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Mali

L’Azawad et le Mali

La guerre s’installe dans le Nord du Mali. Plusieurs dizaines de milliers de réfugiés ont pris le chemin de la Mauritanie ou du Niger. Ils viennent s’ajouter à des populations en grande difficulté alimentaire. Les combats sont meurtriers entre les combattants touaregs et une armée malienne peu à l’aise dans ces immenses étendues désertiques. L’armée et les officiels maliens accusent le MLNA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) de massacre de populations civiles. Ceux-ci répliquent en dénonçant des bombardements aveugles qui font, eux aussi, des victimes civiles. Certains ont déjà titré qu’il s’agit là d’une des conséquences de l’ère Khadafi, façon de chercher encore de nouvelles justifications  »a postériori » à l’intervention occidentale (Sauver-Benghazi-pour-mieux-punir-Syrte-…).

Aujourd’hui, rien n’est moins sur et la plus grande prudence est de mise en ce qui concerne les analyses. L’Algérie, les touaregs combattants et certains organes maliens n’hésitent pas à mettre en cause la France dans le développement de ce conflit, prenant pour argument l’enlèvement de deux français devenus conseillers militaires des touaregs et le relais fidèle par RFI des communiqués du MLNA.


La question touarègue n’est pas neuve. Et au Mali elle a une dimension particulière. En effet, les touaregs ou peuple parlant la langue tamachek (tamasheq) occupent une large zone géographique comprenant le nord du Mali, le sud de l’Algérie (Hoggar et Tassili), l’ouest de la Libye, une grande majorité du Niger et l’extrême nord du Burkina Faso. Depuis les indépendances (Cinquante-ans-d-indépendances), c’est cependant surtout au Mali que les revendications d’autogestion et d’autonomie politique et économique sont les plus tendues. Dès 1958, le Mouvement Populaire de l’Azawad a revendiqué la constitution d’un état touareg dans la seule partie nord du Mali. En 1963, Modibo Keita s’est douloureusement affronté à une première rébellion durement réprimée. D’autres révoltes ont suivi en 1990 et en 1996. Les accords d’Alger, signés en 2006 (dix ans après !) ont ouvert la voie en 2009 à la création d’un Fonds de Développement du Nord-Mali. Comment est-il financé ? Qui le finance ? Toujours est-il que les Touaregs le considèrent comme totalement inexistant.
Une première et importante observation est donc à faire en soulignant que les combattants actuels revendiquent l’autonomie d’une partie du territoire malien, tout le Nord-Mali au-delà de Mopti. Ils n’engagent pas les populations touarègues des autres pays frontaliers déjà cités. Cette observation doit donc mettre un terme à des commentaires faisant référence à la reconstitution d’un pays touareg qui aurait été démantelé par le colonisateur et morcelé par des frontières artificielles créées lors de la colonisation. La lutte du MLNA n’est pas la lutte de tout le peuple touareg. Certains touaregs disent même que le touareg du Niger accordera la paix à vie du moment qu’il a du pain, tandis que celui du Mali, affamé ou ventre plein, revendiquera toujours un Etat, un Drapeau, une Nation, une Identité.

Territoire Azawad revendiqué (CR)Babyfoot
Espace touareg (C)J.Dupuis

Le MNLA revendique l’indépendance du Nord-Mali. En l’état actuel des choses, il est certain que la zone n’est pas économiquement viable. Si une partition devait se faire, et ce n’est pas pour demain tant la majorité des maliens y est opposée, ce nouveau pays vivrait de peu. Mais, et là est le fond de la question, le sous-sol de la zone est probablement infiniment riche bien que non exploité actuellement: de l’or, du pétole, de l’uranium … Qui en assurera l’exploration, puis l’exploitation ?

Ce conflit est également lourd de dangers en ce qui concerne l’avenir de la démocratie malienne. Les élections présidentielles sont (encore ? pour combien de temps ?) fixées au 29 avril (13 mai pour le second tour si nécessaire). De plus en plus de voix s’élèvent pour en demander le report à une date ultérieure afin qu’elles se déroulent dans des conditions de paix et non de guerre intérieure. Ce report, s’il devait avoir lieu, impliquerait le maintien à son poste d’Amadou Toumani Touré alors que celui-ci s’est engagé à ne pas solliciter de renouvellement de mandat et à ne pas rester au pouvoir au-delà de l’échéance légale. ATT n’est pas un président parfait. Mais qui l’est ? Il a, en la matière, et c’est exceptionnel en Afrique, le très gros mérite de quitter le pouvoir sans user d’artifices législatifs ou de coup d’état pour se maintenir au pouvoir. ATT a une autre qualité; celle d’avoir tenu tête au gouvernement français dans les discussions relatives à l’Accord de Gestion Concertée des Flux Migratoires (Les-migrations-du-Mali-vers-la-France). Certes, ATT a reculé sur l’épineux dossier du code de la famille et du statut de la femme « qui doit obéissance à son mari ». Il n’en est pas moins un démocrate et la chose est encore rare en Afrique.

