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Droits de l'homme

Le discours de Dakar, le discours de Benghazi

Lors du premier débat entre les candidats des primaires socialistes, Martine Aubry s’est livrée à une rapide citation des discours de Sarkozy afin d’illustrer la nature de sa politique. Elle a ainsi fait référence à deux discours qui n’ont strictement rien à voir l’un avec l’autre: le discours de Dakar et le discours de Grenoble.
Le discours de Grenoble, un discours de stigmatisation, de ségrégation, d’exclusion, notamment à l’égard des Roms, n’est pas de notre propos, ici et aujourd’hui.

Par contre, le discours de Dakar mérite quelques commentaires et il y a longtemps que nous souhaitons le faire sur ce blog. En effet, ce discours est devenu un incontournable, une icône de la critique envers Sarkozy, un leit-motiv du TSS. Or, ce discours ne mérite paradoxalement, ni autant de mépris et d’insultes, mais ni éloges particuliers. Pour s’en rendre compte, encore faut-il le lire au préalable et faire un petit effort de compréhension et d’analyse. ce qui n’est assurément pas le cas, ni de Martine Aubry, ni de François Hollande qui, à La Rochelle, le rattachait à la francophonie, ni de Ségolène qui, à son propos, a demandé pardon (!), ni de ceux qui le référencent sous DailyMotion (ou autres serveurs de vidéos) comme « discours raciste » en n’en retenant qu’une infime portion …

Prononcé le 26 juillet 2007 à l’Université de Dakar, ce texte a été écrit par Henri Guaino. S’il a suscité immédiatement des réactions contrastées et parfois très vives en Afrique, il a fallu attendre plusieurs mois (en fait octobre 2007) pour qu’en France il fasse l’objet d’un débat public. Car c’est BHL qui a qualifié son auteur de « raciste », en prenant bien soin de distinguer l’auteur (raciste) de l’orateur (pas raciste !). Il est des distinctions qui sont particulièrement subtiles, mais bien utiles pour l’avenir de celui qui rêve d’être Grand Vizir !

Alors le racisme ? Toute une première partie (28% du texte !) est consacrée à une dénonciation de la traite des noirs, de l’esclavage, puis du colonialisme. Jamais aucun Président, ni de Gaule, ni Mitterrand, ni Pompidou, Giscard, Chirac, ni aucun ministre, fut-il Premier, n’a prononcé de pareilles phrases. Et même s’il s’y trouve un refus explicite de la repentance, nous ne sommes pas loin de la demande de pardon.

 »… le passé ne s’efface pas . ».
 »il y a eu des fautes, il y a eu des crimes … »
 »il y a eu la traite, il y a eu l’esclavage … »
 »les européens sont venus en conquérants, ils ont pris la terre de vos ancêtres. »
 »ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes … »
 »ils ont dit à vos pères ce qu’ils devaient penser, ce qu’ils devaient croire, ce qu’ils devaient faire … »
 »ils ont eu tort. »
 »le colonisateur est venu, il a pris, il s’est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. »
 »il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail … »

Même les dix lignes qui suivent alors et qui se veulent inscrites dans la vision que le colonialisme n’a pas été que mauvais, même ces dix lignes sont reconnaissance de faute.

 »… il y avait parmi eux des hommes de bonne volonté, qui croyaient faire le bien … »
 »ils se trompaient … »
 »ils croyaient donner la liberté, ils créaient l’aliénation … »
 »ils croyaient briser les chaînes de l’obscurantisme, de la superstition, de la servitude. Ils forgeaient des chaînes bien plus lourdes, ils imposaient une servitude plus pesante … »
 »ils croyaient donner l’amour sans voir qu’ils semaient la révolte et la haine … »
 »la colonisation fut une grande faute. »

Cette déclaration est alors suivie d’un appel à la jeunesse à qui il est dit que  »c’est en puisant dans les valeurs de la civilisation africaine que vous serez tirés vers le haut, car ces valeurs sont un antidote au matérialisme et à l’individualisme ».
Ce passage revêt une grande importance: il se situe juste avant le « virage » du discours, cette fameuse phrase tellement souvent sortie de son contexte, voire interprétée totalement à contresens:  »le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». Les mots qui précédaient montrent bien qu’il ne s’agit pas de dire que l’homme africain ne serait pas entré dans l’histoire, ou que l’homme africain n’aurait pas d’histoire. Non, le texte dit que  »jamais l’homme ne s’élance vers son avenir ».

