Ce n’est pas le propos de ce blog que d’expliquer ces divisions, il existe un bouquin qui tente une explication rationnelle. Il s’agit de « L’Islam contre l’Islam: L’interminable guerre des sunnites et des chiites », écrit par Antoine SFEIR. Ce livre a été publié en janvier 2013 et réédité en septembre 2013, malheureusement sans mise à jour, ce qui, compte tenu de la vitesse des évènements, le rendait déjà un peu dépassé.
Notons bien que l’auteur parle de l’interminable guerre des sunnites et des chiites, et qu’il ne parle pas de la guerre des sunnites contre les chiites, ou de la guerre des chiites contre les sunnites.
Les commentaires visant à rendre responsable de la situation actuelle en Irak, son Premier Ministre chiite, Nouri al-Maliki, en raison de son attitude discriminatoire à l’égard des sunnites, sont totalement irréalistes. Nouri al-Maliki n’a fait que mettre en œuvre une action de guerre d’un islam contre l’autre islam ! Tout comme Bachar el Assad mène le même « combat » dans son pays. Nouri al-Maliki n’est pas un « Chef d’Etat », il n’est qu’un militant d’une cause guerrière.
Les chiites ne représentent qu’une infime minorité des musulmans: sur 1 milliard 200 millions de musulmans dans le monde, ils ne sont que 105 à 110 millions, moins de 10 %. De façon générale dans le monde, ils se sentent opprimés parce que depuis le 7° siècle (depuis les tous débuts de l’Islam !), ils se sentent considérés comme des « hérétiques » ou des « mécréants ». Bien que globalement minoritaires, il est des zones du monde musulman dans lesquelles ils se retrouvent en majorité: c’est le cas de l’Iran où ils représentent 90% des musulmans, de Bahrein (70%), de l’Azerbaïdjan (75%), de l’Irak (60%), …
Les chiites sont, à l’inverse, particulièrement minoritaires en Afghanistan (15%), en Turquie (25%), au Qatar (20%), au Koweït (25%), en Arabie Saoudite (15%), … en Egypte où ils seraient de 800000 à 1 million, en Tunisie où ils sont ultra-minoritaires. Au travers de cet affrontement entre chiites et sunnites, nous retrouvons toujours la lutte d’influence entre l’Iran et l’Arabie Saoudite et/ou le Qatar, laquelle lutte d’influence explique beaucoup, beaucoup de choses.
Le 19 juin, Dominique de Villepin a publié dans « Le Monde » un point de vue (http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/06/19/le-triple-echec-du-recours-a-la-force_4441293_3232.html) en droite ligne de son intervention du 14 février 2003 devant le Conseil de Sécurité de l’ONU au cours de laquelle il a exprimé l’opposition de la France à une action militaire en Irak.Il y estime que depuis 2001 le recours à la force invoqué et mis en œuvre par l’Occident n’a systématiquement abouti qu’à une série d’échecs.
Tout d’abord, échec de ce qui est appelé « guerre contre le terrorisme », celle-ci n’étant qu’un fantasme dangereux faisant le jeu des extrémistes.
Ensuite, échec de cet objectif irraisonné: apporter la démocratie avec les chars et les avions ! Non seulement, chaque intervention ne laisse la place qu’à un pouvoir aussi sectaire que le précédent, si ce n’est pas davantage, mais les belles ambitions humanitaires ou civilisationnelles s’y embourbent totalement.
Et enfin, échec de la construction d’un Etat-Nation au moyen de la force. Partout, on a vu s’ouvrir les vieilles divisions ethniques, culturelles, religieuses.
Ces trois échecs sont les fruits amers d’une idéologie douteuse; celle de l’interventionnisme occidental afin, dit-on, de rétablir l’ordre, protéger les faibles, apporter la démocratie, punir les terroristes, … ce ne sont pas les justifications qui manquent ! Au final, rien de tout cela n’est réalisé. Et ce qui se passe aujourd’hui en Irak, qui s’est passé hier en Libye, se passera demain au Mali. Pourtant, l’obsession de l’engagement armé est si forte que ceux qui refusent d’intervenir en Syrie ou en Irak passent pour des lâches.
Dominique de Villepin conclut qu’il est temps de mettre fin à la « guerre contre le terrorisme », au bénéfice d’une action internationale de lutte contre le terrorisme qui soit judiciaire, économique, financière, technologique et qui s’appuie sur la garantie des frontières et le dépassement du clivage sunnites-chiites (ou chiites-sunnites !).
Cela ne demande que la détermination de quelques hommes et femmes de bonne volonté.