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Culture numérique

Pourquoi quitter la plateforme de blogs du « Monde »

Aucun billet depuis plus d’un mois ! Et pourtant aucune inactivité, puisque la décision a été prise de transférer la totalité de ce blog vers une plateforme “indépendante”, celle de Gandi. Une possibilité dont il a été question il y a quelques temps déjà, lors de la “grande panne” de la plateforme du “Monde” (panne dont les stigmates n’ont jamais été effacés !).

Ce transfert s’est révélé être une lourde opération. Il y a sans doute des outils permettant de transférer et d’adapter un blog sous “Wordpress” vers le même blog (contenu identique) sous “Dotclear”. Ce transfert a pourtant été réalisé “à la main”, billet par billet. Cela a permis de relire chaque billet, de corriger quelques fautes d’orthographe, de valider les liens (certains étaient morts ou devenus payants) et d’en relire attentivement le contenu. Bien sincèrement, il n’y a pas de quoi avoir honte de ce qui a été écrit dans ce blog depuis bientôt quatre ans.

Les commentaires, malheureusement, n’ont pas été repris à une ou deux très rares exceptions près en raison de leur intérêt particulier ou du lien pertinent qu’ils comportaient avec un autre site. Que tous les autres “commentateurs” veuillent bien accorder leur pardon.

Les raisons de ce départ sont nombreuses et ne sont pas toutes de même ordre.

La première raison, déjà abordée dans les premiers temps de ce blog, tient à l’organisation de la plateforme du “Monde”. Plusieurs catégories de blogs coexistent et cohabitent et la visibilité (ou lisibilité) de chacun n’est pas identique. Les premiers sont les blogs de la rédaction (ou des rédactions) et des journalistes du “Monde” et du “Monde.fr”. De façon générale, ces blogs apportent quelques précisions à tel ou tel article ou dossier. Ils permettent une continuité de perception. Il est singulier de noter que nombre d’entre eux sont très irrégulièrement tenus à jour. Il y a ensuite les blogs invités qui apportent un éclairage nouveau sur des sujets variés et appartenant à l’une ou l’autre de ces catégories: international, politique et société, économie, sport, planète, culture, technologie et gastronomie. Mais au fait, les auteurs de ces blogs sont invités dans quel contexte ? Comment prennent-ils en compte l’orientation du “Monde” ? Prenons l’exemple d’Oil Man (http://petrole.blog.lemonde.fr/), le remarquable blog de Matthieu Auzanneau consacré à la finitude du pétrole: il est difficile d’y retrouver une tendance forte de la ligne rédactionnelle du journal !! Il y a ensuite les blogs sélectionnés. Ce sont des blogs rédigés par des abonnés qui ont passé une sorte de deal avec la rédaction et qui sont rémunérés pour une écriture régulière de billets sur leurs pages respectives (les invités également sont rémunérés). Pour ces blogs sélectionnés, la question de leur relative concordance avec la ligne éditoriale du journal est encore plus pertinente que pour les invités. Pour rester dans le domaine de l’écologie (un domaine qui nous intéresse éminemment), citons Biosphère (http://biosphere.blog.lemonde.fr/) dont les récents billets plaident, encore une fois, pour la suppression de la voiture et qui n’a rien, de près ou de loin, en commun avec la rédaction du journal qu’il qualifie de “croissanciste”.

Et puis, il y a les blogs abonnés, au nombre de 771 ayant mis à jour depuis deux mois, dont celui que vous lisez en ce moment. Belle ouverture d’esprit dont fait preuve cette plateforme, direz-vous. A la nuance près que cette ouverture d’esprit se paie. Et que le droit de la pratiquer dans son blog, dans le respect d’un charte minimale, s’achète. Pour tenir un blog, il convient d’être abonné au Monde.fr. Toute dénonciation de l’abonnement se traduit par la perte de la totalité des données du blog.

Pour comparaison, la plateforme Gandi (http://www.gandi.net/) s’offre à vous sur le simple achat d’un nom de domaine. Il vous reste alors à prendre vos responsabilités, toutes vos responsabilités. Un exemple: celui des spam et des indésirables. Il est fréquent que votre blog, comme tout blog, soit la cible de messages publicitaires ou de messages au contenu excessif, diffamatoire, dénonciateur, raciste, … Officiellement, de par la loi, il est de votre responsabilité de surveiller votre blog et d’en effacer les textes et les commentaires se rapportant à ces catégories. Sur la plateforme du “Monde”, vous n’avez pas à le faire: les “modérateurs” le feront toujours avant vous !! Un exemple ? Le 24 juillet 2008, en pleine crise pétrolière, un certain « Mouvement de libération du pétrole » a spammé les blogs du “Monde” pour annoncer des manifs et interventions musclées. Ses messages ont été immédiatement détruits !!

Payer le droit de bloguer, c’est peut-être bien. Encore faut-il être en accord avec la ligne directrice du journal qui vous héberge, c’est du moins comme cela que je le pense. Cette attitude est-elle une faiblesse ?

Lecteur quotidien du “Monde” depuis 1962, exactement depuis la signature des Accords d’Evian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie, je me sens de plus en plus en désaccord avec les orientations du journal. En désaccord sur au moins trois thématiques.