Et se développe alors une consternante seconde partie, aussi longue que la dénonciation des méfaits de l’homme blanc. Une seconde partie dans laquelle est décrite sur un ton paternaliste, condescendant et docte, une culture noire faite d’une  »croyance en un éternel recommencement, où il n’y a pas d’idée de progrès et dans laquelle la nature commande tout. L’homme y est immobile au milieu d’un ordre immuable, il ressasse et répète ses regrets d’un âge d’or qui n’a jamais existé et il n’arrive pas à se libérer de ses mythes. »

Après une référence à Léopold Senghor, qui adressait des poèmes en français à toute l’Afrique, le discours lance un appel à une Renaissance africaine qui débarrassera l’Afrique des mythes qui voilent sa face.

 »Et cette Renaissance, je vous la propose ». Tel est le thème de la dernière partie de ce discours (là-aussi, une petite trentaine de %). Ce que veut l’Afrique est ce que veut la France; la coopération, l’association, le partenariat, l’immigration négociée, l’unité africaine, l’Eurafrique …

A ce niveau du discours, y a t-il sincèrement quelque chose de nouveau ? Probablement pas. Il s’agit toujours de cette volonté française de garder coûte que coûte le pré-carré africain, en s’assurant d’obtenir une part conséquente des matières premières, une part conséquente des marchés de développement de ce continent, une part conséquente de soumission ou de vassalité politique à l’égard de la vieille métropole, dans toutes les cours et les tribunes internationales où cela est utile.

Alors raciste ? Non. Mais néo-colonialiste, oui. Et ne mélangeons pas colonialisme et racisme, car même si le second a souvent accompagné le premier, il n’en est pas l’essence.

Considérer ce discours comme « le discours raciste de Sarkozy », c’est faire une grossière erreur, une faute. C’est se priver de toute possibilité de critique élaborée, car quand on a dit raciste on a tout dit. Et dans le cas présent on n’a rien dit des relations entre la France et l’Afrique.

Discours de Benghazi (DR)

Un autre exemple ? La récente « libération » de la Libye a donné lieu à un vibrant discours de Sarkozy auprès des habitants de Benghazi. Très paradoxalement, les commentateurs et analystes français, les ténors politiques et en particulier ceux du PS, ont salué ce discours tout comme ils avaient tous globalement salué l’action guerrière de la France dans ce pays. Le voici:  »« Jeunes de Benghazi, jeunes de Libye, jeunes Arabes, la France veut vous dire son amitié et son soutien. Vous avez voulu, vous avez voulu la paix, vous avez voulu la liberté, vous voulez le progrès économique. La France, la Grande-Bretagne, l’Europe seront toujours aux côtés du peuple libyen. Mais, amis de Benghazi, nous vous demandons une chose, nous croyons dans la Libye unie, pas dans la Libye divisée. Peuple de Libye, vous avez démontré votre courage. Aujourd’hui, vous devez démontrer un nouveau courage, celui du pardon et celui de la réconciliation. Vive Benghazi, vive la Libye, vive l’amitié entre la France et la Libye » »

Bien qu’il ne comporte que quelques lignes, n’y retrouve t-on pas la même construction ? L’appel aux jeunes, la leçon toute de paternalisme et de condescendance, et l’appel subliminal à la coopération économique ?

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Libye

Lettre ouverte de Rhissa Rhossey à ses frères touaregs

En mars dernier, nous avions reçu ici le poète et militant touareg (Interview-Rhissa-Rhossey-parle-de-son-peuple-touareg) Rhissa Rhossey. Nous avions parlé de la Libye, de Khadafi et de la guerre menée par la « coalition » soutenue par l’OTAN.
Rhissa Rhossey vient de s’exprimer sur le blog « touaregsmirages » (http://touaregsmirages.canalblog.com/archives/2011/08/30/21898365.html) en adressant une lettre ouverte à tous ses frères touaregs du Mali, du Niger, d’Algérie et de Libye.

