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Démocratie

Le populisme: notre culpabilité ?

Il n’y a pas de recette miracle et le chemin sera long à parcourir.
Pour contrer ce phénomène, nous devons commencer par l’autocritique. Et par l’alliance pour le progrès mondial.

Il n’y aura pas d’échappatoire à Salvini, au Brexit ou à Trump tant que nous ne comprendrons pas pourquoi les gens ont voté pour eux. Les préoccupations de l’électorat doivent recevoir une réponse sérieuse et complète.

Dans la lutte contre la vague populiste et autoritaire, il n’y a pas de solution miracle. Ce sera un long chemin qui nous obligera à changer de cap sur l’inégalité, à répondre sincèrement aux préoccupations des électeurs, à reconstruire et renouveler le contrat et le capital social, à actualiser et à sauvegarder les institutions essentielles.

Il ne fait aucun doute que la meilleure façon de commencer ce voyage est d’évaluer nos erreurs et de réfléchir à la façon dont nous devrions changer. Il n’y a rien d’intrinsèquement vertueux dans la pratique politique traditionnelle des dernières décennies, ni dans celle du centre-gauche ni dans celle du centre-droite. Beaucoup d’entre nous n’ont pas été capables de suivre le rythme du temps dans la façon dont nous communiquons, organisons et nous engageons. Quelle que soit l’approche que nous adopterons, nous devrons répondre aux critiques légitimes de l’establishment politique.

En premier lieu, lorsqu’il s’agit de politique, nos plates-formes ne peuvent pas être complètement déconnectées des souhaits des électeurs. Nous devons répondre sérieusement, honnêtement et globalement aux préoccupations des électeurs au sujet de l’immigration, de l’irresponsabilité des puissants intérêts du monde des affaires ou du secteur public et de la révolution technologique en cours. Si nous considérons, par exemple, que des changements importants ont eu lieu dans l’économie mondiale au cours des deux dernières décennies, le moment est peut-être venu d’accepter l’idée que les petits ajustements à la politique économique et à la réforme de l’État providence constituent une réponse inadéquate. Nous ignorons souvent le fait que l’un des thèmes centraux de la campagne Trump était le travail. Que nous soyons ou non en faveur du revenu de citoyenneté -et je ne le suis pas- le moment est venu de penser radicalement à un nouveau programme économique d’inclusion et d’autonomisation. Toutes les idées, y compris la garantie du droit au travail ou à l’emploi, devraient être un élément positif dans ce débat.

De même, les préoccupations relatives à l’immigration, à l’intégration et à la sécurité ont radicalement transformé la politique dans tout le monde occidental – elles ont sans aucun doute été au cœur du vote Brexit en Grande-Bretagne et de l’élection de Donald Trump aux États-Unis. Nous pouvons être en désaccord avec la plupart des électeurs sur le sujet de l’immigration et déplorer la manière dont le sujet a été déformé par les extrémistes et la presse à scandale -Je suis certainement dans cette position. Il est cependant impossible d’ignorer cela, et encore moins de s’attendre à ce que l’opinion publique soit indifférente à cet égard. J’irais même jusqu’à dire que c’est la principale ligne de démarcation des élections occidentales d’aujourd’hui. Je reste d’avis qu’une politique migratoire progressiste et maîtrisée peut être proposée. Mais ce faisant, nous devons partir de l’orientation réelle des gens, et non de ce que nous aimerions qu’ils pensent, et montrer que nous avons le contrôle de la situation et que nous avons un plan. En ce moment, les électeurs se sentent trahis par notre position et notre rhétorique. Même Emmanuel Macron, peut-être le plus éloquent partisan d’une société ouverte dans le paysage politique européen d’aujourd’hui, a donné un tour de vis aux lois françaises en matière d’immigration et d’asile.

