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Droits de l'homme

Cinquante ans d’indépendance

Il y a cinquante ans, ce sont 17 pays africains qui accédèrent à l’indépendance. Par ordre alphabétique des dénominations actuelles, le Bénin (1er août), le Burkina-Faso (5 août), le Cameroun (1er janvier), la Centrafrique (13 août), le Congo (15 août), la République Démocratique du Congo (30 juin), la Côte d’Ivoire (7 août), le Gabon (17 août), Madagascar (26 juin), le Mali (22 septembre), la Mauritanie (28 novembre), le Niger (3 août), le Nigeria (1er octobre), le Sénégal (20 août), la Somalie (1er juillet), le Tchad (11 août) et le Togo (27 avril). La France, par ses empires coloniaux qu’étaient l’Afrique Occidentale Française (AOF) et l’Afrique Equatoriale Française (AEF), occupait une position largement prédominante auprès de toutes ces populations.

Aujourd’hui, tous ces pays se préparent (quand ils ne l’ont pas déjà fait, comme le Sénégal) à célébrer avec faste leur accession à l’indépendance. En France, seuls TV5 Monde (http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/Independances-afrique-cinquantenaire-2010/p-6141-Afrique-1960-un-continent-en-marche-vers-son-independance.htm), France24 (http://www.france24.com/fr/20100204-dossier-dix-sept-pays-africains-fete-cinquantenaire-independance) et ARTE (http://afrique.arte.tv/) ont pris l’initiative de réaliser des dossiers érudits à propos de cet anniversaire (images, vidéos, textes, témoignages, commentaires). La presse écrite, quotidienne et hebdomadaire, est quant à elle singulièrement absente: l’indépendance des pays africains n’est pas une réalité chez nous.

Il serait question que notre 14 juillet soit l’occasion d’un défilé militaire dans lequel s’aligneraient des délégations armées africaines. Est-ce là le meilleur symbole de cette indépendance ? N’est-ce pas encore un succédané de cette “Françafrique” tant détestée ?

Carte des indépendances (C)La Documentation Française

Et chez eux ? Quel bilan tirent-ils de ces 50 années d’indépendance ? Un bilan très mitigé, dans lequel ressortent très fréquemment les constatations suivantes:

  • Nous fêtons le 50° anniversaire du maintien du joug, du cordon ombilical, de la dépendance de facto.
  • Nous vivons encore dans un système de caractère néo-colonial.
  • Nous avons renoncé aux idéaux de 1960: souveraineté politique, autonomie de pensée, …
  • Notre économie est à sens unique, pourvoyeuse de matières premières, et sous la dépendance des économies et des institutions occidentales.
  • La dégradation de notre environnement est considérable.

Et pourtant, quelques idées nouvelles et fortes jaillissent cependant.

La toute première concerne l’économie et l’autonomie économique. Dambisa Moyo, économiste d’origine tanzanienne, a publié « L’aide fatale », un livre qui prêche pour une fin raisonnée de l’aide occidentale à l’Afrique, au bénéfice d’une politique d’échanges (investissements contre matières premières), d’une suppression du protectionnisme américain et européen, d’un développement local des intermédiaires financiers, de la naissance d’institutions démocratiques et solides, d’un encouragement au commerce, à l’investissement et à la création d’emplois.

Cette thèse, ce livre, sont repoussés d’un revers agacé de la main par tous ceux qui vivent par et pour l’aide. « Pensez-donc ! Supprimer l’aide ? Et comment feront-ils ? ». Pourtant la thèse est courageuse. L’auteur, économiste d’origine tanzanienne, n’arrive pas d’un pays qui commémore cette année son indépendance, mais peu s’en faut (1961). De plus, son pays d’origine a fait de nombreuses et parfois difficiles expériences politiques et économiques.

Une seconde idée nouvelle vient récemment d’être relancée par le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade. Il s’agit de créer une union économique des pays africains dont la monnaie est le franc CFA et de remplacer cette monnaie par une monnaie proprement africaine. Et ces pays se superposent assez bien à ceux qui fêtent leur indépendance à quelques exceptions près: Mauritanie, Nigeria, Somalie, … Le Président sénégalais n’est peut-être pas le mieux placé pour défendre cette idée. Et pourtant, elle est symptomatique de critiques de l’Afrique noire à l’égard d’un système hérité de la colonisation et qui n’a pour seul objectif que de maintenir la sujétion des économies locales à l’économie française.