Voici ce texte:

Khadafi (DR)

Mes frères du Mali du Niger, de l’Algérie, de la Libye
assalam alaykoum
que la paix soit sur vous
et vous autres mes frères de la diaspora.
Les temps sont durs, la réalité implacable, l’injustice et les mensonges flagrants.

Aujourd’hui nous sommes face à une évidence, la chute du colonel.
Cette chute que je prédisais déjà début mars
Et ce colonel, envers qui j’avais des mots durs et sur lesquels j’étais mal compris.
Certes, je vous comprends, mes frères kel tamasheq.
D’ailleurs qui mieux que moi saurait vous comprendre ?

Certes vous vous êtes identifiés à ce Guide, celui là-même que nous appelions tous affectueusement Amghar. Amghar le chef, ce mot sorti de la bouche de ceux qui n’ont jamais connu d’autre chef que Dieu est, faut-il l’avouer, un très grand mot.

Mais la roue de l’histoire tourne, elle tourne inéluctablement.
Le temps est une chose, une chose qui vient à bout de tout.
Le bédouin de Syrte est au bout de son temps.
Dans cette vie terrestre tout a un temps

Khadafi a tenu le pouvoir d’une main de fer pendant 43 ans.
Moi qui écris ces lignes, je n’étais pas encore né.
Et la majorité des hommes et des femmes qui se battent aujourd’hui, pour un monde plus juste, n’étaient pas encore nés.
Entre temps, des nouvelles générations sont arrivées, ardentes, brûlantes de plus de libertés : liberté d’expression, liberté de choisir ses dirigeants.

Amghar en tout honneur aurait pu partir à temps, avec d’innombrables possibilités de sortie.
Mais fidèle à lui-même, au sang bédouin qui coule dans ses veines, à l’entêtement et à l’orgueil ancestral, Amghar a choisi l’affrontement.
Le choc frontal sans concession,
Le face-à-face implacable,
Ville par ville,
Rue par rue,

Quartier par quartier,
Maison par maison,
Corps à corps,

Œil pour œil,
Dent pour dent,

Amghar, j’ai la chair de poule et un immense respect pour toi car la réalité qui me fait mal est celle-là : tu es certes en décalage avec la réalité mais toujours est-il que tu défendais ce que tu as construit : la Libye.
Oui, la Libye qui n’était absolument rien avant toi et qui depuis le 1er septembre 1969 est devenue la grande Jamahiriya, que le monde entier craint et jalouse.

Or, ton bien le plus précieux est envahi, envahi par l’Occident, sans autre forme de procès.
L’OTAN est arrivé avec toute sa technologie de pointe avec l’objectif évident de faire partir Khadafi avant le 1er septembre 2011, par tous les moyens, sous mandat de l’ONU, cette fameuse ONU qui couvre toutes les bavures, les gaffes et les bêtises de ces siècles.

Cette coalition de malheur s’acharne même, dans ses ambitions machiavéliques, à armer les rebelles, à les financer, à les légitimer et même à les recevoir officiellement dans les grandes capitales.

C’est ce que l’Afrique entière a condamné, a refusé.
Ce refus est confirmé par le rejet de la reconnaissance du CNT par l’Union africaine la jugeant prématurée.

La question que je me pose aujourd’hui est celle-là : pour avoir raison d’un homme, faut-il détruire un peuple ?

Hier, quand l’Amérique en voulait à Saddam, elle a détruit l’Irak.
Encore aujourd’hui l’Irak n’est pas sorti du chaos.
Aujourd’hui, la Libye est dans le même chapitre : combien d’années les vingt tribus de Libye mettront-elles pour s’entendre et se pardonner ?

Le printemps arabe n’a pas touché la Libye : pour qu’un printemps soit beau, il faut qu’il soit naturel. Un printemps au forceps donne des fleurs pâles et des fruits sans saveur.

