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Arbre de Mai, le « Maibaum » de Saint-Marcellin

Si nous consacrons un article à l’Arbre de Mai du Champ-de-Mars de Saint-Marcellin, c’est parce que, malheureusement, il n’existe plus. En effet, il a été enlevé le 16 septembre 2022, parce qu’il commençait à vieillir et à devenir dangereux. De fait, il commençait à pencher un peu !

Une longue tradition

L’arbre planté en place publique, ou devant telle ou telle habitation ou bâtiment collectif, relève d’une longue tradition à la fois nordique, celtique, germanique … On retrouve de tels arbres dans les mythes et croyances des Vikings. L’arbre, sapin ou peuplier, est l’expression du mystère de la vie et de l’aspiration à une existence heureuse et épanouie. Ses racines plantées solidement en terre, il élève sa ramure jusqu’aux cieux. Symbole de renouveau vital, de régénération, il est également symbole de virilité et de fécondité. Ce n’est pas pour rien que sa version « mat de cocagne » populaire en Italie et dans le sud de la France était escaladée avant tout par les garçons.

Ce n’est pas innocemment non plus qu’en Bavière les hommes du village gardent jour et nuit l’arbre destiné à être planté le 1er mai. Et que les hommes des villages voisins tentent de le dérober. Si un tel vol advient, le maire du village dépouillé se doit de payer rançon au village vainqueur sous forme de bière, tandis que les jeunes filles se détournent des garçons de leur village pour aller à la rencontre de ceux d’en face ! Rassurez-vous, tôt ou tard, les rôles seront inversés, mais pendant ce temps les unions à venir limiteront considérablement les risques de consanguinité villageoise.

L’arbre de Saint-Marcellin

Saint-Marcellin a célébré son jumelage avec Grafing le 10 juillet 1993, à Grafing. Les maires des deux villes étaient respectivement Louis Ferrouillat et Aloïs Kleinmaier. Comme il est de tradition, le jumelage se célèbre deux fois, une fois dans chaque ville, à un an d’intervalle. Le « retour » de jumelage entre Saint-Marcellin et Grafing a été célébré le 10 septembre 1994, à Saint-Marcellin.

L’arbre de Saint-Marcellin a été offert à la ville en 1997 par la ville de Grafing. L’élaboration de ce projet revient à Otto Hartl qui l’a conduit du début à la fin. L’arbre a été abattu en décembre 1996 et est resté en forêt, afin de sécher, jusqu’en avril 1997. C’est alors qu’il a été transporté à Grafing pour y être écorcé, poli, poncé et peint en bleu et blanc, les couleurs de la Bavière. Dans le même temps, les 12 panonceaux qui l’illustrent ont été conçus et peints sur les deux faces, tandis qu’un coq monumental, destiné à coiffer le mat, était réalisé.

Scié en deux parties, en biseau, pour être déplacé sans devoir recourir à un transport exceptionnel, l’arbre a quitté Grafing le 21 mai 1997 et est arrivé à Saint-Marcellin le 22 mai. Une fois les deux parties réunies, l’arbre de Saint-Marcellin mesurait 26 mètres de hauteur. Avec son coq de 2 mètres, soit 28 mètres, il était l’Arbre de Mai le plus haut, le plus beau, que la France ait jamais connu ! Ce sont les randonneurs de l’Amicale Laïque qui ont assuré son gardiennage, nuit et jour, jusqu’au 24 mai, jour de son érection et de son inauguration solennelle, en présence d’une foule considérable, dont de très nombreux habitants de Grafing.

25 mai 1997-Le Dauphiné Libéré
25 mai 1997 – Le Dauphiné Libéré

Les maires des deux cités étaient Rudolf Heiler et Jean-Michel Revol, tous deux récemment élus.

Que signifient les panonceaux peints attachés à l’arbre ?

En Bavière, tous les Arbres de Mai possèdent ces fameux panonceaux qui ont pour fonction de décrire la commune au travers de ses bâtiments publics et officiels, de ses commerces et artisanats d’importance et de ses associations ou groupements de quartiers.

L’arbre offert par Grafing à sa ville jumelle se devait d’afficher de semblables panonceaux, sous l’aspect de blasons, mais il fallait tenir compte des deux villes puisque ce cadeau avait pour vocation d’illustrer un jumelage.