Certes, le franc CFA, aligné sur l’euro, est une monnaie solide et forte, probablement à l’abri de bien des perturbations. Mais le système souffre de trop nombreux “défauts”. A commencer par l’obligation faite aux pays africains de déposer 50% des réserves de change sur des comptes français, soit plus de 12 milliards d’euros.

L’arrimage du franc CFA à l’euro entraîne une perte d’autonomie des pays africains. A un euro fort, franc CFA fort et donc manque de compétitivité internationale. Ce qui est encore supportable pour les économies européennes ne l’est pas pour les économies africaines.

Enfin, le système est visiblement conçu pour permettre un rapatriement aisé des capitaux vers la France par les grands opérateurs industriels.

Parler d’une nouvelle union économique et monétaire du Centre Ouest Africain n’en fera probablement pas une réalité pour demain, mais il est important que les économistes s’en préoccupent.

Autre idée nouvelle, qui émane des intellectuels africains celle-ci. Certains d’entre eux constatent que depuis plusieurs décennies ils constituent une “diaspora” installée en Europe (en France) ou aux USA. Cette communauté pense, analyse, propose et publie en français ou en anglais. Elle n’est pas engagée auprès de ses peuples. Ses écrits mêmes sont pratiquement introuvables dans les capitales africaines. Certes, le “public” du livre d’auteur africain y est encore limité. Mais pourquoi une coopérative ne discuterait-elle pas des droits d’édition et de diffusion (voire de traduction !) de ces livres auprès de tous les éditeurs occidentaux et pour le seul marché africain ?

D’autres auteurs veulent réhabiliter les langues endogènes dans leurs écrits: wolof, bambara, …

Et certains vont encore plus loin. C’est le cas de Moussa Konaté qui vient de publier “L’Afrique noire est-elle maudite ?” (Fayard). Moussa Konaté est éditeur à Bamako, il est également codirecteur du Festival Etonnants Voyageurs dans sa version malienne.

(C) Moussa Konaté-Fayard

Après avoir retracé la place respective de l’individu, de la famille, du groupe et de la société dans la culture africaine, l’auteur dresse un constat terrible: « La colonisation se poursuit par la soumission des élites noires aux exigences occidentales ».

« Si l’on veut que l’Afrique ne fasse pas comme ou plus que l’Occident, mais qu’elle fasse mieux, alors il faut retrouver une nouvelle école. Actuellement, l’école et l’enseignement restent des transmetteurs colonialistes. Les langues occidentales comme vecteur essentiel de l’instruction rejettent la majorité des populations paysannes, des populations moins privilégiées qui ne s’expriment pas dans une langue européenne. Le recours aux langues africaines est le moyen de s’affirmer à la face du monde et de retrouver confiance en soi ».

Alors que la dernière génération de ceux qui ont vécu la décolonisation (ceux qui avaient entre 10 et 20 ans ont aujourd’hui entre 60 et 70 ans !) se prépare à fêter l’anniversaire dans une certaine douleur, il est heureux de constater un renouvellement de la réflexion sur l’avenir de l’Afrique.

Et la France dans tout çà ? Avec l’Europe, il lui faut revoir ses liens privilégiés et mettre un terme à la “Françafrique”, aider ces pays à se créer une union économique et monétaire, revoir les priorités des aides au développement (AFD), rediscuter du rôle de la francophonie, définir une politique d’émigration-immigration, …Effectivement, c’est moins facile qu’un défilé sur les Champs Elysées …

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Immigration

Immigration: maigre avancée

Le gouvernement va prochainement présenter devant le Parlement un cinquième texte en sept ans relatif au traitement de l’immigration clandestine en France. Ce texte a pour volonté de transcrire en droit français ce que la directive européenne “Retour” et d’autres directives ont arrêté.

La dernière version du texte (http://www.immigration.gouv.fr/spip.php?page=actus&id_rubrique=254&id_article=2148) prévoit la création de zones non matérielles créées dès la constatation d’une arrivée irrégulière d’étrangers, de façon à les placer en situation de rétention administrative.

