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Nord-Mali, les positions bougent

Sans qu’il soit possible d’en tirer déjà des conclusions formelles, force nous est de constater que les positions des uns et des autres (Au-Mali:-chroniques-d-une-guerre-annoncée) bougent … et bougent vite.

Tout d’abord, les Etats-Unis, que l’on savait déjà « dubitatifs » à l’égard d’une intervention militaire au Nord-Mali, viennent de publier une estimation des forces djihadistes (http://www.romandie.com/news/n/_Nord_du_Mali_le_noyau_dur_des_jihadistes_estime_entre_800_et_120097141120121818.asp?) sur le terrain. Et nous sommes bien obligés de constater que les chiffres de 6000 combattants, et davantage, ne relèvent que d’une habile communication destinée à faire passer l’action militaire comme incontournable. Le Commandant de l’Africom, Forces Armées américaines en Afrique, le Général Carter Ham, estime entre 800 et 1200 le noyau dur des combattants djihadistes. Le reste ne serait constitué que d’aventuriers qui s’égayeront rapidement dans le désert à la première escarmouche. On savait déjà que les centaines de combattants annoncés, venus de toute l’Afrique et du Proche-Orient, n’étaient que vue de l’esprit. On sait désormais que les forces islamistes radicales ne sont pas celles que l’on annonce et qu’une opération de police et de remise en ordre pourrait suffire à ramener un peu d’ordre sans qu’il soit besoin d’une intervention militaire.

Ensuite, les pourparlers vont bon train. MNLA et Ansar Eddine (http://www.lefaso.net/spip.php?article51320&rubrique361) se sont retrouvés ensemble au Burkina Faso. Ansar Eddine avait déjà lancé un appel à la cessation totale des hostilités. Tous se sont entendus sur la poursuite des négociations dont le cadre fixé par la partie burkinabée comprend « la libre circulation des personnes et des biens, la reprise des activités sociales et économiques, le retour des personnes déplacées ou réfugiées, le respect des libertés fondamentales, le rejet du terrorisme et de la criminalité transfrontalière ».
Dans le même temps, il apparaît que le MNLA, que d’aucuns accusaient de n’être représentatif de rien, ait cherché aujourd’hui même à se donner une meilleure assise sur le terrain en affrontant le Mujao (http://www.siwel.info/Azawad-combats-entre-les-touaregs-du-MNLA-et-les-islamistes-du-MUJAO_a4245.html) (affilié à AQMI) et en reprenant la région de Gao, dont il avait été chassé par le même Mujao le 27 juin dernier. Ce soir, les combats ont cessé, chacun proclamant la victoire !…

Membres d’Ansar Eddine à Ouagadougou (C)Yempabou Ahmed Ouoba


Enfin, dernier élément de réflexion: la France elle-même infléchit légèrement ses positions. Lors d’un récent entretien avec le Président par intérim du Mali, François Hollande (http://www.afrik.com/mali-francois-hollande-prone-le-dialogue-avec-les-islamistes) a demandé que soit « intensifié le dialogue avec les représentants des populations du nord-Mali qui rejettent le terrorisme ». Sans renoncer à s’engager sur un soutien à une intervention militaire, il y a là un ton nouveau qui n’est pas à négliger.
Mais peut-être faut-il trouver une explication à ces mouvements et à ces déclarations dans le fait qu’une opération militaire devient de plus en plus improbable. Le commandant américain de l’Africom parle de « mois, et non de semaines » pour mettre sur pied une armée équipée, efficace et organisée digne de ce nom. A ce moment-là, le désert ne sera plus qu’une fournaise et aucune armée ne s’y risquera plus.

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Au Mali, chronique d’une guerre annoncée

Les dirigeants africains de la CEDEAO se sont mis d’accord, hier 11 novembre, pour l’envoi d’une troupe de 3300 hommes dans le Nord-Mali, afin d’en chasser les islamistes radicaux qui y appliquent la charia et surtout y implantent les bases arrières d’un « biosystème » à leur façon: trafics, drogue, enlèvements …
Il reste encore à obtenir le feu vert de l’ONU pour cette intervention qui ne pourrait guère avoir lieu avant plusieurs mois. De plus, la fenêtre de tir sera exceptionnellement courte puisque les fortes chaleurs rendront invivable aux combattants le désert.

