les champions. ATT s’est enfermé dans un refus de faire la guerre à AQMI dans le nord du pays, une guerre qu’il disait ne pas être la sienne, ni celle du Mali. C’est pour cela qu’il a été considéré comme le maillon faible de la lutte contre le terrorisme. Et quand les touaregs sont rentrés au pays pour affronter le pouvoir central, avec la complicité réelle ou tacite (malgré leurs dénégations) des islamistes, il n’a pas vu que la dimension du conflit et le rapport de forces n’étaient plus les mêmes. Le point de vue de Slate ici (http://www.slateafrique.com/84473/le%20bilan-conteste-de-amadou-toumani-toure).

Ce désastre-là ne fait que commencer. Les populations du nord, comme du sud, n’ont pas fini d’en souffrir, les libertés de choix et de convictions d’en pâtir, et la région toute entière (Mali, Niger, Sénégal, Burkina) d’en être durablement déséquilibrée.

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Egypte

Ferments de guerre civile en Egypte

« Aujourd’hui au moins, une chance se dessine de voir émerger des systèmes politiques n’excluant pas tout sentiment de citoyenneté. Déjà, un foisonnement d’initiatives citoyennes fourmille dans toute la région. C’est le versant caché de l’histoire, occulté par la violence de la répression, le triomphe électoral des islamistes et les grands enjeux stratégiques. Pour l’heure, les sociétés se trouvent mises à nu, transparentes à elles-mêmes et au reste du monde, et pour la première fois contraintes de faire face à leurs propres démons. Les lignes de faille des sociétés arabes sont désormais béantes et manifestes. »
 »En Occident, l’obsession de l’islamisme continue à orienter les perceptions de ces changements pourtant complexes. Le succès de tout processus de démocratisation reposera pourtant sur sa capacité à produire une image relativement fidèle et nuancée de la société. Accepter le produit de décennies d’islamisation insidieuse des sociétés arabes, encouragée par la fermeture des systèmes politiques et exploitée comme justification du statu quo, en fera partie, à moins de précipiter des conflits qui se feront au détriment de toute démocratie. »

Peter Harling, Directeur des activités de l’International Crisis Group, en Egypte, en Syrie et au Liban, a écrit ces lignes dans un texte intitulé « Le monde arabe est-il vraiment en « hiver » ? Gardons-nous d’être pessimistes trop tôt », publié dans Le Monde daté du 2 février.
Nous ne disions pas autre chose (Tunisie-Egypte-Libye-…-et-si-on-rangeait-le-romantisme-…) à peine quelques jours auparavant.

Depuis, il y a eu le massacre de Port Saïd, qui a fait 75 morts à l’issue d’un match de football.
Les révoltés ou révolutionnaires crient au complot, à la manipulation. Encore une fois, est-il vraiment besoin d’imaginer des combinaisons machiavéliques pour comprendre de pareilles haines. Les jeunes de la Place Tahrir et les foules qu’ils entraînent derrière et avec eux ne sont plus porteurs des attentes des masses. Ils se sont coupés d’elles. Parce qu’ils ont fait plusieurs erreurs, et notamment un certain anarchisme, et parce qu’ils ignorent délibérément les résultats d’un scrutin populaire qui donne la majorité aux partis islamistes.
C’est comme cela, un point c’est tout. Et ne pas en tenir compte, ce n’est ni plus ni moins que manquer à toutes les promesses faites en matière de démocratie nouvelle. Demain, ils choisiront un autre homme pour les représenter (El Baradei ou un autre) et, à la première contrariété venue, ils lui intimeront l’ordre de partir.

Port-Saïd football (DR)

En ce qui concerne Port Saïd, la victoire remporté par l’équipe locale contre l’équipe cairote soutenue par des ultras radicaux, anti-armées et anti-flics, a galvanisé des jeunes qui peinent à trouver un boulot et à le conserver, qui espèrent profondément en une accalmie politique et économique, qui sont allés voter pour les partis islamistes de leurs choix et qui se sentent quotidiennement humiliés par les discours méprisants des « révolutionnaires » du Caire. Sans doute quelques slogans ont suffi, à la suite d’une provocation de ces fameux ultras descendus sur la pelouse pour clamer leur victoire.

Le résultat en est hallucinant de violence et d’incompréhension. Tellement d’incompréhension que les « révoltés » vont encore et toujours retourner sur la place de leurs exploits, devant les télévisions du monde, alors que leur rôle désormais devrait être de contribuer à la « production d’une image relativement fidèle et nuancée de la société » et préparer avec la totalité des forces en présence la rédaction d’une nouvelle constitution et les élections présidentielles.

Faite de quoi, l’Egypte se dirigera (se dirige déjà ?) vers la guerre civile.