L’arbre de Saint-Marcellin porte 12 panonceaux répartis sur six niveaux, chaque panonceau ayant 2 blasons en recto et verso, soit un total de 24 images. Dans l’ordre ascendant, nous trouvons les hôtels de ville de Grafing et de Saint-Marcellin et, au dos, les groupes de danses folkloriques Altenthaler et Sarreloups. Au second niveau, les églises catholiques respectives des deux villes et, au dos, les métiers de boucher et de boulanger. Au troisième niveau, le temple protestant de Grafing et le kiosque de Saint-Marcellin et, au dos, les pompiers et les orchestres d’harmonie de la StadtKapelle et de la Lyre. Au quatrième niveau, les métiers du bâtiment et du bois et, au dos, les associations sportives du judo et du football. Au cinquième niveau, les clubs cycliste et photographique et, au dos, les métiers de la serrurerie-ferronnerie et la fabrication de la bière. Enfin, au sixième niveau, le club de golf du Château d’Elkofen et une edelweiss pour immortaliser les randonneurs, ainsi qu’au dos, les productions de la vigne et de la noix et l’industrie automobile. A la base de l’arbre, deux panonceaux présentent les armoiries des deux villes et, au dos, le texte en allemand et en français rappelant que cet arbre de vie a été « offert par Grafing à sa ville jumelle Saint-Marcellin en contribution à l’Amitié entre les Peuples et à l’Unité de l’Europe ».

Panonceaux peints à Grafing: la boucherie et la boulangerie
L’automobile, la bière, la ferronnerie, la vigne et la noix
Métiers du bâtiment, pompiers, métiers du bois et orchestres d’harmonie
Dédicace de la Ville de Grafing à la Ville de Saint-Marcellin

Un nouvel arbre

En Allemagne , la loi impose que les Arbres de Mai soient remplacés tous les cinq ans, et ceci pour des raisons de sécurité. Celui de Saint-Marcellin a vécu bien davantage. Cependant, il a du être raccourci après quelques années d’existence en raison des intempéries, orages et coups de vent, et surtout de la fragilité initiale due à son découpage en deux parties lors du transport.

En 2013, soit 16 ans après sa mise en place, l’arbre a été définitivement enlevé : il était devenu trop dangereux.

C’est alors que les Services Techniques de Saint-Marcellin se sont mis à l’œuvre pour fabriquer son remplaçant, son successeur. La procédure est toujours la même, l’arbre est abattu, mis à sécher, puis écalé et peint en bleu et blanc. Savez-vous que ces deux couleurs veulent représenter le ciel bavarois : « bleu avec du blanc » ? Tout le travail de finalisation du nouvel Arbre de Mai, qui s’est déroulé dans l’atelier de Antonio Pereira, aboutira à son installation, un peu à la sauvette, le 13 juin 2014. Moins haut que l’original, portant la totalité des panonceaux d’origine, cet arbre sera rapidement intégré à l’ensemble des décorations de fin d’année puisqu’une succession de couronnes lumineuses viendra l’habiller sur toute sa hauteur. Il sera inauguré de façon très officielle lors des manifestations du 20° anniversaire du jumelage le 31 août 2014, cette fois encore en présence d’une belle délégation de grafinoises et grafinois.

13 juin 2014 – Le second Arbre de Mai est mis en place
31 août 2014-La Stadtkapelle inaugurant le nouvel Arbre de Mai

Un troisième arbre ?

Ce deuxième arbre de mai aura donc vécu huit ans, une durée inconcevable en Bavière. Si l’on voulait le remplacer le plus rapidement possible, c’est dès demain qu’il conviendrait d’aller en forêt couper un arbre respectable (en prononçant la prière qu’il est d’usage de formuler avant de se permettre d’achever la vie d’un bel arbre et en lui promettant une nouvelle vie de témoignage). En effet, c’est à l’entrée de l’hiver que l’arbre doit être coupé, bien avant la montée de sève.

Alors pourquoi ne pas patienter pendant un an et préparer le troisième Arbre de Mai de Saint-Marcellin pour l’ériger lors du 30° anniversaire du jumelage entre les villes de Grafing et de Saint-Marcellin, dont les cérémonies « de retour » auront lieu en 2024 ?

Laissons les deux villes et leurs Comités de Jumelage respectifs discuter de cette hypothèse, ou d’une autre, mais espérons que cette belle tradition venue de la nuit des temps et forte de ses valeurs de renouveau, sera perpétuée à Saint-Marcellin.

Nous te saluons humblement, arbre magnifique !

Nous nous tenons devant toi sans oser te présenter notre prière ;

Permets-nous, dans ta miséricorde de t’abattre

Pardonne-nous de porter les mains sur toi,

.

Nous espérons que grâce à ta force, tout prospérera autour de nous :

Champs, plants, animaux, hommes .

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Culture

Europe buissonnière

Après le/la Covid. Il nous fallait partir et retrouver des lieux, des amis, des échanges, que la maladie et les confinements successifs avaient bien mis à mal. Nous sommes donc partis pour quasiment trois semaines (19 jours) et 3000 kilomètres à travers la Suisse, l’Allemagne (la Bavière), l’Autriche (la Styrie) et l’Italie (le Trentin et la Vénétie).