Le juge de la liberté et de la détention (de ceux qui ont mis en liberté les 123 kurdes arrivée en Corse) ne sera saisi que 5 jours après la mise en rétention au lieu de 2 actuellement. Et la durée de rétention pourra être prolongée de deux fois 20 jours au lieu de deux fois 15 jours actuellement.

Un étranger sans papier se verra interdire le retour en France et en Europe pour une période maximale de cinq ans. Dans une première version, une peine d’emprisonnement était prévue si un retour était constaté: elle semble avoir disparu.

Les employeurs seront plus sévèrement punis en cas d’embauche de salariés sans papiers.

Enfin, le texte sujet à interprétations quant au “délit d’assistance” aux immigrés sans papiers sera réécrit de façon à protéger de toute poursuite ceux qui apportent une aide humanitaire d’urgence aux étrangers en situation irrégulière.

Le débat relatif à l’immigration reste singulièrement bloqué en France (et sans doute en Europe en général) avant tout parce que personne, d’un coté ou de l’autre, ne cherche à faire le moindre effort pour avancer dans la réflexion.

Notre ministre de l’immigration est en droite ligne des considérations européennes qui prévalent. Certes, la politique de l’immigration qu’il pratique au grand jour relève beaucoup de la gesticulation et de la stratégie de siphonnage de l’extrême-droite. Son récent débat sur l’identité française, qui s’est soldé par un fiasco, en est un exemple parfait. Les chiffres de l’immigration ne se résument pas au chiffre des expulsions. Ce sont plusieurs dizaines de milliers d’étrangers qui, chaque année, bénéficient de la nationalité française, ou d’un titre de séjour, ou d’une régularisation. J’ai publié les chiffres ici (Pierre-Camatte-et-les-Maliens-sans-papiers) et vous invite à y aller.

Il n’en reste pas moins que la politique conduite est une politique de fermeture des frontières, de limitation du nombre des immigrés, une politique qui traduit la peur de nos concitoyens et qui ne montre aucune dimension de solidarité internationale. Les titres de la presse de ce jour annoncent que l’Europe économique ne jouera bientôt qu’en “seconde division” derrière la Chine, l’Inde et les USA. Notre refus d’une immigration consentie en sera l’une des causes.

Du Pacte Européen pour l’Immigration et l’Asile, adopté par l’Europe sous présidence française, il ne reste que le coté répressif que d’aucuns trouvent encore insuffisant. Ils réclament pour cela la création d’une vraie police Frontex (enregistrement et partage des informations, procédures d’asile aux frontières de l’espace européen, contrôle des frontières des pays de transfert, …).

Immigration (DR)

Face à cela, les associations engagées dans l’aide aux immigrés, Cimade (http://www.cimade.org/), Secours Catholique (http://www.secours-catholique.org/action_france/migration_etranger.htm), Emmaüs (http://www.emmaus-france.org/) sont incapables de tenir un discours tenant lieu d’une AUTRE POLITIQUE. Un exemple récent en est le texte commun à ces trois associations publié dans Le Monde daté du 1er avril. Après avoir justement dénoncé les travers du nouveau texte bientôt proposé au Parlement, les signataires n’avancent comme “autre solution” que ceci: régulariser les étrangers installés en France depuis des années ! Non pas qu’il ne faille pas le faire, mais là n’est pas la réponse à l’immigration. Ce n’est qu’une réponse à la présence de nombreux travailleurs sans papiers (Emigration-Immigration-Intégration) dans notre pays. A ce sujet, il est d’ailleurs tout à fait incompréhensible qu’une société fichée comme l’est la nôtre soit incapable de mettre en évidence que des travailleurs sans papiers sont embauchés et payent des cotisations sociales !

Le discours de ces associations fait encore trop souvent appel à des sentiments honorables certes, mais qui ont le tort de déformer la réalité. Ainsi de la description fréquente du migrant qui a fuit la misère. Or, exception faite des migrants en provenance de zones en guerre, celui qui quitte son pays est bien souvent formé et originaire de classes moyennes. Il dispose des moyens pour payer (chèrement) sa migration et il est animé d’une farouche volonté de réussite pour lui et pour sa famille.

Si la politique d’immigration en France fait problème, c’est parce qu’elle n’a JAMAIS été analysée en termes objectifs. Pour l’extrême droite, c’est l’immigration elle-même qui fait question. Pour la majorité et les pouvoirs européens, il s’agit avant tout d’une façade défensive exprimée en quelques chiffres d’expulsions. Pour les associations d’accueil, il s’agit d’humanité et de fraternité.

