Résumé des épisodes précédents. Après concession accordée par le Département de l’Isère en 1897, une ligne de chemin de fer à voie métrique est construite entre Saint-Marcellin et Lyon. Elle est achevée en 1909 … et démantelée à partir de 1935. Pouvons-nous en comprendre les raisons ?
Les explications sont nombreuses, très nombreuses. Aucune d’entre elles ne justifie à elle seule la fermeture du réseau, mais toutes y ont contribué. En tout premier lieu, il convient d’incriminer un réseau construit de façon beaucoup trop lente (plus de dix ans), ce qui n’a pas autorisé un trafic important entre le Dauphiné de la Bièvre, des Chambarands et du Sud-Grésivaudan et la région lyonnaise. Pour mémoire, l’itinéraire complet ne fut possible qu’à dater de 1909. La voie unique, sauf dans les gares, ne permettait pas de multiplier les horaires et les fréquences. Cette ligne n’aura pu désenclaver le cœur du département de l’Isère que de façon très temporaire
Les difficultés financières des entreprises successives et les velléités du Département de l’Isère expliquent en partie cette lenteur. En sachant se replacer dans l’état d’esprit des débuts du XX° siècle, force est de constater que les entreprises adjudicataires n’avaient que peu de capitalisation et que leurs gestionnaires n’avaient souvent que les moyens d’un investissement limité, ce que traduisent les liquidations et faillites successives.
L’ensemble du réseau souffrait également de coûts de fonctionnement trop élevés. En cause, les consommations de charbon (4,5 tonnes entre Saint-Marcellin et Lyon) et d’eau (20000 litres pour le même voyage). Cela impliquait des arrêts prolongés dans les gares régulièrement espacées du trajet afin de refaire le plein, soit de combustible, soit d’eau. Saint-Jean de Bournay: 10 minutes d’arrêt. La Côte Saint-André: 30 minutes d’arrêt. Roybon: 20 minutes d’arrêt. Et puisque l’on est penché sur le Chaix de 1910, il est loisible de constater que le trajet de 117 km comportait 58 arrêts, dont 27 gares, soit un arrêt en moyenne tous les 2 km. Et qu’en partant à 8 h 51 de Lyon, on ne parvenait, sans changer de train, à Saint-Marcellin qu’à 18 h 03.
Outre ces difficultés d’horaire, le réseau souffrait également de faiblesses techniques. En tout premier au long du tracé des voies: celles-ci étaient parfois défectueuses, présentant des affaissements, des déformations ou des torsions par suite du passage de camions ou d’engins. Les locomotives, dont on a parlé, étaient fragiles et peu compétitives sur certaines parties du trajet. Les accidents n’étaient pas rares.
Enfin, le dernier adversaire du réseau ferré fut bien le camion (et la voiture individuelle). En 1935, nous nous trouvons à la charnière de deux révolutions industrielles. La première révolution industrielle, celle du charbon, de l’énergie-vapeur, de l’imprimerie de masse a débuté en France vers le milieu du XIX° siècle. Le réseau ferré français prend son envol à la fin de la décennie 1830-1840. La seconde révolution industrielle, celle de l’électricité, du pétrole et du téléphone, retardée par la Grande Guerre, débute en France au cours de la seconde décennie du XX° siècle. Elle aura raison de l’existence de ce réseau, comme de beaucoup d’autres réseaux en France.
Si l’on peut émettre un jugement global sur cette histoire d’un train entre Saint-Marcellin et Lyon, c’est bien que le projet de réaliser ce circuit soit né trop tard. Tout comme l’on pourra reprocher au Plan Freycinet d’être intervenu trop tard.