En Allemagne, ce fut d’abord Grafing, animée d’une fête bien traditionnelle, mélange de folklore et de religion catholique. Il y fut cependant question des trente ans de notre jumelage, également de politique lorsque la constitution de notre nouvelle Assemblée inspira à certains quelques pensées à propos de la République de Weymar, enfin de la découverte d’une forêt ( à Bruckberg) que choisissent celles et ceux qui ont opté pour la crémation, afin que soient dispersées leurs cendres.

Ciel bavarois, bleu avec du blanc – Droits réservés
Instant de repos pendant la fête folklorique – Droits réservés
En Bavière, déco de jardin – Droits réservés
Cultures bavaroises – Droits réservés
Mémorial en forêt de Bruckberg – Droits réservés

Ce sont des motifs « généalogiques » qui expliquent le choix de l’Autriche et de sa province sud-est de Styrie, une province bien verte. Gaal, un petit village de moyenne montagne, fut notre pied-à-terre et nous permit de visiter Seckau et Judenburg. Dans cette dernière ville, ancien lieu de commerce avec Venise, un petit musée raconte l’histoire des juifs qui vivaient ici de la fabrication et du commerce de la valériane, et de l’extraction de minerai de fer. Ce musée parle également du circuit automobile de Spielberg, situé à moins de 10 kilomètres.

Un pays bien vert – Droits réservés
Judenburg – Cloître dans une maison privée -Droits réservés

Puis ce fut l’Italie en deux étapes successives. Tout d’abord, une semaine à Roncone, dans le Trentin. En raison de la sécheresse, la commune de Tione di Trento (le Chef-lieu) fermait ses fontaines, parfois pour la nuit seulement, et en vidait d’autres dont l’eau en provenance du réseau se perdait systématiquement.

Dolomites du Frioul – Droits réservés
Bucheron ou ébéniste du Frioul – Droits réservés
Roncone – Droits réservés
Fontaine – Droits réservés
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Architecture « Art Nouveau » à Tione – Droits réservés
Fontaine – Droits réservés
Droits réservés
Droits réservés

Puis Fiesso d’Artico, sur les bords d’une Brenta bien pauvre en eau ! Occasion de parler du jumelage avec Saint-Marcellin, de visiter les Collines Euganéennes, de partager avec les amis, de refaire (un tout petit peu) le monde et de profiter du soleil.

Mirano et son campanile – Droits réservés
Fiesso d’Artico – La Brenta – Droits réservés
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Dernière étape: le retour en France. Sur l’autoroute, entre Milan et Turin, nous dépassons une colonne de Fiat 126 qui ont bien du mérite à se déplacer à 90 km/h parmi les poids lourds sur la bande de droite. Nous faisons halte dans une station-service et les voici qui arrivent ! Elles sont onze voitures, fabriquées en Pologne (à Bielsko-Biala) entre 1973 et 1987 puisqu’elles ont une cylindrée de 600 ou 650 cm3. Leurs pilotes, partis de Pologne, rejoignent le lieu mythique des usines Fiat de Turin, après un périple de 1500 km.

3 320 000 exemplaires de la Fiat 126 ont été construits en Pologne entre 1973 et 2000.

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Vive l’Europe !

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Démocratie

Une France éparpillée par petits bouts, façon puzzle

(DR)