Deuxièmement, nous devons réformer notre politique. Pour commencer, nous devons cesser d’être condescendants et paternalistes. Un aspect culturel de cette politique est la perception que les élites au pouvoir sont trop hâtives dans le rejet ou l’étiquetage de certains électeurs. Aux États-Unis, les commentaires notoires de l’ancien président Barack Obama sur les gens qui « s’accrochent aux armes ou à la religion » ont contribué à faire croire que la société est divisée entre une élite condescendante et des gens ordinaires, comme le prétendent les populistes. Les arguments selon lesquels certains aspects de l’intégration et de l’assimilation ne vont pas bien dans certaines sociétés occidentales -ou que le changement social et économique est trop rapide- ne devraient pas automatiquement être qualifiés de racistes, de sectaires ou de luddistes. Nous devons débuter la réflexion là où se trouvent les électeurs, prendre leurs préoccupations au sérieux et les traiter avec respect.

Nous devons également élaborer notre propre politique d’identité inclusive. Le sentiment d’appartenance à une communauté politique n’est pas nécessairement une forme de sectarisme. Même si les populistes autoritaires exploitent les sentiments patriotiques pour recréer une idée nostalgique d’un passé plus simple et plus pur, les politiciens traditionnels ne devraient pas se détourner du patriotisme. Ils devraient plutôt essayer d’utiliser la même émotion pour montrer une vision positive, tolérante, diversifiée et inclusive de l’identité nationale. En d’autres termes, nous devons revendiquer et redéfinir le patriotisme. Les politiciens intelligents peuvent récupérer le patriotisme des mains des souverainistes.

Troisièmement, nous devons rendre la société plus démocratique. L’un des facteurs d’insécurité et de frustration dans nos sociétés est le sentiment généralisé que nous avons perdu le contrôle de nos vies. A ceci répond la promesse populiste de reprendre le pouvoir des mains d’une élite corrompue ou compromise et de le confier à un dirigeant fort qui gouverne au nom du peuple. Il ne s’agit pas de démocratisation, mais d’une plus grande centralisation du pouvoir. Notre réponse devrait être de démocratiser véritablement le pouvoir, de le remettre entre les mains du peuple. De lui donner un sentiment de contrôle sur sa vie, son travail et sa communauté. Il s’agit d’un vieux programme progressiste, mais nous n’avons pas réussi à le mettre en œuvre depuis trop longtemps. Il est temps que les progressistes soutiennent le rôle des travailleurs dans les conseils d’administration, l’expérimentation de formes de démocratie locale, directe et délibérative, et la promotion de formes appropriées de subsidiarité dans la police, l’éducation et la politique de santé.

Cela exige une vision cohérente pour redéfinir les institutions. Si nous en avons l’occasion, nous devons renforcer les institutions, en particulier le système judiciaire indépendant. Mais nous devrions aller plus loin. Nous devons renouveler les autres institutions gouvernementales pour les adapter à l’ère numérique. Il est également nécessaire de rendre le gouvernement plus transparent et plus ouvert et les services publics plus sensibles aux besoins de ceux qui les utilisent.

Quatrièmement, nos politiques doivent devenir mondiales. Bien entendu, la lutte pour les spécificités des sociétés d’Europe occidentale doit être menée séparément dans chaque pays. Ni l’Union européenne ni le Conseil de l’Europe, et encore moins l’alliance transatlantique, ne peuvent être d’une grande aide pour contrer l’autoritarisme national et offrir une alternative. Pourtant, face au pouvoir du capital dans le cadre national, il est difficile pour un gouvernement de se mesurer face à face avec les multinationales. De même, le renforcement des droits des travailleurs au niveau national ne garantit pas toujours qu’ils obtiendront une part plus équitable des revenus.

À une époque où une grande partie du monde est entre les mains des multinationales, nous avons besoin d’une action internationale multilatérale. Si ces organes n’inspirent plus confiance, nous devons les renouveler. Nous avons besoin d’un Bretton Woods démocratique pour traiter avec les multinationales.

