« Chante comme si tu devais mourir demain, comme si plus rien n’avait d’importance, comme si c’était ta dernière chance, … » (citation libre)
(interprétée par Michel Fugain, avec des paroles de Pierre Delanoé et Shuji Katou)
« Si on devait mourir demain, toi, qu’est-ce que tu ferais ? Prendre l’avion, t’enfermer chez toi les yeux fermés, faire l’amour une dernière fois, boire et faire la fête, t’en fiche et te donner du plaisir, prier ou partir avant, … » (citation libre) (interprétée par Pascal Obispo, avec des paroles de Lionel Florence et Pascal Obispo)
Ils sont deux cents à avoir rédigé un texte intitulé « Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité », près de 180 artistes, chanteurs, cinéastes, acteurs, metteurs en scène, écrivains, chorégraphes, musiciens, accompagnés de 22 scientifiques leur servant de caution, le tout au masculin comme au féminin.
Il fut un temps où les gardiens de la morale, les conseilleurs en matière de bonne conduite et de choix afin de diriger sa vie étaient les prêtres et hommes d’église qui faisaient le prêche dans le but de l’édification des fidèles. Avec la séparation de l’Eglise et de l’État, ces donneurs de sermons ont été progressivement et successivement remplacés par les maîtres d’école, les enseignants, les philosophes, les sociologues, parfois les journalistes, enfin tous ceux et toutes celles (mais surtout tous ceux) qui sont à l’aise avec l’écrit, le discours et le commentaire.
Avec la fin du XX° siècle et avec la prise de conscience des questions environnementales, il a pu sembler un moment que les scientifiques seuls allaient prendre la relève. En 1992, ils étaient près de 1700 à lancer un premier appel alarmiste. 25 ans plus tard, en 2017, ils l’ont renouvelé en étant plus de 15300 à signer un même texte prédisant la fin de l’humanité et l’effondrement de notre civilisation industrielle.
Aujourd’hui, ce sont les femmes et les hommes de la Société du Spectacle qui se mobilisent ! Au nom de quelle expérience, au nom de quel vécu ? Rien, dans leurs métiers, qu’ils soient du domaine du divertissement ou de celui de la culture, ne leur donne mandat pour interpeller collectivement, en tant que réunion des artistes, le gouvernement et « le » politique. Certes, comme toute femme, tout homme, ils ont leur mot à dire. L’expérience Meetoo leur est certainement montée en tête et les voici qui se prennent pour les prédicateurs du XXI° siècle !
Espérons tout de même que leurs jugements soient plus clairvoyants que ceux de Marion Cotillard ou de Juliette Binoche à propos du 11 Septembre !
Le texte des scientifiques de 2017 allait jusqu’à réclamer une régulation de la population mondiale afin de circonvenir l’apocalypse annoncée.
Le texte des « 200 » publié ce 4 septembre 2018, comprend 241 mots, dont deux fois le mot cataclysme et deux fois le mot effondrement, tout en affirmant que les humains et autres espèces vivantes sont en situation critique. D’aucuns nomment cela la pédagogie de la catastrophe !
Or, il est de plus en plus évident que la catastrophe annoncée à grands cris ne mobilise pas grand monde. Soit parce que sa présentation est beaucoup trop caricaturale pour que l’on y croit ou pour que l’on estime pouvoir jouer un rôle pour la retarder. Soit parce que l’on en est convaincu, tellement convaincu qu’il ne reste plus qu’à suivre les conseils de Pascal Obispo et de Michel Fugain : penser à autre chose et chanter … ou prier. Les films catastrophe nous ont longuement représenté ce que sont les réactions des humains lorsqu’on leur apprend leur mort certaine pour dans un moment, pour demain ou dans les semaines ou mois à venir. Ils deviennent des lâches prêts à tout pour sauver leur peau, leurs biens ou alors, ils deviennent des héros ordinaires dévoués à tenter de sauver leur famille, puis leurs voisins, puis …
Plus fondamentalement, comment imaginer que des hommes et des femmes bercés par des siècles de culture leur inculquant le droit à se servir de la planète et de ses ressources, leur répétant « croissez et multipliez-vous, dominez, asservissez le monde, sa nature, ses espèces », comment imaginer que demain ils puissent croire à leur propre brutale disparition et se mobiliser collectivement pour empêcher qu’elle advienne ?