Dernier point: déséquilibrer le Mali, c’est déséquilibrer TOUS les pays limitrophes: Mauritanie, Algérie, Niger, Burkina,.. Qui y a intérêt ?

 »Ajouté le 27 février, ce lien (http://www.journaldumali.com/article.php?aid=4287) dont l’analyse est, à tout le moins, à prendre en considération. »

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Egypte

Ferments de guerre civile en Egypte

« Aujourd’hui au moins, une chance se dessine de voir émerger des systèmes politiques n’excluant pas tout sentiment de citoyenneté. Déjà, un foisonnement d’initiatives citoyennes fourmille dans toute la région. C’est le versant caché de l’histoire, occulté par la violence de la répression, le triomphe électoral des islamistes et les grands enjeux stratégiques. Pour l’heure, les sociétés se trouvent mises à nu, transparentes à elles-mêmes et au reste du monde, et pour la première fois contraintes de faire face à leurs propres démons. Les lignes de faille des sociétés arabes sont désormais béantes et manifestes. »
 »En Occident, l’obsession de l’islamisme continue à orienter les perceptions de ces changements pourtant complexes. Le succès de tout processus de démocratisation reposera pourtant sur sa capacité à produire une image relativement fidèle et nuancée de la société. Accepter le produit de décennies d’islamisation insidieuse des sociétés arabes, encouragée par la fermeture des systèmes politiques et exploitée comme justification du statu quo, en fera partie, à moins de précipiter des conflits qui se feront au détriment de toute démocratie. »

Peter Harling, Directeur des activités de l’International Crisis Group, en Egypte, en Syrie et au Liban, a écrit ces lignes dans un texte intitulé « Le monde arabe est-il vraiment en « hiver » ? Gardons-nous d’être pessimistes trop tôt », publié dans Le Monde daté du 2 février.
Nous ne disions pas autre chose (Tunisie-Egypte-Libye-…-et-si-on-rangeait-le-romantisme-…) à peine quelques jours auparavant.

Depuis, il y a eu le massacre de Port Saïd, qui a fait 75 morts à l’issue d’un match de football.
Les révoltés ou révolutionnaires crient au complot, à la manipulation. Encore une fois, est-il vraiment besoin d’imaginer des combinaisons machiavéliques pour comprendre de pareilles haines. Les jeunes de la Place Tahrir et les foules qu’ils entraînent derrière et avec eux ne sont plus porteurs des attentes des masses. Ils se sont coupés d’elles. Parce qu’ils ont fait plusieurs erreurs, et notamment un certain anarchisme, et parce qu’ils ignorent délibérément les résultats d’un scrutin populaire qui donne la majorité aux partis islamistes.
C’est comme cela, un point c’est tout. Et ne pas en tenir compte, ce n’est ni plus ni moins que manquer à toutes les promesses faites en matière de démocratie nouvelle. Demain, ils choisiront un autre homme pour les représenter (El Baradei ou un autre) et, à la première contrariété venue, ils lui intimeront l’ordre de partir.

Port-Saïd football (DR)

En ce qui concerne Port Saïd, la victoire remporté par l’équipe locale contre l’équipe cairote soutenue par des ultras radicaux, anti-armées et anti-flics, a galvanisé des jeunes qui peinent à trouver un boulot et à le conserver, qui espèrent profondément en une accalmie politique et économique, qui sont allés voter pour les partis islamistes de leurs choix et qui se sentent quotidiennement humiliés par les discours méprisants des « révolutionnaires » du Caire. Sans doute quelques slogans ont suffi, à la suite d’une provocation de ces fameux ultras descendus sur la pelouse pour clamer leur victoire.

Le résultat en est hallucinant de violence et d’incompréhension. Tellement d’incompréhension que les « révoltés » vont encore et toujours retourner sur la place de leurs exploits, devant les télévisions du monde, alors que leur rôle désormais devrait être de contribuer à la « production d’une image relativement fidèle et nuancée de la société » et préparer avec la totalité des forces en présence la rédaction d’une nouvelle constitution et les élections présidentielles.

Faite de quoi, l’Egypte se dirigera (se dirige déjà ?) vers la guerre civile.

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Egypte

Tunisie, Egypte, Libye … et si on rangeait le romantisme

Même reporté en avril, le procès dressé au Directeur de Nessma TV pour avoir diffusé en octobre 2011 le (remarquable) film d’animation de Marjane Satrapi, « Persépolis », n’en reste pas moins le premier procès politique du nouveau gouvernement tunisien. Aux portes du tribunal s’affrontent les partisans de la liberté d’expression et les salafistes, porteurs d’un islam rigoureux et rigoriste. Les mêmes, d’ailleurs, organisent des grèves dans les universités tunisiennes afin que les étudiantes puissent porter le nikab en cours, y compris lors des examens.