N’est-il pas possible de poser quelques questions ?

-Quelle est la mesure de la vraie demande en matière d’immigration ? Combien sont-ils aux frontières de l’Europe, aux frontières des pays de transfert (Libye, Algérie, Maroc, Turquie, …) à se presser pour espérer entrer ?

  • Quelles sont les possibilités de la France et de l’Europe en matière d’hébergement, formation, logement et embauche des ressortissants des pays en développement ?
  • Quels sont les besoins de la France et de l’Europe en travailleurs originaires des PED ?
  • La présence de ces travailleurs est-elle susceptible de coûter à la France et à l’Europe ? Quel en est l’impact sur le marché du travail et sur l’évolution des emplois et des salaires ?
  • Les cotisations sociales de cet accroissement de population en Europe sont-elles susceptibles d’apporter une réponse aux difficultés de financement des retraites, du vieillissement, de la dépendance ?
  • La présence de ces travailleurs est-elle susceptible d’apporter une réponse aux besoins de la France et de l’Europe en matière de main-d’oeuvre, de croissance et d’innovation ?
  • L’intégration des migrants peut-elle se réaliser, entre autres, par le biais du droit de vote aux élections locales ?
  • Comment l’intégration des immigrants doit-elle s’articuler avec le développement des pays dont ils sont originaires: transfert d’argent, politique de retour, aide à l’investissement, … ?

Très certainement, d’autres questions peuvent et doivent encore être posées. Des réponses doivent être apportées. Un vrai débat doit s’instaurer, qui doit regrouper toutes les représentations de la France et de l’Europe: hommes et femmes politiques, syndicalistes, employeurs, militants associatifs, chercheurs, médias, … . Un terme doit être mis à cet affrontement stérile de deux logiques incomplètes et imparfaites: une attitude de contrôle, de rejet et du chiffre contre une attitude de générosité de principe.

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Sahel

Une analyse de la situation sahélo-saharienne

En novembre dernier (Cocaïne-à-Gao), dans un post consacré au trafic de drogue dans le nord du Mali, j’avais inséré un texte consacré à l’histoire des tensions dans la région sahélo-saharienne, entre Mali, Mauritanie, Algérie et Niger. L’enlèvement de Pierre Camatte n’a pas permis de mettre en évidence une analyse sérieuse de la situation qui prévaut dans cette zone. Bien au contraire, puisque nombre de commentateurs se sont contentés d’accusations démagogiques à l’égard de la France qui “tuait le tourisme” en déconseillant cette région à ses ressortissants.

“Le Républicain”, organe de presse du Mali, a publié aujourd’hui une analyse assez complète (http://www.maliweb.net/category.php?NID=58753&intr=) et surtout assez fine de la situation politique et sécuritaire au Nord. Cela vaut le coup de le signaler et surtout de le lire.

Sahel (C)CESBIO
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Développement solidaire

Libéral

« Le pire ennemi du terrorisme, celui qu’il redoute, méprise et cherche à détruire est le libéralisme. Je ne désigne pas par ce terme l’esprit d’un capitalisme sans règles, mais la philosophie et la pratique de la liberté elle-même. Je parle du libéralisme en vertu duquel les gens pensent ce qu’ils veulent, qui tient l’église et l’état en deux sphères séparées, et refuse d’imposer jusque dans les moindres recoins de l’activité humaine une doctrine et une vérité uniques. Il m’arrive, quand je parle de libéralisme, d’avoir à l’esprit la définition restrictive et américaine de ce terme: le libéralisme désigne ici la gauche réaliste et démocratique aux Etats-Unis. Mais mes observations du libéralisme et des libéraux ne m’ont pas poussé à un optimisme débridé. Car il y a toujours quelque chose d’étrangement faible dans la mentalité libérale, une simplicité, une ingénuité, quelque chose d’enfantin – une innocence qui remonte au XIX° siècle et peut-être même au-delà, et qui a régulièrement conduit des gens animés des idéaux les plus élevés et des principes les plus éclairés à se tromper de la manière la plus calamiteuse qui soit sur leurs pires ennemis. Toute l’histoire du XX° siècle, une grande partie au moins de celui-ci, a été écrite par les ennemis les plus acharnés du libéralisme. Elle fut en même temps l’histoire de la réticence du libéralisme à prendre la mesure de son ennemi le plus acharné. »