La thèse est tout à la fois irréaliste, absurde et totalitaire.
Dans leur position de prédicateur un tant soit peu orgueilleux, les « 200 » s’adressent « au gouvernement qui ne saurait être pris au sérieux s’il ne fait pas du sauvetage de ce qui peut encore l’être son objectif premier et revendiqué »
Quel gouvernement ? Un gouvernement mondial qui n’existe pas ? Le gouvernement de la France auquel on peut penser par le biais de la référence très actualisée aux lobbies ? Et où sont les artistes qui vont exiger la même chose du gouvernement allemand, du gouvernement italien, du gouvernement de Donald Trump, du gouvernement de la Chine, du gouvernement des pays dits en développement qui emplissent le continent africain ?
Car, quel gouvernement peut se permettre de prendre des positions radicales et « potentiellement impopulaires » s’il est le seul au monde ? Oui, je sais, la mondialisation vous fait horreur. Et pourtant, le monde est mondialisé !
La démission de Nicolas Hulot ne peut même pas vous être utile, en ce sens qu’il a été désigné comme ministre de la transition écologique. Heureux de quelques petits succès, il a été massacré sur l’autel des porteurs de choix radicaux parce qu’il a concédé que le glyphosate ne pouvait pas être interdit du jour au lendemain, ou parce que la réduction de l’empreinte du parc nucléaire ne se ferait pas, non plus, du jour au lendemain. Quant à la pédagogie de la transition, du passage vers autre chose, il est resté bien silencieux. Tout comme la révolution rouge (celle des marxistes de tous poils), la révolution verte ne se fera pas en passant par un GRAND SOIR !
Lorsque le temps leur est libre, entre deux films ou entre deux chansons, entre deux communiqués de presse, entre deux festivals ou deux émissions TV, pourquoi ces bons donneurs de conseils ne s’engageraient-ils pas dans des associations, ou dans leurs communes respectives, afin de travailler (oui, travailler!) à la réduction des déchets de leur quartier ou de leur ville, à la rénovation de leur centre-ville pour en améliorer les performances énergétiques, à réviser leurs déplacements au quotidien (par exemple, en ne prenant l’avion que si nécessaire et les transports en commun un peu plus souvent !), à diminuer la puissance de leurs véhicules, la surface et le nombre de leurs résidences, la dimension de leurs piscines, à mettre à leur table uniquement des produits de saison produits dans un périmètre le plus réduit possible et non de l’autre coté de la planète, à équiper leur logement et à se vêtir avec des articles durables, fabriqués par de vrais salariés et non des enfants,… ? La liste est longue, trop longue, de tout ce qu’ils pourraient faire. Certes, on ne parlerait pas d’eux, car cela n’aurait intérêt médiatique, … sauf celui de l’exemple.
Nous regrettons fortement que ce texte insignifiant ait bénéficié d’une page entière du Monde, page dans laquelle les deux cents signatures occupent davantage d’espace que les 241 mots de la déclaration : c’est là sans doute une nouvelle concession à la Société du Spectacle.
Car si la révolution verte doit se faire, elle ne se fera que par des petits pas quotidiens, résolus et déterminés, nous engageant toutes et tous, dirigeants comme salariés, élus comme citoyens, ici et là-bas à l’autre bout du monde, par la pédagogie de l’exemple, de la persuasion et de la conviction.
Catégorie : Ecologie
Où va-t-on atterrir ?