Abuja-Les dirigeants de la CEDEAO décident la guerre (C)Pius Utomi Ekpei/AFP


Ceci dit, les objections à la réalisation de cette campagne militaire se font de plus en plus nombreuses.
Passons en revue les dernières déclarations et objections.
L’Algérie, tout d’abord, que d’aucuns avaient hâtivement placée dans le camp des « favorables » à la guerre vient d’exprimer toutes ses réserves. En compagnie du Burkina Faso, ce pays vient de réussir une scission du front islamiste en place au Nord-Mali: Ansar Eddine déclare officiellement refuser les actions terroristes. L’Algérie est particulièrement attachée à l’intégrité et l’inviolabilité de son territoire et elle craint qu’un conflit au Nord-Mali entraîne inévitablement des débordements sur ses frontières.
Le Burkina Faso, que l’on vient de citer, est présidé par Blaise Compaoré, un Président contesté et contestable, qui désire avant tout jouer un rôle politique éminent dans la région (et sauver sa place). Sa volonté de mettre des hommes à lui à la tête du « gouvernement » malien et sa conduite des négociations avec les rebelles du Nord-Mali sont des illustrations de cette volonté. Il n’en reste pas moins que le Burkina, par sa parole, est, de loin, favorable à une solution négociée au lieu d’un affrontement.
La Mauritanie s’avère violemment opposée à une intervention militaire. « Une guerre contre les islamistes armés qui occupent le nord du Mali serait dévastatrice pour les pays voisins qui seront alors victimes d’un volcan aux cendres incandescentes », voici ce qu’a déclaré le Président de l’Assemblée Nationale mauritanienne, Messaoud Ould Boulkheir. Pour la Mauritanie également, un conflit armé au Nord-Mali présente le risque important de débordements susceptibles de mettre en cause l’intégrité territoriale du pays et son régime démocratique. Le danger est bien réel de voir s’inviter quelques déséquilibres dans ce pays dont le Président Aziz est absent par suite de blessures infligées accidentellement par un soldat de son armée: l’opposition démocratique demande une transition vers au nouveau gouvernement et des forces, peut-être moins démocratiques, manifestent et jettent de l’huile sur le feu.

Romano Prodi, dont nous avions souligné le rôle que lui a confié l’ONU, et dont certains dirigeants européens font très peu cas, s’est prononcé (notamment à Alger !) en faveur de la recherche de la paix par le dialogue. « Je suis venu chercher la paix et nous devons travailler ensemble et avec une bonne volonté pour instaurer la paix dans cette région. Nous avons encore la possibilité de travailler pour la paix et profiter des cadres internationaux et des engagements de l’ONU dans le cadre de la lutte contre le terrorisme pour préserver l’unité nationale du Mali. Toutes les guerres qui ont été menées de par le monde ont causé de grandes tragédies pour l’humanité. La guerre en dernier ressort, car nous avons encore la possibilité de travailler pour la paix ».
Il est clair que l’ONU n’adopte pas une position de jusqu’au-boutiste et que les attitudes respectives de la France et de l’Union Européenne sont de plus en plus isolées.
Pour terminer (pour l’instant), ce tour d’horizon international, citons la Chine, elle-aussi opposée à une intervention armée au Nord-Mali.

Alors, en France ?
Les oppositions à ce conflit sont actuellement extrêmement minoritaires. La droite et la gauche parlementaires adoptent exactement la même attitude, celle de l’approbation face à un risque constitué par le terrorisme et l’islamisme. Seule l’extrême-gauche, Mélanchon, Médiapart …dénoncent la préparation de ce conflit au motif qu’il s’agit avant tout d’une intervention franco-américaine de caractère néo-colonialiste et impérialiste. Le site Atlantico (http://www.atlantico.fr/decryptage/reconquete-nord-mali-echec-previsible-jean-bernard-pinatel-542012.html) (« considéré » de droite) publie aujourd’hui un article signé de Jean-Bernard Pinatel, général 2° section, intitulé « La conquête du Nord-Mali, un échec prévisible ». Et c’est tout pour aujourd’hui: le reste de la presse n’est constitué que de va-t-en-guerre, à commencer par « Le Monde » !