Ce texte est de la main de Paul Berman, écrivain engagé dans la gauche américaine, et il est extrait de “Les habits neufs de la terreur” (Hachette). L’auteur y développe l’idée que le terrorisme qui frappe l’occident n’est pas le fruit de l’islamisme, mais du totalitarisme. Le même totalitarisme qui s’épanouit dans le monde tout au long du XX° siècle: fascisme des années 30 avec sa cohorte de mouvements sympathisants d’extrême droite, nazisme, communisme et ses compagnons de route (militants politiques, syndicalistes, écrivains, …) convaincus que le libéralisme vaut le fascisme et donc que les imperfections du communisme sont à passer pour négligeables, maoïsme, polpotisme, j’en passe et des meilleurs, et maintenant islamisme radical.

Un totalitarisme dont la civilisation libérale porte l’entière responsabilité, en raison de ses faiblesses et de ses échecs. Ne revenons pas sur ces faiblesses passées; voyons celles d’aujourd’hui. Doctrines relatives à la protection des ressources pour l’Occident ou à l’interdiction des outils de défense (non prolifération), liens privilégiés avec les systèmes les plus rétrogrades et/ou tyranniques, incompréhension totale des courants culturels du monde, exploitation des ressources sans vergogne, arrogance occidentale en tous lieux, en tous temps, …

TOUS les totalitarismes se reconnaissent à la volonté qu’ils affirment de réconcilier l’homme avec un dieu, de mettre un terme à la division libérale du spirituel et du temporel. Alors, un dieu n’est pas toujours Dieu; ce peut être la race ou la classe, mais tout le système est construit pour que la logique, la doctrine et la vérité soient uniques.

Voici deux mois (Deep-Ecology-Hard-Ideology) , j’avais déjà fait quelques observations sur ce que je crois être un risque totalitaire dans le développement de la pensée écologiste radicale (et uniquement celle-ci). J’y ajouterai une nouvelle critique. Le mouvement d’écologie profonde a conscience de tenir un discours très occidental. Il lui est facile de plaider l’économie des matières premières et des ressources naturelles en préconisant un vie plus frugale. Il n’a probablement pas tort. Ce qui fait problème, c’est que les habitants des pays en développement vivent déjà dans la frugalité. Alors, les tenants de l’écologie radicale ont inventé une nouvelle philosophie selon laquelle les Pays en Développement peuvent être moteurs d’une nouvelle éthique de développement, d’un nouveau concept: celui du “bien-être” opposé au “mieux-vivre”. Cette idée rencontre même quelque succès chez certains socialistes …..

Ce “concept” (!) présente deux lourds dangers. Le premier tient au fait qu’il concerne les PED qui ont encore une éventuelle possibilité de réorienter leur développement. Les choses sont déjà pliées pour les BRIC (Brésil , Russie, Inde, Chine, …). Elles le sont probablement pour le reste de l’Amérique Latine, pour l’Indonésie et le Proche-Orient. Alors que reste t-il ? L’Afrique ! En donnant de bons conseils de développement, l’homme blanc va t-il encore ajouter une couche à sa monumentale incompréhension des cultures du Monde ?

(C)BRIC

Le second danger relève également d’un grand mépris des PED. Leur parler de “bien-être”, c’est leur dire de “faire avec” leur pauvreté, de s’en accoutumer, d’imaginer qu’ils peuvent faire une richesse morale de leur misère ! Alors que les PED ont un urgent besoin de satisfaire des droits qui ne leur sont pas reconnus: celui de manger à sa faim, celui de disposer d’eau potable, celui d’avoir l’énergie électrique, celui de pouvoir déplacer hommes et marchandises (droit à la libre circulation !) par des routes ou des voies ferrées, celui de ne pas vivre au milieu des ordures ou des cloaques, celui de conduire ses enfants à l’école puis à l’université, celui de pouvoir découvrir (à son tour) les merveilles du monde, … Qui oserait dire qu’il ne s’agit pas là de droits fondamentaux ?

Non, les Pays en Développement ont besoin de croissance et non de dangereuses rêveries néocolonialistes à propos de la sagesse et du “bien-être”.