La décision de mettre un terme au projet d’aéroport à Notre Dame des Landes a été accueillie par les français comme une bonne décision, et ceci pour quasiment trois sur quatre d’entre eux . Il est évident que cette décision a le grand mérite de solder une « affaire » s’éternisant depuis trop longtemps. Le risque d’un affrontement lourd et durable est ainsi écarté. Et Nicolas Hulot peut se maintenir à l’environnement, ce qui n’est pas un mince bénéfice pour le gouvernement.
L’approbation des français s’assimile bien davantage à un « ouf » de soulagement, empreint d’un peu de lâcheté, qu’à un réel assentiment politique. Ce dossier n’a que trop duré, tel est leitmotiv de tous. Et le report au printemps d’éventuelles opérations d’évacuation des lieux contribue à cette satisfaction générale.
Nous sommes cependant en droit de nous interroger sur l’aspect politique de cette décision, et de la considérer comme un échec de la démocratie. D’aucuns sont allés jusqu’à parler de déni de démocratie. Sans aller aussi loin, il est nécessaire de rappeler que ce dossier de l’aéroport de Notre Dame des Landes est vieux de plus de cinquante ans puisqu’il date de … 1967 ! La ZAD (Zone d’Aménagement Différé) est créée en 1974 et les choses s’endorment jusqu’en 2000. En 2009, puis en 2012, les opposants s’organisent et une opération d’expulsion des contestataires cristallise les mécontentements: les zadistes tiennent les lieux !
Sous une forme ou sous une autre, des dizaines et des dizaines de recours en justice sont rejetés par les tribunaux. En 2012, une Commission du Dialogue conclut à l’utilité du projet. En 2016, un référendum imaginé par François Hollande se traduit par plus de 55% d’avis favorables pour l’aéroport. Dans sa campagne électorale, Emmanuel Macron s’engage à réaliser ce projet. Rien n’y fait, l’occupation des lieux empêche toute évolution du dossier.
Les zadistes ont-ils gagné quelque chose pour autant ? Malgré leurs proclamations de victoire, rien n’est moins certain. Certes, l’aéroport ne se fera pas. Certes, les terres retourneront à leur usage agricole. Mais l’aéroport historique de Nantes sera agrandi, multipliant les nuisances au plus proche de la ville. Et la dénonciation idéologique des « projets inutiles », qui fait leur fond de commerce, s’éteint avec le renoncement à poursuivre ce dossier. Cela est tellement vrai que les revendications qui s’élèvent actuellement ne portent que sur la possibilité de certains à pouvoir rester sur place et poursuivre une expérience de retour à la terre.
L’expérience du Larzac est mise à contribution, alors qu’une différence manifeste existe avec la situation de Notre Dame des Landes. Au Larzac, au cours des années 1970-1980, ce sont plusieurs dizaines d’agriculteurs qui ont été menacés d’expulsion afin de permettre la création d’un espace d’entraînement de l’armée. Ces agriculteurs sont d’authentiques « anciens » du pays ainsi que des néo-ruraux qui, dans la suite de l’esprit de mai 68, se sont implantés et ont réhabilités des exploitations en ruines. Une réelle économie pastorale existe en 1970 sur le Larzac : élevage de brebis (plus de 100000 !), production de lait (pour le roquefort) et de fromages. Le ministère des Armées s’était lourdement trompé en déclarant ce pays quasiment vide ! 43 ans plus tard, en 2013, il y a 54 baux signés avec la Société Civile d’Exploitation des Terres du Larzac et plus d’une vingtaine d’exploitation ont leur siège social sur les terres du Larzac.