L’ouvrage, passionnant, même s’il est parfois un peu rébarbatif à lire, est signé de Jérôme Fourquet et s’intitule « L’archipel français ». La thèse est la suivante : la victoire de Macron aux dernières élections présidentielles n’est en aucun cas le fait d’un hasard, d’un accident ou d’un bienheureux concours de circonstances. Elle est le résultat d’une explosion de ce qui faisait l’unité de la France, c’est à dire une opposition solide entre la gauche et la droite que ce soit pour des raisons de « classes » ou pour de motifs d’affrontement idéologique.
En fait, d’autres ciments existaient derrière cette structuration apparente et notamment, en tout premier lieu, la croyance et la pratique religieuses, assimilables en général à une pratique de droite, souvent toutes classes confondues.
Puis de multiples autres clivages se sont manifestés, « d’ordre éducatif, géographique, social, générationnel, idéologique, ethnoculturel, engendrant autant d’îles et d’îlots plus ou moins étendus et s’ignorant les uns les autres: l’archipel français. Dans cette société disloquée, il est devenu impossible de concevoir la moindre coalition large qui puisse avoir la capacité de représenter une synthèse à peu près globale des intérêts particuliers au service d’un intérêt collectif.
Outre la quasi disparition de la pratique religieuse (catholique en général), l’auteur décrit les déstructurations suivantes de notre société : multiplicité des types de structures familiales, IVG, reconnaissance de l’homosexualité, tatouage et véganisme, dans le domaine anthropologique.
Parallèlement à l’effondrement de l’église de Rome, il note celui de l’église rouge communiste. La montée d’une culture anglo-saxonne, l’importance nominale des populations issues de l’immigration et leur implantation géographique, le choix de l’école, la sécession des élites, le sous-développement social et culturel des zones péri-urbaines et/ou semi-rurales, le déclassement des banlieues et quartiers sensibles, tout ceci concourant à l’archipelisation de la France. Il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau, mais de l’aboutissement d’une somme de ruptures initiées parfois depuis plusieurs dizaines d’années. Cet aboutissement explique d’une part le succès d’Emmanuel Macron qui a su rassembler les urbains, CSP+, sur-imprégnés culturellement, intégrés aux cursus économiques et sociaux, lesquels se sont retrouvés face … aux autres, dans un nouvel affrontement avec les multiples îlots sans qu’aucune force idéologique ne puisse initier la moindre synthèse. Le mouvement des « gilets jaunes » en est une magistrale démonstration, mouvement dans lequel des opinions d’extrême-droite et d’extrême-gauche peuvent se retrouver sur un rond-point et disserter en compagnie d’artisans, de petits chefs d’entreprises, de zadistes, sur les moyens de faire démissionner le président tout en distribuant, presque de concert, des tracts contre l’IVG et des appels au RIC !