Bon nombre des solutions aux défis économiques locaux sont à la fois mondiales et locales, tout comme la sécurité, l’immigration et l’identité. La mondialisation de notre politique doit aussi être un projet individuel et communautaire. Il n’y aura pas d’échappatoire à Salvini, au Brexit ou à Trump tant que nous n’aurons pas compris et pris en considération les raisons pour lesquelles les gens ont voté pour eux. En tant que mouvement mondial, nous devons passer plus de temps à comprendre la fascination des populistes qu’à les critiquer. Il s’agit d’un programme mondial et aucun d’entre nous ne devrait se sentir seul. Salvini a déjà annoncé son intention de créer une Ligue des ligues – une alliance mondiale des populistes autoritaires. Il a déjà son alliance avec la Russie unie de Poutine. Nous devrions renforcer notre alliance pour le progrès mondial. Si nous gagnons cette bataille, nous pouvons à nouveau être le fondement d’une union des démocraties du monde entier.

(https://fr.statista.com/infographie/7016/la-mondialisation-et-la-montee-du-populisme-en-europe/)

Matt Browne, fondateur du Think Tank Global Progress.


 »Article publié en italien dans La Stampa du samedi 19 juillet 2018 »

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Immigration

Retour sur l’immigration

Acte premier: 3 octobre 2013.
359 migrants trouvent la mort à quelques encablures de Lampedusa.

Acte second: le 16 octobre 2013 (http://maliactu.net/niger-2-500-enfants-morts-de-malnutrition-en-8-mois/).
« Plus de 2.500 enfants de moins de 5 ans sont morts des suites de la malnutrition sur les huit premiers mois de l’année au Niger, l’un des pays les plus touchés par ce fléau, a-t-on appris mercredi auprès de l’Unicef. »
« La plupart des victimes sont des nourrissons dans leurs deux premières années, très fragiles. Le Niger n’étant pas en situation de famine, les décès liés à la malnutrition sont bien plus rares chez les enfants plus âgés ou chez les adultes. »
« Malgré ce nombre important de décès, la prise en charge de la malnutrition a progressé par rapport à l’année précédente, remarque Guido Cornale, le responsable de l’Unicef au Niger, pays pauvre où elle est endémique et massive. »
« Sur 252.427 enfants de moins de 5 ans traités entre le 1er janvier et le 5 septembre 2013 pour malnutrition ou pour des maladies qui lui sont liées, 2.524 sont morts, ce qui représente une mortalité de 1 pour 100, indique M. Cornale à l’AFP. »
« En 2012, année de crise alimentaire, la mortalité était de 1,6 pour 100 (environ 5.900 morts sur 370.000 traités), contre 1,4 en 2011, année de bonnes récoltes (env 4100 / 293.000) et 1,7 en 2010, autre année de crise alimentaire (env 5.560 / 330. 000), selon les chiffres de l’Unicef. »
« Chaque enfant mort est une perte de trop. Mais cela montre aussi qu’on arrive à contenir le taux de létalité de la malnutrition aiguë sévère, et même à le faire reculer », observe M. Cornale ».
« Sans l’aide internationale au Niger, on verrait les enfants mourir par dizaines de milliers » », ajoute-t-il, saluant également le travail du gouvernement nigérien, qui « répond » aux attentes des bailleurs. »
« La malnutrition n’est toutefois « pas seulement une conséquence de l’insécurité alimentaire », explique Guido Cornale, citant aussi « les maladies, qui impactent l’état nutritionnel de l’enfant », l’éloignement des services de santé, des infrastructures déficientes (absence de latrines ou d’eau potable). La bonne santé de la mère allaitante est également un facteur prépondérant. »
« Le 7 octobre, le Bureau de affaires humanitaires de l’Onu (Ocha) à Niamey avait rapporté le décès de 362 décès d’enfants dans la seule région de Zinder (centre-est), où 79.087 cas de malnutrition ont été enregistrés du 1er janvier au 23 septembre. »
« Le Niger est l’un des dix pays les plus pauvres au monde, malgré des richesses en matières premières (uranium, pétrole). »