Est-ce donc une erreur que de persister à croire que la guerre au Nord-Mali sera une catastrophe ? Une catastrophe parce qu’elle entraînera encore plus de misères qu’il n’y en a actuellement dans cette sous-région du Sahel. Une catastrophe parce que les réfugiés (au Niger, au Tchad, en Mauritanie) ne seront plus 300 à 400000, mais le double, si ce n’est davantage. Une catastrophe, parce que les relations déjà difficiles entre africains et arabes, entre africains et touaregs, seront détruites pour de longues générations. Une catastrophe parce que le fait militaire ne viendra jamais à bout de la volonté de quelques illuminés fanatiques, il n’est qu’à voir en Afghanistan, et nous n’avons pas encore vu le pays après le départ des troupes occidentales ! Alors, remplacer l’Afghanistan par le Mali ? Sous le prétexte qu’il y a du pétrole, de l’or, peut-être du gaz ? Une catastrophe, parce que vont se superposer, se percuter deux antagonismes: les africains contre les djihadistes et les africains contre les touaregs !

Deux hommes, en qui l’on croyait pouvoir accorder un peu de confiance, viennent de s’exprimer de la pire façon.
Tout d’abord, Mohamadou Issoufou, Président de la République du Niger depuis 18 mois. Alors que les discussions des derniers temps le laissaient apparaître comme réticent à une intervention armée, le voici qui intervient publiquement (http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/11/12/nord-mali-les-djihadistes-visent-l-europe-selon-le-president-nigerien_1788997_3212.html) pour donner corps aux pires fantasmes de notre classe politique. « Si on les laisse faire, les djihadistes ne s’arrêteront pas en Afrique de l’Ouest. Leur objectif, c’est l’Europe. Qui tient l’Afrique tient l’Europe. La non-intervention serait bien pire qu’une intervention. Maintenant, nous n’avons plus le choix, Il faut que l’opinion française comprenne que l’intervention au Mali est nécessaire pour protéger l’Europe et pour éviter que les troubles qui ont gagné le monde arabe ne se propagent en Afrique ».
Autre voyageur de commerce au service de l’Occident, Abdou Diouf, Secrétaire Général de la Francophonie. « La France, avec d’autres, et notamment les Nations Unies et l’Union européenne, a le devoir d’intervenir dans cette affaire pour aider le Mali et les pays de la sous-région tant la menace est sévère ». A la question de savoir si la France ne se trouvait pas désormais face à des concurrents mieux placés pour satisfaire leurs appétits en Afrique, la réponse est la suivante: « Franchement, je ne pense pas. Il est cependant vrai que, depuis plusieurs dizaines d’années, l’Afrique a multiplié les partenariats économiques avec des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Turquie. La France doit donc rivaliser avec sans doute plus de concurrents qu’auparavant. Mais c’est une bonne chose ! Aujourd’hui, l’Afrique est en position de négocier à son avantage, de demander le respect de ses valeurs – et de celles qu’elle défend au sein de la Francophonie ».
On ne saurait mieux dire que la présence de la France dans ce conflit est un gage pour garder sa place en Afrique !
Alors, que faire ?
Cesser le tam-tam militariste ! Parler de négociations ! Avec Ansar Eddine et avec le MNLA (http://moussa-blog.azawadunion.com/) ! Davantage que les djihadistes venus souvent d’Algérie et/ou de Libye, ce sont eux les gens du Nord-Mali ! Il n’est point de ralliement en masse de combattants venus de tout le continent, voire même d’Europe ou de France, à l’exception de deux fanatiques (il ne s’agit que d’intoxication médiatique !). Aider la population (communication) à résister, car elle en a envie et besoin ! Monter des opérations de police ! Créer les conditions d’un vrai développement économique, social et culturel de cette région, ce que le Sud-Mali n’a jamais fait malgré les promesses et les accords successifs ! Donner de l’audience politique aux habitants du pays ! Patrouiller sur toutes les frontières pour contrecarrer la libre circulation des terroristes et des trafiquants ! Aider le Mali à réintégrer des processus démocratiques, et le plus vite sera le mieux, car les hommes qui prendront la parole le feront au nom du peuple, ce qui n’est pas le cas actuellement !
Cela, la France et l’Europe peuvent aider à le faire !
Tieman Coulibaly, Ministre des Affaires Etrangères du Mali, partisan de la guerre, refuse l’organisation d’élections en son pays, au motif que l’intégrité de celui-ci n’est plus une réalité. Il a de belles phrases:
« Organiser des élections sans les territoires occupés, ce serait ajouter la honte à la honte ». C’est possible, et il ne lui est pas interdit de le penser, mais ne croît-il pas que déclarer la guerre alors que l’on n’est que membre d’un gouvernement largement auto-désigné ne lui donne que peu d’autorité morale ?