Jérôme Fourquet a publié son livre en mars 2019, à une époque où le scrutin européen du 26 mai n’était pas encore d’actualité. Aujourd’hui, l’énumération des listes qui ont été en présence n’est qu’une illustration parfaite de ses propos. Jugez-en, voici les noms officiels des 34 listes en présence, assortis de quelques commentaires.
L’ordre n’est pas officiel, ni alphabétique.
1 – « Prenez le pouvoir, liste soutenue par Marine Le Pen », une première liste d’extrême-droite, tentant de racoler les « gilets jaunes ».
2 – « Renaissance, soutenue par la République en Marche, le MoDem et ses partenaires ».
3 – « Union de la droite et du centre », une liste soutenue par Les Républicains.
4 – « Europe Ecologie », soutenue par EELV, une première liste écologique.
5 – « La France insoumise », soutenue par LFI à l’évidence et qui ne place pas l’Europe au devant de ses préoccupations, si l’on en croit le titre de liste retenu.
6 – « Envie d’Europe écologique et sociale », soutenue par le PS, Nouvelle Donne,Place Publique et le Parti Radical, une seconde liste faisant appel aux convictions écologiques.
7 – « Le courage de défendre les Français, avec Nicolas Dupont-Aignan. Debout la France ! – CNIP », une liste de droite (extrême), plaidant pour le retrait de la France de l’Europe, le rejet de l’euro et le protectionnisme.
8 – « Pour l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent ». Cette liste conduite par le PCF fait curieusement référence à une expression typée de Jean-Luc Mélenchon: « les gens ».
9 – « Liste citoyenne du Printemps européen avec Benoît Hamon soutenue par Génération.s et DeME-DiEM 25 ». un regroupement de fragments de la gauche non communiste.
10 – « Les Européens », liste conduite par l’UDI.
11 – « Lutte ouvrière – Contre le grand capital, le camp des travailleurs ». Liste présentée par Lutte Ouvrière.
12 – « Ensemble pour le Frexit », présentée par l’Union Populaire Républicaine, encore une liste de droite extrême, anti-européenne comme l’indique le nom de la liste, et favorable au RIC en toutes matières.
A ce niveau de l’inventaire, nous avons globalement fait le tour de l’offre politicienne traditionnelle. Et douze listes, c’est déjà beaucoup pour couvrir un spectre politique classique. Mais voici venir la dispersion et l’archipelisation !
13 – « Alliance jaune, la révolte par le vote ». C’est la première des listes regroupant des « gilets jaunes », conduite par le chanteur Francis Lalanne, déjà contesté par d’autres « gilets jaunes » et qui se veut exclusive du mouvement.
14 – « Evolution citoyenne », une seconde liste de « gilets jaunes », extrêmement orientée à l’extrême-droite, favorable à une Europe des nations et au RIC, qui compare Emmanuel Macron à Hitler et qui reçoit en France le dirigeant italien du mouvement 5 Etoiles. Tout un programme !
15 – «  »Ensemble patriotes et Gilets jaunes : pour la France, sortons de l’union européenne ! » ». Encore une liste d’extrême-droite, revendiquant une alliance avec les « gilets jaunes » et défendant la sortie de l’Europe par la France. Sa tête de liste est un transfuge de l’ex-Front National.
16 – « Une France royale au cœur de l’Europe ». Liste présentée par l’Alliance Royale et porteuse d’un projet de restauration d’une monarchie institutionnelle, indépendante des partis.
17 – « La Ligne claire ». Cette liste d’extrême-droite, présentée par Le Parti de l’In-nocence et Souveraineté, Identité et Liberté, entend dénoncer l’islamisation de la société et organiser la « remigration ». Sa tête de liste est l’auteur de la théorie du « grand remplacement ».
18 – « Parti Pirate ». Comme les autres Partis Pirate européens, le programme est centré sur la défense des libertés individuelles et de la vie privée.
19 – « Démocratie représentative ». Il s’agit d’une liste issue des quartiers d’Aulnay sous Bois (dont Jérôme Fourquet, dans son ouvrage, dresse une radiographie), prônant un rapprochement entre les banlieues et les « gilets jaunes », un rapprochement qui, jusqu’à ce jour, n’est absolument pas intervenu.
20 – « PACE – Parti des citoyens européens », issu d’un parti européen transnational, prônant le fédéralisme, l’économie équitable et la diplomatie pacifique.
21 – « Urgence Ecologie ». Une nouvelle liste écologique soutenue par Génération Ecologie, le Mouvement Ecologiste Indépendant et le Mouvement des Progressistes.
22 – « Liste de la reconquête », présentée par le Mouvement de la Dissidence Française, un mouvement d’extrême-droite qui dénonce l’islamisation et le « grand remplacement », ainsi que la bureaucratie bruxelloise.
23 – « Pour une Europe qui protège ses citoyens ». Liste présentée par le Parti Fédéraliste Européen, authentique parti européen avec des sections nationales, dont le but premier est de créer une Europe fédérale.
24 – « Mouvement pour l’initiative citoyenne ». Liste inspirée par les « gilets jaunes », la troisième se réclamant spécifiquement de ce mouvement, composée de membres tirés au sort et dont l’unique élément de programme est l’instauration du RIC à tous les échelons de la société au niveau national et européen.
25 – « Allons enfants », présentée par le Parti de la Jeunesse, défenseur d’une Europe solidaire, écologique, durable. Ce parti présente un riche catalogue, non dénué d’intelligence.
26 – « Décroissance 2019 », soutenue par le Parti pour la décroissance, elle défend le RIC et … la décroissance.
27 – « À voix égales », une liste qui « veut faire de l’égalité hommes-femmes la clé de voûte d’un nouveau système » et « porter la voix de toutes ces femmes opprimées, violentées, harcelées ».
28 – « Neutre et actif », afin de lutter contre l’abstention !
29 – « Parti révolutionnaire Communistes », liste marxiste composée de transfuges du PCF à qui est reproché l’abandon de la lutte des classes.
30 – « Espéranto – langue commune équitable pour l’Europe », soutenue par Europe Démocratie Espéranto, déjà vieux parti européen et fédérateur (2003).
31 – « Parti animaliste », comme son nom l’indique … parti défendant les animaux.
32 – « Les oubliés de l’Europe », présentée par un collectif d’artisans, de commerçants, de professions libérales qui souhaitent défendre l’Europe du « savoir-faire ».
33 – « Union démocratique pour la liberté, égalité, fraternité ». Un mouvement favorable à une Europe fédérale.
34 – « Une Europe au service des peuples », présentée par l’Union des Démocrates Musulmans de France. La thématique de base vise à lutter contre l’islamophobie. Cependant, il est légitime de regretter la mise en évidence de l’islam au sein d’une démarche qui se veut démocratique dans une société laïque.

Et l’on a raté Civitas, la défense du cannabis, les Comités Jeanne, le NPA et tant d’autres encore dont le seul motif de retrait est le manque de financement.