Acte trois: Kanar publie un « dessin » dans « Moustiques (Belgique) », repris dans « Le Monde »

Prix Nobel de physique (C)Kanar

Acte quatre: Le capital au XXI° siècle, de Thomas Piketty. (pages 118 et suivantes).
« La seule situation de déséquilibre continental caractérisé concerne l’Afrique qui est structurellement possédée par les autres continents. Concrètement, d’après les balances des paiements au niveau mondial établies chaque année depuis 1970 par les Nations Unies et les autres organisations internationales (Banque Mondiale, FMI), le revenu national dont disposent les habitants du continent africain est systématiquement inférieur d’environ 5% à leur production intérieure (l’écart dépasse 10% dans certains pays). Il est intéressant de noter que ce flux sortant de revenus du capital est de l’ordre de trois fois plus élevé que le flux entrant de l’aide internationale. Avec une part de capital dans la production de l’ordre de 30%, cela signifie que près de 20% du capital africain est actuellement possédé par des propriétaires étrangers.
« Il est important de réaliser ce que signifie en pratique un tel chiffre. Compte tenu du fait que certains éléments du patrimoine (l’immobilier d’habitation ou le capital agricole) ne sont qu’assez peu possédés par les investisseurs étrangers, cela signifie que la part du capital domestique détenue par le reste du monde peut atteindre 40%-50% dans l’industrie manufacturière, voire davantage dans certains secteurs. Même si les balances de paiement officielles ont de nombreuses imperfections, il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’une réalité importante de l’Afrique actuelle. »
(…)
« Quand un pays est pour une large part possédé par des propriétaires étrangers, la demande sociale d’expropriation est récurrente et presque irrépressible. D’autres acteurs de la scène politique répondent que seule la protection inconditionnelle des droits de propriété initiaux permet l’investissement et le développement. Le pays se retrouve ainsi pris dans une interminable alternance de gouvernements révolutionnaires (au succès souvent limité pour ce qui est de l’amélioration réelle des conditions de vie de leurs populations) et de gouvernements protégeant les propriétaires en place et préparant la révolution ou le coup d’Etat suivant. »
(…)
« L’expérience historique suggère que le principal mécanisme permettant la convergence entre pays est la diffusion des connaissances, au niveau international comme au niveau domestique. Autrement dit, les plus pauvres rattrapent les plus riches dans la mesure où ils parviennent à atteindre le même niveau de savoir technologique, de qualifications, d’éducation, et non pas en devenant la propriété des plus riches. »

Acte cinq: 16 octobre-Ségolène Royal appelle la gauche à se calmer (http://lelab.europe1.fr/t/segolene-royal-appelle-la-gauche-a-se-calmer-apres-l-expulsion-d-une-jeune-kosovare-11442) après l’expulsion d’une jeune kosovare.
Rappelant que « la lutte contre l’immigration clandestine était une valeur de gauche », Ségolène Royal explicite son propos en affirmant: « La gauche ne peut pas accepter que ce soit les populations les plus défavorisées et les immigrés en situation régulière qui subissent l’immigration clandestine ».
En clair, Ségolène Royal refuse d’accepter inconsidérément des réfugiés afin de ne pas pénaliser « nos pauvres » et « nos immigrés » !!

Acte six: 24 et 25 octobre-Conseil Européen
Devant l’indignation causée par les récents naufrages en Méditerranée, le Conseil Européen devait aborder la question de sa politique migratoire. Las, les indignations feintes nées des déclarations de Snowden et la révélation du suivi des communications par les USA emportent la mise, et la question de l’immigration reste pratiquement (ou presque) au placard.

Acte sept: 31 octobre-Nouveau drame en Afrique.
87 migrants sont retrouvés morts de faim (http://www.afrik.com/niger-87-migrants-retrouves-morts-dans-le-desert) dans le désert nigérien à quelques kilomètres de la frontière algérienne.