Au cours de ces terribles combats, les Touaregs ont payé un lourd tribut pour leur reconnaissance au Guide.
C’est certainement eux qui étaient déployés sur les sites stratégiques, les bases sensibles, les casernes comme Bab el Azizia : cela s’appelle le bouclier humain. Saddam l’a fait en son temps avec des civils Occidentaux.

Cela est une constante dans la culture de ces nomades.
N’est-ce pas Mano qui disait :

 » Sauver votre ami même si cela aboutit a votre perte. »

Cet engagement est beau émotionnellement, mais pas réaliste humainement.

Il n y avait pas le moindre suspens dès le déclenchement de ce conflit. Khadafi allait tomber, d’une façon ou d’une autre.
Le soutien des puissances aux rebelles était spontané et les mensonges médiatiques quasi insoutenables. Le dernier en date, c’était la prise des trois fils du Guide dont le transfert de l’un est même à l’ordre du jour: le lendemain le concerné parade encore devant les journalistes.
L’un s’est enfui et l’autre est mort.

Mes frères, Khadafi est tombé.
Résignez-vous à cela.
Ceux parmi nous qui ont essayé de le défendre, l’ont fait jusqu’au bout.
Belle fidélité.
Essayons maintenant de construire l’avenir avec la même abnégation et la même constance.

Mes frères, un jour Ide Oumarou, un écrivain de chez nous, a écrit ceci :

 » Tout homme qui perd pied, est un homme perdu. « 

Et les premiers à le lui faire savoir seront certainement ceux qui l’ont servi avec servilité, adoré sans partage et peut-être exhorté sans réserve.

Cela apparemment ne nous colle pas :

Aujourd’hui, les uns et les autres s’empressent à reconnaitre le CNT mais que voulez-vous ? A défaut de la mère, on tète la grand-mère.
Mais il y a des victoires qui ont le goût amer de la défaite.

Soyons clairs : nous nous ne faisons pas l’apologie de Khadafi, le dictateur mais nous condamnons fermement l’usage de la violence dans les règlements des problèmes de l’humanité.

Nous pensions que l’Irak servirait de leçon, mais rien.
Demain, à qui le tour ?
l’Algérie ou l’Iran ?
Mais l’Algérie connait la valeur de son indépendance: un million cinq cent mille morts.

Rhissa Rhossey

Tchirozérine, le 29/08/2011

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Ecologie

Péril climatique et développement

La reprise économique devait bien finir par arriver et, avec elle, la remontée des perturbations de l’environnement. L’AIE a publié le 30 mai un document soulignant que les émissions de CO2 induites par les consommations d’énergies fossiles ont atteint en 2010 le niveau record de 30,6 gigatonnes, soit 5% de plus qu’en 2008.
Bien entendu, aussitôt, les experts et les diplomates s’affrontent pour évaluer les conséquences de ce « record ». Les premiers considèrent que la limitation de la hausse des températures moyennes dans le monde à 2°C est une cause de plus en plus difficile à défendre. En effet, il faudrait d’ores et déjà que la production de CO2 diminue, au lieu d’augmenter, ou, à tout le moins, qu’elle n’augmente que d’une infime proportion (0,3-0,5%) chaque année et pendant plusieurs décennies.


Quant aux diplomates, chargés de défendre les intérêts de leurs pays respectifs, les voilà s’affrontant sur la responsabilité et les devoirs des uns et des autres.
Les « uns » étant les pays développés qui sont sommés de faire des efforts et de montrer la voie, au motif de leur « responsabilité historique ». Ils ont été, en effet, les premiers et sont toujours de grands consommateurs d’énergies fossiles afin d’assurer leur expansion économique ou simplement garantir le niveau acquis de celle-ci.
En face d’eux, les « autres » sont les pays en développement, et notamment la Chine et l’Inde qui sont à l’origine de 75% de l’augmentation des émissions, selon l’AIE. Ces pays sont donc fermement invités à faire, eux aussi, des efforts en vue de la réduction de leurs émissions. Ils ont cependant tendance à se défausser quelque peu de cette responsabilité en arguant de l’immobilité des pays développés.

