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Immigration et « blanchité » sexuelle

Il est une tendance que les évènements de l’été (affaire dite Woerth, et plus exactement la place que notre société accorde aux riches de tous bords) ont accélérée: c’est celle du rôle des journalistes qui jouent de plus en plus aux gardiens moraux de notre société. Il n’est plus depuis longtemps de prêtre ou d’instituteur ! Mais il est maintenant de la mission du journaliste de dire la morale, le droit et la science. Pour cela, ils ont besoin de béquilles et ces béquilles sont les psychologues, sociologues, voire philosophes, dont la fonction est d’étayer le discours des journalistes, quand ce n’est pas directement celui des politiques. Il n’est pratiquement plus une livraison du “Monde” ou de “Télérama” qui n’ait son interview d’un tel spécialiste.

C’est le cas cette semaine dans Télérama à propos du débat sur l’immigration, dans le cadre d’une interview d’Eric Fassin (http://socio13.wordpress.com/2010/09/29/eric-fassin-“et-si-le-probleme-n’etait-pas-l’immigration-mais-la-politique-d’immigration-”/). Au-delà d’une juste dénonciation du discours actuel fait de rejet de l’autre et de xénophobie ambiante, discours destiné à recruter auprès du FN et à servir la soupe à la droite, Eric Fassin adopte une attitude radicale. C’est ainsi qu’il présente la politique actuelle conduite par le gouvernement comme une politique de racialisation. Je le cite. « Le jeu constant d’opposition entre eux et nous s’appuie sur l’origine ou la culture, supposées ou réelles, la couleur de peau, le patronyme, la religion, … (…) Cette politique a des effets sur l’ensemble des français. On ne peut racialiser les autres sans racialiser l’identité nationale. Stigmatiser les musulmans et les noirs, c’est dessiner, en creux, la figure des Blancs.

S’en suit une série d’exemples parfois contestables: les propos d’Alain Finkielkraut qui parle de « ratonnade anti-blanc », la présentation de Christophe Lemaître comme « premier blanc à avoir franchi la barre des 10 secondes », la « loi des caïds » (mot arabe !) dont Gourcuff aurait été victime en Afrique du Sud, … et enfin une « blanchité sexuelle » qui serait l’apanage des français de souche parce que ceux-ci traiteraient bien leurs femmes alors qu’eux leur imposent la polygamie, le voile ou les tournantes.

Il y a beaucoup de caricature dans ces différents exemples et l’on pourrait à chaque fois reprendre les faits et leur donner une autre explication sans lien avec la “question blanche”. Mais restons-en à la “blanchité sexuelle”. Le port du voile (Niqab-automobile-et-société-social-écologiste) ou de tout autre vêtement destiné à masquer la femme relève bel et bien d’une attitude religieuse et d’un comportement culturel qui visent à soustraire les femmes de la société et plus particulièrement du commerce sexuel. On entend par commerce sexuel, la liberté accordée à chaque être de rencontrer et échanger avec tout autre être de son choix, étant entendu que cette liberté est réciproque. Or le port de ces vêtements interdit à la femme qui y est astreinte de pratiquer ce libre choix, tout comme il interdit à tout autre être en face d’elle de le pratiquer. « Je me réserve pour celui qui est ou qui sera mon homme » (une phrase d’une banalité extrême lorsqu’une femme voilée essaie d’expliquer son attitude) doit se traduire par « Je me réserve pour un homme de ma culture, de ma religion, de ma spécificité humaine, … »

Depuis l’origine du monde, c’est la liberté de ce commerce sexuel qui a permis l’enrichissement des différentes variétés de la race humaine et, en termes absolus, le retrait d’une catégorie humaine de ce commerce ne peut qu’entraîner l’appauvrissement de cette catégorie et donc l’appauvrissement relatif de toutes les autres catégories. C’est en ce sens que voile, tchador, niqab et burqa sont à condamner. Ce n’est certes pas l’avis d’Eric Fassin. Mais ne faisons pas de cette question du voile une question de racialité et de domination des “blancs”.

Car le même raisonnement nous guette en ce qui concerne les droits de l’homme, l’excision, la liberté d’expression, et tant d’autres “gains” de la démocratie (”le moins mauvais système …”) , laquelle n’est pas “blanche”, ni “jaune”, ni “noire”, ni “beur”, mais humaine.

Mais, d’accord avec Eric Fassin, ce n’est pas la loi qui doit traiter de cette question.

Dans les conclusions de cette interview, Eric Fassin se comporte de façon beaucoup plus “traditionnelle”. A la question: « Où sont les contre-propositions de la gauche ? », ce sociologue botte en touche comme le font, de façon systématique, tous les leaders et tous les militants de gauche. Sa réponse consiste à dire qu’il n’existe pas de problème de l’immigration, mais que le vrai problème est celui de la politique qui constitue l’immigré en “problème”, celui de la politique d’immigration elle-même.

C’est un peu facile de dire que toute la misère du monde reste dans le sud, que tous les organismes internationaux s’accordent à dire qu’il faut plus et non pas moins d’immigration pour des raisons économiques et démographiques et que la gauche ferait mieux de parler de la réforme de la fiscalité ou des effectifs des enseignants ou des hospitaliers …

C’est un peu facile de dire qu’il y a certes des problèmes techniques à régler comme le nombre de visas de travail et pour qui !

De tels commentaires nient en quelques mots la formidable espérance des gens du sud qui, attirés par l’eldorado occidental, veulent y prendre leur part. De tels commentaires ignorent que le XXI° siècle sera très probablement le siècle des migrations et qu’il serait sans doute utile de s’y préparer autrement qu’en parlant de “problèmes techniques”. Comme si la seule solution se trouvait dans l’attribution de davantage de visas!!!

Expulsion (DR)

Alors, Eric Fassin en termine en parlant de l’association “Cette France-là” dont il fait partie et qui a publié en 2009 et début 2010 deux ouvrages d’inventaire des pratiques anti-migratoires de la France de Sarkozy. Il nous parle également de l’audit de cette politique initié avec des élus de tous bords, avec pour objectifs de démontrer que la rétention et l’expulsion des immigrés clandestins sont contre-productives. A la vérité, cet audit a été lancé en MAI 2010, il a donné lieu à une première réunion le 4 mai à l’Assemblée Nationale. L’eurodéputée socialiste Sylvie Guillaume en a parlé sur son blog (http://www.sylvieguillaume.eu/2010/05/premiere-reunion-de-laudit-sur-la-politique-dimmigration/comment-page-1/#comment-282): elle n’en a jamais reparlé. Quant au site de « Cette France-là » (http://www.cettefrancela.net/), il est également en sommeil depuis mai 2010. Curieuse façon d’auditer et de préparer des propositions.