Faut-il continuer longtemps avant de comprendre que la première cause de l’immigration, c’est la guerre ? (Syrie, Ethiopie, Soudan)
Faut-il continuer longtemps avant de comprendre que la seconde cause de l’immigration, c’est la misère ? (Afrique, Niger, Mali, Sénégal, ..)
Faut-il continuer longtemps avant de comprendre que notre monde est un monde de « libre circulation » de toutes les marchandises et de l’argent (mondialisation) et qu’il n’y a aucune raison pour que n’existe pas la libre circulation des hommes ?
Faut-il continuer longtemps avant de comprendre que notre occident étale des richesses matérielles (argent, mode, technique, ..) et humaines (liberté, émancipation, libre expression, …) qui ne peuvent que susciter l’envie et la convoitise ?
Faut-il continuer longtemps avant de comprendre que toujours et partout les migrants chassés par la guerre, par la misère ou par l’envie, tenteront de rejoindre les pays de leurs rêves ? Et que Frontex ne servira à rien ? Et que les passeurs existeront toujours (terrible loi de l’offre et de la demande) ?

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Ecologie

Les Suisses et le retour au pays d’Heidi

La Suisse est un pays dont la démocratie se vit sans complexes ! On se souvient de l' »initiative » contre les mosquées et leurs minarets lancée par l’UDC où celle portant sur l’expulsion des étrangers condamnés. D’aucuns avaient pu juger que le succès de ces initiative était prémonitoire d’un climat et d’une ambiance qui ne manqueraient pas de se développer en Europe, Europe occidentale à minima. La même UDC a lancé une nouvelle « initiative » voici quelques mois, contre « l’immigration en masse ». Et voici qu’une nouvelle « initiative » est proposée par ECOPOP (http://www.ecopop.ch/joomla15/index.php?option=com_content&view=article&id=337&Itemid=17&lang=fr). Une « initiative » est l’aboutissement d’une démarche pétitionnaire de demande de référendum. Cette dernière porte sur la limitation de la population de la Suisse dans le but de préserver de façon durable les ressources naturelles. Ecopop revendique que la « croissance dramatique de la population mondiale soit réduite par un soutien au planning familial et que l’immigration nette en Suisse soit limitée ».
Sur le premier point, 10% des moyens que la Suisse consacre à la coopération internationale devront être consacrés à la planification familiale, ceci dans les pays jugés les plus surpeuplés, en Afrique ou en Asie.
Sur le second point, la part de l’accroissement de la population résidente en Suisse de façon permanente, et attribuable au solde migratoire ne devra pas excéder 0,2% par an, chiffre moyen calculé sur une période de trois ans.
Cette initiative référendaire fait déjà l’objet d’un vaste débat en Suisse, quand bien même elle est restée largement inaperçue depuis plusieurs mois. Le dépôt des signatures a réveillé les commentaires. Tout d’abord, cette démarche est lancée par une vieille association écolo (1970), certes globalement de droite mais rassemblant quelques personnalités de l’ultra-gauche. Elle surprend par sa radicalité, pourtant inscrite dans les gènes de l’association. Les Verts authentiques de Suisse se divisent et se déchirent à son propos, les uns la soutenant, les autres l’exécrant. L’objectif déclaré est celui de la conservation des ressources naturelles et du maintien de la qualité de la vie pour les Suisses d’aujourd’hui et ceux de demain. Aux facteurs classiques de consommation individuelle et de choix technologiques (énergies fossiles, nucléaires ou alternatives), Ecopop ajoute le nombre d’individus qu’elle estime trop élevé en Suisse.
Le but poursuivi n’est donc pas tant la protection de la nature, comme certains l’affirment trop vite, mais de préserver les ressources pour l’avenir. Les militants d’Ecopop veulent lutter contre la « bétonisation », soulager les services de transport, protéger le paysage culturel …
L’autre sujet de discussion porte, comme on peut s’y attendre, sur l’immigration puisque le taux de renouvellement de la population suisse d’origine endogène n’est que de 1,5, très loin du taux de 2,1 nécessaire au maintien des populations à niveau constant. L’augmentation de la population provient de l’immigration et des enfants des immigrants.

