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Ferments de guerre civile en Egypte

« Aujourd’hui au moins, une chance se dessine de voir émerger des systèmes politiques n’excluant pas tout sentiment de citoyenneté. Déjà, un foisonnement d’initiatives citoyennes fourmille dans toute la région. C’est le versant caché de l’histoire, occulté par la violence de la répression, le triomphe électoral des islamistes et les grands enjeux stratégiques. Pour l’heure, les sociétés se trouvent mises à nu, transparentes à elles-mêmes et au reste du monde, et pour la première fois contraintes de faire face à leurs propres démons. Les lignes de faille des sociétés arabes sont désormais béantes et manifestes. »
 »En Occident, l’obsession de l’islamisme continue à orienter les perceptions de ces changements pourtant complexes. Le succès de tout processus de démocratisation reposera pourtant sur sa capacité à produire une image relativement fidèle et nuancée de la société. Accepter le produit de décennies d’islamisation insidieuse des sociétés arabes, encouragée par la fermeture des systèmes politiques et exploitée comme justification du statu quo, en fera partie, à moins de précipiter des conflits qui se feront au détriment de toute démocratie. »

Peter Harling, Directeur des activités de l’International Crisis Group, en Egypte, en Syrie et au Liban, a écrit ces lignes dans un texte intitulé « Le monde arabe est-il vraiment en « hiver » ? Gardons-nous d’être pessimistes trop tôt », publié dans Le Monde daté du 2 février.
Nous ne disions pas autre chose (Tunisie-Egypte-Libye-…-et-si-on-rangeait-le-romantisme-…) à peine quelques jours auparavant.

Depuis, il y a eu le massacre de Port Saïd, qui a fait 75 morts à l’issue d’un match de football.
Les révoltés ou révolutionnaires crient au complot, à la manipulation. Encore une fois, est-il vraiment besoin d’imaginer des combinaisons machiavéliques pour comprendre de pareilles haines. Les jeunes de la Place Tahrir et les foules qu’ils entraînent derrière et avec eux ne sont plus porteurs des attentes des masses. Ils se sont coupés d’elles. Parce qu’ils ont fait plusieurs erreurs, et notamment un certain anarchisme, et parce qu’ils ignorent délibérément les résultats d’un scrutin populaire qui donne la majorité aux partis islamistes.
C’est comme cela, un point c’est tout. Et ne pas en tenir compte, ce n’est ni plus ni moins que manquer à toutes les promesses faites en matière de démocratie nouvelle. Demain, ils choisiront un autre homme pour les représenter (El Baradei ou un autre) et, à la première contrariété venue, ils lui intimeront l’ordre de partir.

Port-Saïd football (DR)

En ce qui concerne Port Saïd, la victoire remporté par l’équipe locale contre l’équipe cairote soutenue par des ultras radicaux, anti-armées et anti-flics, a galvanisé des jeunes qui peinent à trouver un boulot et à le conserver, qui espèrent profondément en une accalmie politique et économique, qui sont allés voter pour les partis islamistes de leurs choix et qui se sentent quotidiennement humiliés par les discours méprisants des « révolutionnaires » du Caire. Sans doute quelques slogans ont suffi, à la suite d’une provocation de ces fameux ultras descendus sur la pelouse pour clamer leur victoire.

Le résultat en est hallucinant de violence et d’incompréhension. Tellement d’incompréhension que les « révoltés » vont encore et toujours retourner sur la place de leurs exploits, devant les télévisions du monde, alors que leur rôle désormais devrait être de contribuer à la « production d’une image relativement fidèle et nuancée de la société » et préparer avec la totalité des forces en présence la rédaction d’une nouvelle constitution et les élections présidentielles.

Faite de quoi, l’Egypte se dirigera (se dirige déjà ?) vers la guerre civile.

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Tunisie, Egypte, Libye … et si on rangeait le romantisme

Même reporté en avril, le procès dressé au Directeur de Nessma TV pour avoir diffusé en octobre 2011 le (remarquable) film d’animation de Marjane Satrapi, « Persépolis », n’en reste pas moins le premier procès politique du nouveau gouvernement tunisien. Aux portes du tribunal s’affrontent les partisans de la liberté d’expression et les salafistes, porteurs d’un islam rigoureux et rigoriste. Les mêmes, d’ailleurs, organisent des grèves dans les universités tunisiennes afin que les étudiantes puissent porter le nikab en cours, y compris lors des examens.