Chacun d’entre nous connaît désormais les résultats. Onze listes, dont celle du Parti Animaliste se sont hissées au-delà de 2 % des suffrages exprimés. Toutes les autres, soit 23 listes, n’ont pas recueilli plus de 450000 voix au total, les six dernières se figeant à 0,05 % des voix, soit un nombre d’électeurs allant de 3280 à 1414 ! Quel faramineux gaspillage de temps, d’énergie, d’argent, de paroles sans signification et sans intérêt pour la plupart ! Et tout ceci parce que les démocrates musulmans ne se sont pas entendus avec les oubliés de l’Europe, qui ne se sont pas entendus avec les espérantistes, qui ne se sont pas entendus avec les opposants à l’abstention, etc … etc … Il ne s’agit pas de stigmatiser quiconque, mais bien de constater que chacun, chacune, ne s’intéresse désormais plus qu’à sa chapelle et n’a plus aucun souci d’une vision commune et d’un avenir commun de notre pays.
Quant au « gilets jaunes », n’en parlons même pas. Ils devaient révolutionner notre pays et à trois listes officielles, ils ne recueillent même pas 130 000 voix. Un « flop » retentissant ! Alors, pour qui ont-ils voté ? A l’évidence, pas pour les Insoumis dont le leader Mélenchon doit se contenter d’à peine plus de 6 % des voix. Ont-ils voté massivement pour la liste du Rassemblement National, ce que nombre de commentateurs (et nous également) redoutions ? Ce n’est pas certain. En effet, si la liste du Rassemblement National se place en tête, avec ses 23,33 % de votants, cela ne représente que 5,3 millions d’électeurs. Certes, mieux qu’aux Européennes de 2014 (4,7 millions d’électeurs), mais dans un scrutin qui a eu moins d’abstentionnistes : 57,57 % en 2014 contre 49,88 % ce mois-ci. Sans doute, nombre de « gilets jaunes » ont voté pour la liste RN, trouvant peut-être pour la première fois le chemin des urnes, les autres s’étant encore abstenus, comme à l’ordinaire. Leur apport essentiel à cette élection européenne est surtout d’avoir mobilisé davantage les Français alors que personne ne l’avait envisagé. Pour le reste, l’expression politique s’est répartie sur des offres classiques, même si certaines d’entre elles ont perdu beaucoup de leur aura (Socialistes, Républicains, Insoumis….). De fait, cette absence d’expression spécifique aux « gilets jaunes » est totalement « normale ».

(DR)


Gallimard vient de publier un ouvrage remarquable, qui apporte un éclairage très fort non pas sur les « gilets jaunes » qui y sont à peine évoqués à deux ou trois reprises, mais sur le développement rapide du populisme de droite comme de gauche, en France et en Italie, non sans oublier le reste de l’Europe, voire les Etats-Unis, mais de façon marginale.
Il s’agit de « Peuplecratie, la métamorphose de nos démocraties », un livre écrit par Ilvo Diamanti et Marc Lazar, publié en Italie en 2018, sous le titre de « Popolocrazia, la metamorfosi delle nostre democrazie » et publié en France courant mars 2019. Ce travail approfondi et riche d’un appendice de notes et d’une bibliographie conséquente, aborde successivement la définition du populisme, la diversité des populismes mais également leurs bases communes, le populisme français, le populisme italien, les raisons du populisme et, pour conclure, le constat de la métamorphose de la démocratie en peuplecratie.
« Fondamentalement pragmatique et opportuniste, capable d’afficher des positions inconsistantes et contradictoires, le populisme a néanmoins quelques traits communs »:

  • « Un ensemble assez primitif de croyances simples et efficaces qui forment système ». Ce système repose sur quelques questions-réponses élémentaires : qu’est-ce qui ne va pas ? Qui en est le coupable ? Que faut-il faire qui soit simple et évident ?
  • « Ces croyances sont avant tout fondées sur l’exaltation du peuple et l’appel continu à celui-ci ». Ce qui cristallise ce peuple est l’opposition radicale au système, aux élus, aux représentants, aux corps intermédiaires, à tous ceux qui organisent la société, aux médias classiques (presse et radio), à tous ceux qui sont accusés, à tort ou à raison de « profiter », d’être des « puissants », des « gros », des « intellectuels », …
  • « Parce que ce peuple est tenu comme souverain, le populisme se fait le héraut de la nation et de ses racines ». Et cela entraîne inévitablement des comportements racistes, xénophobes, antisémites, et le sentiment que l’immigration et l’islam sont des menaces, attitudes qui viennent se surajouter à une hostilité constante à l’égard de la construction européenne (Frexit pour certains, « reconstruction » de l’Europe des patries pour d’autres).
  • « On voit donc apparaître la démocratie immédiate », celle qui se passe de réflexion, de projection dans le temps, de procédures et de consultations, celle qui utilise à outrance le web et les réseaux sociaux (la facebookratie) afin de manipuler, sous couvert d’émotion, le peuple, faisant de l’internet une place publique « contre » la démocratie représentative (notamment par le RIC) et ceux qui en sont les tenants : élus, institutions et journalistes.