Mais qui sont les immigrants ? D’où viennent-ils ? Combien sont-ils ?
La Suisse comporte près de 8 millions d’habitants (7954700 au dernier chiffrage à fin 2011!), avec un accroissement de 84500 personnes par rapport à 2010,soit une croissance de 1,1 % comparable à celle de 2007 ou 2009.
A fin août 2012, la population d’origine étrangère et résidant en Suisse était de 1804551 personnes (admirez la précision des chiffres !), soit 22,7 % de la population totale.
Parmi eux, 1176587 personnes (soit 65 %) étaient en provenance de l’Union Européenne (27 Etats membres) et de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE; Islande, Norvège, Liechtenstein). Ces immigrés en provenance de l’UE/AELE ont augmenté de 4,2 % par rapport à l’année précédente, soit + 46949 personnes.

Les autres immigrés, donc en provenance de pays autres que ceux de l’UE/AELE, et qui représentaient 35 % du total des immigrés, étaient au nombre de 627964 personnes, en augmentation de 1 %, soit + 6301 personnes.

Les immigrants résidents se ventilent ainsi: italiens (16,2 %), allemands (15,6 %), portugais (13 %), français (5,6 %), kosovars, macédoniens, turcs (quelques 3,9 % pour chacun).
Il est à noter que les asiatiques au sens large de toute l’Asie, ne représentent que 5 % des migrants, les africains, Maghreb compris, 3,5 % et l’Amérique du Sud + Centrale 2,7 %.
Les immigrés de la Suisse ne sont donc pas les immigrés d’autres pays d’Europe et le débat Nord-Sud ne saurait y avoir une prégnance aussi importante qu’en France, par exemple. Notons cependant au passage que la Suisse naturalise de 37000 à 47000 personnes d’origine étrangère par an, depuis dix ans !
Alors si une telle « initiative » se traduit par un référendum, et que celui-ci est approuvé par une majorité, que se passera-t-il ?
La population suisse s’accroît de +80000 personnes par an. Réduire ce nombre à 15000 par an entraverait de façon dramatique la capacité de développement économique du pays, ainsi que les moyens des services tels les hôpitaux ou le système scolaire. En effet, les migrants essentiellement européens sont des migrants hautement qualifiés, en bonne santé, qui assurent la viabilité de tout le système social suisse marqué par un vieillissement de la population autochtone. Sans parler des impôts !
Vouloir réduire la population, à des fins écologiques, en agissant sur les migrations est absurde. Les migrants rejetés iront ailleurs et consommeront ailleurs. Qu’on le dise franchement; il ne s’agit ici que de défendre égoïstement SON environnement. Les militants de la limitation de l’immigration invoquent l’exemple français où la « grande banlieue est synonyme d’acculturation, de pauvreté et de violence ». Qu’ils se rassurent: la majorité de leurs migrants ne vivent pas en grande banlieue !
Mais là où l’initiative Ecopop devient franchement xénophobe, c’est là où elle prétend imposer à la Suisse de consacrer ses fonds à la limitation des naissances dans les pays pauvres.

On rejoint les tendances de fond de l’écologie radicale, celles de la décroissance, de la relocalisation, du refus des échanges (avion, tourisme, migrations …). A n’en pas douter, les deux « initiatives » (UDC contre l’immigration de masse et Ecopop Halte à la surpopulation), quand elles seront soumises à votation, seront des pièces maîtresses du débat sur la croissance et la démographie. La Suisse va t-elle rehausser ses montagnes de quelques rangs de moellons et se replier encore davantage sur elle-même pour revenir au pays d’Heidi ?
La Suisse va t-elle encore nous donner un signal précurseur de ce qui va se passer en Europe ?