Ils sont également soutenus dans cette attitude par quelques groupements écologiques (RAC: Réseau Action Climat) qui défendent l’idée que « les pays riches délocalisent leurs productions vers les pays du sud, et donc délocalisent leurs émissions ». Cela n’est pas totalement faux. Cependant, cette position risque d’entraîner une grave erreur d’analyse sur le court terme.
Les pays en développement ne sont plus, et la Chine en particulier, l' »atelier du monde ». Ces pays se développent désormais pour eux-mêmes: fer, acier, ciment, pâte à papier, engrais, automobiles, logements, trains, … font partie des plans de croissance. L’urbanisation avance à pas forcés.

Prenons l’exemple d’un pays dont on parle peu sous l’angle économique (mais davantage à propos de son éventuelle adhésion à l’Europe): la Turquie. Est-ce un pays développé ? Pas encore ! Est-ce un pays émergent ? Déjà plus !
Le 12 juin prochain auront lieu les élections législatives et le pays est traversé de caravanes sonores et animé de meetings colorés. Le parti AKP du premier ministre Recep Tayyip Erdogan est bien parti pour remporter ces élections … et les suivantes ! Il y croit puisqu’il articule sa campagne autour de l’année … 2023, l’année du 100° anniversaire de la proclamation de la République.
Les slogans dressent un bilan des années 2002 à 2010. Ce bilan est un édifiant témoignage du développement exponentiel du pays. La production de CO2 n’est pas mesurée ! Mais la Turquie pouvait-elle, avait-elle le droit de faire autrement ?

  • Le budget de la santé est passé de 3,91 milliards de lires turques en 2002 à 13,4 milliards en 2010 (+242% !)
  • Le budget de l’éducation est passé de 7,5 milliards à 28,5 milliards (+280% !)
  • Le budget de l’enseignement professionnel de 2 millions de lires turques à 270 millions.
  • Les salles de classe sont passées de 100 élèves à 20 élèves.
  • Les unités de soins intensifs de 869 à 8100.
  • Les constructions de logements de 43145 entre 1983 et 2002 à 458758 entre 2003 et 2010.

Au-delà d’un bilan et de slogans électoraux, le fait est là, la Turquie est entrée dans le concert des pays développés et des pays émetteurs de CO2 !
Le quotidien « La Croix » de ce jour parle assez bien des « tigres anatoliens » (http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/Les-tigres-anatoliens-tirent-la-croissance-turque-EP-2011-06-05-621869) qui portent cette expansion.


Ce développement sera celui que prendront tous les pays émergents, aujourd’hui en Asie et en Amérique Latine, demain en Afrique.
Il devient donc urgent de trouver une autre forme de développement et de cesser d’invoquer une impossible, une impensable décroissance. Les pays neufs n’ont aucun désir de décroître, ils ont l’ambition d’apporter à leurs peuples les « bienfaits » que nous avons connus depuis près d’un siècle, à défaut de quoi ces peuples émigreront ailleurs.

Il devient donc urgent de proposer des alternatives énergétiques plus conséquentes que les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques, surtout si ceux-ci doivent être accompagnés de multiples bassins de stockage à plusieurs niveaux pour transformer une énergie volatile en énergie disponible.

Utopie ? que la mise en réseau mondial de la production, de la distribution et de la consommation d’énergie propre ? Car il existe toujours un lieu pour produire l’énergie capable d’alimenter le lieu qui en a besoin. L’information, le trafic aérien, la marché sont bien construits en réseaux mondiaux: pourquoi pas l’énergie propre ?

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Interview: Rhissa Rhossey parle de son peuple touareg

Rhissa Rhossey est un Touareg. Il a été combattant auprès de Manu Dayak lors de la grande rébellion des années 90 contre les pouvoirs au Mali et au Niger.
Infirmier, il est actuellement le responsable du centre de Santé de Tchirozérine (45 km nord-est d’Agadez).
Il est également poète et a publié en 2005 un recueil intitulé « Jour et nuit, sable et sang, poèmes sahariens » (Transbordeurs).
Rhissa Rhossey vient de vivre quelques jours en Isère, invité par l’Association « Yakhia Actions Nord Niger » (http://yakhia.sud-gresivaudan.org), dans le cadre du programme « Afrique Isère : une saison pour l’Afrique » (http://www.musee-dauphinois.fr/1966-ce-que-l-isere-doit-a-l-afrique-ce-que-le-monde-doit-a-l-afrique.htm) mis en œuvre par le Conseil général de l’Isère.
Nous l’avons rencontré et lui avons posé quelques questions en phase avec l’actualité.