La première est celle de l’antisarkozysme. Quelques jours après l’élection de Sarkozy, j’ai reçu un mail d’un ami qui me tenait le discours de la nouvelle lutte contre le Président à peine élu, me disant qu’on le ferait tomber sans attendre les prochaines échéances. J’avais trouvé cela peu démocratique, même si je n’avais aucune sympathie pour le nouvel élu. Certains journalistes du Monde, des éditorialistes, voire des rédacteurs en chef dans le Groupe ont pris l’habitude, depuis maintenant quatre ans, de ne pas écrire un seul papier sans y insérer une “attaque” contre Sarkozy et son gouvernement. Didier Pourquery, Rédacteur en chef du Magazine, en est l’illustration flagrante, lui qui consacre systématiquement le point UN de son éditorial hebdomadaire à une critique antisarkozyste. Je tiens cette attitude du “Tout Sauf Sarkozy” comme une grave erreur politique. En effet, à force de détruire la droite sur des motivations qui ne relèvent pas du débat politique, mais de l’affrontement, et face à l’incapacité de la gauche à faire des propositions qui tiennent debout, nous voyons gagner … le Front National ! Le prochain 1er mai lui-même verra peut-être se dérouler des manifestations “Dégage” …. organisées par … l’extrême-droite.

36 % des ouvriers s’apprêtent à lui confier leurs votes ? Le FN devient un parti honorable ? Il le deviendra bien davantage encore quand il aura exclu de ses rangs tous les trublions qui salissent son image, y compris Le Pen père ! Lequel est bien décidé à inventer l’une des phrases scandaleuse dont il a le secret s’il faut aider sa fille à le mettre à la porte pour gagner en honorabilité. La meilleure illustration de ce “rafraîchissement” d’image est à rechercher chez Gianfranco Fini. En 1987, il était Secrétaire Général du MSI, parti fasciste italien. En 1990, il pouvait dire que Mussolini avait été « le plus grand homme d’état du XX° siècle ». En 1995, il solde son passé fasciste et crée l’Alliance Nationale. En 2003, il peut affirmer que « Mussolini est un chapitre honteux de l’histoire du peuple italien » (!!!). En 2009, il fusionne son parti avec le “Peuple de la Liberté” de Silvio Berlusconi. Parti qu’il quitte au cours de l’été 2010 tout en gardant vivaces nombre des liens (notamment dans les municipalités) qui le rapprochent du pouvoir.

Voilà pour l’évolution du FN. Et pour les rapports de force électoraux ? Si demain (2012), le FN arrive en première ou seconde position à coté d’un candidat socialiste, qu’allons-nous faire au second tour ? Appeler à la constitution d’un “Front Républicain” ? Laquelle demande sera accueillie par un vaste éclat de rire par tous les sarkozystes et tous les militants de l’UMP. Ce jour-là, le “Tout Sauf Sarkozy” passera pour une FAUTE politique, mais il sera trop tard.

La seconde thématique est bien plus récente. Elle concerne l’intervention de la France en Libye. Et surtout les appels du “Monde” à intervenir. A deux reprises et surtout l’une dénonçant la “neutralité” de l’Allemagne. Un troisième éditorial vient tout récemment d’aborder la question d’une intervention en Syrie.

Toute l’histoire du dernier tiers du XX° siècle met en évidence que les interventions militaires ne sont jamais ce qu’elles devaient être. Sans compter les victimes civiles, sans compter les inévitables exactions de troupes excitées, la présence d’une armée est toujours une occupation. Et ceux qui ont appelé à l’aide finissent toujours par se retourner contre leur “sauveur”. Parce que les motivations ne sont jamais aussi simples que celles qui consistent à dire que l’on va éviter un drame humain, parce que derrière les militaires, il y a aussi des diplomates, des politiques qui doivent défendre des intérêt ou veiller à la mise en place de nouveaux intérêts. Le droit d’ingérence, c’est tout sauf la guerre. Il doit se limiter à l’exclusion du pays fautif de tous les organismes internationaux, à sa mise au ban des nations, à la suspension ou la suppression de tous les échanges économiques non indispensables à la vie quotidienne des citoyens (marchés, grands contrats, …), à l’assistance humanitaire, à l’aide technique, voire à la livraison d’armes défensives. La guerre ne peut être, ne doit être, qu’un ultime recours lorsque tout a été tenté.

Dans le cas présent, soyons certains qu’AQMI et autres mouvances terroristes sauront retourner la situation à leur avantage.

Enfin, dernier désaccord, plus sur la forme que sur le fond. Tunisie, Egypte, Japon ont été pour “Le Monde.fr” l’occasion de mettre en œuvre, jour et nuit, des “live” qui rassemblaient de nombreux internautes, jusqu’à plus de 20000 simultanément en ce qui concerne la centrale nucléaire japonaise. Naïveté ou non, Le Monde.fr a posé la question: “En faisons-nous trop ?” Etant jamais si bien servi que par lui-même, il a répondu “NON”, au motif que ces “live” étaient porteurs d’émotion et rassemblaient beaucoup de monde. Bref, tout le contraire d’un journalisme de réflexion et d’analyse, tout le contraire d’un journalisme serein.

Toutes ces évolutions rédactionnelles sont largement guidées par le besoin du journal d’être une entreprise rentable, cela on le comprend bien, mais il est excessif de transformer l’actualité en jeu vidéo pour quelques milliers de voyeurs dont le souci premier est de donner les meilleurs conseils possibles (du fond de leur fauteuil) pour arroser Fukushima ou pousser Moubarak vers la sortie. Il s’agit pour l’instant de  »jouer » avec des “révolutions” ou des “catastrophes”, à quand la guerre en “direct live” ?

Ce billet est donc le dernier sur la plateforme du “Monde” et le blog sera progressivement démantelé. Pour trouver le blog successeur ? Il se nomme “Thermopyles” également !!

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