Il n’y a rien de tel à Notre Dame des Landes ! Si l’on excepte les exploitants agricoles qui n’ont jamais cessé d’utiliser des terres dont ils ont été expropriés et qu’ils vont recouvrir, rares sont les « zadistes » présents sur le site a avoir développé une activité économique, aussi modeste soit-elle, on trouve deux, voire trois, boulangeries, quelques serres potagères, une salle de concert et une bibliothèque, deux structures liées à l’occupation des lieux …. La revendication de pouvoir rester sur place vise à permettre à certains de poursuivre leur rêve d’autarcie, de refus de la société, de décroissance et de rejet d’un fonctionnement démocratique. Ils ne disposent pas de baux, ne payent aucun loyer, ni aucun impôt, ne sont raccordés à aucun réseau d’eau, d’hygiène …
Autant ce choix de vie est peut-être respectable, autant il ne saurait servir de modèle à notre société. Dans leur grande majorité, les « zadistes » sont des jeunes exclus de la société, qui se sont exclus ou qui se sentent exclus de celle-ci. Il est important de comprendre pourquoi est ressentie si vivement cette exclusion qui n’est pas toujours économique, mais qui est parfois largement politique et idéologique, puisqu’il s’agit de l’un des concepts de base de l’écologie radicale. Vivre en autosuffisance est considéré comme une forme de résistance au gouvernement ou à tous les pouvoirs, en mettant en œuvre un fonctionnement collectif limité à de petits groupes, et en nommant ceci « démocratie » !
Dans « Le Monde » daté du 20 janvier est décrite la situation d’une « famille de trois personnes, les parents et une petite fille, vivant dans un village de 1000 habitants. Ils vivent dans une yourte de 30 m², sans électricité, sans eau courante, avec 1400 € par mois, soit sous le seuil officiel de pauvreté. Insérés dans un groupe d’une cinquantaine d’alternatifs, ils font leur potager et vivent de peu. Ils estiment « vivre bien ». La vie communautaire leur permet d’accéder gratuitement aux ressources communes et d’autofabriquer l’alimentation, l’habitat, l’énergie. Leur modèle est celui d’une polyactivité vivrière (boulangers-paysans), avec vente du surplus ». Ils ne sont donc pas totalement en dehors de la société marchande, mais ne participent que marginalement à l’économie.
Est-ce la société de décroissance que nous désirons ? Est-ce ainsi que les hommes doivent vivre ?
Est-ce une orientation que l’Etat peut (et doit) accepter, voire prendre en considération ?
Dans ce comportement de repli sur soi, de rejet de la société dite de consommation, il y a une radicalisation qui n’a rien de commun avec ce qui s’est passé voici cinquante ans sur le Larzac, ni rien de commun avec ce que vivent aujourd’hui les exploitants du Larzac.
Alors, que faire si l’on désire mettre un terme à ce genre de situations ou, à défaut, éviter qu’elles se reproduisent ?
- La première des urgences consiste à réviser les procédures qui accompagnent la mise en route de projets d’équipement et de développement des territoires. Notamment en favorisant le débat systématique, en déployant des process de publicité et de communication. Les décisions municipales, départementales, régionales, de l’Etat, ne sont pas suffisamment commentées et débattues.
Est-il normal que des projets s’étirent pendant cinquante ans, ou même quinze ou vingt ans. Le dossier d’un projet d’équipement devrait être limité dans le temps. Si rien n’est engagé au bout de x années, le dossier devrait être caduc et totalement reconsidéré. Cela permettrait de prendre en compte les évolutions technologiques, environnementales, démographiques, économiques, d’emploi, … Il ne s’agit pas d’engager un dossier par la mise en place de barrières de chantier ou la pose d’une première pierre. Non, il s’agit que la réalisation du projet soit fermement initiée. - Est-il normal que les projets de fermes éoliennes ne se réalisent (quand ils se réalisent!) que plus de cinq ans après la dépose du dossier ? Est-il normal que les types d’éoliennes envisagés voici cinq ans doivent impérativement être mis en œuvre, alors que la technologie a fait pendant ces cinq années de considérables progrès en matière de rendement et de silence ?
- De la même manière, les recours devraient être contraints dans le temps et dans leur nombre. Sitôt la publication d’un projet, une période de recours devrait s’ouvrir, période limitée dans le temps. L’invitation faite à la justice de traiter les recours dans un délai raisonnable semble indispensable. Il n’est pas possible de considérer un dossier caduc après une latence de x années si, par ailleurs, les recours peuvent être déposés les uns après les autres, sans limite de délai : recours concernant l’eau, concernant l’halieutique, les tritons à pattes palmées, les petites fleurs, etc, etc … dans le seul but de retarder indéfiniment la réalisation du projet.
