Novembre n’est pas le meilleur des mois pour Barbara, ne serait-ce que parce que c’est en novembre, le 24, l’an 1997, qu’elle nous a quittés. Entre juillet 1943 et octobre 1945, Barbara a vécu à Saint-Marcellin, dans des conditions difficiles puisqu’elle et sa famille y étaient réfugiées afin d’échapper aux atrocités nazies et aux dénonciations.
Depuis 2019, la ville l’honore d’un Festival à son nom, Festival consacré à la chanson française et/ou francophone. Et depuis 2019, chaque édition de ce Festival est motif à ressortir LA chanson de Barbara dont il est évident qu’elle concerne Saint-Marcellin. Elle-même, d’ailleurs, a raconté qu’elle s’était arrêtée dans cette ville, de retour d’un concert dans le midi, afin de rechercher les traces de son enfance.
« Mon enfance », tel est le titre de cette chanson. Elle en a écrit les paroles. C’est, pour le moins, une chanson un peu triste. Elle y raconte qu’elle retrouve le coteau, l’arbre, la maison fleurie, les dahlias fauves dans l’allée, le puits … et les cris d’enfants en compagnie de Jean (frère ainé né en 1928), Régine, (sœur née en 1938) et Claude (frère né en 1942). Reste, dans l’énumération des enfants, un autre Jean. Qui est-il ?
Tout lui revient de ces années perdues de ses treize-quinze ans, les jeux et les noix fraîches de septembre, mais aussi le souvenir douloureux de sa mère Esther, qui vient de décéder alors qu’elle écrit cette chanson. Esther est décédée en 1967, la chanson date de 1968. La conclusion est mélancolique, qui affirme qu’il ne faut jamais revenir au temps caché des souvenirs, là où son passé la crucifie.
Il est une autre chanson qui parle également de Saint-Marcellin, chanson dont elle n’est pas la seule auteure des paroles, paroles qu’elle a très certainement inspirées. Il s’agit de « Il me revient », dont le texte a été écrit en collaboration avec Frédéric Botton, en 1996.
Il me revient en mémoire
Il me revient en mémoire
Il me revient des images
Un village, mon village
Il me revient en mémoire
Je sais pas comme un songe cette histoire
Et voilà qu’au loin s’avance
Mon enfance, mon enfance
C’était, je crois, un Dimanche
C’était, je crois, en Novembre
Qu’importe, mais je revois l’usine
Oui, l’usine se dessine
Surgit du livre d’images
Un ciel gris d’acier, une angoisse
Et des pas lourds qui se traînent
Et les ombres qui s’avancent
C’était, j’en suis sûre, un Dimanche
C’était, j’en suis sûre, en Novembre
Et se détache une image
Un visage, ton visage
Où allais-tu sur cette route
Comme une armée en déroute
Et tout devient transparence
Et tu deviens une absence
Tout me revient en mémoire
Le ciel et Novembre et l’histoire
Et les pas qui se rapprochent
Et s’avancent en cadence
Toi, où es-tu, je te cherche
Où es-tu, je te cherche
Toi, mon passé, ma mémoire
Toi, ressorti de l’histoire
Qui était, j’en suis sûre un Dimanche
En Novembre
Ton visage
Toi, sur cette route
Figé
Et les ombres qui se rapprochent
Et les ombres qui te frappent
Et t’emportent
Il me revient des images
Ce village, ton visage
Toi, seul sur cette route
Et les pas qui s’approchent
En cadence, en cadence
En cadence (en cadence…)
En cadence (en cadence…)
L’histoire est simple: il s’agit de l’arrestation d’un résistant ou sympathisant de la Résistance par des miliciens, plus probablement que par l’armée allemande. Le lieu est signifié, l’usine se dessine, donc à proximité de la Laiterie Brun et de la Fabrique d’Appareillages Electriques de la CGE. La date est celle de novembre, donc exclusivement novembre 1943 ou novembre 1944, les seuls novembre pendant lesquels Barbara vivait à Saint-Marcellin. Or, Saint-Marcellin ayant été libérée en août 1944, il ne peut s’agir que de novembre 1943.
Pour mémoire, le 29 novembre 1943, à Saint-Marcellin, le Docteur Victor Carrier est sommairement exécuté par la Milice, dans le contexte de ce qui a été désigné comme la « Saint-Barthélémy grenobloise ». Il était, avec son ami le Docteur Valois, le créateur du Secteur 3 de l’armée secrète de l’Isère et du Bataillon de Chambaran. (1)
1 – https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article183667