En Egypte, les élections législatives ont consacré les partis islamistes en leur accordant 71% des sièges (47% pour les Frères Musulmans et 24% pour les Salafistes). Elles n’ont pas consacré la place des femmes (http://egyptactus.blogspot.com/2012/01/parlement-egyptien-cherchez-la-femme-2e.html) dans la nouvelle société puisque celles-ci sont … 12 dans un parlement de 498 membres ! Point n’a été besoin d’une loi comme en Libye, limitant la place des femmes à 10 % des élus à la Chambre.

En Libye, puisqu’il est question d’elle, c’est le nouveau gouvernement qui peine sérieusement à se mettre en place, travaillé qu’il est par les tensions entre tribus et régions et par les divisions, le manque de perspective. Et vous parle t-on de l’Armée de Libération de la Libye qui mène la « contre-révolution » et vient de reprendre Bani Walid ?

Parce qu’ils ont exclusivement axé leurs commentaires sur une vision romantique de la « révolution », les journalistes sont perdus et n’y comprennent plus grand-chose. Dans un récent éditorial, « Le Monde » va jusqu’à dire que les islamistes qui ont raflé la mise dans tous ces pays ont « pris le train en marche ». Tel autre chroniqueur stigmatise ceux qui, dès le début, doutaient de l’avenir en les traitant de « je vous l’avais bien dit ».

Et pourtant, les choses se sont bien passées comme il était prévisible qu’elles se passent.

Tout d’abord, parce que c’est faire injure aux groupements islamistes de les accuser d’avoir pris le train en marche. Ils sont dans l’opposition et le soutien aux populations depuis infiniment plus longtemps que les « révolutionnaires » de Facebook. En Egypte, comme en Tunisie, ils ont payé le prix de leur travail de fond par la prison, la confiscation de leurs biens, l’exil. Comment imaginer que les populations aidées et soutenues, quand bien même ce serait au prix d’un endoctrinement idéologique, se détourneraient de leurs bienfaiteurs, ceux qui leur donnaient à manger et qui leur apportaient une raison d’espérer ?
Ensuite, parce que les « révolutionnaires », comme on les appelle, ont commis plusieurs erreurs. En premier lieu, parce que leur révolte est avant tout revendicatrice de liberté individuelle et de droit à la consommation. S’ils permettent de communiquer rapidement et d’échanger des mots d’ordre, les réseaux sociaux ne sont pas adaptés à la réflexion idéologique. Ensuite, parce qu’ils se sont laissés prendre aux filets d’un radicalisme certain: pas d’organisation politique, priorité de fait à la jeunesse et, singulièrement, la jeunesse la plus favorisée, forte tendance à l’absolutisme, voire à l’anarchie. C’est ainsi qu’on en arrive à manifester quotidiennement contre les Forces Armées (SCAF) alors même qu’un processus électoral se déroule dans des conditions assez satisfaisantes et désigne un parlement légitime.

27 janvier 2012-Manifestation au Caire (DR)

Tout laisse à penser que les Frères Musulmans ont passé depuis longtemps des accords avec les militaires (sinon, comment expliquer qu’ils déclaraient dès avril 2011 ne pas vouloir présenter de candidats dans toutes les circonscriptions législatives ?). Ne peut-on laisser le nouveau parlement faire ses preuves et contingenter, comme il est prévu, la place des Forces Armées ? Il est devenu d’actualité de dénoncer le rôle économique des dites Forces Armées. Effectivement, celles-ci, depuis les années Nasser, possèdent et animent une bonne part de l’économie égyptienne. Mis à part les licences de fabrication d’armements, les autres engagements sont plutôt anciens et « désuets »: eau minérale, pâtes alimentaires, fabrication d’appareils ménagers, … Il est assez improbable que cette « richesse » économique soit à l’origine du pouvoir de l’armée, lequel est beaucoup plus politique, fondé et appuyé sur des réseaux, constitué de gouvernorats et autre structures administratives. C’est cela que le nouveau parlement et le futur Président de la République (élection prévue en juin 2012) devront modifier.

A condition que les « révolutionnaires » et les « libéraux » leur en laisse le loisir et que, pendant ce temps, tout en restant vigilant, ils réfléchissent à l’extension et la popularisation de leur mouvement, à l’ouverture de celui-ci à toutes les catégories de la société, aux jeunes comme aux moins jeunes, aux femmes comme aux hommes, aux croyants comme aux laïcs, car, contrairement à ce qu’ils pensent, l’unanimisme pro-révolution ne s’est pas emparé de tout le pays: les récentes élections en sont la preuve.
Il est temps de ranger le romantisme au rayon des accessoires de l’histoire et de se préoccuper du véritable avenir de ces pays.

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Egypte

Réponse à la violence faite aux femmes

Il s’agit d’une photo publiée sur la page FaceBook de Kareem Amer. « Ne me dites pas comment m’habiller. Mais dites-leur de ne pas me violer ».
En guise de réponse à ça (Egypte-la-violence-faite-aux-femmes), et à ça (L-Egypte-la-femme-…).

Ne me dites pas comment m’habiller, dites-leur de ne pas violer (DR)

Voilà une nouvelle et bonne petite contribution au débat sur la place de la femme dans la vie sociale et la vie civique de l’Egypte.