    A n’en pas douter, la démarche insurrectionnelle des « gilets jaunes » s’inscrit totalement dans cette peuplecratie. Se pose alors une question très rarement abordée depuis bientôt trente semaines. Face à la démarche de destruction de la démocratie représentative, celle-ci a-t-elle le droit de se défendre ?
    Il ne s’agit aucunement de justifier ici les violences que certains membres des forces de l’ordre ont pu commettre. Mais bien de justifier le fait que la démocratie libérale et représentative puisse résister contre celles et ceux qui veulent « expulser les élites », « renverser le pouvoir », instaurer une démocratie illibérale en multipliant les violences verbales, politiques et physiques. Cependant si elle peut le faire au moyen des outils du maintien de l’ordre, elle se doit de le faire surtout et avant tout par son action politique.

    A ce sujet, qu’il nous soit permis de reprendre les derniers mots du livre de Diamanti et Lazar.
    « La peuplecratie se développe et se faufile un peu partout. Au cours de son histoire, la démocratie représentative et libérale a du reste déjà cédé à certains assauts, comme entre les deux guerres du siècle dernier. Mais en même temps, elle a su réagir, affronter d’autres défis, car elle conserve une remarquable capacité de résistance, ou plutôt, d’adaptation.Mais à la condition que les partisans de la démocratie -représentative et libérale- réussissent à analyser et à comprendre les changements qu’elle traverse, à faire la preuve de sa capacité à répondre aux demandes et aux aspirations des populations – désorientées, inquiètes, parfois même désespérées. A la condition donc que les partisans de la démocratie sachent offrir aux citoyens les garanties et les protections qu’ils attendent, en refondant le pacte social…… Les chantiers ouverts par la réforme de nos démocraties sont donc vastes et divers, exigeants. Ils requièrent des sujets à la hauteur de ces défis. Conscients que, au cas où nous ne parviendrions pas à les relever, la peuplecratie s’affirmerait, inexorablement. Pour changer en profondeur nos démocraties, leurs principes mêmes, leurs « fondements fondamentaux », sans qu’il nous soit possible de prévoir, ou même d’imaginer, quels dénouements et quelles perspectives nous attendent. »

PS: Tous reconnaîtront l’origine de l’expression contenue dans le titre de ce post: « Les Tontons Flingueurs », texte de Michel Audiard.

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L’Europe entre Merkron et Orbvini

Cet article a été publié, en italien, dans le N° de La Repubblica en date du jeudi 12 juillet 2018

« The Strange Death of Liberal England » (L’étrange mort de l’Angleterre libérale) est le titre d’un des plus fameux essais historiques en langue anglaise. Est-ce donc à l’étrange mort de l’Europe libérale que nous sommes en train d’assister ? Au moment où le populisme resserre sa morsure sur l’Europe, menaçant même le trône de la chancelière Merkel, le risque est évident. Il existe un nouveau tournant politique en Europe, important par rapport au vieux partage entre la gauche et la droite. Les partis se divisent et il s’en forme d’autres. Il s’ouvre des fronts que l’on n’a jamais vus.D’un coté, c’est la tendance de Merkron, et de l’autre, celle d’Orbvini.

Au-delà des différences de positions qui existent entre Merkel et Macron telles que la Zone Euro, ensemble ils promeuvent des solutions libérales, européennes, fondées sur la coopération internationale. D’où « Merkron ». Pour certaines autres différences, à l’inverse, le leader hongrois Orban et le populiste Salvini invoquent des solutions nationales illibérales. D’où « Orbvini ». Le premier ministre espagnol Sanchez et le Président du Conseil Européen Tusk appartiennent à la tendance Merkron, tandis que la CSU bavaroise, le Chancelier autrichien Kurz, le Parti Droit et Justice (Pis) de Kaczinski en Pologne et quelques fauteurs de Brexit appartiennent à la tendance d’Orbvini.

Angela Merkel et Emmanuel Macron (DR)

Ce sera la lutte entre le Merkronisme et l’Orbvinisme qui marquera la politique du Continent au cours des prochaines années. Tandis que les politiciens s’échauffent les muscles en vue des élections européennes de 2019, le Parti Populaire Européen s’accroche désespérément à Fidesz, le parti d’Orban, et initie des approches furtives auprès du Pis, dans la peur que la tendance Orbvini donne naissance à une nouvelle alliance concurrente. Mettant en avant son parti, la Ligue, Salvini menace avec son « Union Européenne des Ligues ». Depuis très longtemps, ne s’étaient pas profilées des élections européennes aussi imprévisibles. Toutes les fractures internes à l’Union Européenne se sont regroupées le long de l’axe Merkron-Orbvini. Les divergences autour de la Zone Euro et du futur budget européen, par exemple, obéissent à des critères plus nationaux que politiques. Dans le cas du Brexit, nous en sommes à 27 contre 1. Mais, pour l’instant, l’avantage est à l’équipe Orbvini. L’équipe Merkron se montre fatiguée et fermée en défense, tout comme les équipes allemande et espagnole au Mondial, qui jouent selon les schémas traditionnels sans réussir à marquer. Le propre futur de Merkel est incertain et Kurz est un joueur de milieu de terrain décisif, qui joue actuellement pour Orbvini.