Il est cependant possible d’attribuer à cette ligne de train (ou de tramway compte tenu du nombre d’arrêts !) quelques succès commerciaux. Tout d’abord, il convient de rappeler que le train, s’il transportait des voyageurs, était également fort utile pour le transport de marchandises. Des produits agro-alimentaires, du lait et des fromages pour les halles et la restauration lyonnaises, du bois dont la gare de La Trappe était l’un des points de chargement important. Dans tout le territoire traversé, existaient de très nombreux établissements consacrés à la soierie: magnaneries, filatures, tissages. Le train assurait la livraison des cocons vers les centres de filature. A partir de 1912, les fabricants lyonnais tentent d’organiser les marchés en livrant par train la soie sortant des filatures et en récupérant les produits des tissages. Expérience positive qui fut cependant vite interrompue par suite de conflits financiers. Sans oublier le transport du courrier …
Cependant, c’est la Grande Guerre qui fut l’élément majeur en matière de trafic de ce réseau. La gare du Camp de Chambaran fut le centre d’un trafic intense de matériel de guerre destiné à l’entrainement des soldats. Certains trains, dits « trains des obus » apportaient les munitions depuis Lyon. Des chiffres parlent également de plusieurs centaines de milliers de soldats qui débarquèrent ou embarquèrent dans cette gare.
Bibliographie – Liens
- 4 articles de Jean Sorrel, in Le Mémorial de Saint-Marcellin, en 1979, N° 1704, 1734, 1735 et 1851
- Texte de Jean Briselet, in Journal paroissial de Chatte, en 1982
- Diaporama « TOD, TDI et Cie », réalisé par Jean Briselet en 1983 et présenté dans le cadre du Festival Diaphane
- Chemins de Fer régionaux et Urbains – Revue N° 202 et 203 de 1987 – « Le réseau des tramways de l’Ouest du Dauphiné », par H. Fournet et A. Ranchal
- Le Pays de Saint-Marcellin-Revue périodique-N° 14 Octobre 2005 – « Quand le tramway roulait chez nous » par Bernard GIROUD
- Conférence UIAD par Jean Briselet, en novembre 2016, à Saint-Marcellin
- « Poster » de 20 minutes par Jean Briselet, lors du Salon des Patrimoines 2019, à Saint-Marcellin
- Relevés cadastraux du tracé entre Saint-Marcellin et Roybon entre 1983 et 1984
- Plan parcellaire du trajet entre Chatte et Roybon, en vue du réaménagement de l’ancienne Voie Ferrée en Parcours de Randonnées.1996. Cabinet JM Loiseau
- Vapo-Tours en Isère, monographie réalisée par Georges NEMOZ, sur publication personnelle en 2008
- Enquête parcellaire des terrains à acquérir. Trajet de Viriville à Saint-Marcellin. Réalisé par le Département de l’Isère en novembre 1900, avec cachet de la Régie des VFD.
- Le Journal de Saint-Marcellin, Vingtième année-N° 14 du dimanche 5 avril 1908 – Annonce de l’ouverture de la ligne de tramway de St-Marcellin à Roybon.
- https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0001959780/v0001.simple.selectedTab=record.hidesidebarrc Ce lien public vers la Carte Michelin de la France. N° 77 Valence-Grenoble de 1926 permet de découvrir le tracé au 1/200 000 de la ligne du tramway entre St-Marcellin et La Côte St-André.
- https://solidariteetprogres.fr/documents-de-fond-7/economie/Plan-Freycinet-grands-travaux.html
- http://www.ferro-lyon.net/tod/
- http://lyon.monplaisir.free.fr/Sauvegarde%20ancien%20site/VFD.htm
- http://jeanpieetlidwine.canalblog.com/archives/2016/03/08/33486798.html
- http://rubio.eric.pagesperso-orange.fr/historisncf.htm
- http://trevor.hornsby.free.fr/TRAMS/LSM/TOD-Lyon-St-Marcellin-Diemoz8.html
- http://train-du-vivarais.com/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Tramways_de_l%27Ouest_du_Dauphin%C3%A9
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Pinguely
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Viaduc_du_Furan
- Marina Bertrand, Marc Ellenberger, André Garcin, Christian Garnier, Guy Mouraret, Jean-Pierre Perazio, …
Le 13 janvier 2021, Olivier Gully crée une page web consacrée au TOD. Cette page vient compléter tous les travaux réalisés sur cette thématique en offrant une cartographie interactive de l’itinéraire des concessions TOD, accompagnée d’une très riche iconographie. Son adresse: http://tramway.tod.free.fr
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