En Egypte, les élections législatives ont consacré les partis islamistes en leur accordant 71% des sièges (47% pour les Frères Musulmans et 24% pour les Salafistes). Elles n’ont pas consacré la place des femmes (http://egyptactus.blogspot.com/2012/01/parlement-egyptien-cherchez-la-femme-2e.html) dans la nouvelle société puisque celles-ci sont … 12 dans un parlement de 498 membres ! Point n’a été besoin d’une loi comme en Libye, limitant la place des femmes à 10 % des élus à la Chambre.

En Libye, puisqu’il est question d’elle, c’est le nouveau gouvernement qui peine sérieusement à se mettre en place, travaillé qu’il est par les tensions entre tribus et régions et par les divisions, le manque de perspective. Et vous parle t-on de l’Armée de Libération de la Libye qui mène la « contre-révolution » et vient de reprendre Bani Walid ?

Parce qu’ils ont exclusivement axé leurs commentaires sur une vision romantique de la « révolution », les journalistes sont perdus et n’y comprennent plus grand-chose. Dans un récent éditorial, « Le Monde » va jusqu’à dire que les islamistes qui ont raflé la mise dans tous ces pays ont « pris le train en marche ». Tel autre chroniqueur stigmatise ceux qui, dès le début, doutaient de l’avenir en les traitant de « je vous l’avais bien dit ».

Et pourtant, les choses se sont bien passées comme il était prévisible qu’elles se passent.

Tout d’abord, parce que c’est faire injure aux groupements islamistes de les accuser d’avoir pris le train en marche. Ils sont dans l’opposition et le soutien aux populations depuis infiniment plus longtemps que les « révolutionnaires » de Facebook. En Egypte, comme en Tunisie, ils ont payé le prix de leur travail de fond par la prison, la confiscation de leurs biens, l’exil. Comment imaginer que les populations aidées et soutenues, quand bien même ce serait au prix d’un endoctrinement idéologique, se détourneraient de leurs bienfaiteurs, ceux qui leur donnaient à manger et qui leur apportaient une raison d’espérer ?
Ensuite, parce que les « révolutionnaires », comme on les appelle, ont commis plusieurs erreurs. En premier lieu, parce que leur révolte est avant tout revendicatrice de liberté individuelle et de droit à la consommation. S’ils permettent de communiquer rapidement et d’échanger des mots d’ordre, les réseaux sociaux ne sont pas adaptés à la réflexion idéologique. Ensuite, parce qu’ils se sont laissés prendre aux filets d’un radicalisme certain: pas d’organisation politique, priorité de fait à la jeunesse et, singulièrement, la jeunesse la plus favorisée, forte tendance à l’absolutisme, voire à l’anarchie. C’est ainsi qu’on en arrive à manifester quotidiennement contre les Forces Armées (SCAF) alors même qu’un processus électoral se déroule dans des conditions assez satisfaisantes et désigne un parlement légitime.

27 janvier 2012-Manifestation au Caire (DR)

Tout laisse à penser que les Frères Musulmans ont passé depuis longtemps des accords avec les militaires (sinon, comment expliquer qu’ils déclaraient dès avril 2011 ne pas vouloir présenter de candidats dans toutes les circonscriptions législatives ?). Ne peut-on laisser le nouveau parlement faire ses preuves et contingenter, comme il est prévu, la place des Forces Armées ? Il est devenu d’actualité de dénoncer le rôle économique des dites Forces Armées. Effectivement, celles-ci, depuis les années Nasser, possèdent et animent une bonne part de l’économie égyptienne. Mis à part les licences de fabrication d’armements, les autres engagements sont plutôt anciens et « désuets »: eau minérale, pâtes alimentaires, fabrication d’appareils ménagers, … Il est assez improbable que cette « richesse » économique soit à l’origine du pouvoir de l’armée, lequel est beaucoup plus politique, fondé et appuyé sur des réseaux, constitué de gouvernorats et autre structures administratives. C’est cela que le nouveau parlement et le futur Président de la République (élection prévue en juin 2012) devront modifier.

A condition que les « révolutionnaires » et les « libéraux » leur en laisse le loisir et que, pendant ce temps, tout en restant vigilant, ils réfléchissent à l’extension et la popularisation de leur mouvement, à l’ouverture de celui-ci à toutes les catégories de la société, aux jeunes comme aux moins jeunes, aux femmes comme aux hommes, aux croyants comme aux laïcs, car, contrairement à ce qu’ils pensent, l’unanimisme pro-révolution ne s’est pas emparé de tout le pays: les récentes élections en sont la preuve.
Il est temps de ranger le romantisme au rayon des accessoires de l’histoire et de se préoccuper du véritable avenir de ces pays.