Le thème de l’immigration, autour duquel la tendance Orbvini appelle à rassembler les siens, a une valeur aussi bien réelle que symbolique. A la suite de la « magnifique erreur » de Merkel (ainsi l’a définie le chanteur dissident Wolf Biermann), de très nombreux réfugiés sont entrés en Allemagne à partir de 2015. Depuis le rattachement à l’Europe en 2004, sont arrivés en Angleterre plus de 2 millions d’est-européens et les problèmes concrets liés au logement, à l’emploi, à l’aide médicale et à l’école ont contribué au vote en faveur du Brexit. L’Italie, l’Espagne et la Grèce ont réellement souffert, avec une très faible aide de la part de leurs partenaires nord-européens, des vastes flux de réfugiés ou de personnes qui risquaient de se noyer dans la Méditerranée dans l’espoir d’une vie meilleure. Mais l’immigration est également un thème symbolique qui attire des intérêts identitaires et culturels, tout comme la limaille de fer est attirée par un aimant. Il est juste d’observer que les niveaux d’immigration incontrolée en Europe depuis 2015 ont drastiquement diminués, mais cela n’enlève rien aux personnes qui ont le sentiment que leurs pays ont changés. Selon un sondage conduit dans toute l’Europe par la Fondation Bertelsmann, en 2017, 50% des sujets se trouvaient en accord avec cette affirmation « Dans notre pays, il y a tellement d’étrangers que parfois je me sens étranger moi-même ». En Italie, cette affirmation a reçu l’accord de 71% des sondés.

Dangerfield soutenait que le déclin des libéraux dans l’Angleterre du début du XX° siècle était du à leur incapacité à réagir face à de nouvelles forces de grande portée, telles le mouvement pour le suffrage des femmes, le mouvement ouvrier et le nationalisme irlandais. A un siècle de distance, la crise de l’Europe libérale provient de forces qui sont créées par le libéralisme lui-même. Le marché libre, l’européisation et la globalisation ont produit un changement rapide. Trop de personnes ne l’ont pas perçu comme positif. Exploitant ce mécontentement, les populistes racontent une histoire simpliste selon laquelle, en reprenant le contrôle des frontières, on retournera à une époque dorée. Dans le même temps, la révolution digitale implique qu’il y aura des changements et des situations d’insécurité encore plus dévastateurs, surtout dans le monde du travail.

La contre-offensive libérale en Europe se trouve confrontée à une série de défis qui font peur. Il sera déjà problématique de trouver des réponses rationnelles aux problèmes d’inégalité et d’insécurité. A cette fin, il sera nécessaire de recourir à des politiques radicales, comme un revenu universel ou la protection de base de l’emploi. Mais nous sommes seulement au début de l’élaboration de ces réponses. D’autre part, l’Europe doit apporter une réponse aux besoins émotifs profonds d’identité et de communauté qu’ont exploités les populistes. Il est évident que le Championnat du Monde de Football, comme l’identité nationale, continuent d’être un fonds incomparable de passion et de sens de l’appartenance. C’est une illusion de penser que dans un futur prévisible, une quelconque identité transnationale ou supranationale règlera la confrontation. Donc, en faisant tout le possible pour renforcer l’identité commune, européenne et globale, on ne peut pas laisser dans les mains des nationalistes la référence émotive à la nation. Il faut un patriotisme positif et civique, comme celui que Macron promeut en France, en complément de l’européisme. Puis, il faut insérer le tout dans un programme électoral et avoir un parti qui gagne les élections avec ce programme. Mais, des partis comme cela, nous n’en avons pas beaucoup. Macron, avec son mouvement, est l’exception qui confirme la règle. Partout, les libéraux ont eu le pire dans la confrontation avec les tendances les plus illibérales des partis de centre-droit et de centre-gauche. Ou bien, les partis de centre-droit ont maintenu leur pouvoir en faisant des concessions aux proches les plus illibéraux de leurs partenaires de coalition, comme cela s’est produit avec succès en Autriche et en Hollande.

Probablement, la situation va aller en s’aggravant, avant de s’améliorer, avec davantage de parties gagnées par Orbvini et perdues par Merkron. Je ne crois pas que nous assistons à la Mort Etrange de l’Europe Libérale, mais préparons-nous: la guérison sera longue et difficile.

Timothy Garton Ash, professeur d’études européennes à l’Université d’Oxford. www.timothygartonash.com