Les choses ne sont certes pas blanches ou noires. Chaque citoyen doit pouvoir trouver son cadre de vie et son équilibre. Au-delà de la question de Notre Dame des Landes et des diverses ZAD que comprend notre pays, se pose une réelle question sociétale. Peux-t-on vivre durablement sur les marges de notre économie ? Peux-t-on vivre avec le RSA pour seul revenu assuré ? Au-delà de cette dernière question, c’est la théorie du revenu universel qui est interrogée.
Center Parcs et l’emploi
La défense de l’emploi n’est pas le premier objectif des opposants au Center Parcs de Roybon. Nous avons pu voir (Pour-quelques-arpents-de-bois-et-de-champs-bons-à-rien) que leurs préoccupations (écologistes comme zadistes) visent plutôt la reconstruction de notre société afin de la rendre plus simple et plus joyeuse, en passant par la décroissance et, donc, une critique fondamentale de notre démocratie.
Au travers d’un ensemble de critiques, l’emploi est pourtant l’un de leurs arguments majeurs: les emplois offerts ne sont que des emplois précaires, Center Parcs exerce un chantage à l’emploi, …
Essayons de faire un tour d’horizon de cette question.
En commençant par un examen de la situation de l’emploi dans la région concernée, grâce aux services de l’INSEE que tout un chacun peut aller consulter. La Communauté de Communes Bièvre Chambaran dont Roybon était partie prenante comprenait en 2011, 1335 jeunes de 15 à 24 ans dont 674 étaient actifs, c’est à dire qu’ils avaient quitté soit le système scolaire, soit une formation. Parmi ces 674 jeunes actifs, 530 disposaient d’un emploi, soit 78,6 % d’entre eux. Ce qui signifie que 144 étaient sans emploi.
Cette Communauté de Communes a désormais fusionné avec la Communauté de Commune Bièvre Liers dont la ville-centre est La Côte Saint-André. En 2011, toujours selon l’INSEE, les jeunes de 15 à 24 ans étaient 2404 sur ce territoire, dont 1265 étaient actifs (hors scolarité ou formation). 1005 d’entre eux disposaient d’un emploi soit 79,4 %. Ce qui signifie que 260 d’entre eux étaient sans emploi.
Au sud du territoire des Chambarans se trouve un autre territoire, celui du Pays du Sud Grésivaudan (un nom que l’on ne trouve même pas sur les cartes !). Sa ville-centre en est Saint-Marcellin, ses principaux centres sont Vinay et Pont-en-Royans. Voici les statistiques de l’emploi des jeunes sur ce territoire.
En 2011, les jeunes de 15 à 24 ans sont au nombre de 4236. Un peu plus de 46 % d’entre eux (1964) sont encore en formation. Parmi les actifs, 1557 ont un emploi et 559 sont chômeurs.
Dans un précédent post, nous avons vu que le taux national de chômage chez les actifs de 15-24 ans est de 25 %. Il est de 20,8% dans le nouveau territoire qui inclut Roybon. Il est de 24,6 % dans le territoire du Pays Sud-Grésivaudan. Sur ces seuls deux territoires, ce sont 963 jeunes de 15 à 24 ans qui n’étaient plus scolarisés ou en formation et qui n’avaient pas d’emploi en 2011. Un millier de jeunes qui sont chômeurs !
Dans la méconnaissance totale de ces chiffres, les opposants au Center Parcs répètent à l’envie ce premier argument: Pierre et Vacances, comme tant d’autres industriels ou aménageurs exercent un chantage à l’emploi. Il n’est pas besoin qu’ils exercent le moindre chantage afin d’obtenir des aides, des soutiens, des financements publics: tous les élus responsables, tous les organismes en charge de l’insertion des jeunes et moins jeunes dans le travail sont à l’affut de tels projets de développement car ils y trouvent des réponses aux besoins de leurs populations, et des jeunes en particulier.
