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Ecriture

Atelier d’écriture III

Le chœur des arts

24 mars 2014

Avec ses cheveux flottant au vent
et ses ballons roulant au sable,
le petit garçon est perdu au bas du tableau.
Toute la foule s’y répand
en un vaste enchevêtrement, un mélange, un brassage,
hommes et femmes, nus, se préparent à la baignade
par de longues reptations élastiques et animales.
Un doute nous assaille. Une vaste interrogation.
Pourquoi ce peintre du dimanche au coin droit de la plage ?
Pourquoi ce tableau au mépris des canons classiques ?
Pourquoi cette utopie chromatique, cette révolution esthétique ?
L’œuvre qu’il peint, cette forme rebelle au travail, est un collage de lignes qui se croisent régulièrement,
dont les couleurs complémentaire s’accordent et vibrent
sous son pinceau et ses brosses.
Un astre, tel une fleur dorée aux larges pétales s’y trouve.
Ce cœur battant irrigue toute la toile.
Comme des vagues de lumière rasante,
l’ensemble prend forme et les fleurs rêvent qu’il fait soleil.
Sur le fond du tableau, au sommet d’une courte falaise,
devant des collines crayeuses,
deux jeunes filles en amazone sur un cheval
dont la croupe s’orne d’une magnifique queue,
avancent en mesure.
Le ciel, en plein jour, s’illumine d’un cercle d’étoiles.
Nait alors une musique envoûtante, rythmée et primitive :
Celle du Sacre du Printemps.


Territoire sauvage

14 avril 2014

Il y avait bien dix minutes que le petit tas de poudre de cade avait été enflammé. La fumée s’échappait par les minuscules orifices du cône de terre cuite qui le recouvrait, et envahissait la pièce, totalement close, dans laquelle nous nous trouvions.

Sur le mur qui nous faisait face s’alignait une collection de masques africains. L’un d’eux, plus particulièrement, attira notre attention car il devenait vivant . Ses yeux mi-clos et sa bouche édentée nous appelaient vers lui, malgré son aspect mystérieux, énigmatique, un peu inquiétant aussi.

C’est alors, je crois, qu’il est descendu du mur après avoir pris corps. Sa parure de cauris s’était complétée d’un lourd pectoral de bronze sur lequel des rangées de coquillages formaient un décor géométrique. Plus bas, deux longues jambes athlétiques complétaient le personnage.

Il s’approcha de nous, se plaça entre nous deux et nous prit par la main. Il nous guida vers le fond de la pièce, au travers de la fumée, où une porte invisible s’ouvrit et nous laissa passer sans aucune intervention de quiconque.

Tous ensemble, nous fîmes notre entrée dans un territoire sauvage, sorte de lagune flottant dans les airs, un mélange de terre, de sables, de plantes évanescentes, de marais et marécages, de fleurs odorantes et entêtantes. Nous ne marchions pas vraiment, animés par un mouvement lent de déplacement auquel nous ne pouvions que souscrire.

Le ciel, d’un bleu rosé, était parcouru de nuages légers et éthérés qui se déplaçaient à vive allure en direction de l’horizon, comme des nappes colorées et silencieuses.
Après quelques instants de marche, nous arrivâmes sur les bords d’une vaste étendue d’eau, calme, à peine agitée de vaguelettes insonores, qui nous fit penser à la mer ou à un immense lac. Sa rive opposée était faite d’une haute falaise, à l’aspect rébarbatif et imprenable. Le sommet était cerné de nuages noirs d’où jaillissaient d’incessants éclairs. La quiétude du marais et de notre bord de lac tranchait singulièrement avec cette agitation tumultueuse. Entre la mer où notre esprit se coulait et la montagne où notre corps se serait épuisé, un étrange mariage se célébrait et nous invitait à entrer en communion avec les esprits.

Plantées dans le sable du rivage, des planchettes noircies se terminaient en statuettes africaines, ornées de ficelles et de cordes. A leur pied des volutes de fumée s’élevaient et s’éparpillaient dans un air étrangement odorant. Main dans la main, vêtus tous deux d’un rustique gilet en laine de mouton et dont l’odeur nous anesthésiait, nous nous élevâmes tout doucement, débutant une sorte de vol plané lent et presque immobile ….

 »Merde ! Ça fait mal, je viens de tomber du lit … »

C’était le Couvent des Carmes (DR)

Une escapade au couvent

16 juin 2014

L’Irlande est un bien curieux pays, où les Orangistes défilent parmi les racines pierres et les chênes couverts de gui, où les catholiques s’affrontent aux tanks anglais et barbouillent les murs de slogans vengeurs.

Le Couvent des Carmélites y est un bien curieux couvent, qui abrite quelques centaines d’enfants abandonnés par leurs mères sous la pression de la morale. Que reste-t-il d’eux ?

La sœur portière y est une bien curieuse religieuse qui monte sur la poutre, en ligne avec la crémaillère, avant de tomber en quenouille, robe par-dessus tête.

L’abeille brune y est un bien curieux insecte, qui glane son miel dans les fleurs de paille afin d’en faire une mousseline de sirop.

Et quant à moi, je suis un bien curieux narrateur qui vient de manger deux cookies au cannabis, cette sorte de chanvre amélioré. L’inspiration m’habite, je suis prêt à décoller… Mais pour aller où ?

Les allées rectilignes du jardin se mettent à danser, les carrés de jardinier, fleurs soignantes ou plantes carnivores, s’arrondissent ou ondulent sous le vent. Un sapin de satin joue du soir au matin. En automatique, les plantes aromatiques écartent les orties qui chatouillent. Je suis le jardinier créateur.

Si l’on veut bien tout d’abord écouter, nous apprendrons toutes les histoires que l’on doit vivre ensemble et nous ferons de chaque matin une fête bleue, une fête sauvage. Nous ne saurons jamais tout, ni tout à fait. Alors, laissons à la poésie, à l’amour et à l’imagination le soin de nous consoler.

Et peut-être que les sœurs du couvent n’attendent que nous pour célébrer le monde et le ré-enfanter. Allez savoir …