A lire, un bilan des forces djihadistes (http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20121112170338/actualite-afriquemali-de-quelles-forces-disposent-les-jihadistes.html), réalisé par « Jeune Afrique ».

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Les Suisses et le retour au pays d’Heidi

La Suisse est un pays dont la démocratie se vit sans complexes ! On se souvient de l' »initiative » contre les mosquées et leurs minarets lancée par l’UDC où celle portant sur l’expulsion des étrangers condamnés. D’aucuns avaient pu juger que le succès de ces initiative était prémonitoire d’un climat et d’une ambiance qui ne manqueraient pas de se développer en Europe, Europe occidentale à minima. La même UDC a lancé une nouvelle « initiative » voici quelques mois, contre « l’immigration en masse ». Et voici qu’une nouvelle « initiative » est proposée par ECOPOP (http://www.ecopop.ch/joomla15/index.php?option=com_content&view=article&id=337&Itemid=17&lang=fr). Une « initiative » est l’aboutissement d’une démarche pétitionnaire de demande de référendum. Cette dernière porte sur la limitation de la population de la Suisse dans le but de préserver de façon durable les ressources naturelles. Ecopop revendique que la « croissance dramatique de la population mondiale soit réduite par un soutien au planning familial et que l’immigration nette en Suisse soit limitée ».
Sur le premier point, 10% des moyens que la Suisse consacre à la coopération internationale devront être consacrés à la planification familiale, ceci dans les pays jugés les plus surpeuplés, en Afrique ou en Asie.
Sur le second point, la part de l’accroissement de la population résidente en Suisse de façon permanente, et attribuable au solde migratoire ne devra pas excéder 0,2% par an, chiffre moyen calculé sur une période de trois ans.
Cette initiative référendaire fait déjà l’objet d’un vaste débat en Suisse, quand bien même elle est restée largement inaperçue depuis plusieurs mois. Le dépôt des signatures a réveillé les commentaires. Tout d’abord, cette démarche est lancée par une vieille association écolo (1970), certes globalement de droite mais rassemblant quelques personnalités de l’ultra-gauche. Elle surprend par sa radicalité, pourtant inscrite dans les gènes de l’association. Les Verts authentiques de Suisse se divisent et se déchirent à son propos, les uns la soutenant, les autres l’exécrant. L’objectif déclaré est celui de la conservation des ressources naturelles et du maintien de la qualité de la vie pour les Suisses d’aujourd’hui et ceux de demain. Aux facteurs classiques de consommation individuelle et de choix technologiques (énergies fossiles, nucléaires ou alternatives), Ecopop ajoute le nombre d’individus qu’elle estime trop élevé en Suisse.
Le but poursuivi n’est donc pas tant la protection de la nature, comme certains l’affirment trop vite, mais de préserver les ressources pour l’avenir. Les militants d’Ecopop veulent lutter contre la « bétonisation », soulager les services de transport, protéger le paysage culturel …
L’autre sujet de discussion porte, comme on peut s’y attendre, sur l’immigration puisque le taux de renouvellement de la population suisse d’origine endogène n’est que de 1,5, très loin du taux de 2,1 nécessaire au maintien des populations à niveau constant. L’augmentation de la population provient de l’immigration et des enfants des immigrants.