(DR)Save the Planet


Toutes les statistiques suisses en matière d’immigration sont ici (http://www.bfm.admin.ch/bfm/fr/home.html).
Un site pour une réflexion approfondie ici (http://www.alliancesud.ch/fr/documentation/projets/la-jeunesse-debat/ecopop).

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Mali

La fin de Khadafi et la fin d’ATT

Ce n’est pas un titre de gloire, mais le 30 octobre 2011, ici-même (Sauver-Benghazi-pour-mieux-punir-Syrte-…), nous annoncions ce qui allait, ce qui devait se passer dans cette vaste zone qui va de la Libye au Mali. Et nous parlions de désastre. De plusieurs désastres, car les motivations de la guerre menée en Libye, et les conditions dans lesquelles elle s’est réalisée, ne pouvaient pas déboucher sur autre chose.

Mais auparavant, faisons commentaire d’une info dont Mediapart s’est fait le porteur et qui s’avère être un véritable « flop ».
Le 12 mars, Mediapart publie un article selon lequel le financement de la campagne 2007 de Sarkozy aurait été financé, à hauteur de 50 millions d’euros, par Khadafi, son fils Saïf Al Islam, avec Brice Hortefeux pour intermédiaire. Ces informations, tapées en caractères sibyllins sur un vulgaire bout de papier, dateraient d’octobre 2005. Curieusement, aucun organe de presse ne développe cette information. Tous, en France, mais aussi en Belgique ou en Suisse, reprenne le contenu de l’article de Mediapart, mais quasi personne ne fait le moindre commentaire. A deux exceptions près. Celle du Réseau Voltaire, Thierry Meyssan, sur laquelle on ne s’étendra pas, sauf en ce qui concerne une bizarre accusation: si la campagne de Sarkozy a été financée par Khadafi, il en aurait été de même pour la campagne de …. Ségolène Royal. L’autre exception est celle de Marianne dont Philippe Bilger (http://www.marianne2.fr/Kadhafi-et-si-BHL-avait-servi-a-brouiller-les-pistes-du-financement-de-la-campagne-2007_a216408.html), dans son blog, souligne que bien des choses restent incompréhensibles alors qu’il laisse entendre qu’il doute de la sincérité de ce « mémo » présenté par Mediapart.

Coup de tonnerre, quatre jours plus tard, Mediapart déclare que Jean-Charles Brisard, son « indicateur », retirait tout ce qu’il avait pu dire au motif qu’il avait « été associé malgré lui à de soi-disant révélations ». Et là, curieusement, personne ne cite ce démenti, strictement personne.
Pourtant, il est loisible de se poser un certain nombre de questions.

  • Le 16 mars 2011, Saïf Al Islam, particulièrement remonté, accordait une interview à Euronews et déclarait que son père avait financé la campagne de Sarkozy.  » Nous avons les preuves, tous les détails, les comptes bancaires, les documents et les opérations de transfert ». Le 12 mars 2012, dans Mediapart, Jean-Charles Brisard déclare qu’il a un dossier, des notes, des documents de transfert. Curieux hommes que ces « mafiosi » qui gardent une trace réglementaire de tout ce qu’ils trafiquent !! Et pourquoi Khadafi n’a t-il jamais mis à exécution ses menaces de publication des fameux comptes bancaires ?
  • Une autre question vise à comprendre pourquoi Sarkozy aurait décidé de trahir aussi brutalement son donateur. Dire que c’est pour effacer les preuves de ce financement relève du « cinéma ».
  • Nicolas Sarkozy avait-il vraiment besoin de 50 millions ? Alors qu’il semble, à ce que l’on raconte, que la famille Bettancourt était à même de lui en donner à guichet ouvert ?
  • Et enfin, pourquoi ce prétendu bout de papier écrit en 2006 arriverait aujourd’hui, et seulement aujourd’hui, dans la rédaction de Mediapart ?
    Le problème, c’est que l’Internet laisse derrière lui une longue traîne. Lorsque « Rue89 » a déclaré que Camatte était un agent secret, à le suite probable d’une mauvaise interprétation d’un commentaire de fonctionnaire, cela n’a jamais été démenti et cela traîne encore dans de nombreux sites africains. Gageons qu’il en sera de même pour le financement de la campagne 2007 de Sarkozy …