Perturbés par cette analyse (on ne peut pas être globalement contre des emplois !), les opposants inventent alors un second argument: ce sont des emplois précaires, des emplois non permanents, des emplois mal rémunérés, des emplois dont on démissionne vite, …
L’actualité vient nous apporter quelques enseignements sur cette question. En mai 2015, le Center Parcs de la Vienne doit ouvrir, Center Parcs du Bois aux Daims. La société ELIOR, concessionnaire des activités de restauration dans les Center Parcs de France recrute actuellement ses salariés sur le site « emploi » du Conseil Général de la Vienne.
Les offres sont les suivantes (n’hésitez pas, il ne reste que quelques jours pour les saisir !).
1 – Gouvernant(e) nettoyage: CDI de 35 heures, salaire de 1516 à 1800 € + 13° mois.
2 – Gouvernant(e) adjoint(e): CDI de 35 heures, salaire de 1459,62 € + 13° mois.
3 – Agent technique de nettoyage: CDI de 9 heures, salaire 9,53 €/h + 13° mois?
4 – Commis de cuisine: CDD/CDI de 35 heures, salaire 9,55 €/h.
5 – Cuisinier: CDD/CDI de 35 heures, salaire 9,60 €/h.
6 – Chef de partie: CDD/CDI de 35 heures, salaire 10,21 €/h.
7 – Chef de cuisine: CDD/CDI de 35 heures, salaire 11,86 €/h.
8 – Serveur: CDD/CDI de 35 heures, salaire 9,60 €/h.
9 – Chef d’équipe restauration à table: CDD/CDI de 35 heures, salaire 10,21 €/h.
10 – Equipier de restauration: CDD/CDI de 35 heures, salaire 9,60 €/h.%%%
11 – Chef d’équipe restauration et retail: CDD/CDI de 35 heures, salaire 10,21 €/h.
Nous ne ferons aucun commentaire quant au niveau de précarité ou de rémunération de ces emplois. Chacun est libre d’en juger. Nous constaterons sobrement que ce sont des emplois et que ces emplois peuvent convenir aux demandeurs d’emploi de nos territoires, principalement aux jeunes.
Quant à la dimension économique de ces emplois et de l’implantation d’un Center Parcs, nous ferons, encore une fois, appel aux analyses de l’INSEE. En avril 2011, un an après l’ouverture du Center Parcs des Trois Forêts, dans le Pays de Sarrebourg, une longue et complète analyse (http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=17266) de cette structure touristique a été publiée par l’INSEE, signée par Philippe Debard et Olivier Serre.
Il est impossible de passer sous silence les grandes lignes de ce document qui précise qu’avec 606 emplois et 26 intérimaires, le Center Parcs est devenu le 6° employeur du Bassin Lorrain. Ces 632 emplois représentent 470 équivalent-temps-plein (ETP) et les 2/3 sont en CDI. Les salaires sont considérés comme relativement bas et en tout état de cause inférieurs aux salaires d’hôtellerie pratiqués dans le bassin d’emploi.
Le recrutement est extrêmement local, les cantons immédiatement voisins fournissant à eux seuls plus de la moitié des effectifs salariés.
Autre constatation particulièrement signifiante: le recrutement joue un rôle social important. 59 % des nouveaux salariés étaient auparavant au chômage et 11 % étaient bénéficiaires du RSA. La création du Center Parcs est à l’origine d’une réduction de près de 10 % des chômeurs inscrits, essentiellement des jeunes et des femmes.
Il était, un an après l’ouverture, encore difficile d’estimer l’incidence en termes d’emplois locaux que l’activité même du Center Parcs pouvait initier. Cependant, plus de 90 emplois locaux ont été directement générés par les revenus des salariés du complexe touristique.