Mais qui sont les immigrants ? D’où viennent-ils ? Combien sont-ils ?
La Suisse comporte près de 8 millions d’habitants (7954700 au dernier chiffrage à fin 2011!), avec un accroissement de 84500 personnes par rapport à 2010,soit une croissance de 1,1 % comparable à celle de 2007 ou 2009.
A fin août 2012, la population d’origine étrangère et résidant en Suisse était de 1804551 personnes (admirez la précision des chiffres !), soit 22,7 % de la population totale.
Parmi eux, 1176587 personnes (soit 65 %) étaient en provenance de l’Union Européenne (27 Etats membres) et de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE; Islande, Norvège, Liechtenstein). Ces immigrés en provenance de l’UE/AELE ont augmenté de 4,2 % par rapport à l’année précédente, soit + 46949 personnes.

Les autres immigrés, donc en provenance de pays autres que ceux de l’UE/AELE, et qui représentaient 35 % du total des immigrés, étaient au nombre de 627964 personnes, en augmentation de 1 %, soit + 6301 personnes.

Les immigrants résidents se ventilent ainsi: italiens (16,2 %), allemands (15,6 %), portugais (13 %), français (5,6 %), kosovars, macédoniens, turcs (quelques 3,9 % pour chacun).
Il est à noter que les asiatiques au sens large de toute l’Asie, ne représentent que 5 % des migrants, les africains, Maghreb compris, 3,5 % et l’Amérique du Sud + Centrale 2,7 %.
Les immigrés de la Suisse ne sont donc pas les immigrés d’autres pays d’Europe et le débat Nord-Sud ne saurait y avoir une prégnance aussi importante qu’en France, par exemple. Notons cependant au passage que la Suisse naturalise de 37000 à 47000 personnes d’origine étrangère par an, depuis dix ans !
Alors si une telle « initiative » se traduit par un référendum, et que celui-ci est approuvé par une majorité, que se passera-t-il ?
La population suisse s’accroît de +80000 personnes par an. Réduire ce nombre à 15000 par an entraverait de façon dramatique la capacité de développement économique du pays, ainsi que les moyens des services tels les hôpitaux ou le système scolaire. En effet, les migrants essentiellement européens sont des migrants hautement qualifiés, en bonne santé, qui assurent la viabilité de tout le système social suisse marqué par un vieillissement de la population autochtone. Sans parler des impôts !
Vouloir réduire la population, à des fins écologiques, en agissant sur les migrations est absurde. Les migrants rejetés iront ailleurs et consommeront ailleurs. Qu’on le dise franchement; il ne s’agit ici que de défendre égoïstement SON environnement. Les militants de la limitation de l’immigration invoquent l’exemple français où la « grande banlieue est synonyme d’acculturation, de pauvreté et de violence ». Qu’ils se rassurent: la majorité de leurs migrants ne vivent pas en grande banlieue !
Mais là où l’initiative Ecopop devient franchement xénophobe, c’est là où elle prétend imposer à la Suisse de consacrer ses fonds à la limitation des naissances dans les pays pauvres.

On rejoint les tendances de fond de l’écologie radicale, celles de la décroissance, de la relocalisation, du refus des échanges (avion, tourisme, migrations …). A n’en pas douter, les deux « initiatives » (UDC contre l’immigration de masse et Ecopop Halte à la surpopulation), quand elles seront soumises à votation, seront des pièces maîtresses du débat sur la croissance et la démographie. La Suisse va t-elle rehausser ses montagnes de quelques rangs de moellons et se replier encore davantage sur elle-même pour revenir au pays d’Heidi ?
La Suisse va t-elle encore nous donner un signal précurseur de ce qui va se passer en Europe ?

