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Ecologie

Plus on est riche, plus on est heureux

Tel est, du moins pour deux chercheurs de l’Université de Rotterdam, la conclusion d’une vaste enquête internationale (67 pays) conduite à partir des données d’une « banque du bonheur ».
L’Institut IZA (Allemagne) parvient à la même conclusion à l’issue des travaux de chercheurs américains. Plus le revenu par tête est élevé, plus le niveau de satisfaction individuelle est élevé. Il augment proportionnellement à l’élévation du PIB.
Ces informations exceptionnelles ne datent pas d’aujourd’hui, mais du 26 février 2013 (c’est loin tout ça !) et elles ont été recueillies dans un billet de Marie de Vergès, dans Le Monde. Celle-ci conclut son article en affirmant qu’avant de parler bonheur, le devoir des gouvernements est donc de parler de croissance. Et, mieux encore, de la favoriser …, la croissance !
Faire un si long détour par des enquêtes sans grand intérêt, pour se contenter d’affirmer que la croissance est indispensable au bonheur des humains, est un bien curieux raisonnement, c’est un peu enfoncer des portes ouvertes.
En effet, les tenants de la croissance à tout prix le savent parfaitement; toute notre société est basée sur ce réflexe d’insatisfaction générale qui n’est comblé que par l’acquisition de nouveaux biens, donc l’augmentation des revenus. Et les partisans de la décroissance le savent tout aussi bien puisque c’est la société qu’il dénoncent afin de la remplacer par une société plus frugale et plus partageuse.

Les premiers ne changent rien, ou pas grand-chose, au système de croissance-consommation qui prévaut actuellement. Ils ferment les yeux sur la diminution des ressources naturelles, sur les difficultés écologiques de notre planète, sur le réchauffement de celle-ci … Il faut croître ? Eh bien, croissons !
Les seconds prônent un ralentissement de l’activité économique, une relocalisation des productions de tous ordres, une éco-conception des produits, mais sont bien incapables d’expliquer comment appliquer ces belles résolutions dans des pays ou continents qui n’ont pas encore (et de loin …) adopté le style de vie occidental et qui en ont faim.

Un homme a réalisé une vaste synthèse de cette question « croissance-décroissance » en 2011 (2012 pour la traduction française). Il s’agit de Jeremy Rifkin et de « La troisième révolution industrielle« . L’homme n’est pas un inconnu et il parcourt la planète pour propager ses idées, avec, parfois, il est vrai, un certain succès.

(C)


Rappelons tout d’abord ce que sont les trois révolutions industrielles.
La première révolution industrielle est celle de la vapeur, du charbon, du chemin de fer, de l’imprimerie, plus exactement de l’information imprimée sur les journaux et gazettes. En effet, Jeremy Rifkin, et c’est nouveau, s’attache à définir un lien organique entre une technologie de communication et une source d’énergie. Cette première révolution industrielle a pris naissance au Royaume-Uni et s’est développée entre 1750 et 1850.
La seconde révolution industrielle est, pour Jeremy Rifkin, celle du pétrole et du téléphone. C’est également celle du tout-à-l’égout, de l’eau potable et de l’électricité à domicile, du moteur à explosion, des produits chimiques, de la naissance des loisirs. La croissance de la productivité pendant cette seconde révolution a été phénoménale.
Tous les économistes (ou presque) s’accordent à reconnaître que nous sommes entrés ou que nous entrons dans la troisième révolution industrielle. Le moteur de celle-ci serait, et ceci est globalement acquis, le développement de la société de communication, la multiplication des centres de stockage de données, la dématérialisation de celles-ci (le cloud), la vitesse de circulation de l’information d’un point à l’autre et en tous points de la planète. Mais il manque une caractéristique à cette définition de la troisième révolution, une caractéristique qui en soit le vecteur d’un nouvel accroissement de productivité, une caractéristique qui aurait un lien organique avec le caractère informatique de la société. Cette caractéristique, ce sont les énergies renouvelables !

Jeremy Rifkin entreprend alors la description de la société de la troisième révolution industrielle, une société extrêmement décentralisée où chacun serait, à la fois, consommateur et producteur d’énergie.
Cette société repose sur cinq piliers.