Il FAUT lire ce document sincère et honnête, qui ne cache pas les insuffisances (un turn-over de 30 % des salariés après 4 mois, par exemple) et les défauts de ce type de développement économique, mais qui, en tout état de cause, interdit de traiter avec légèreté et suffisance de la question de l’emploi et de la réponse qui y est localement apportée.
Il faut d’autant plus le lire qu’il apporte des réponses aux questions relatives à la gestion des Center Parcs et aux ressources générées auprès des Collectivités.
L’emploi,en France et en Europe, est loin d’être une question simple. Actuellement, une énorme majorité des contrats de travail est constituée de contrats courts, à durée déterminée. Il n’est pas envisageable que ce soit Roybon et son Center Parcs qui puissent changer en quoi que ce soit une situation qui est celle de tous les pays occidentaux !
Et ce n’est pas, non plus, la construction de barricades dans la boue et la neige qui fera avancer ce débat en quoi que ce soit.
Mais qui sont les zadistes
Extraits de Libération du 21 décembre 2014 (http://www.liberation.fr/societe/2014/12/21/j-ai-pris-un-conge-sans-solde-et-j-ai-rejoint-la-zad_1168216).
1 – MIL a 30 ans. Il est ouvrier viticole dans la Drôme. Il vient deux jours par semaine, pendant ses congés, sur la ZAD. Il apporte du matos. Il ne se sent pas assez militant pour tout plaquer.
2 – MERLIN a 32 ans. Il est du coin. Il a fait Notre-Dame des Landes, Decines, Sivens où il occupait l’un des derniers arbres à être tombés. Il a acquis un mode de vie de partage des connaissances qui prouve que l’on peut vivre autrement. Il compte bien se poser et créer un truc qui associera viticulture, maraîchage et arboriculture … plus tard.
3 – CAMILLE a 22 ans. Le Bac, un BTS puis un début de licence en management qu’il a abandonné. Il a passé un Bac Pro horticulture. Découvre le milieu libertaire dans la Sarthe et n’a aucune envie de vendre sa force de travail. Reste trois mois à Sivens. Et pense à son terme à son projet de vie, par exemple dans une ferme communautaire.
4 – TROY a 22 ans. Il est infirmier et a pris un congé sans solde pour être présent à Roybon. Il a peur que la France finisse par être recouverte de lotissements et de centres commerciaux. Ici, il y a des gens qui parviennent à faire des choses ensemble, à discuter. Pour changer le monde, il ne faut pas se limiter à ce que la société nous dit de faire.
5 – PIERRETTE a 22 ans. Elle a un BTS en gestion et protection de la nature, dans la Drôme. Elle a trouvé sur la ZAD la vie en collectivité, l’entraide, le soutien à une lutte. Elle a appris à construire des cabanes, à grimper dans les arbres, à faire des fours en terre cuite, à se protéger, par exemple avec du citron contre les lacrymogènes, à communiquer, à filmer ….
6 – MARIE-JOSEPHE a 70 ans. Elle vient tous les jours sur la ZAD parce qu’ici, c’est le cœur de la vie. Elle se dit que tout n’est pas foutu et que tout reste possible. A savoir, défendre la terre, l’eau, la nature qui nous donne la vie…
Extraits du Nouvel Obs du 19 décembre 2014 (http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20141219.OBS8380/carte-le-tour-de-france-des-zad-et-des-lieux-de-crispation.html).
7 – RICHY a 42 ans. « Vadrouilleur », il est d’origine lyonnaise et veut vivre dans une société gratuite, autogérée et collective.
8 – JEAN-CLAUDE a 66 ans. Il est retraité et vit à quelques 30 km de là. Evitant de parler de décroissance, il rêve de la sobriété heureuse et pense que l’on peut faire autre chose que de tels grands projets, des chambres d’hôtes par exemple.
9 – NINA a 20 ans. Elle vit comme saisonnière. Son rêve est de produire son miel, son lait, son fromage de chèvre et, pour le reste de ses besoins, y accéder par un fonctionnement de troc local.