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Réponse à la violence faite aux femmes

Il s’agit d’une photo publiée sur la page FaceBook de Kareem Amer. « Ne me dites pas comment m’habiller. Mais dites-leur de ne pas me violer ».
En guise de réponse à ça (Egypte-la-violence-faite-aux-femmes), et à ça (L-Egypte-la-femme-…).

Ne me dites pas comment m’habiller, dites-leur de ne pas violer (DR)

Voilà une nouvelle et bonne petite contribution au débat sur la place de la femme dans la vie sociale et la vie civique de l’Egypte.

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Egypte: la violence faite aux femmes

Question: Dans une manif, en France, si une fille se fait vigoureusement malmener, aurons-nous le lendemain une nouvelle manifestation pour protester contre le traitement qui lui est infligé au motif qu’elle est une femme ?

C’est ce qui vient de se passer en Egypte. Au cours d’une nouvelle (et quotidienne) manifestation demandant le départ de l’armée, une femme voilée a été violemment molestée. Sa tunique s’étant ouverte lors de sa chute au sol, on peut voir son soutien-gorge et son ventre. La vidéo permet de voir que les policiers qui la malmènent alternent les coups (de pied) et les tentatives infructueuses pour rabattre son vêtement et cacher ce qui ne peut être montré. Il n’est pas possible d’affirmer qu’il y a volonté délibérée de la dénuder, par contre il est certain que la violence exercée par la police n’est en rien atténuée par le fait que c’est une femme qui est à terre.

Egyptian army soldiers arrest a female protester during clashes at Tahrir Square in Cairo December 17, 2011. Soldiers beat demonstrators with batons in Cairo’s Tahrir Square on Saturday in a second day of clashes that have killed nine people and wounded more than 300, marring the first free election most Egyptians can remember. REUTERS/Stringer (EGYPT – Tags: CIVIL UNREST POLITICS TPX IMAGES OF THE DAY) FOR BEST QUALITY IMAGE: ALSO SEE GM1E7CJ1PFH01

Il n’y a rien d’étonnant à cette attitude dont nous avons déjà parlé (L-Egypte-la-femme-…). La violence sexuelle (physique et morale) faite aux femmes est omniprésente dans la société égyptienne et il est une « évidence » que les forces de police et de l’armée pratiquent couramment cette violence sans qu’il soit besoin de la « codifier », ni d’y « inciter » les hommes.

Alors, manifester ? D’aucuns diront (et ils le disent déjà !) que cet évènement permettra à la contestation de rebondir, alors même que les manifestations à répétition s’essoufflent, tandis que les électeurs votent pour les Frères Musulmans et/ou les salafistes.

Soulignons cependant quelques contradictions d’importance. Peut-on manifester en déclarant que les femmes sont une « ligne rouge » ( »khat ahmar ») et qu’elles ne peuvent être battues, ce qui est, à contrario, reconnaître que les hommes, eux, peuvent être battus ?!
Ou, en d’autres termes, peut-on exprimer des revendications sur le droit des femmes alors que les droits de l’homme ne sont pas respectés ?!
Voici 48 heures, la télé nous montrait le frère de la victime déclarant que celle-ci « avait honte » et vivait « cachée chez elle ». Il faut toujours se méfier des frères et savoir que dans ces cas-là, ils expriment avant tout leurs sentiments (voire ressentiments) à eux. Quoi qu’il en soit, cet évènement nous ramène encore une fois aux révolutions fondamentales que devront bien affronter les démocrates arabes: la laïcité, c’est à dire la séparation du religieux et du civil, et, dans le cas présent, la place de la femme dans la société, égale de l’homme et non derrière une « ligne rouge » !

Le divorce entre les manifestants et les électeurs fait l’objet des analyses du journal Al Ahram. Celui-ci énonçait la semaine dernière que « les libéraux perdent beaucoup de temps à faire des manifestations plutôt que de se faire des réseaux. Renverser Moubarak ne garantit aucune légitimité électorale et ça n’a rien à voir avec gagner des élections ». Cette semaine, le même magazine parle de l’échec des libéraux (http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2011/12/21/doss1.htm) et de la victoire d’Al Nour, le parti des salafistes.