  • 1°) Le passage aux énergies renouvelables; solaire, éolienne, géothermique, marémotrice, hydraulique, biomasse … sans que soient privilégiées les installations puissantes et hyper-concentrées. Au contraire, une multiplication de millions de centres de production d’énergie, ce qui nous amène au second pilier.
  • 2°) La transformation du parc immobilier de tous les continents en micro-centrales énergétiques (éolien, solaire, …). Rien que pour l’Europe des 27, Jeremy Rifkin estime qu’il y a … … 190 millions d’immeubles, bâtiments administratifs, industriels ou commerciaux, résidences ou zones pavillonnaires qui peuvent devenir des mini-centrales électriques: le soleil sur le toit, le vent sur les murs, les ordures qui sortent de la maison, la chaleur du sous-sol sous les fondations … tout est prétexte à production d’énergie.
  • 3°) Le déploiement de la technologie de l’hydrogène et d’autres techniques de stockage sur l’ensemble de l’infrastructure, afin de stocker les énergies intermittentes. Car, en effet, le soleil ne brille pas tout le temps, le vent ne souffle pas tous les jours, et pendant ces journées de disette nous avons autant besoin d’énergie. Il faut donc avoir de l’énergie en réserve. Malheureusement, l’énergie électrique se stocke très mal (batteries). Le choix de l’hydrogène comme vecteur de stockage n’est pas vraiment nouveau. Romano Prodi, dans une conférence prononcée le 16juin 2003, disait « Nous affirmons clairement ce qui rend le programme européen sur l’hydrogène réellement visionnaire. Notre objectif est de passer graduellement à une économie de l’hydrogène totalement intégrée et fondée sur les sources d’énergies renouvelables d’ici le milieu du siècle ». Si l’on ne prend que le cas de l’Europe, comment distribuer dans tout le continent l’énergie produite par des millions de bâtiments ? Le quatrième pilier y répond.
  • 4°) L’utilisation de la technologie de l’Internet pour transformer les réseaux électriques de tous les continents en inter-réseaux, comme en un vaste réseau multi-nodal mondial. La technologie informatique et les compteurs intelligents sont parfaitement capables de gérer ce réseau. Vous avez des besoins en raison du froid, d’un surcroît d’activité ? Tel un Internet électrique, le réseau transporte l’énergie depuis les zones qui sont en stockage excédentaire parce qu’il fait nuit et que le temps est clément. A l’inverse, votre électricité excédentaire parce qu’il fait grand vent est revendue au réseau et va servir une région de calme plat et de brumes froides. Mais la production électrique ne s’arrête pas là, voyez le cinquième pilier.
  • 5°) Le changement de moyens de transport, en choisissant des véhicules électriques branchables ou à pile à combustible, capables d’acheter et de … vendre de l’électricité sur le réseau mondial. Il s’agit de véhicules à énergie électrique et munis d’une pile à hydrogène. Sans énergie, ils se rechargent sur des bornes qui équiperont routes, autoroutes, collectivités et particuliers. En roulant, ils produisent de l’électricité qui est stockée sous forme d’hydrogène. Et, à l’arrêt, ce qui représente la majorité du temps, ils sont branchés sur le réseau pour distribuer leur électricité excédentaire et ne conserver que le strict nécessaire pour repartir.

    Un rêve, une fiction, une utopie, une folie ?
    Nul ne saurait le dire avec certitude. Ce qui est vrai, c’est que ce schéma est techniquement réaliste et réalisable. Ce qui est vrai, c’est que les chercheurs et les premières entreprises pilotes travaillent en ce sens. Ce qui est vrai, c’est que les cinq piliers de cette nouvelle révolution industrielle sont adoptables par tous les continents, tous les pays, y compris les plus pauvres et les plus déshérités de notre planète. Ce qui est vrai, c’est que ce développement industriel sera créateur de centaines de milliers d’emplois. L’auteur donne des chiffres, mais gardons-nous de les prendre pour vérité absolue. Ce qui est vrai, enfin, c’est que cette perspective de troisième révolution industrielle met à mal toutes les théories de décroissance volontaire ou subie. De plus, en respectant les objectifs d’une société décarbonée.

    La suite du livre est beaucoup moins plaisante. Jeremy Rifkin développe ses idées sur ce que pourrait être la civilisation de la troisième révolution industrielle. Le fait que la production d’énergie soit extrêmement décentralisée suscitera la naissance d’une société dans laquelle les états se regrouperont par intérêts continentaux, où les relations hiérarchiques se feront latéralement et non plus verticalement, où la propriété s’effacera au bénéfice des services collectifs, où l’enseignement sera « latéral »et partage d’expériences, où l’homme retrouvera ses liens originels avec les animaux et la nature, où le travail lui-même disparaîtra pour que ne subsiste que le travail social et gratuit … bref, « c’est seulement quand nous commencerons à penser en famille étendue mondiale – famille qui ne comprend pas seulement notre propre espèce, mais aussi tous nos compagnons de voyage dans cet habitat évolutionniste qu’est la Terre – que nous serons capables de sauver notre communauté biosphérique et de régénérer la planète pour nos descendants ».
    Rien n’oblige à souscrire à cette profession de foi au sens littéral du terme. Commençons déjà par mettre en place les cinq piliers de l’autonomie énergétique et nous verrons bien comment évolue notre monde.

    Dans notre région, en Rhône-Alpes, près de Grenoble et son pôle scientifique, il existe des entreprises dont l’activité s’inscrit résolument dans ce schéma. Citons McPhy Energy (http://www.mcphy.com/fr/), dont l’objet est entièrement orienté vers le stockage de l’hydrogène solide (hydrures métalliques), citons SymbioFCell (http://www.symbiofcell.com/), qui s’est donné pour objectif d’équiper les véhicules de piles à combustibles de façon à accroître leur autonomie électrique. L’un d’entre eux, la Green GT H2, participera aux prochaines 24 Heures du Mans.
Green GGT H² (C)