(DR)Save the Planet


Toutes les statistiques suisses en matière d’immigration sont ici (http://www.bfm.admin.ch/bfm/fr/home.html).
Un site pour une réflexion approfondie ici (http://www.alliancesud.ch/fr/documentation/projets/la-jeunesse-debat/ecopop).

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Mali

Bruits de bottes à Bamako et à Paris

Au classement mondial des pays selon leur PIB, le Mali intervient au 207° rang sur 227 pays cités, avec un revenu moyen par habitant de 1200 $ par an (estimation 2010).
Au classement mondial des pays selon la santé de leurs populations et les équipements de soins, le Mali se positionne au 163° rang sur 191 pays cités (OMS 2012).
Au classement mondial des pays selon leur Indice de Développement Humain, le Mali émarge à la 175° place sur 187 pays cités (IDH classement 2011).
Au classement mondial des pays selon la Perception de la corruption, le Mali se place au 116° rang sur 178 pays nommés, tout juste après le Sénégal récemment « honoré » (105°) et bien avant la Côte d’Ivoire (146°) (Transparency International 2010).
Il ne nous sera pas possible de vous donner le rang du Mali en ce qui concerne le taux d’alphabétisation des adultes ou l’Index de Performance Environnementale: le pays n’apparaît pas (ou plus) dans ces classements.

Il serait sans doute facile, et peut-être un peu faux et injuste, de n’incriminer que l’ancien colonisateur dans ce maigre bilan. Il n’empêche que plus de cinquante ans après l’émancipation du pays, après cinquante ans de Françafrique, le résultat est là: le Mali, même si on a pu, avec un peu d’exagération, le présenter comme un modèle de démocratie africaine, n’est qu’un pays pauvre, très pauvre.

C’est pourtant dans ce pays que François Hollande, à peine sèche l’encre de son Discours de Dakar (L-Europe-et-le-Mali:-prix-Nobel-et-discours-de-Dakar), se propose d’intervenir pour chasser les islamistes qui en occupent le Nord. Oh, pas directement, ni de façon trop visible (au moins dans un premier temps), mais en « soutien » d’une coalition d’armées africaines et, peut-être, algérienne. Est-ce là la première application des « nouvelles relations » que le Président français a défendues le 12 octobre ?
La vision de la France sur l’Afrique, singulièrement les anciennes Afriques Occidentale et Equatoriale (AEF et AOF), n’a pas changé. Il y a là un pré carré à défendre, des intérêts à protéger, des richesses à exploiter, un développement à mettre en place … Hollande marche dans les pas de Sarkozy, qui marchait dans les pas de Chirac, qui marchait dans les pas de Mitterrand, qui marchait …
Quant aux USA, soyons clairs, depuis 2009, ils ont choisi d’activer leur présence en Afrique Sub-saharienne (AFRICOM). La France et l’Europe, les Etats-Unis, ne vont pas au Mali pour y défendre un pays éclaté, ils y vont pour défendre des intérêts économiques et logistiques.

Comme dans le cas de la Libye, toutes ces forces nous tiennent le discours de la démocratie, de la lutte contre le terrorisme islamique ou de la reconstruction du Mali actuellement divisé en deux.
« Le Monde », ce soir, dans un éditorial d’une rare indigence, part de nouveau en guerre, avec la même précipitation, avec la même hâte que pour la Libye. Ses arguments sont simplistes: le Mali est la victime de l’islamo-gangstérisme: drogue, contrebande, proxénétisme et enlèvements au nom de l’islam … Accessoirement, la guerre inévitable et souhaitée aura également pour but de rétablir l’intégrité territoriale du pays.
L’éditorial en question débute par une affirmation totalement mensongère: « Toute tentative de négociations a échoué avec ces groupes ». Or, autant qu’on le sache, des discussions avaient encore lieu à Bamako voici 72 heures, en particulier avec Romano Prodi, l’envoyé spécial du Premier Secrétaire de l’ONU. Et la même ONU a donné un délai de 45 jours afin de laisser une chance à la négociation et de permettre aux états africains de formuler clairement les modalités de leur intervention. Mais non, « Le Monde » pousse à la roue de façon à ce que l’engagement ait lieu avant même que les réponses aux négociateurs aient eu le temps d’être formulées. Comme lors de l’action en Libye, « Le Monde » se comporte comme un va-t’en-guerre.

