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Chronique du Bateau Ivre, de Saint-Marcellin (sept) .

Une crédence éparpillée…

Dans la cuisine de la maison du Bateau Ivre, à Saint-Marcellin,se trouve une œuvre signée de Pierre et Véra Székely et André Borderie. La signature est formée de la griffe SZ, pour Pierre et Véra, les deux lettres étant réparties de part et d’autre d’un axe vertical. A la base de cet axe se trouve le lobe du B, en minuscule, de Borderie. Cette signature est caractéristique du travail accompli par ces trois artistes du temps de leur communauté, soit entre 1948 et 1957. Son aspect général tient de la clef et de la croix.

La cuisine du Bateau Ivre en 2021-Photo ME-Droits réservés

Cette signature se trouve gravée dans le carreau de mosaïque inférieur gauche d’un ensemble composé de soixante carreaux qui forment un dessin abstrait que l’on pourrait considérer comme singulier et entier.

Photo JB-Droits réservés
Photo JB-Droits réservés

Or, cela n’est pas le cas ! Ainsi que nous avons eu le loisir de l’expliquer précédemment ( http://chronique-du-bateau-ivre-de-saint-marcellin-chapitre-cinq), une cuisine contemporaine a été exposée en 1954 au Salon des Arts Ménagers, dont « Paris-Match » n° 257, daté du 27 février au 7 mars 1954, a rendu compte en publiant quelques photographies. Le magazine n’explique nullement qui sont les auteurs de la crédence de l’une des quatre cuisines présentées. Une crédence constituée d’un carrelage de céramiques sur six rangs de carreaux parmi lesquels il est possible de reconnaître notre motif saint-marcellinois.

1954-Paris Match N° 257-Droits réservés
1954-Photo Paris Match-Droits réservés
1954-Photo Paris Match-Droits réservés

Trois ans plus tard, en février 1957, la revue « Arts Ménagers » publie un article consacré à une maison commandée aux Székely et située face au massif du Vercors. Les photographies sont nombreuses ( signées Horak), dont celle de la cuisine. Les placards de rangement ne sont plus les mêmes qu’en 1954, mais le mur de fond séparant les éléments bas des éléments hauts nous est déjà connu. Il est très facile d’y retrouver notre motif et, dans cet article, les artistes sont nommément cités.

1957-Photo Horak-Droits réservés

Cette photographie est précieuse car elle nous donne une représentation fidèle de ce qu’était la cuisine du Bateau Ivre lors des premiers jours de la maison. Plusieurs constatations s’imposent. En tout premier, cette photo ne permet aucunement de distinguer la moindre signature. Malheureusement, si elle devait se trouver en bas à gauche du motif qui est resté à Saint-Marcellin, elle serait cachée par les casseroles placées sur la gazinière ! Seconde constatation, les images de 1954 laissaient supposer que le motif qui nous intéresse était un peu plus conséquent: sur la droite du cercle bleu, rouge et blanc se trouve une ligne noire, épaisse, donnant naissance à deux antennes verticales. Ce détail a disparu, le panneau de Saint-Marcellin ne présentant que le tout début de la ligne noire et épaisse, interrompue par un carreau de la couleur du fond. Enfin, troisième constatation, un examen attentif de cette photographie permet de découvrir deux zones de ce carrelage de céramique qui n’existaient pas en 1954. Elles se situent de part et d’autre de l’angle droit de la cuisine, globalement sous la hotte, là où se trouvent quelques bocaux, chaque zone étant sensiblement de 36 carreaux (six rangs de six). Ces ajouts ont-ils été créés spécialement pour Saint-Marcellin ?

Pour une ou plusieurs raisons qui nous restent inconnues, cette crédence en carreaux de céramique a été supprimée par les Gelas. Besoin de trésorerie ? Impératifs liés à l’installation d’une nouvelle cuisine plus fonctionnelle ? Toujours est-il que l’aluminium a pris la place de la céramique et que seul a été conservé, et déplacé, un motif, celui qui comporte la signature commune des créateurs.

Où est passé le reste de l’œuvre ? L’essentiel de sa partie droite, composé de cent quatorze carreaux, regroupant notamment les niches de différentes couleurs destinées à recevoir le savon, la brosse, l’éponge, …., monté dans un cadre de bois noir, a été exposé par la galerie Artrium Fritsch, de Paris, en 2021, à Bâle, dans le cadre d’une exposition consacrée au design, « Design Miami ». La notice en est, encore actuellement, lisible sur Internet (a): elle précise qu’il s’agit d’un œuvre de Véra Székely, Pierre Székely et André Borderie, non signée, pièce unique, élément central d’un décor mural.

Droits réservés

Nous pouvons ainsi résumer l’évolution de cette crédence avec le schéma ci-après:

Reconstitution JB

… en souhaitant que l’avenir permette de reconstituer l’histoire, et les aventures, de cette œuvre.

a) – https://www.designmiami.com/product/vera-szekely-pierre-szekely-andre-borderie-central-wall-decor-element

Reproduction, même partielle, interdite sans accord avec l’auteur.

Une copie .pdf de l’ensemble des articles consacrés au « Bateau Ivre de Saint-Marcellin » est disponible ici par téléchargement.