    Cet imbroglio qui a présidé à la décision de faire la guerre en Libye et d’y supprimer Khadafi est donc à l’origine de plusieurs désastres.
    Le premier désastre potentiel était celui d’un risque de transfert de conflit d’une terre à l’autre. C’est chose faîte puisque les touaregs du MNLA, lourdement armés, ont quitté la Libye et sont rentrés au Mali pour y réclamer l’indépendance de l’Azawad (L-Azawad-et-le-Mali). Ils y mènent une guerre violente, dure, cruelle et rien ne les arrête. Les populations civiles fuient vers le Niger ou vers la Mauritanie (plusieurs centaines de milliers) et viennent gonfler d’autres populations déjà en situation de souffrance alimentaire.
    Le second désastre potentiel était celui d’une partition de la Libye. C’est chose faîte, ou presque, puisque la Cyrénaïque réclame son autonomie, avant de réclamer son indépendance. Celui également d’une partition du Mali puisqu’au-delà de la revendication d’indépendance de l’Azawad (curieusement limité aux frontières officielles du Mali), un groupe salafiste revendique maintenant (http://www.slateafrique.com/84371/de-nouvelles-fissures-dans-la-rebellion-touaregue-au-mali) son autonomie et veut étendre la loi islamique à l’ensemble du Mali.
    Ici, comme en Libye, le troisième désastre potentiel était bien de laisser le champ libre à tous les agitateurs religieux qui se multiplient au cœur de cette vaste zone quasi désertique: salafistes, AQMI, … Là aussi, c’est chose faite.

    Comme un désastre ne vient jamais seul, l’armée régulière malienne (une partie ?) vient de renverser ATT. Si elle a quelques griefs solides à exprimer au Président de la République du Mali, et notamment celui d’être abandonnée au fond du Nord, sans appui logistique (il a fallu qu’un hélicoptère de l’armée américaine largue des vivres !), et régulièrement massacrée par les combattants touaregs, cela ne l’autorisait en aucune sorte à prendre le pouvoir. D’autant plus, s’il s’agit de déclarer que l’on va organiser des élections, alors même que celles-ci devaient se tenir dans un mois !! Curieuse et inquiétante conception de la démocratie.
ATT (C)Reuters/Pool New

ATT est un démocrate. Dans le contexte africain, il dénote avec sa ferme volonté de ne pas faire de nouveau mandat, (il en a fait deux) et de céder la place. ATT a joué un rôle capital à l’égard de la part importante de ses compatriotes exilée en Europe, en France particulièrement: les Maliens de l’extérieur. Il s’est opposé à plusieurs reprises et avec fermeté à la signature d’accords de gestion concertée des flux migratoires avec la France, accords dont Besson, puis Hortefeux, s’étaient fait les champions. ATT s’est enfermé dans un refus de faire la guerre à AQMI dans le nord du pays, une guerre qu’il disait ne pas être la sienne, ni celle du Mali. C’est pour cela qu’il a été considéré comme le maillon faible de la lutte contre le terrorisme. Et quand les touaregs sont rentrés au pays pour affronter le pouvoir central, avec la complicité réelle ou tacite (malgré leurs dénégations) des islamistes, il n’a pas vu que la dimension du conflit et le rapport de forces n’étaient plus les mêmes. Le point de vue de Slate ici (http://www.slateafrique.com/84473/le%20bilan-conteste-de-amadou-toumani-toure).

Ce désastre-là ne fait que commencer. Les populations du nord, comme du sud, n’ont pas fini d’en souffrir, les libertés de choix et de convictions d’en pâtir, et la région toute entière (Mali, Niger, Sénégal, Burkina) d’en être durablement déséquilibrée.