Trois annonces en moins de 48 heures remettent sur le tapis la question du prix du pétrole et soulignent la complexité de la question. J’ai beaucoup d’affection pour Michel Rocard, mais il est un peu léger et réducteur de sa part de n’affecter qu’au seul rôle des spéculateurs et hedge funds la hausse de cette matière première. Dans un précédent post (Où-l-on-reparle-du-prix-du-pétrole-…] , j’ai eu l’occasion de le dire: la spéculation ne “prend” que sur un terrain favorable, elle ne fait qu’amplifier des mouvements de fond.
Or, quels sont les mouvements de fond ?
1) L’Agence Américaine de l’Energie revoit à la hausse ses prévisions de consommation mondiale du pétrole. A cause d’une légère reprise en Occident, mais surtout d’une forte demande en Asie. Si la consommation mondiale a diminué de 1,79 millions de barils par jour en 2009 par rapport à 2008, elle pourrait ré-augmenter de 1,10 millions de barils par jour en 2010. Nous ne serions donc qu’à – 700 000 barils par jour de la consommation de 2008, année de la crise. Quelles seront les conséquences de cette reprise de la consommation ? Le prix du baril serait de 75 dollars d’ici à décembre 2010 « parce qu’une forte offre persiste sur le marché ». Qu’en sera-t-il en 2011 ?
2) La Banque Mondiale, pour sa part, s’attend à une demande faible en 2010. Elle estime que le prix moyen du baril serait de 63 dollars (lissé sur un an), au lieu de 55,5 dollars en moyenne en 2009.
3) Enfin, Francisco Blanch, analyste chez Merrill Lynch , est convaincu que le prix du baril va s’envoler de nouveau et ceci pour trois raisons:
- parce que le marché du pétrole marche de pair avec celui des devises qui se préparent à de grandes tensions,
- parce que l’OCDE poursuit une politique monétaire laxiste,
- et parce que des mesures concrètes pour réduire la demande mondiale en pétrole ne sont pas adoptées.
Toutes ces raisons font que le prix du baril pourrait atteindre 82 dollars en 2010 et plus de 100 dollars à l’approche de 2011.
En bref, tout semble redevenir comme avant. Parce que l’on ne change ni de modèle de consommation, ni de modèle financier, ni de modèle économique, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Il est même des commentateurs si optimistes qu’ils n’hésitent pas à annoncer le retour de la prospection pétrolière et des annonces faramineuses qui lui sont liées. C’est ainsi que dans le Golfe du Mexique et au large du Brésil, des gisements “géants” viennent d’être découverts … à 11 kilomètres de profondeur, sous une croûte de sel de 2 km et pour un coût de 240 millions de dollars LE forage !!
Ces “découvertes” ne font que ralentir quelque peu la baisse des réserves mondiales connues. Et, surtout, leur coût d’exploitation (est-elle seulement possible ?) ne saurait plaider en faveur d’un pétrole bon marché.
N’est-il pas temps de passer à d’autres modèles ?