Il n’est pas question ici de minimiser les risques que comporte cette situation au Nord-Mali. Mais n’est-t-il pas curieux d’apprendre, le même jour, que « des centaines de djihadistes arriveraient par le Nord », une information inlassablement répétée dans tous les médias, histoire de créer un peu de panique et d’activer le mouvement, et que « les rebelles, inquiets d’un déploiement de forces imminent, déserteraient en masse » (http://maliactu.net/deploiement-imminent-de-la-cedeao-les-rebelles-islamistes-enregistrent-des-desertions-massives/) ? Manipulation de l’information, quand tu nous tiens …

Depuis le coup d’état du 22 mars, depuis la « déclaration d’indépendance » du MNLA, depuis la neutralisation de celui-ci par des troupes islamistes ayant fait plus ou moins allégeance à Al Qaïda, le Nord Mali vit dans la peur et sous le joug d’une nouvelle « culture »: fermeture des écoles au bénéfice des écoles coraniques, , interdiction du tabac, des loteries, des chants, des danses, des vêtements lumineux, … femmes et enfants sont les victimes de ce système digne des talibans. A ceci, vient s’ajouter une « législation » intransigeante: lapidations, mutilations, …
Pourtant, il y a des résistances. Des jeunes ont déjà eu l’audace de manifester contre cet ordre islamique. Des femmes disent vouloir porter les vêtements de leur libre choix, quitte à mourir mais à ne pas accepter la charia ….
Les touaregs du MNLA se déclarent disposer à renoncer à une revendication immédiate de l’indépendance, alors qu’ils n’ont jamais été écoutés par le pouvoir central de Bamako.

Ville de Gao, le 10 septembre 2012 (C)Reuters


Une négociation ne consiste pas à donner raison à l’inacceptable, elle consiste à faire savoir aux forces en présence que l’intervention sera inévitable si les positions restent inchangées. Elle consiste à soutenir les hésitants, à offrir des garanties à ceux qui se sépareraient des fanatiques, à promettre aux Touaregs, avec une garantie internationale, que le développement de leur « pays » sera enfin pris en compte, à exercer une présence physique importante, à susciter des divisions … or en parlant de groupes mafieux, ou d’islamo-gangstérisme, on s’interdit toute négociation. Mais là est peut-être le but recherché.

Toujours est-il que « Le Monde » achève son éditorial par une sentence pleine d’un cynique mépris à l’égard des Maliens: « Restent les Maliens, divisés par de petites querelles intérieures. Le moins qu’ils puissent faire est de manifester leur unité ».
Les Maliens ne sont pas divisés par « de petites querelles »: les Maliens vivent la catastrophe d’un pays démantelé et non gouverné (ou si peu) et redoutent le drame d’un conflit qui ne solutionnera rien et créera de nouvelles tensions (et guerres) entre africains et touaregs, entre africains et arabes, entre « noirs » et « blancs » ….

Ce n’est qu’un point de vue, à lire, pour compléter ce post: celui d’un journaliste camerounais, opérant dans Slate Afrique, Théophile Kouamouo (http://www.slateafrique.com/96123/pourquoi-les-maliens-ont-raison-de-se-mefier-bamako).



Ajout du 24 octobre 2012
Comme prévisible, le MLNA dément formellement l’arrivée massive de combattants djihadistes dans le Nord-Mali ! Comme en Tunisie, comme en Egypte, comme en Syrie, il faudra que la presse occidentale y regarde à deux fois avant de publier des informations en provenance des islamistes radicaux !!