Thermopyles :  »Quel sentiment éprouves-tu à être en France ? »

Rhissa Rhossey : Un sentiment très positif. Chaque jour, je rencontre beaucoup de monde et on parle beaucoup de mon peuple, mais c’est souvent dans l’ignorance. Les gens ont de l’ouverture, de la curiosité, ils veulent savoir, ils ont beaucoup à apprendre. Mais il n’y a pas assez de rencontres et cette méconnaissance crée des tabous, des préjugés. Pour connaître quelqu’un, il faut le rencontrer.

Th :  »A t-il été facile pour toi d’obtenir ton visa ? »

RR : Cela n’a pas été immédiat, il a fallu au dernier moment fournir des documents additifs au dossier initial comportant déjà de nombreux justificatifs de ce déplacement culturel. Je suis connu maintenant, je suis artiste et ils savent que je ne resterai pas en France et que je reviendrai dans mon pays. D’autres personnes n’arrivent pas du tout à obtenir leur visa.

Th :  »Dans le peuple touareg, parmi les jeunes, y a t-il des migrants qui partent pour travailler en Europe et mener une vie différente ? »

RR : Les jeunes de mon peuple n’ont pas ce réflexe. Dans leur majorité, ils n’ont pas cette idée et malgré d’énormes difficultés économiques, ils restent. Il y a des étudiants qui veulent poursuivre ou achever leurs études en Europe, mais ils veulent revenir au Pays. Ils n’ont pas la même attitude que les Africains que j’ai pu voir à Agadez et qui sont des gens souvent cultivés, qui ont des diplômes, qui ont souvent un peu d’argent et qui veulent changer de vie en partant pour l’Europe.

Th :  »Dans l’actualité, il est beaucoup question des Touaregs qui seraient mercenaires de Khadafi. Ceux-ci se défendent et disent qu’ils ne sont pas mercenaires mais qu’ils se battent pour défendre celui qui les a aidés. Qu’en penses-tu ? »

RR : J’ai ma vision et il y a celle des autres. Je pense que ce n’est pas une bonne chose de soutenir un dictateur qui tue sa propre population. Il est illogique de le soutenir. Il est au pouvoir depuis 43 ans, où il s’y est attaché et enraciné par la force. Mais il n’a pas le monopole de la sagesse. Face à lui, les rebelles, comme on les appelle, réclament un changement de régime afin que chacun d’entre eux puisse postuler à la construction de l’avenir du pays.

Th :  »Et alors, l’intervention de la « coalition » ? »

RR : Je ne suis pas d’accord avec cette façon de voir les choses. Regarde, en Côte d’Ivoire où Gbagbo se cramponne et où tous les jours il y a des morts … mais on n’y va pas. Il n’y a pas de solidarité de la part des pays arabes. Ils sont tous vulnérables, leurs jours sont plus ou moins comptés et ils ne sont donc pas dans un état d’esprit d’intervention. L’intervention actuelle est condamnable. Avant de passer à cette forme de violence, il aurait fallu rencontrer Khadafi, discuter avec lui, lui faire entendre raison. Mais là, c’est un prétexte pour rentrer en Libye. A mon avis, cela va se compliquer, un peu comme en Irak. L’Europe a équipé Khadafi en armements, même s’il n’a plus d’aviation. Nous allons vers le scénario d’une longue guérilla et la Libye est finie sous sa forme actuelle. Il n’est jamais trop tard, la coalition doit arrêter sa forme d’agression qui peut créer un énorme désaccord avec certaines grandes puissances, l’Allemagne, mais aussi la Chine et la Russie. En Afrique, l’opposition à cette intervention est grande : beaucoup ont espéré et espèrent encore dans le panafricanisme.