10 – VINCENT a 27 ans. Après avoir abandonné ses études de géographe à Grenoble, il s’est réorienté vers une formation agricole et travaille dans une exploitation collective spécialisée dans les légumes bio à Saint-Antoine.
Merci à ces deux médias que sont « Libé » et « Le Nouvel Obs » pour avoir réalisé ce travail d’interview de quelques militants qui occupent la MaquiZad de Roybon. Au fait, le nom de MaquiZad ne vous fait penser à rien de particulier ? Et pourtant, c’est bien une journaliste du « Monde » qui a cru intelligent de situer les Chambarans « au pied du Vercors » ! Le réflexe subliminal étant bien provoqué, il n’y avait plus qu’à l’exploiter: ici; on fait de la résistance !
Une dizaine d’interview, c’est peu et c’est beaucoup, si on les rapporte au nombre d’occupants de la Maison Forestière de la Marquise (avec un R) qui ne doivent pas dépasser la vingtaine, dans le froid, le brouillard et la boue.
Deux constatations s’imposent immédiatement: ils sont jeunes, en fin d’études ou ayant abandonné leurs études. Ils n’ont pas d’emploi stable et n’en cherche absolument pas. Ils sont quasiment tous orientés vers un retour à la terre et aux travaux agricoles, Retour au travers duquel ils se déclarent en accord avec leur militantisme en faveur de la décroissance (ou de la « sobriété heureuse »). Ceux qui ne sont pas les plus jeunes sont des retraités qui sont restés baba-cool.
Pour mieux comprendre ce qu’ils « apprennent » lors de ces périodes combattantes, voici le calendrier des ZADteliers prévus en cette fin décembre.
Dimanche 21 décembre, à 14 heures, Educ’citoyenne suivie de la Fête du solstice d’hiver.
Lundi 22, à 14 heures: conserves.
Mardi 23, à 14 heures: permaculture (art de cultiver la terre pour qu’elle reste fertile indéfiniment).
Samedi 27, à 14 heures; réunion d’info sur Center Parcs, thème hydrologie.
Dimanche 28, à 10 heures; atelier sublimer les souches de la forêt. A 14 heures atelier premiers secours.
Lundi 29, après-midi; cueillette et cuisine des plantes sauvages de nos régions. A 17 heures, session feu et en soirée bal folk.
Mardi 30, à 14 heures, pâtisserie.
Ne nous moquons pas ! Même s’il ne doit pas y avoir beaucoup de plantes sauvages à cueillir pour les cuisiner un 29 décembre dans les bois de Chambarans (ha, peut-être au Bois de Gargamelle !)
Ce comportement et ce discours rejoignent bien l’analyse que [nous avons faite (Pour-quelques-arpents-de-bois-et-de-champs-bons-à-rien) de leur idéologie: ce sont des décroissants. Quant à leur discours, il dénonce en permanence la société de commerce, de profit, la collusion des élus avec cette société et l’appel à une démocratie directe à laquelle ils participeraient à l’évidence.
A ce point de notre analyse, une grande inquiétude nous saisit. Ce ne sont pas des notions nouvelles, Nous avons déjà parlé de la Génération Y (Génération-Y-génération-quoi-génération-sacrifiée-…), ou Génération Millénium. Cette génération de ceux qui sont nés entre le début des années 80 et le début des années 2000, qui ont donc entre 15 et 35 ans, ne veut pas devenir adulte (http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/12/27/la-jeunesse-actuelle-a-t-elle-envie-de-devenir-adulte/). Elle ne veut ni mariage, ni enfants, ni salaire, ni maison !
Avec un taux de chômage de 25 % chez les 15-24 ans et de 47 % chez ceux d’entre eux qui n’ont que le brevet ou aucun diplôme, il est possible de comprendre que la situation qui leur est faite puise entraîner un tel comportement.
Et si les zadistes n’étaient que la frange avancée et radicale de cette jeunesse désillusionnée ?