Th :  »Où en est la lutte du peuple nigérien et quels sont ses revendications essentielles ? »

RR : Le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ) a affronté le dictateur Tanja. La Libye avait aidé à trouver une solution. Khadafi avait promis de l’argent et la rébellion a cessé. Tout l’argent promis n’a pas été donné. Le nouveau Président, Mohamadou Issoufou, est un espoir. D’abord, parce qu’il semble intègre et n’est pas compromis. Il attend le pouvoir depuis longtemps. Il a un programme et s’il s’y conforme, on peut avoir de l’espérance. Il est conscient des risques d’insécurité, personne ne peut ignorer les revendications des Touaregs.

Th :  »Quelles sont-elles ? »

RR : Ils veulent la gestion de leur territoire, avoir l’autonomie économique, politique, culturelle. Ils veulent des cadres touaregs dans les mairies, les gouvernorats, la police, l’armée, … L’Algérie l’a fait avec ses méharistes. Et au mali, ATT (Amadou Toumani Touré) a compris les besoins de développement, mais la rébellion est plus active et va vers l’autonomie définitive, en accord avec ATT. Au Niger, les Touaregs sont encore mal compris, leur volonté d’autonomie est incomprise.

Th :  »On va changer un peu de sujet et aborder la question de la présence d’Areva. Doit-il s’en aller ? Ou bien que faire pour que ça profite au pays ? »

RR : Les industries, l’uranium, le charbon, qui s’installent sur les zones de pâturage sont mal perçues, alors que le peuple n’a rien contre. Mais il n’y a même pas un manœuvre touareg qui travaille chez eux ! Tous les employés sont pris ailleurs. Pour avoir un emploi, il faut avoir le bras long. Les cadres cherchent parmi les leurs parce qu’ils ne connaissent pas les Touaregs. Des responsables locaux pourraient aider à l’emploi. Et là où une richesse est créée, il devrait y avoir des retombées : écoles pour l’éducation, centres de santé pour les malades, les femmes enceintes, fermes et jardins pour l’autosuffisance alimentaire, … Actuellement, rien n’est financé. Ni l’électrification, ni l’eau potable. Et pourtant, s’il fallait payer, on pourrait payer. Les routes qui servent à transporter votre uranium ne sont même pas refaites : ce ne sont que des trous !

Th :  »Qu’en est-il de la pollution radioactive ? »

RR : Je n’ai pas de connaissances là-dessus. Mais à Arlit, j’ai entendu dire que le taux de radioactivité est supérieur à la normale. Mais il faudrait que des experts indépendants et impartiaux aillent sur place et fasse un travail de mesure.

Th :  »Cet entretien se termine. Infiniment merci. Pour conclure, en tant qu’artiste et aussi en tant qu’homme libre et engagé, as-tu une espérance, un rêve qui puisse se réaliser ? »

RR : Pour mon peuple, qu’il ait plus de structures scolaires, plus d’autosuffisance alimentaire, plus de structures sanitaires.
Et pour le monde entier, une paix durable. La grande énigme est de savoir si l’on va atteindre ce rêve universel. Une nouvelle génération d’hommes de bonne foi va émerger, sans couleur ni religion, et va aider à construire ce monde nouveau.

Rhissa Rhossey

ERRANCE

Je rentrais

Des périples

Stériles

De mes errances

Sur le sable

Et sur la pierre

De la montagne

A la terre ferme

Pas une parcelle

De l’espace

Qui ne garde

Mes empreintes

D’errant

Ma caravane

Est sans attache

Mes horizons sans limite

Mes rêves

S’étalent

Et s’enroulent

Dans la toile

Du temps

Je fais du silence

Le sel de mon existence

Du passé le pilier

Pour soutenir

Le gouffre

D’une époque

De vertige

Le soleil avare de

Son éclat

A pris en otage

La lune

Dans son

Ténébreux sillage

La voie lactée

Veuve des chemins

Enchantés

Demande en vain

Aux filles de la nuit

Ses repères

Amanar

Reste silencieux

Son épée

Dans le ciel

Enfoncée

 »Avec l’aimable autorisation de Rhissa Rhossey (c) »